Ordonnance Souveraine n° 2.533 du 15 octobre 1941 relative à la fabrication, à la vente et à la consommation des boissons alcooliques
Vu l'article 21 de l'ordonnance constitutionnelle du 5 janvier 1911, modifiée par l'ordonnance du 18 novembre 1917 ;
Vu la convention franco-monégasque du 10 avril 1912, promulguée par l'ordonnance du 19 avril 1914, les avenants à ladite convention des 9 juillet 1932 et 4 février 1933, le traité en date du 17 juillet 1918, les conventions en date du 26 juin 1925 et 28 juillet 1930, l'accord particulier, intervenus entre Notre gouvernement et le gouvernement de l'État français ;
Vu notamment les ordonnances des 12 juillet 1914, 12 août 1914, 18 juin 1928, 28 avril 1932 (n° 1.331), 3 mars 1933 (n° 1.433), 17 janvier 1934 (n° 1544), 28 août 1934 (n° 1.625), 13 mai 1936 (n° 1.875), 27 mai 1938 (n° 2.172), 30 novembre 1938 (n° 2.216), 15 décembre 1939 (n° 2.382), 5 mars 1940 (n° 2.414), 3 juillet 1940 (n° 2.441), 3 juillet 1940 (n° 2.442) et 28 août 1940 (n° 2.451) ;
Titre I - Restriction à la consommation des boissons alcooliques🔗
Article 1er🔗
Les boissons sont, en vue de la réglementation de leur fabrication, de leur mise en vente et de leur consommation, réparties en cinq groupes :
Boissons non alcooliques
1° Boissons sans alcool ; eaux minérales ou gazéifiées, jus de fruits ou de légumes non fermentés, limonades, sirops, infusions, lait, café, thé, chocolat etc.
Boissons alcooliques
2° Boissons fermentées non distillées, savoir :
Le vin, la bière, le cidre, le poiré, l'hydromel, auxquels sont joints les vins doux naturels, bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée, ainsi que les crèmes de cassis ;
3° Vins doux naturels autres que ceux appartenant au groupe 2, vins de liqueur, apéritifs à base de vin et liqueurs de fraises, framboises, cassis ou cerises ne titrant pas plus de 18 degrés d'alcool pur ;
4° Les rhums, les tafias et les alcools provenant de la distillation des vins, cidres, poirés ou fruits et ne supportant aucune addition d'essence ;
5° Toutes les autres boissons alcooliques.
Article 2🔗
Toute personne ou toute entreprise se livrant à la fabrication ou à l'importation, en provenance d'un pays étranger autre que la France, d'une boisson alcoolique du troisième, du quatrième ou du cinquième groupe doit, préalablement à la mise en vente ou à l'offre à titre gratuit de cette boisson, souscrire en double exemplaire, à la direction des services fiscaux, une déclaration indiquant, avec son nom et son adresse, le nom de la boisson, sa composition et l'usage, apéritif ou digestif, auquel elle est destinée.
Les modalités de cette déclaration et le délai dans lequel elle devra être fournie pour les boissons existant à la date d'application de la présente ordonnance seront déterminés par une ordonnance souveraine ultérieure.
Aucune modification ne peut être apportée à la composition d'une boisson déclarée ou à son mode de fabrication si elle n'a fait préalablement l'objet d'une déclaration dans les mêmes formes.
La même boisson ne peut être déclarée à la fois comme apéritif et comme digestif.
Article 3🔗
Aucune des boissons visées à l'article précédent ne peut être livrée par le fabricant ou l'importateur, détenue, transportée, mise en vente, vendue ou offerte à titre gratuit, si elle ne porte sur l'étiquette, avec sa dénomination, le nom et l'adresse du fabricant ou de l'importateur, ainsi que le qualificatif de digestif ou celui d'apéritif.
Ce qualificatif doit être reproduit sur les factures et circulaires, sur les tableaux apposés dans les débits pour annoncer le prix des consommations et sur les affiches intérieures autorisées par l'article 9 ci-après.
Il est interdit d'y joindre aucune qualification, ni aucun commentaire tendant à présenter la boisson comme possédant une valeur hygiénique ou médicale.
Un délai d'un an, à compter de la publication de la présente ordonnance, est accordé aux détaillants et débitants pour se mettre en règle avec le présent article.
Article 4🔗
Article 5🔗
Article 6🔗
Il est interdit à tout producteur ou fabricant d'essences pouvant servir à la fabrication de boissons alcooliques, telles que les essences d'anis, de badiane, de fenouil, d'hysope et d'anéthol, de procéder à la vente ou à l'offre à titre gratuit desdites essences à toute personne autre que les fabricants de boissons dûment autorisés par le directeur des services fiscaux, les pharmaciens, les parfumeurs, les fabricants de produits alimentaires ou industriels et les négociants exportateurs directs.
La revente de ces produits en nature sur le marché intérieur est interdite à toutes ces catégories d'acheteurs, à l'exception des pharmaciens, qui ne peuvent les délivrer que sur ordonnance médicale et doivent inscrire les prescriptions qui les concernent sur leur registre d'ordonnances dans les formes prescrites par l'ordonnance du 21 février 1931 portant règlement de l'exercice de la pharmacie.
Article 7🔗
Article 8🔗
Il est interdit, dans les débits de boissons, les commerces et autres lieux publics, de vendre ou d'offrir gratuitement à des mineurs des boissons alcooliques à consommer sur place ou à emporter. Cette interdiction est clairement affichée à l'entrée et dans l'établissement, de manière à être parfaitement visible et lisible par tout consommateur entrant dans ce dernier.
La vente à domicile et la livraison de boissons alcooliques à des mineurs sont également interdites.
La consommation de boissons alcooliques est en outre strictement interdite aux mineurs tant sur la voie et les espaces publics que dans les établissements recevant du public.
Article 8-1🔗
La vente à tarif promotionnel de boissons alcooliques à consommer sur place n'est possible que durant deux heures dans le créneau horaire de 17 à 21 heures, à condition que cette promotion s'applique également, dans les mêmes conditions tarifaires, horaires et d'information, à des boissons non alcooliques proposées par l'établissement.
Article 9🔗
Toute publicité sous quelque forme qu'elle se présente en faveur des boissons du troisième et du cinquième groupe, apéritives ou non, est interdite sans qu'aucune distinction soit faite à cet égard entre celles dont la vente et la consommation sont interdites et celles pour lesquelles elles demeurent permises.
Demeurent toutefois autorisés :
1° L'envoi aux détaillants et débitants de boissons par les importateurs, fabricants et entrepositaires, de circulaires commerciales indiquant les caractéristiques des produits qu'ils vendent et les conditions de leur vente ;
2° L'affichage à l'intérieur des débits de boissons et autres lieux de consommation des noms de boissons autorisées avec leur composition, le nom et l'adresse du fabricant et leur prix, à l'exclusion de toute qualification, et notamment de celles qui tendraient à les présenter comme possédant une valeur hygiénique ou médicale ;
3° L'inscription sur les voitures utilisées pour les opérations normales de livraison des boissons du nom et de l'adresse du fabricant et de la désignation des produits, à l'exclusion de toute autre indication.
Les limites dans lesquelles pourront continuer à être utilisés, et éventuellement distribués, les objets usuels revêtus d'une formule publicitaire, ainsi que le délai qui sera imparti aux intéressés pour l'enlèvement ou l'effacement des publicités normales et des panneaux seront déterminés par des ordonnances souveraines ultérieures.
Titre II - Répression des infractions🔗
Article 10🔗
Est passible d'une amende de 10 000 à 100 000 francs tout fabricant ou importateur de boissons alcooliques qui met en circulation ou en vente des boissons de troisième, quatrième ou cinquième catégorie sans avoir fait la déclaration prévue par l'article 2.
Les mêmes peines sont appliquées aux importateurs et fabricants qui livrent lesdites boissons à la circulation ou à la vente sous des conditionnements non revêtus des indications imposées par l'article 3, ou qui font figurer sur ces conditionnements les qualifications interdites par ledit article.
Les négociants, non fabricants ou importateurs, et les détaillants qui mettent en vente ou offrent à titre gratuit des boissons alcooliques dont l'étiquette ne porte pas les indications requises ou porte des indications interdites sont passibles d'une amende de 10 à 150 francs.
Article 11🔗
Article 12🔗
Tout producteur ou fabricant d'essences ou d'anéthol pouvant servir à la fabrication de boissons alcooliques qui aura vendu ou offert à titre gratuit lesdites essences à toutes autres personnes que celles autorisées par l'article 6 sera puni d'une amende de 2 000 NF à 10 000 NF.
Toute personne autorisée par l'article 6 à acheter lesdits produits, qui les aura revendus sur le marché intérieur contrairement aux dispositions dudit article, sera passible d'une amende de 200 NF à 4 000 NF.
Tout pharmacien qui aura délivré lesdits produits sans ordonnance médicale sera passible d'une amende de 1 000 NF à 4 000 NF.
En cas de récidive, le minimum et le maximum des peines prévues par le présent article seront portés au double.
Article 13🔗
Tout débitant de boissons qui vend ou offre, à titre gratuit, pour être consommées sur place, des boissons alcooliques dans les conditions interdites par les articles 7 et 8, est puni d'une amende de 10 000 à 50 000 francs.
En cas de récidive, le minimum et le maximum de ces peines sont portés au double.
Toute personne souhaitant acquérir à titre gratuit ou onéreux une boisson alcoolique doit pouvoir justifier de son âge auprès du commerçant et du débitant de boissons par la présentation d'une pièce d'identité ou de tout autre document officiel, muni d'une photographie.
Article 14🔗
Tout importateur, fabricant, négociant en boissons qui effectue, fait effectuer ou maintient une publicité interdite par l'article 9, est passible d'une amende de 10 000 à 100 000 francs.
Les mêmes peines sont applicables aux entrepreneurs en publicité, courtiers en publicité, annonceurs et fabricants d'objets publicitaires qui effectuent, continuent d'effectuer ou maintiennent une pareille publicité.
Dans les deux cas, le tribunal ordonne, s'il y a lieu, l'enlèvement de la publicité interdite aux frais des contrevenants.
Quiconque fabrique ou distribue des objets publicitaires contraires aux dispositions de l'article 9 est puni d'une amende de 1 000 à 10 000 francs.
Quiconque, sans être entrepreneur de publicité, courtier en publicité, afficheur ou fabricant d'objets de publicité, fait usage des publicités interdites, est puni d'une amende de 10 à 150 francs.
Article 15🔗
Toute infraction aux dispositions de la présente ordonnance, présentant le caractère d'un délit, peut entraîner, indépendamment de la peine principale, la fermeture temporaire pour une durée d'un mois à un an ou définitive de l'établissement.
La fermeture est prononcée par le tribunal correctionnel qui peut, en outre, interdire au débitant l'exercice de sa profession, soit à titre temporaire pour une durée d'un mois à cinq ans, soit à titre définitif.
De plus, le tribunal qui prononce accessoirement à la peine principale la fermeture temporaire ou définitive d'un établissement, fixe également la durée pendant laquelle le délinquant doit continuer à payer à son personnel les salaires, indemnités et rémunérations de toute nature auxquels il avait droit jusqu'alors.
Pour le personnel rémunéré en tout ou partie par des pourboires, le tribunal évalue le montant des pourboires.
Article 16🔗
Dans tous les cas visés aux articles précédents, les délinquants peuvent être interdits des droits mentionnés à l'article 39 du Code pénal pour une durée d'un an au moins et de cinq ans au plus.
Titre III - Dispositions diverses🔗
Article 17🔗
Les infractions aux dispositions de la présente ordonnance sont constatées par des procès-verbaux dressés par les agents de la direction des services fiscaux et les agents de la force publique.
Les visites et vérifications prévues pour l'application des textes concernant les fraudes commerciales ou les fraudes fiscales peuvent être opérées dans tous les débits de boissons, quels que soient les lieux où ces derniers sont exploités.
Article 18🔗
La présente ordonnance abroge et remplace l'ordonnance du 28 août 1940, n° 2451, à l'exception de l'article 8, qui reste en vigueur.
Toutes dispositions contraires sont et demeurent également abrogées.