Ordonnance-Loi n° 341 du 24 mars 1942 réglementant le titre et la profession d'architecte et instituant l'Ordre des architectes dans la Principauté
Vu la loi n° 278 du 2 octobre 1939, donnant délégation temporaire du pouvoir législatif ;
Vu la loi n° 334 du 6 décembre 1941, renouvelant la délégation de pouvoir ;
Article 1er🔗
Nul ne peut porter le titre ni exercer la profession d'architecte dans la Principauté sans une autorisation délivrée par arrêté du ministre d'Etat, conformément aux dispositions de la présente ordonnance-loi.
Article 2🔗
Cette autorisation ne pourra être délivrée que si le candidat jouit de ses droits civils et remplit les conditions suivantes :
1° Être titulaire d'un diplôme d'études supérieures d'architecte qui conférerait aux ressortissants du pays où ce diplôme a été délivré le droit d'exercer la profession d'architecte, à la condition que, dans ce pays, l'exercice de cette profession soit réglementé et exclusivement réservé, sauf dispositions transitoires, aux titulaires de diplômes légaux préparés dans les écoles ayant pour but principal l'enseignement de l'architecture, à l'exclusion de toute discipline étrangère au domaine de l'art.
Les diplômes délivrés dans les autres pays feront l'objet d'un examen spécial et d'une décision du gouvernement, après avis du conseil de l'Ordre des architectes.
La possession d'une simple patente ou même d'un certificat d'aptitude ou d'agrément obtenu à l'étranger ne saurait suffire.
2° Avoir recueilli l'avis du conseil de l'ordre, qui vérifiera si l'intéressé remplit les conditions ci-dessus et présente les garanties d'ordre professionnel et de moralité nécessaires.
En outre des conditions fixées ci-dessus, le candidat ressortissant d'un Etat étranger ne pourra être autorisé à exercer la profession d'architecte à Monaco que dans les conditions de réciprocité fixées par les conventions diplomatiques qui peuvent exister entre cet Etat et la Principauté.
À titre exceptionnel, l'autorisation pourra cependant être accordée à un étranger, dans les formes et conditions prévues par le présent article, alors même que son pays d'origine n'aurait pas conclu de traité de réciprocité en matière d'exercice de la profession d'architecte avec la Principauté de Monaco.
Article 3🔗
À titre transitoire, peuvent être dispensées de la présentation d'un diplôme :
1° Les personnes de nationalité monégasque notoirement connues comme architectes et exerçant effectivement cet art dans la Principauté ou à l'étranger depuis au moins le 1er septembre 1934 ;
2° Les personnes étrangères qui, en outre de ces conditions de notoriété et d'exercice effectif de la profession, justifient qu'elles étaient titulaires, à cette même date, d'une licence d'architecte délivrée par le gouvernement monégasque et qu'elles n'ont cessé depuis d'avoir leur domicile légal et leur principale activité dans la Principauté.
Article 4🔗
Les architectes établis à l'étranger et non autorisés à exercer dans la Principauté peuvent néanmoins, à titre particulier, y faire œuvre d'architecte aux conditions suivantes :
1° Justifier d'une autorisation d'exercer la profession d'architecte dans le pays où ils sont établis, si, dans ce pays, la profession est réglementée dans les conditions de l'article 2 (1°) de la présente ordonnance-loi.
Les architectes établis dans les pays où la profession est libre doivent constituer un dossier justificatif de leurs titres, références et connaissances professionnelles ;
2° S'associer pour chaque œuvre particulière à un architecte régulièrement établi dans la Principauté et avec lequel ils seront solidairement responsables au point de vue administratif, civil et pénal.
L'architecte établi à Monaco devra joindre son nom à celui de l'architecte étranger pour la signature de l'œuvre ainsi réalisée.
Article 5🔗
Les architectes établis à l'étranger désireux de faire œuvre d'architecte à titre particulier dans la Principauté doivent adresser au ministre d'Etat une demande préalable et joindre toutes pièces justificatives ou nécessaires à la constitution du dossier prévu à l'article 4.
Cette demande devra contenir la désignation du confrère établi dans la Principauté, choisi comme associé, avec acceptation et déclaration formelle de celui-ci d'assumer la responsabilité solidaire prévue par la présente ordonnance-loi.
En cas d'impossibilité de trouver un associé par suite de la carence des architectes autorisés, le gouvernement, après avoir pris avis du conseil de l'ordre, pourra autoriser l'architecte étranger à exécuter seul, à titre exceptionnel, l'œuvre pour laquelle il a demandé l'autorisation.
Article 6🔗
Les architectes établis à l'étranger, mais autorisés, à titre particulier, à faire œuvre d'architecte dans la Principauté, ne seront pas membres de l'ordre, mais resteront soumis à son contrôle disciplinaire en ce qui concerne leur activité professionnelle.
Article 7🔗
L'architecte exerce une profession libérale. Il est à la fois l'artiste et le technicien qui conçoit, compose et décore les œuvres immobilières et, après en avoir dressé le projet, en surveille l'exécution et contrôle le règlement de la dépense.
Le montant des honoraires de l'architecte est fixé par les règlements de la profession tels qu'ils seront établis par le conseil de l'ordre et approuvés par le gouvernement.
Il ne pourra prétendre à aucune rémunération, même indirecte, d'un tiers, à aucun titre que ce soit, sous peine des sanctions prévues par l'article 406 du Code pénal et sans préjudice des sanctions disciplinaires.
Article 8🔗
L'exercice de la profession d'architecte est incompatible avec celle d'entrepreneur, industriel ou fournisseur de matières ou objets employés dans la construction.
Cette incompatibilité s'entend également du conjoint et indirectement de toute personne interposée.
L'architecte doit observer les règles de la profession établies par le conseil de l'ordre et approuvées par le gouvernement.
Article 9🔗
Le concours d'un architecte est obligatoire pour l'établissement des plans et devis et le contrôle de l'exécution des travaux pour lesquels les lois et règlements en vigueur imposent une demande préalable d'autorisation de bâtir.
Article 10🔗
Le nombre des architectes autorisés à exercer dans la Principauté pourra être limitativement fixé par une ordonnance souveraine, après avis motivé du conseil de l'ordre.
Article 11🔗
Un Ordre des architectes investi de la personnalité civile réunit obligatoirement tous les architectes autorisés à exercer dans la Principauté, conformément aux dispositions de la présente ordonnance-loi.
Article 12🔗
L'inscription à l'ordre est faite, après justification de l'autorisation du ministre d'Etat, sur un tableau mis à jour au commencement de chaque année au siège de l'ordre.
Ce tableau est déposé au ministère d'Etat et au parquet du procureur général et publié. Il porte les nom, prénoms, domicile de chaque architecte et la date de l'autorisation.
Article 13🔗
Pour la première formation du tableau, l'inscription des architectes remplissant les conditions prévues à l'article 3 peut être obtenue sur simple demande adressée au ministère d'Etat, après vérification du dossier des intéressés.
Il sera possible au gouvernement de demander toutes justifications complémentaires et, s'il y a lieu, de surseoir à sa décision pour prendre avis du premier conseil de l'ordre qui sera constitué.
Dans le cas où les justifications demandées, conformément à l'alinéa précédent, ne seraient pas jugées suffisantes pour permettre l'inscription au tableau, les personnes qui, antérieurement à la promulgation de la présente ordonnance-loi, étaient titulaires d'une licence d'architecte, pourront être autorisées, à titre exceptionnel, à continuer d'exercer leur profession. Toutefois, ces personnes ne pourront bénéficier des prérogatives qui, pour les architectes inscrits au tableau de l'ordre, découlent notamment de l'application des articles 4, 5 et 10 de la présente ordonnance-loi ; mais elles seront soumises à l'autorité disciplinaire du conseil de l'ordre.
Article 14🔗
Au moment de leur inscription au tableau, les architectes prêtent serment, devant le premier président de la cour d'appel, d'exercer leur art avec conscience et probité.
Article 15🔗
L'ordre des architectes est administré par un conseil composé de tous les architectes inscrits au tableau de l'ordre.
Ce conseil désignera dans son sein un bureau composé d'un président, d'un vice-président et d'un secrétaire.
Article 16🔗
Le président, le vice-président et le secrétaire sont élus par le conseil, au scrutin secret et à la majorité absolue des voix représentées. Le président sera, obligatoirement, de nationalité monégasque.
La durée de leur mandat est fixée à trois ans. Les membres du bureau sortant sont rééligibles.
Au cas où plus d'une vacance viendrait à se produire au sein du bureau, le conseil pourvoira à l'élection de leurs remplaçants dans les trois mois qui suivront la dernière vacance.
Les pouvoirs de ces nouveaux membres prendront fin à l'époque où devrait normalement expirer le mandat des membres remplacés.
Aucune personne étrangère à l'ordre ne peut assister aux délibérations du conseil, qui pourra, toutefois, se faire assister d'un secrétaire administratif et d'un conseil juridique.
Article 17🔗
Le conseil se réunit au moins une fois par trimestre sur convocation de son président ou sur la demande d'au moins la moitié de ses membres.
La première réunion doit se tenir dans le mois qui suit la nomination des membres du conseil.
Les réunions du conseil ne peuvent valablement être tenues que si elles groupent au moins cinq membres.
Les décisions seront prises à la majorité des voix et au scrutin secret.
Article 18🔗
Article 19🔗
Le conseil de l'ordre dresse et tient à jour le tableau de l'Ordre des architectes.
Il donne son avis sur les demandes d'autorisation d'exercer la profession conformément aux dispositions prévues aux articles 2, 5 et 13.
Il établit et soumet à l'approbation du gouvernement le règlement intérieur de l'ordre et en assure l'application.
Il veille chez tous les membres de l'ordre au maintien des principes d'honneur, de probité et de conscience professionnelle, qui seront définis dans le Code des devoirs professionnels.
Il surveille l'exercice de la profession d'architecte et peut donner ses avis au gouvernement sur toutes les questions relatives à la gestion des immeubles et au fonctionnement des entreprises.
Il assure le respect des intérêts professionnels et matériels de ses membres et la défense de l'honneur, de l'indépendance et des prérogatives de l'ordre.
Il est l'interprète des architectes auprès des pouvoirs publics.
Il autorise le président à ester en justice.
Il peut créer ou gérer, avec l'autorisation du gouvernement, des organismes de coopération, de mutualité, d'assistance ou de retraite au bénéfice des architectes ou des membres de leur famille.
Il peut être appelé à donner son avis sur les projets de lois et règlements intéressant directement ou indirectement la profession.
Il peut, pour l'examen de questions professionnelles, réunir en assemblée générale tous les architectes et personnes soumises à son autorité disciplinaire.
Il fixe le montant des cotisations qui devront être versées par les membres de l'ordre.
Article 20🔗
Le premier conseil de l'ordre, dans les trois mois qui suivront sa nomination, étudiera et soumettra à l'agrément du gouvernement le Code des devoirs professionnels de l'architecte.
Ce code déterminera notamment les conditions dans lesquelles l'architecte devra contracter une assurance couvrant tous les risques résultant de sa responsabilité professionnelle. Il prévoira également toutes dispositions utiles pour la fixation et le règlement des honoraires dus à l'architecte par le client.
Article 21🔗
Le conseil de l'ordre, siégeant en comité secret, appelle devant lui les architectes qui auraient manqué aux devoirs de leur profession.
L'action est intentée soit sur la demande de deux membres du bureau ou des deux tiers des membres du conseil, soit à la requête du ministre d'Etat.
Les architectes appelés ont le droit de prendre connaissance de leur dossier sans déplacement des pièces. Ils peuvent se faire assister d'un avocat ou d'un confrère et produire toutes pièces justificatives et mémoires en défense.
Article 22🔗
Les architectes reconnus coupables de manquements aux devoirs de leur profession sont passibles des peines disciplinaires suivantes :
1° l'avertissement donné par le conseil de l'Ordre avec inscription au dossier de l'intéressé ;
2° le blâme prononcé en chambre du conseil ;
3° La suspension temporaire pour une durée maximum d'une année ;
4° La radiation du tableau comportant l'interdiction d'exercer la profession.
La suspension temporaire et la radiation définitive sont prononcées par arrêté du ministre d'Etat, sur rapport du conseil de l'ordre et après que les intéressés ont été mis en mesure de présenter, dans un délai de un mois, un mémoire écrit pour leur défense.
Article 23🔗
Les décisions prononçant une peine disciplinaire doivent être notifiées aux intéressés dans les huit jours de leur date.
Article 24🔗
Les actions disciplinaires du conseil de l'ordre et du gouvernement ne font pas obstacle aux poursuites que le ministère public ou les particuliers pourraient intenter devant les tribunaux pour la répression des infractions pénales ou la réparation des délits civils.
Article 25🔗
Les dispositions prévues aux articles 21, 22, 23 et 24 ne sont pas applicables aux architectes fonctionnaires d'une administration publique pour les travaux accomplis dans l'exercice de leurs fonctions.
Article 26🔗
Le défaut d'exercice de la profession dans la Principauté, par les architectes autres que ceux de nationalité monégasque, pendant une durée non interrompue de trois années, peut, sur la proposition du conseil de l'ordre, entraîner la radiation du tableau.
La proposition de radiation ne peut être transmise au gouvernement qu'après que l'intéressé a été mis en mesure de fournir toutes justifications utiles.
Le gouvernement décidera dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux articles 22 et 23.
Les membres de l'ordre de nationalité monégasque qui désireront s'absenter de la Principauté pour une durée de plus de trois années ou qui, pendant la même durée, voudront interrompre leur activité professionnelle, sans perdre le bénéfice de l'inscription au tableau, devront en informer le conseil de l'ordre, qui leur délivrera une dispense.
Cette dispense est valable pour trois années et renouvelable.
Article 27🔗
Les infractions aux dispositions des articles 1, 2, 5, 8 et 9 sont punies d'une amende de 16 à 500 francs et d'une peine d'emprisonnement de six jours à trois mois ou de l'une de ces deux peines seulement.
Article 28🔗
Des ordonnances souveraines détermineront, s'il y a lieu, les modalités d'application de la présente ordonnance-loi.