Ordonnance Souveraine du 18 juin 1928 concernant la détention et la vente des vins et eaux-de-vie
Vu l'ordonnance du 27 juin 1907 sur les fraudes dans la vente des marchandises et sur la falsification des denrées alimentaires :
Vu les articles 2 et 9, paragraphe 2, de la loi n° 89, du 3 janvier 1925, portant que des ordonnances rendues après avis du Conseil d'État détermineront les mesures nécessaires pour assurer l'exécution des articles 435 à 440 du Code pénal.
Titre I - Vins🔗
Article 1er🔗
Aucune boisson ne peut être détenue ou transportée, en vue de la vente, mise en vente ou vendue sous le nom de « vin », que si elle provient exclusivement de la fermentation du raisin frais ou du jus de raisin frais.
La dénomination de « vin doux » peut être employée pour désigner le moût de raisin frais en cours de fermentation, destiné à la consommation.
Ne peuvent être considérés comme vins propres à la consommation :
1° Le liquide obtenu par surpressurage de marcs ayant déjà produit la quantité de vin habituellement obtenue par pressurage, suivant les usages locaux, loyaux et constants ;
2° Les vins atteints d'acescence simple ayant une acidité volatile : 1° supérieure à 2 grammes 50 par litre, exprimée en acide sulfurique ; 2° supérieure à 2 grammes seulement, mais présentant nettement à la dégustation les caractères de vins piqués, bien que les éléments constitutifs ne soient pas sensiblement modifiés et que leur aspect soit resté normal ;
3° Les vins atteints d'autres maladies, avec ou sans acescence, dont l'aspect et le goût sont anormaux et caractérisés, soit par une teneur en acide tartrique totale, exprimée en bitartrate de potassium, inférieure à 0 gramme 5 par litre, soit par la présence de deux, au moins, des trois caractères suivants :
Acidité volatile supérieure à 1 gramme 75 par litre, exprimée en acide sulfurique ;
Teneur en acide tartrique total, exprimée en bitartrate de potassium, inférieure à 1 gramme 25 par litre ;
Teneur en ammoniaque, supérieure à 20 milligrammes par litre.
Article 2🔗
Est considéré comme une tentative de tromperie ou une tromperie aux termes de l'ordonnance du 27 juin 1907, le fait de détenir, sans motif légitime, d'exposer, de mettre en vente ou de vendre pour la consommation, des vins impropres à cet usage ou des vins obtenus par mélange de vins et de vins impropres à la consommation.
Sont considérées comme frauduleuses les manipulations et pratiques qui ont pour objet de modifier l'état naturel du vin, dans le but soit de tromper l'acheteur sur les qualités substantielles ou l'origine du produit, soit d'en dissimuler l'altération, et notamment le coupage des vins avec des vins impropres à la consommation.
En conséquence, rentre dans les cas prévus par l'article 437 de l'ordonnance du 27 juin 1907, le fait d'exposer, de mettre en vente ou de vendre, connaissant leur destination, ou de détenir sans motif légitime, des produits propres à effectuer les manipulations ou pratiques ci-dessus visées et, notamment, des substances destinées à :
améliorer et bouqueter les moûts et les vins en vue de tromper l'acheteur sur leurs qualités substantielles, leur origine ou leur espèce ;
guérir les moûts ou les vins de leurs maladies en dissimulant leur altération ;
fabriquer des vins artificiels ;
masquer une falsification du vin en faussant les résultats de l'analyse.
Article 3🔗
Ne constituent pas des manipulations et pratiques frauduleuses aux termes de l'ordonnance du 27 juin 1907, les opérations ci-après énumérées, qui ont uniquement pour objet la vinification régulière ou la conservation des vins :
1° En ce qui concerne les vins :
Le coupage des vins entre eux ;
Le coupage des vins blancs secs, en vue de leur édulcoration, avec les « vins doux » ou des moûts mutés à l'anhydride sulfureux, à la condition que le mélange ne contienne pas une dose de cet antiseptique supérieure à celle indiquée ci-dessous ;
La congélation des vins en vue de leur concentration partielle ;
La pasteurisation, le filtrage, les soutirages, le traitement par l'air ou par l'oxygène gazeux pur ;
Les collages au moyen de clarifiants consacrés par l'usage, tels que la terre d'infusoires, l'albumine pure, le sang frais, la caséine pure, la gélatine pure ou la colle de poisson ;
L'addition de sel marin à la condition que le vin en renferme moins de 1 gramme par litre ;
L'addition du tanin dans la mesure indispensable pour effectuer le collage au moyen des albumines ou de la gélatine ;
La clarification des vins blancs tachés, au moyen du charbon purifié, exempt de principes nuisibles et non susceptible de céder au vin des quantités appréciables d'un corps pouvant en modifier la composition chimique ;
Le traitement par l'anhydride sulfureux pur. Les quantités employées seront telles que le « vin » ou le « vin doux » ne retienne pas plus de 450 milligrammes d'anhydride sulfureux par litre, dont 100 milligrammes au maximum à l'état libre ; toutefois, un écart de 10 % en plus de ces quantités est toléré ;
La coloration des vins obtenue par addition de caramel de raisin ;
L'addition d'acide citrique cristallisé pur, dans le but d'empêcher la casse, à la dose maxima de 0 gr 50 par litre ;
2° En ce qui concerne les moûts :
Indépendamment de l'emploi du plâtre, à la condition que le vin n'en contienne pas plus de 2 grammes par litre :
Le traitement par les bisulfites alcalins cristallisés purs, à une dose inférieure à 20 grammes par hectolitre et par l'anhydride sulfureux pur sans limitation de quantité ;
Le désulfatage par un procédé physique des moûts mutés par l'anhydride sulfureux, en vue de les ramener à une teneur en acide sulfureux, telle que le vin qui sera obtenu par fermentation desdits moûts ne renferme pas une quantité d'anhydride sulfureux supérieure à celle fixée ci-dessus pour les vins ;
L'addition de tanin ;
L'addition à la cuve d'acide tartrique cristallisé pur dans des moûts insuffisamment acides. L'emploi simultané de l'acide tartrique et du sucre est interdit ;
L'addition de phosphate de chaux commercialement pur ;
L'addition de phosphate d'ammoniaque cristallisé pur ou de glycéro-phosphate d'ammoniaque pur à la dose strictement nécessaire pour assurer le développement normal des levures ;
L'emploi des levures sélectionnées.
Article 4🔗
Dans les établissements où s'exerce le commerce de détail des vins, il doit être apposé d'une manière apparente, sur les récipients, emballages, casiers ou fûts, une inscription indiquant la dénomination sous laquelle le vin est mis en vente.
Cette inscription n'est pas obligatoire pour les bouteilles et récipients dans lesquels les vins de consommation courante sont emportés séance tenante par l'acheteur ou servis par le vendeur pour être consommés sur place.
Lorsque le vin n'est pas vendu sous appellation d'origine, la dénomination de vente doit être suivie de l'indication du titre alcoolique ; celui-ci peut être donné par degrés ou demi-degré, mais, dans ce cas, les dixièmes dépassant les degrés ou le demi-degré ne doivent pas être comptés.
Les inscriptions doivent être rédigées sans abréviation et disposées de façon à ne pas dissimuler la dénomination du produit.
Titre II - Vins mousseux🔗
Article 5🔗
Les dispositions du titre premier de la présente ordonnance sont applicables aux vins mousseux. Indépendamment des manipulations et pratiques prévues à l'article 3 ci-dessus, sont considérés comme licites, en ce qui concerne spécialement les vins mousseux ;
1° Les manipulations et traitements connus sous le nom de « méthode champenoise » ;
2° La gazéification partielle ou totale par addition d'acide carbonique pur, mais à la condition que les bouteilles contenant les vins dont l'effervescence aura été obtenue, même partiellement, par addition d'acide carbonique ne provenant pas de leur propre fermentation, portant la mention « vin mousseux gazéifié » en caractères très apparents, c'est-à-dire dont les dimensions soient au moins égales à la moitié de celles des caractères les plus grands figurant dans l'inscription et de même apparence typographique.
Aucun vin ne peut être détenu ou transporté en vue de la vente, mis en vente ou vendu sous la dénomination de « vin mousseux » que si son effervescence résulte d'une seconde fermentation alcoolique en vase clos, soit spontanée, soit produite suivant la méthode champenoise.
Les vins mousseux vendus sans appellation d'origine ne peuvent être mis en vente sans que les bouteilles soient revêtues d'une étiquette portant les mots « vins mousseux » en caractères très apparents, c'est-à-dire dont les dimensions soient au moins égales à la moitié de celles des caractères les plus grands figurant dans l'inscription et de même apparence typographique.
Titre III - Eau-de-vie🔗
Article 6🔗
Il est interdit de détenir ou de transporter en vue de la vente, de mettre en vente et de vendre, sous les dénominations fixées au présent article, des produits autres que ceux ayant, aux termes dudit article, un droit exclusif à ces dénominations.
La dénomination « eau-de-vie de vin » est réservée au produit provenant de la distillation exclusive du vin.
Les dénominations d' « eau-de-vie de cidre » ou d' « eau-de-vie de poiré » sont réservées au produit provenant de la distillation exclusive des cidres et des poires.
La dénomination d' « eau-de-vie de marc » ou de « marc » est réservée à l'eau-de-vie provenant de la distillation exclusive des marcs de raisins frais additionnés ou non d'eau.
La dénomination de « kirsch » est réservée à l'eau-de-vie provenant exclusivement de la fermentation alcoolique et de la distillation des cerises ou des merises.
Les dénominations d' « eau-de-vie de prunes, mirabelles, quetsches » ou de tous autres fruits sont réservées aux eaux-de-vie provenant exclusivement de la fermentation alcoolique et de la distillation desdits fruits.
La dénomination de « genièvre » est réservée à l'eau-de-vie obtenue par la distillation simple, en présence de baies de genièvre, du moût fermenté de seigle, de blé, d'orge ou d'avoine.
La dénomination de « rhum » ou de « tafia » est réservée à l'eau-de-vie provenant exclusivement de la fermentation alcoolique et de la distillation soit des mélasses ou sirops provenant de la fabrication du sucre de canne, soit du jus de canne à sucre, non privé par défécation des principes aromatiques auxquels les rhums et tafias doivent leurs caractères spécifiques.
Les spiritueux visés au présent article perdent tout droit aux dénominations énumérées audit article lorsque, par suite d'une rectification consécutive à la distillation, ils ont perdu leurs caractères spécifiques. Ils ne peuvent alors être désignés que sous l'une des dénominations suivantes : « eau-de-vie », « esprit », « alcool », ces deux dernières pouvant seules être suivies de l'indication de la nature des matières premières au moyen desquelles elles ont été préparées. L'alcool de marc peut toutefois être dénommé « marc rectifié ».
Article 7🔗
Les spiritueux visés à l'article précédent, lorsqu'ils ne proviennent pas en totalité d'une même région ou d'un même cru, ne peuvent être désignés sous l'appellation réservée aux produits de cette région ou de ce cru particulier.
La dénomination « fine », suivie d'une dénomination géographique de région viticole ou cidricole, ne peut s'appliquer qu'à une eau-de-vie provenant exclusivement de la région désignée.
La dénomination « fine » employée seule ou suivie du nom du vendeur ou d'une marque de fabrique ou de commerce, est réservée aux mélanges d'eaux-de-vie de diverses origines ou aux eaux-de-vie dont la dénomination n'est pas indiquée.
Les dénominations spécifiques visées à l'article précédent sont applicables aux mélanges des eaux-de-vie entre elles ou avec des alcools de fruits ou avec de l'alcool d'industrie, mais à la condition que la dénomination spécifique employée pour désigner le mélange soit suivie de la mention « fantaisie » ou d'un qualificatif différenciant ce mélange de l'eau-de-vie dont la dénomination est employée, de telle sorte qu'aucune confusion ne puisse se produire dans l'esprit de l'acheteur sur la nature ou sur l'origine du produit. Pour les mélanges de kirsch et d'alcool, le mot « commerce » répond à l'esprit de ces dispositions.
Dans les inscriptions et marques servant à désigner les mélanges ou les spiritueux visés au présent article, la dénomination du produit et le qualificatif qui l'accompagne ou le terme « fantaisie » doivent être imprimés en caractères identiques.
Article 8🔗
Sont considérées comme frauduleuses les manipulations et pratiques destinées à améliorer et bouqueter les eaux-de-vie naturelles, en vue de tromper l'acheteur sur leurs qualités substantielles, leur origine ou leur espèce ; à donner à des spiritueux destinés à la consommation, sous quelque nom que ce soit, les caractères d'une eau-de-vie naturelle, en faussant les résultats de l'analyse.
En conséquence, rentre dans le cas prévu par l'ordonnance du 27 juin 1907, le fait d'exposer, de mettre en vente ou de vendre, connaissant leur destination, ou de détenir sans motif légitime, tous produits pouvant servir à effectuer les manipulations ou opérations ci-dessus visées.
N'est pas considérée comme frauduleuse la réduction des spiritueux visés à la présente ordonnance au degré de consommation. Toutefois, il est interdit de transporter en vue de la vente, d'exposer, de mettre en vente ou de vendre des eaux-de-vie réduites au-dessous de 35°, à moins que les récipients ou emballages ne portent l'indication apparente, en chiffre d'au moins 5 millimètres de haut, de la richesse centésimale en alcool des eaux-de-vie qu'ils contiennent.
Article 9🔗
Dans tous les établissements où s'exerce le commerce de détail des eaux-de-vie, les bouteilles, récipients et emballages renfermant les produits visés au présent titre doivent porter une inscription indiquant en caractères apparents la dénomination sous laquelle ces produits sont mis en vente ou détenus en vue de la vente. Cette inscription doit être rédigée sans abréviation et disposée de façon à ne pas dissimuler la dénomination du produit.
Titre IV - Dispositions générales applicables aux vins, aux vins mousseux et aux eaux-de-vie🔗
Article 10🔗
Les récipients et emballages dans lesquels des produits destinés à la préparation ou à la conservation des vins, vins mousseux et eaux-de-vie sont détenus en vue de la vente, mise en vente ou vendus, doivent être revêtus d'une étiquette portant l'indication des éléments entrant dans la composition du produit.
La dénomination de ceux de ces éléments dont l'emploi n'est permis dans le présent règlement qu'à doses limitées doit être suivie de l'indication de la quantité dudit élément contenu dans 100 grammes ou dans un litre du produit.
Article 11🔗
L'emploi de toute indication ou signe susceptible de créer dans l'esprit de l'acheteur une confusion sur la nature ou sur l'origine des produits visés à la présente ordonnance, lorsque, d'après la convention ou les usages, la désignation de l'origine attribuée à ces produits devra être considérée comme la cause principale de la vente, est interdit en toutes circonstances et sous quelque forme que ce soit, notamment :
1° Sur les récipients ou emballages ;
2° Sur les étiquettes, capsules, bouchons, cachets ou tout autre appareil de fermeture ;
3° Dans les papiers de commerce, factures, catalogues, prospectus, prix courants, enseignes, affiches, tableaux-réclames, annonces ou tout autre moyen de publicité.
Article 12🔗
Les infractions aux prescriptions de la présente ordonnance ne tombant pas sous l'application des articles 435 à 440 du Code pénal, sont punies des peines édictées par les articles 8 et 9, § 1er, de la loi n° 89, du 3 janvier 1925.