Cour d'appel, 8 novembre 1988, Ordre des architectes de la Principauté de Monaco c/ Ministère d'État

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Abstract🔗

Architectes

État. Construction entreprise par l'État - Recours à un architecte monégasque obligatoire - Absence de discrimination entre les travaux effectués par les particuliers et ceux effectués par les collectivités publiques.

Procédure civile

Question préjudicielle - Compétence du Tribunal Suprême quant à l'appréciation de la validité d'une décision constituée par une attitude négative (non).

Résumé🔗

L'ordre des architectes de la Principauté de Monaco ayant intenté une action en dommages-intérêts contre l'État, en réparation du préjudice résultant de la prétendue violation par ce dernier des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942, qui rend obligatoire le concours d'un architecte monégasque pour l'établissement des plans et devis, et pour le contrôle et l'exécution de travaux exigeant légalement une demande préalable d'autorisation de construire, est fondé à s'opposer à la demande de sursis à statuer du défendeur lequel prétend que la décision querellée, qui consisterait pour l'administration à se dispenser de se délivrer à elle-même un permis de construire, impose préalablement une appréciation par le Tribunal Suprême de cette décision, en application de l'article 90 B 3 de la Constitution, dès lors qu'une telle situation est étrangère au cas d'espèce, étant donné que pour toutes les opérations visées par l'ordre des architectes, le Ministre d'État, es-qualités a délivré des autorisations de construire, étant observé de surcroît que la dispense d'auto-autorisation de bâtir invoquée par l'État, qui s'analyse en une attitude négative ou une réticence de sa part, ne saurait constituer une décision ou un acte administratif propre à être notifié, signifié ou publié, et, partant à pouvoir être attaqué devant la juridiction compétente pour en apprécier la validité.

L'ordonnance souveraine n° 3387 du 25 septembre 1965 se borne à énoncer les cas pour lesquels le Comité Consultatif pour la construction doit être consulté et à préciser sa composition, ainsi que les conditions dans lesquelles il se réunit et statue, sans nullement consacrer, contrairement à ce qui en est déduit par le jugement déféré, une distinction fondamentale entre les projets de travaux exécutés par des particuliers, lorsque ils sont soumis à autorisation préalable, et ceux exécutés pour le compte de l'État ou de la Commune.

Il apparaît dès lors, que c'est à tort qu'après avoir estimé que l'ordonnance souveraine 3387 susvisée opérait une discrimination déterminante, entre d'une part les projets de travaux à exécuter pour le compte de l'État ou de la Commune et, d'autre part, les projets de travaux à exécuter par des particuliers quant au régime dont ils relèvent, les premiers juges en ont déduit que seul ces derniers projets sont, en vertu de ladite ordonnance souveraine, soumis à l'autorisation préalable et, en l'état de cette déduction, ont rejeté les prétentions de l'ordre des architectes demandeur.


Motifs🔗

La Cour,

Statuant sur les appels parte in qua relevés : à titre principal par l'Ordre des Architectes de la Principauté de Monaco et à titre incident par l'État de Monaco, d'un jugement du Tribunal de Première Instance en date du 16 octobre 1986 ;

Référence étant faite pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens et prétentions des parties du jugement déféré et aux conclusions d'appel, il suffit de rappeler les éléments ci-après énoncés :

Saisi par l'Ordre des Architectes de la Principauté de Monaco d'une action en paiement de la somme de 1 F à titre de dommages et intérêts dirigée contre l'État de Monaco en réparation du préjudice résultant de la prétendue violation par ce dernier des dispositions de l'article 9 de l'Ordonnance Loi n° 341 du 24 mars 1942 qui rend obligatoire le concours d'un architecte pour l'établissement des plans et devis et pour le contrôle de l'exécution des travaux pour lesquels la législation en vigueur impose une demande préalable d'autorisation de construire, le Tribunal rejetant : d'une part, la demande de sursis à statuer formée par le défenseur qui invoquait une exception préjudicielle tirée de l'exclusive compétence du Tribunal Suprême, en vertu de l'article 90 B 3 de la Constitution, pour statuer sur le recours en appréciation de validité des décisions administratives prétendues irrégulières, d'autre part les prétentions du demandeur fondées sur le moyen tiré par ce dernier des infractions aux dispositions légales qu'aurait commises l'État de Monaco en faisant exécuter des travaux pour lesquels le Ministre d'État avait accordé des permis de construire sans que les plans réglementaires et les pièces annexes aient été signés par un architecte autorisé à exercer en Principauté et sans que lesdits travaux aient été exécutés sous un contrôle, déboutait par le jugement susvisé actuellement déféré, ledit Ordre des Architectes de la Principauté de Monaco de sa demande et le condamnait aux dépens ;

Au soutien de sa décision, le Tribunal considérait, sur la demande de sursis à statuer, que l'action intentée par l'Ordre des Architectes s'analysait en une action en responsabilité pour faute ne soulevant pas une question relevant du domaine du recours en appréciation de validité de décision administrative et de nature à constituer une question préjudicielle et ressortissait à la compétence de sa juridiction, juge de droit commun en matière administrative ;

Il estimait, sur le fond, que les termes de l'Ordonnance Souveraine n° 3.387 du 25 septembre 1965 relative au Comité Consultatif pour la Construction opéraient une discrimination déterminante entre les projets de travaux à exécuter pour le compte de l'État ou de la Commune, d'une part, et les projets de travaux à exécuter par des particuliers d'autre part, et qu'il en résultait que seuls ces derniers étaient soumis à autorisation préalable en application de l'Ordonnance Loi n° 674 du 3 Novembre 1959 et de l'Ordonnance Souveraine n° 2.120 du 16 Novembre 1959, peu important le fait qu'à l'occasion des opérations immobilières en cause l'État ait cru devoir délivrer des permis de construire suivant une pratique suivie à l'époque dès l'instant qu'il n'y était ni légalement ni réglementairement tenu ;

L'Ordre des Architectes, qui approuve les premiers Juges d'avoir rejeté la demande de sursis à statuer, leur fait grief en revanche d'une part de s'être, en statuant sur le fond comme rappelé ci-dessus, livrés à une inacceptable extrapolation d'un texte qui ne concerne que les conditions dans lesquelles le Comité Consultatif de la Construction doit être obligatoirement consulté, et qui demeure étranger à l'obligation légalement faite à une personne publique ou privée d'obtenir une autorisation préalable requise pour toute opération de construction sur le territoire de la Principauté, d'autre part d'avoir méconnu à tort l'Ordonnance Loi n° 674 du 3 novembre 1959, l'Ordonnance Souveraine n° 2.120 du 16 novembre 1959 (règlement général de voirie), l'Ordonnance Souveraine n° 3.387 du 25 septembre 1965, l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966, et l'Ordonnance Loi n° 341 du 24 mars 1942 dont les termes soulignent, selon lui, le caractère obligatoire, dans tous les cas, de la demande et de l'obtention d'un permis de construire et interdisent toute discrimination entre constructions réalisées par des particuliers et celles devant être exécutées pour le compte des collectivités publiques ;

Il soutient, par réitération sur ce point de ses écritures de première instance, que si le Ministre d'État, ès qualités a respecté la législation précitée en délivrant à l'Administrateur des Domaines des permis de construire pour les opérations immobilières visées dans l'exploit introductif d'instance, ces autorisations ont été accordées en infraction avec les dispositions de l'article 9 de l'Ordonnance Loi n° 341 du 24 mars 1942 dès lors qu'il n'a pas été fait appel à un architecte pour l'établissement des plans et devis, et le contrôle de l'exécution des travaux pour lesquels la législation en vigueur impose une demande préalable d'autorisation de bâtir ;

Il conclut en conséquence à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer formulée par l'État de Monaco et, sollicitant sa réformation pour le surplus, il demande à la Cour de faire droit aux fins de son assignation originaire et de condamner le Ministre d'État, ès qualités, à lui payer la somme de 1 F. à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et de le condamner en outre aux dépens tant de première instance que d'appel ;

À l'appui de son appel incident parte in qua, l'État de Monaco reproche aux premiers juges d'avoir indûment méconnu d'une part que se trouvait compris dans l'objet de la demande un principe général : celui de l'obligation, pour l'Administration, de recourir en toute hypothèse à un architecte tant pour l'établissement de plans des édifices publics ou privés à construire, que pour le contrôle des travaux, d'autre part que la « décision de l'administration » a consisté en l'espèce à estimer qu'elle pouvait se dispenser de délivrer une autorisation comportant recours obligatoire à des architectes, ce qui impliquerait, en regard des prétentions de l'Ordre, une nécessaire et préalable appréciation de validité par la Juridiction compétente de la décision de l'Administration de se passer, en toute hypothèse, du concours d'un architecte inscrit audit Ordre lorsqu'elle construit sur les plans de ses services techniques un immeuble d'intérêt public après avoir assuré la publicité de ladite décision ;

Il conclut en conséquence à ce que, par réformation de ce chef de jugement déféré, soit déclarée recevable et fondée, sa demande de sursis à statuer jusqu'à saisine et décision du Tribunal Suprême, sur la question préjudicielle ;

Soutenant, sur le fond, que l'Ordonnance Souveraine 3647 du 9 septembre 1966 dans sa référence à l'obligation pour un constructeur privé d'avoir recours à un architecte pour l'assister lors de l'établissement des plans réglementaires a pour objet exclusif de favoriser le contrôle par l'État de la conformité des initiatives privées à la législation en la matière par le biais d'un tel technicien auquel se trouvent nécessairement substitués en cas de constructions d'intérêt public, ses propres services techniques et juridiques pour apprécier une telle conformité, l'État de Monaco considère que la motivation du jugement entrepris dans sa référence à l'Ordonnance Souveraine 1349 modifiée par l'Ordonnance Souveraine 3387 du 25 septembre 1965, doit être approuvée ;

Il demande en conséquence à la Cour, au cas où il ne serait pas fait droit à ses conclusions aux fins de sursis à statuer, de dire et juger que la décision entreprise a exactement trouvé dans les dispositions de l'Ordonnance Souveraine 1349, la différence déterminante entre les projets d'intérêt public de l'État et ceux d'intérêt privé des particuliers, pour en déduire, sans violation de la loi ni contradiction des motifs, le rejet de prétentions de l'Ordre fondées sur un prétendu délit civil ;

Plus subsidiairement encore, il requiert l'adjudication du bénéfice de ses conclusions du 23 janvier 1978 en ce qu'elles rappellent que la structure constitutionnelle de l'État et de son Administration, exclut tout recours obligatoire à un architecte pour, la construction d'immeubles publics d'intérêt général ou collectif, dans la mesure où pour l'édification de ces immeubles l'État dispose, outre d'un libre pouvoir de décision, de l'assistance efficace de services techniques compétents et qu'il assure le respect des droits des tiers par la publicité de ses projets ;

Se référant enfin à une jurisprudence du Tribunal Suprême (Arrêt Hubert, 17 mai 1972) selon laquelle lorsque les dispositions d'une loi (en l'occurrence l'Ordonnance Loi 341) destinées à régir des personnes de droit privé (en l'occurrence les architectes et les constructeurs privés) n'étend pas son champ d'application à des personnes placées dans une situation de droit public, lesdites dispositions ne peuvent être invoquées à l'égard de ces dernières, il conclut de plus fort au déboutement de l'Ordre des Architectes des fins de son appel et à sa condamnation aux dépens ;

Sur ce :

I. - Sur la demande de sursis à statuer :

Considérant que, pour justifier cette demande et sa référence aux dispositions de l'article 90 B 3° de la Constitution attribuant compétence au Tribunal Suprême pour statuer souverainement en matière administrative « sur le recours en interprétation et les recours en appréciation de validité des décisions des diverses autorités administratives et des ordonnances souveraines prises pour l'exécution des lois », l'État de Monaco soutient qu'en l'espèce la décision dont la validité impose une appréciation préalable de la part de la Juridiction précitée a consisté pour l'Administration à se dispenser de se délivrer à elle-même un permis de construire ;

Considérant qu'outre le fait, pertinemment relevé par les premiers juges, qu'une telle situation est, à l'évidence, étrangère au cas d'espèce dès lors qu'il est constant que pour toutes les opérations immobilières visées par l'Ordre des Architectes dans ses écritures judiciaires, le Ministre d'État, ès qualités, a délivré des autorisations de construire, il doit être observé que la dispense d'auto-autorisations de bâtir invoquée par l'État de Monaco, qui s'analyse en une attitude négative ou réticence de sa part, ne saurait constituer une décision ou un acte administratif propre à être notifié, signifié ou publié, et partant à pouvoir être attaqué devant la juridiction compétente pour en apprécier la validité ;

Qu'il convient à cet égard, de relever, d'une part qu'aux termes de l'article 13 de l'Ordonnance Souveraine 2984 du 16 avril 1963 sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême telle que modifiée par l'Ordonnance Souveraine 6820 du 14 avril 1980, le délai de recours devant cette juridiction est, à peine d'irrecevabilité, de deux mois à compter, selon le cas, de la notification, de la signification ou de la publication de l'acte ou de la décision attaquée et « qu'en toute hypothèse le recours doit, à peine d'irrecevabilité, être formé dans les deux mois à partir du jour où le fait sur lequel il est fondé a été connu de l'intéressé », d'autre part qu'en vertu de l'article 17 de l'Ordonnance Souveraine susvisée le recours devant le Tribunal Suprême « est introduit par une requête signée d'un avocat-défenseur... accompagnée de la décision attaquée ou de la réclamation implicitement rejetée... », alors qu'en l'espèce est avérée l'inexistence d'une décision du Ministre d'État, ès qualités, ou d'une réclamation de l'Ordre des Architectes implicitement rejetée, susceptible d'accompagner au vœu de la loi un recours devant ledit Tribunal ;

Qu'il apparaît ainsi - et alors que l'action en responsabilité pour faute et en indemnisation du préjudice en résultant engagée devant le Tribunal de Première Instance, Juge de droit commun en matière administrative compétent pour en connaître, par l'Ordre des Architectes contre l'État de Monaco, n'implique nullement, comme souligné à juste titre par le jugement querellé, une appréciation préalable de validité de décisions administratives de nature à constituer une question préjudicielle - que les premiers juges ont a bon droit rejeté la demande de sursis à statuer en sorte que, de ce chef, leur décision doit être confirmée et l'État de Monaco débouté des fins de son appel incident parte in qua ;

II. - Sur le fond :

Considérant qu'à la lecture de l'Ordonnance Souveraine n° 3387 du 25 Septembre 1965 sur laquelle les premiers juges ont fondé leur décision de rejet des prétentions de l'Ordre des Architectes, il doit être observé que ce texte, qui a substitué un Comité consultatif pour la construction au Comité pour la construction, l'urbanisme et la protection des sites lui-même héritier du Comité pour la Construction et le logement, se borne à énoncer les cas dans lesquels cet organisme doit être consulté et à préciser sa composition ainsi que les conditions dans lesquelles il se réunit et statue, sans nullement consacrer, contrairement à ce qui en est déduit par le jugement déféré, une distinction fondamentale entre les projets de travaux exécutés par des particuliers - lorsqu'ils sont soumis à autorisation préalable - et ceux exécutés pour le compte de l'État ou de la Commune ;

Considérant que sans qu'il soit besoin de se livrer à une exégèse des alinéas 1 et 2 de l'article 2 de l'Ordonnance Souveraine précitée, il en ressort clairement que l'organisme susvisé est obligatoirement consulté, donne son avis et formule des suggestions, notamment sur tous les projets, plans, opérations d'ensemble, constructions et travaux à exécuter pour le compte de l'État ou de la Commune d'une part, et d'autre part, sur tous les projets de travaux à exécuter par des particuliers lorsque ces projets sont soumis à autorisation préalable en application des dispositions de l'article 1er de l'Ordonnance Loi n° 674 du 3 novembre 1959 et de l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 2.120 du 16 novembre 1959, c'est-à-dire lorsqu'ils sont relatifs à des travaux de construction, de terrassement, de démolition ou de modification dont l'exécution est subordonnée, en vertu de ces textes, à la délivrance d'une autorisation du Ministre d'État ;

Qu'il ne saurait, en effet, s'évincer des termes : « sur tous les projets de travaux à exécuter par des particuliers et soumis à autorisation préalable » que l'exécution de travaux projetés par des particuliers doive être, quelle que soit leur nature, préalablement autorisée ;

Qu'il suffit, pour s'en convaincre, de se référer à l'article 2 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966 concernant l'urbanisme, la construction et la voirie - dont les termes de l'article 1er du chapitre 1er intitulé « les travaux soumis à autorisation et de la délivrance des autorisations » réitèrent mutatis mutandis sur ce point les dispositions de l'Ordonnance Loi n° 674 et de l'Ordonnance Souveraine n° 2.120 susvisées - qui réglemente la forme de la demande tendant à l'obtention de l'autorisation d'exécuter non point un travail de nature immobilière quelconque mais seulement « l'un des travaux désignés à l'article précédent » ;

Qu'il apparaît dès lors que c'est à tort qu'après avoir estimé que l'Ordonnance Souveraine 3387 susvisée opérait une discrimination déterminante entre, d'une part les projets de travaux à exécuter pour le compte de l'État ou de la Commune et, d'autre part, les projets de travaux à exécuter par des particuliers quant au régime dont ils relèvent, les premiers juges en ont déduit que seuls ces derniers projets sont, en vertu des textes cités par ladite Ordonnance Souveraine, soumis à autorisation préalable et, en l'état de cette déduction et sans devoir s'arrêter aux autres moyens développés par l'État de Monaco, ont rejeté les prétentions de l'Ordre demandeur ;

Considérant qu'il doit être rappelé que le litige tel que circonscrit par l'assignation introductive d'instance, porte sur la prétendue violation par le Ministre d'État, ès qualités, des dispositions de l'article 9 de l'Ordonnance Loi n° 341 du 24 mars 1942, à l'occasion de la délivrance par ses soins d'autorisations pour l'exécution de certains travaux de construction, surélévation et transformation d'édifices publics ou d'intérêt public, sans que les plans réglementaires et les pièces annexées aient été signés par un architecte autorisé à exercer en Principauté ;

Qu'il s'infère de cette situation de fait que, pour l'exécution des travaux précités, le Ministre d'État, ès qualités, a nécessairement estimé qu'en l'état de la législation en vigueur il y avait lieu pour lui à délivrance desdites autorisations de construire lesquelles impliquaient l'existence de demandes préalables à cette fin et la conformité de ces demandes aux dispositions de l'article 9 de l'Ordonnance Loi susvisée aux termes de laquelle : « le concours d'un architecte est obligatoire pour l'établissement des plans et devis et le contrôle de l'exécution des travaux pour lesquels les lois et règlements en vigueur imposent une demande préalable d'autorisation de bâtir » ;

Considérant que si, à cet égard, l'État de Monaco objecte que la délivrance des permis de construire querellée a simplement procédé d'une pratique suivie à l'époque sans nulle obligation légale ou réglementaire pour lui d'y recourir faute par la législation monégasque en la matière de comporter une disposition analogue à l'article 421-1 du Code français de l'urbanisme étendant expressément l'obligation d'obtenir un permis de construire aux Services Publics et concessionnaires de services publics de l'État, des départements et des communes, ce moyen comme celui tiré de la différence des structures constitutionnelles et administratives de la France et de Monaco, apparaît inopérant en l'absence dans les divers textes monégasques relatifs à la construction et à l'urbanisme et applicables au jour de la délivrance des autorisations dont s'agit, de dispositions instituant un régime particulier et exonératoire de tout assujettissement aux prescriptions de portée générale des Ordonnances Souveraines 674 et 2120 d'une part, de l'Ordonnance Loi 341 d'autre part, pour les projets de travaux immobiliers - en ce compris les travaux incriminés - à exécuter pour le compte de l'État ou de la Commune ;

Qu'au demeurant, les moyens susvisés de l'État de Monaco se trouvent révoqués en doute par les textes - sensiblement identiques sur ce point - régissant l'urbanisme, la construction et la voirie au jour de l'exploit introductif d'instance (Ordonnance Loi n° 674 et Ordonnance Souveraine n° 2.120) dans la mesure où, en proclamant qu'aucune construction, aucun travail de terrassement ou de démolition ne puisse être entrepris « sur quelque emplacement que ce soit » sans une autorisation préalable du Gouvernement, ces textes soumettent nécessairement à une telle autorisation l'exécution desdits travaux sur le domaine de l'État ou celui de la Commune (terrains domaniaux ou communaux à construire ou à aménager, édifices publics à transformer ou à surélever, par exemple) qui ne peuvent être réalisés qu'à l'initiative soit de l'Administrateur des Domaines soit du Conseil Communal dans les conditions et formes édictées par la législation alors en vigueur rappelée ci-dessus et notamment le chapitre Premier de l'Ordonnance Souveraine n° 2.120 du 16 novembre 1959 portant règlement Général de voirie ;

Qu'enfin l'argumentation opposée par l'État à l'action de l'Ordre des Architectes au plan de la portée de l'article 9 de l'Ordonnance Loi n° 341 du 24 mars 1942 règlementant la profession d'architecte à Monaco et dont aucune disposition n'étend, selon lui, son champ d'application à des personnes se trouvant dans une situation de droit public, en sorte qu'il ne saurait lui être applicable, peut d'autant moins faire échec à la demande dudit Ordre que les dispositions générales des textes susvisés sur la Construction, l'Urbanisme et la Voirie soumettent expressément les plans réglementaires et les pièces annexées à la signature d'un architecte autorisé à exercer en Principauté ;

Considérant qu'il échet en conséquence et par réformation de ce chef de jugement entrepris, de faire droit à la demande de l'Ordre des Architectes fondée sur l'article 9 de l'Ordonnance Loi 341 du 24 mars 1942, et en réparation du préjudice moral résultant pour lui de l'inobservation fautive par l'État des prescriptions édictées par ce texte, de condamner ce dernier à payer audit ordre la somme de 1 F. à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

En la forme, reçoit l'Ordre des Architectes de la Principauté de Monaco d'une part,

L'État de Monaco d'autre part, en leurs appels respectivement principal et incident parte in qua ;

Au fond, déboute l'État de Monaco des fins de son appel incident ;

Confirme en conséquence le jugement entrepris du 16 octobre 1986 en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer formée par l'État de Monaco ;

Faisant droit aux fins de l'appel principal de l'Ordre des Architectes ;

Réforme ledit jugement en ce qu'il a déclaré mal fondée l'action dudit Ordre et l'en a débouté et, statuant à nouveau,

Condamne l'État de Monaco à payer à l'Ordre des Architectes de Monaco, pour les causes énoncées aux motifs, la somme de 1 F. à titre de dommages et intérêts.

Note🔗

Cet arrêt infirme un jugement du tribunal de première instance en date du 16 octobre 1986 publié.

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