Ordonnance Souveraine du 31 mai 1908 relative aux titres, actions ou obligations au porteur perdus ou volés
Article 1er🔗
Le propriétaire de titres, d'actions ou d'obligations au porteur, émis par des sociétés ou autres établissements ayant leur siège principal dans la Principauté, qui en est dépossédé par quelque événement que ce soit, peut se faire restituer contre cette perte, dans la mesure et sous les conditions déterminées dans la présente ordonnance.
Article 2🔗
Le propriétaire dépossédé fera notifier par huissier à l'établissement débiteur un acte indiquant : le nombre, la nature, la valeur nominale, le numéro et, s'il y a lieu, la série des titres.
Il devra aussi, autant que possible, énoncer :
1° L'époque et le lieu où il est devenu propriétaire ainsi que le mode de son acquisition ;
2° L'époque et le lieu où il a reçu les derniers intérêts ou dividendes ;
3° Les circonstances qui ont accompagné sa dépossession.
Le même acte contiendra une élection de domicile dans la principauté, si le propriétaire des titres n'y est pas domicilié.
Cette notification emportera opposition au paiement tant du capital que des intérêts ou dividendes échus ou à échoir, jusqu'à ce que mainlevée en ait été donnée par l'opposant ou ordonnée par justice.
Article 3🔗
Notification sera également faite par huissier, au nom du propriétaire dépossédé, au directeur du Journal de Monaco, des numéros frappés d'opposition, avec réquisition, sous la condition du paiement du coût, de les publier dans chaque numéro dudit journal pendant le délai d'une année à compter du jour de la notification. Cette publication aura lieu sous la surveillance et sous la responsabilité du requérant.
Article 4🔗
Lorsqu'il se sera écoulé une année depuis la première insertion au Journal de Monaco, sans que l'opposition ait été contredite formellement par un tiers se prétendant propriétaire du titre frappé d'opposition, et que dans cet intervalle deux termes au moins d'intérêts ou de dividendes auront été mis en distribution, l'opposant pourra se pourvoir par voie de requête auprès du tribunal de première instance, afin d'obtenir l'autorisation de toucher les intérêts ou dividendes échus, ou même le capital des titres frappés d'opposition, dans le cas où ledit capital serait ou deviendrait exigible.
Le même droit appartiendra au porteur dépossédé de titres ne donnant pas droit à des intérêts ou dividendes, ou à l'égard desquels il y a eu cessation des distributions périodiques. Mais, en ce cas, il ne pourra être exercé que lorsqu'il se sera écoulé trois ans depuis l'opposition sans qu'elle ait été contredite dans les termes ci-dessus.
Le tribunal statuera selon les formes prescrites par l'article 850 du Code de procédure civile. Il pourra ordonner d'office la mise en cause de l'établissement débiteur, s'il estime sa présence utile aux débats.
Article 5🔗
Si l'autorisation est accordée, l'opposant devra, pour toucher les intérêts ou dividendes, fournir une caution valable dont l'engagement s'étendra au montant des annuités exigibles et, de plus, à une valeur double de la dernière annuité échue.
Après deux ans écoulés depuis l'autorisation, sans que l'opposition ait été contredite, dans les termes de l'article 4, la caution sera de plein droit déchargée.
Si l'opposant ne veut ou ne peut fournir la caution requise, il pourra, sur la vue de l'autorisation, exiger de l'établissement le dépôt à la caisse des dépôts et consignations des intérêts ou dividendes échus et de ceux à échoir au fur et à mesure de leur exigibilité.
Après deux ans écoulés depuis l'autorisation sans que l'opposition ait été contredite comme il est dit ci-dessus, l'opposant pourra retirer de la caisse des dépôts et consignations les sommes ainsi déposées et percevoir librement les intérêts ou dividendes à échoir au fur et à mesure de leur exigibilité.
Article 6🔗
Si le capital des titres frappés d'opposition est devenu exigible, l'opposant qui aura obtenu l'autorisation ci-dessus pourra en toucher le montant, à charge de fournir caution. Il pourra, s'il le préfère, exiger de l'établissement que ledit capital soit déposé à la caisse des dépôts et consignations.
Lorsqu'il se sera écoulé dix ans depuis l'époque de l'exigibilité et cinq ans au moins depuis l'autorisation, sans que l'opposition ait été contredite dans les termes de l'article 4, la caution sera déchargée et, s'il y a eu dépôt, l'opposant pourra retirer de la caisse des dépôts et consignations les sommes en faisant l'objet.
Article 7🔗
La solvabilité de la caution à fournir, en vertu des dispositions des articles précédents, sera appréciée comme en matière commerciale.
Il sera loisible à l'opposant de fournir un nantissement au lieu et place d'une caution. Ce nantissement sera restitué à l'expiration des délais fixés pour la libération de la caution.
S'il s'élève des difficultés au sujet de la caution ou du nantissement offert, il sera statué en référé par le président du tribunal de première instance.
Article 8🔗
Quand il s'agira de coupons au porteur détachés du titre, il n'y aura pas lieu à publication de l'opposition au Journal de Monaco.
L'opposant pourra en obtenir le paiement de l'établissement débiteur, soit après trois années à compter de l'échéance et de l'opposition non contredite, sans avoir à se pourvoir d'autorisation, soit après une année en se conformant aux dispositions de l'article 4.
Article 9🔗
Les paiements faits à l'opposant suivant les règles ci-dessus posées libèrent l'établissement débiteur envers tout tiers porteur qui se présenterait ultérieurement.
Le tiers porteur, au préjudice duquel lesdits paiements auraient été faits, conserve seulement une action personnelle contre l'opposant qui aurait formé son opposition sans cause.
Article 10🔗
Si avant que la libération de l'établissement débiteur ne soit accomplie, il se présente un tiers porteur des titres frappés d'opposition, ledit établissement doit provisoirement retenir les titres contre un récépissé remis au tiers porteur ; il doit de plus avertir l'opposant, par lettre chargée, de la présentation du titre en lui faisant connaître le nom et l'adresse du tiers porteur. Les effets de l'opposition restent alors suspendus jusqu'à ce que la justice ait prononcé entre l'opposant et le tiers porteur.
Article 11🔗
Lorsqu'il se sera écoulé dix ans depuis l'autorisation obtenue par l'opposant, conformément à l'article 4, et que, pendant ce laps de temps, l'opposition n'aura pas été contredite dans les termes dudit article, l'opposant pourra exiger de l'établissement débiteur qu'il lui soit remis un titre semblable et subrogé au premier, pourvu qu'il justifie avoir fait publier à nouveau son opposition, de la manière prescrite par l'article 3, pendant tout le cours des douze derniers mois.
Le nouveau titre devra porter le même numéro que le titre originaire, avec la mention qu'il est délivré par duplicata.
Il conférera les mêmes droits que le titre primitif et sera négociable dans les mêmes conditions.
Dans le cas du présent article, le titre primitif sera frappé de déchéance et le tiers qui le représentera après la remise du nouveau titre à l'opposant n'aura qu'une action personnelle contre celui-ci au cas où l'opposition aurait été faite sans droit.
Article 12🔗
L'établissement débiteur qui aura remis le duplicata devra faire publier au Journal de Monaco, pendant le délai d'une année à compter de sa délivrance, le numéro du titre frappé de déchéance.
L'opposant qui réclamera un duplicata devra payer d'avance à l'établissement le montant des frais qu'il occasionnera, y compris ceux de la publication ci-dessus prescrite.
Article 13🔗
Il n'est pas dérogé, par les dispositions qui précèdent, à l'article 1195, 4° du Code civil.
En cas de destruction par cas fortuit d'un titre au porteur, le propriétaire privé de ce titre ne sera tenu de recourir aux formalités ci-dessus prescrites, pour exercer ses droits et obtenir un duplicata que s'il n'est pas en état de justifier cette destruction.
Article 14🔗
Le porteur d'un titre frappé d'opposition pourra poursuivre la mainlevée de cette opposition de la manière suivante :
Il fera sommation à l'opposant d'introduire, dans le mois, une demande en revendication devant le tribunal de première instance.
Cette sommation sera signifiée au domicile de l'opposant dans la Principauté, ou, à défaut, au domicile élu dans l'opposition notifiée à l'établissement débiteur.
Elle indiquera autant que possible l'origine et la cause de la détention du titre, ainsi que la date à partir de laquelle le porteur est à même d'en justifier et, en cas d'acquisition par achat, le montant du prix d'achat.
Article 15🔗
Lorsqu'il n'aura pas été satisfait à la sommation dans le délai imparti conformément à l'article précédent, le porteur du titre pourra assigner l'opposant devant le juge des référés.
Si, au jour fixé pour la comparution, l'opposant ne justifie pas avoir introduit une demande en revendication, la mainlevée immédiate de l'opposition sera prononcée.
Sur la signification de l'ordonnance, l'établissement débiteur devra considérer l'opposition comme nulle et non avenue. Il sera quitte et déchargé, sans pouvoir exiger d'autres pièces ou justifications.
Article 16🔗
Dans tous les cas où une mainlevée d'opposition sera ordonnée par justice, l'opposant pourra être condamné, sur la demande du porteur du titre, à lui payer les frais de publication de cette mainlevée au Journal de Monaco pendant le délai d'une année.
La publication de la mainlevée sera acquise par exploit d'huissier mentionnant la décision judiciaire qui l'aura ordonnée.
Si la mainlevée intervient au cours du délai de publication de l'opposition prévue par l'article 3, il sera fait, par le même acte, sommation au directeur du Journal de Monaco d'avoir à cesser immédiatement la publication de cette opposition.
Article 17🔗
La mainlevée d'opposition volontairement consentie ne pourra être publiée au Journal de Monaco et faire cesser la publication de l'opposition que lorsqu'il en sera justifié, soit par acte notarié, soit par la remise de l'original de l'opposition ou de sa notification au directeur dudit journal, avec mention de la mainlevée certifiée par un notaire.
Toutefois, lorsqu'il s'agira d'une mainlevée partielle, l'opposant pourra en requérir la publication et arrêter l'insertion pour partie de son opposition, par un simple acte extrajudiciaire, à la condition de représenter au directeur l'original de l'opposition à restreindre ou de sa signification, et d'inscrire sur ledit original, qui continuera à rester entre ses mains, mention de la mainlevée partielle par lui consentie.
Article 18🔗
Tous les établissements ayant émis des titres d'actions ou d'obligations au porteur devront tenir un livre spécial, coté et paraphé comme les autres livres de commerce, sur lequel ils inscriront, à la date de leur notification, les oppositions qui lui seront notifiées sur ces titres, ainsi que les mainlevées desdites oppositions le cas échéant.
Les mainlevées seront de plus mentionnées en marge des oppositions.
Lesdits établissements seront également tenus d'inscrire sur un livre spécial, dûment coté et paraphé, à la date de la délivrance des duplicata, les titres frappés de déchéance.
Ils devront, à toute réquisition accompagnée d'une somme de 0,25 F par numéro de valeur, outre les frais de poste, délivrer soit un état complet des oppositions à eux notifiées et inscrites sur le livre ci-dessus prévu, soit l'état des oppositions concernant les titres qui lui seront spécialement indiqués par nature et par numéro, ainsi que des mainlevées les concernant, soit l'état des titres frappés de déchéance, lesdits états certifiés conformes par un gérant, un administrateur délégué ou un directeur à ce commis par le conseil d'administration.
Article 19🔗
Tous banquiers ou changeurs établis dans la Principauté sont tenus d'inscrire sur leur livre les numéros des titres au porteur qu'ils achètent ou vendent, soit pour leur propre compte, soit pour le compte de tiers, à la date de ces opérations.
En cas d'achats ou de ventes, pour des tiers, ils sont tenus, en outre, de mentionner les numéros livrés sur les bordereaux ou récépissés par eux remis aux acheteurs ou vendeurs.
Ils doivent noter, sur un registre à ce destiné, les numéros des titres frappés d'opposition ou de déchéance qui ont été publiés au Journal de Monaco et y mentionner les mainlevées d'opposition publiées audit journal.
Article 20🔗
Un arrêté de Notre Ministre d'État déterminera la forme et le coût des diverses publications au Journal de Monaco, prévues par la présente ordonnance.
Les quittances du coût de ces publications ne seront soumises qu'à un droit de timbre (mobile) de dix centimes et seront dispensées d'enregistrement.