Cour d'appel, 17 juin 1986, A. c/ Établissements J. D.

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Abstract🔗

Appel d'un jugement

Nullité de la signification d'un jugement (non) - Irrecevabilité de l'appel en raison de sa tardiveté

Résumé🔗

L'appelant ayant interjeté appel le 11 mars 1986 d'un jugement contradictoire signifié à la personne de son employé le 12 décembre 1985 n'est pas fondé à invoquer la nullité de la signification du jugement aux motifs que l'huissier avait obligation de se présenter préalablement à son domicile puis à défaut à la mairie, avant de remettre cette signification à son employé qui n'en avait point effectué la transmission de telle sorte qu'il s'ensuit une irrecevabilité de l'appel.

Observation :

L'article 148 du Code de procédure civile dispose :

« Tous exploits seront faits à personne ou à domicile et à défaut de domicile connu, à la résidence. Si l'huissier ne trouve pas le destinataire à son domicile ou à sa résidence, il en remettra copie, sous enveloppe, à son conjoint, aux personnes de sa famille demeurant avec lui, aux domestiques attachés à son service, à ses employés ou commis. S'il ne rencontre aucune de ces personnes, il la remettra au maire, qui visera l'original sans frais. Il fera mention de tout tant sur l'original que sur la copie. En cas de dépôt à la mairie, il en donnera avis, par lettre recommandée, au destinataire ».

En l'espèce l'appelant qui n'avait pas fait connaître son nouveau domicile exploitait un magasin ou avait eu lieu la signification du jugement à la personne d'un employé qui l'avait acceptée, alors que l'appelant se déclarait dans la procédure domicilié au siège de ce magasin.

Le texte de l'article 148 susvisé apparaît respecté dès lors qu'un employé a reçu l'acte et qu'il n'est nullement démontré que celui-ci n'ait pu être transmis à son destinataire.

Au surplus cette disposition n'impose pas, pour regrettable que cela puisse être, à l'huissier de justifier formellement des diligences accomplies pour rencontrer le destinataire de l'exploit en personne ou à son domicile ou à sa résidence, ni de mentionner l'identité et la qualité de la personne à qui copie doit être remise en l'absence de l'intéressé.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant que, par jugement contradictoire du Tribunal de première instance, en date du 23 mai 1985, la dame C. A. avait été condamnée à payer la somme de 73 408,28 francs à la S.A.M. Établissements J. D. ;

Que, requis par ladite société aux fins de signification de la grosse en forme exécutoire de cette décision, l'Huissier Boisson-Boissière, s'est présenté le 12 décembre 1985 au commerce exploité par dame A., L. A.-L., ., adresse figurant au jugement, et, là « étant et parlant à son employée », a opéré la signification en lui remettant et laissant copie de l'acte dressé constatant l'exécution de la formalité ;

Considérant que dame A. a relevé appel par l'exploit du 11 mars 1986, y affirmant la régularité en la forme du recours exercé à cette date en raison de la nullité de la signification du 12 décembre 1985 ;

Que la société intimée ayant, pour sa part, conclu à l'irrecevabilité pour tardiveté de l'appel, les deux parties sont convenues de faire trancher ce point de procédure avant l'examen au fond ;

Considérant que l'appelante argue de la nullité de signification en confirmant l'exposé contenu dans son exploit où elle soutenait que l'employée à qui copie de l'acte avait été remise en son absence s'était abstenue de la lui transmettre, ayant quitté son service dans les quarante-huit heures ayant suivi le passage de l'huissier, si bien qu'elle n'avait eu connaissance du jugement du 23 mai 1985 que le 28 février 1986, date de notification d'un commandement avant exécution faisant état de cette décision ;

Qu'elle explicite son moyen en invoquant l'article 148 du Code de procédure civile qui, selon elle, faisant obligation à l'officier ministériel de se rendre d'abord au domicile que, de notoriété publique, elle avait alors en Principauté, puis, en cas de non-découverte, d'effectuer une signification à mairie ; qu'ainsi l'huissier ne pouvait valablement procéder à la signification en son magasin à « une employée », personne dont il n'avait pas vérifié la qualité non plus que mentionné le patronyme, laquelle de surcroît n'était pas habilitée à recevoir des actes de justice en contemplation de l'article 143 - 4° du Code de procédure civile ;

Considérant que la société intimée objecte l'inapplicabilité d'une quelconque disposition de l'article 153 précité au cas soumis ;

Que s'en tenant aux termes du 2e alinéa de l'article 148 du même code, prévoyant la remise de la copie de l'exploit sous enveloppe « aux... employés et commis » du destinataire quand celui-ci n'est pas trouvé à son domicile ou à sa résidence par l'huissier, elle conclut à la régularité de la signification et partant à la tardiveté de l'appel - l'officier ministériel, ayant effectué antérieurement plusieurs interventions relatives à diverses procédures au commerce exploité personnellement par dame A., où cette dernière avait son domicile ou sa résidence, connaissait parfaitement la vendeuse qui s'était légalement présentée à lui en tant qu'employée sans être tenue de déclarer ses nom et prénom ;

Sur ce,

Considérant qu'il échet d'écarter comme non pertinent le moyen tiré par l'appelante de l'article 153 - 4° du Code de procédure civile, lequel vise les représentants de sociétés habilités à recevoir copie d'actes ;

Considérant qu'il apparaît que l'actuelle contestation doit être tranchée au regard de l'article 148 susvisé ;

Considérant que ce texte - pour regrettable que cela soit - n'impose pas à l'huissier de justifier formellement les diligences accomplies pour rencontrer le destinataire de l'exploit en personne ou à son domicile connu ou à sa résidence, ni de mentionner l'identité et la qualité vérifiée de la personne à qui copie doit être légalement remise en l'absence du concerné ;

Considérant qu'il apparaît en l'espèce que dame A., qui ne fournit aucune précision sur son lieu d'habitation ou de résidence subséquent à son départ de la Villa N., avait et conserve encore un domicile commercial notoire à son magasin situé aux A.-L., ., à preuve qu'elle avait accepté de se défendre sur la citation à elle donnée initialement par la société Établissements J. D. mentionnant cette adresse et qu'elle a fait porter la même indication sur l'exploit d'appel et d'assignation devant la Cour ;

Considérant que Maître Boisson-Boissière n'ayant pas trouvé dame A. en son commerce a régulièrement opéré la remise de la copie de l'acte de signification à l'employée présente qui l'a acceptée ;

Que l'appelante ne contestant pas la réalité des mentions portées dans l'acte et ne démontrant que le défaut de transmission de l'acte d'huissier qu'elle allègue résulte du comportement dolosif ou malicieux de sa préposée, circonstance qui l'a fait présumer avoir eu connaissance de l'acte litigieux, il y a lieu de tenir pour valable l'acte de signification du 12 décembre 1985 ;

Considérant qu'en conséquence doit être déclaré irrecevable comme tardif l'appel formé contre le jugement du 23 mai 1985 suivant exploit du 11 mars 1986 par dame A., laquelle eu égard à sa succombance doit être comdamnée à l'indemnité prévue par la loi ainsi qu'aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Déclare irrecevable en la forme l'appel formé par dame C. A. contre le jugement du 23 mai 1985 ;

Composition🔗

MM. Vialatte, prem. prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Marquet et Blot, av. déf. ; Lescuyer, av.

Note🔗

Le pourvoi formé contre cette décision le 25 juin 1986 a été rejeté par arrêt de la Cour de révision du 29 avril 1987 (A).

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