Loi n° 1.058 du 10 juin 1983 sur les marques de fabrique, de commerce ou de service

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Titre I - Du droit de propriété des marques🔗

Section I - Dispositions générales🔗

Article 1🔗

Sont considérés comme marques de fabrique, de commerce ou de service, les noms patronymiques, les pseudonymes, les noms géographiques, les dénominations arbitraires ou de fantaisie, la forme caractéristique du produit ou de son conditionnement, les étiquettes, enveloppes, emblèmes, empreintes, timbres, cachets, vignettes, lisières, lisérés, combinaisons ou dispositions de couleurs, dessins, reliefs, lettres, chiffres, devises et, en général, tous signes matériels servant à distinguer les produits, objets ou services d'une entreprise quelconque.

Les titulaires de nom patronymique ne peuvent en interdire l'usage aux homonymes de bonne foi à titre de dénomination commerciale de l'entreprise qu'ils dirigent, mais ils peuvent demander judiciairement la réglementation de l'usage qui porterait atteinte à leurs droits.

Article 2🔗

Ne peuvent être utilisés comme des marques :

  • 1° Les signes contraires à l'ordre public ou aux bonnes mœurs ;

  • 2° ceux prohibés, en vertu des dispositions de conventions internationales, exécutoires à Monaco, assurant la protection de la propriété industrielle.

Ne peuvent, en outre, être considérées comme marques :

  • 1° celles qui consistent exclusivement en un signe ou une indication qui, dans le langage courant ou des habitudes loyales et constantes du commerce, est devenu une désignation usuelle des produits ou services considérés ;

  • 2° celles qui comportent des énonciations propres à tromper le public ;

  • 3° celles qui consistent exclusivement en un signe ou une indication pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine ou l'époque de la production des produits ou de la prestation des services.

Section II - Du dépôt, de l'enregistrement et de la publicité des marques🔗

Article 3🔗

La propriété de la marque s'acquiert par un premier usage public et notoire.

Toutefois, nul ne peut se prévaloir de la propriété exclusive d'une marque si, dans les conditions déterminées par arrêté ministériel, il n'en a pas effectué le dépôt auprès du service de la Propriété industrielle et obtenu l'enregistrement.

Article 4🔗

La propriété exclusive d'une marque régulièrement enregistrée et effectivement exploitée ne peut plus être contestée au premier déposant, du chef de la priorité d'usage, si pendant cinq ans au moins, à compter de la publication prévue à l'article 7, elle n'a donné lieu à aucune action reconnue fondée.

Le premier usager qui aura laissé écouler le délai susvisé sans introduire sa revendication en justice devra cesser l'exploitation de la marque trois ans au plus tard après la mise en demeure faite par acte extrajudiciaire à la requête du déposant.

Il n'est pas fixé de délai pour réclamer la radiation ou l'interdiction d'usage des marques enregistrées ou utilisées de mauvaise foi.

Article 5🔗

Le titulaire d'une marque notoirement connue au sens des dispositions des conventions internationales visées à l'article 2 peut demander l'annulation du dépôt ou l'interdiction de l'usage d'une marque susceptible de créer une confusion avec la sienne.

L'action en annulation du dépôt doit être intentée dans les cinq années qui suivent la date de ce dernier lorsque la bonne foi du déposant est établie.

Article 6🔗

Le dépôt d'une marque et l'instruction de sa demande d'enregistrement sont effectués dans les conditions prévues par une ordonnance souveraine.

L'enregistrement de la marque ou la décision de rejet du dépôt, lorsqu'elle est contraire aux dispositions de l'article 2, doit intervenir dans un délai de trois mois à compter de la date du dépôt.

La décision de rejet est motivée ; elle est prononcée par le Ministre d'État et notifiée au déposant.

Article 7🔗

Une insertion au Journal de Monaco fera connaître les marques enregistrées.

Les notices relatives à ces marques seront communiquées sans frais à toute réquisition.

Toute personne pourra obtenir une reproduction photographique desdites notices moyennant le remboursement des frais correspondants.

Article 8🔗

Le dépôt d'une marque n'a d'effet que pour dix ans à compter du jour de ce dépôt ; la propriété de la marque peut être conservée sans limitation de durée par des dépôts successifs effectués dans les mêmes conditions que le premier.

Le renouvellement de dépôt qui prend effet à la date d'expiration du dépôt précédent doit être effectué avant cette date ou, au plus tard, dans les six mois qui suivent.

Article 9🔗

À l'occasion d'un renouvellement de dépôt aucun changement ne peut être apporté ni à la marque ni à la liste des produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, sous réserve du droit du titulaire de limiter cette liste.

Article 10🔗

Les marques déposées ou enregistrées peuvent faire l'objet, en totalité ou en partie, soit isolément, soit concurremment avec l'entreprise ou le fonds de commerce dont elles servent à distinguer les produits, de toutes transmissions en propriété ou jouissance, de mise en gage ou de saisie.

Les transmissions et mises en gage doivent être constatées par écrit.

Article 11🔗

Les actes juridiques visés au précédent article ne seront opposables aux tiers qu'après inscription sur un registre spécial tenu au service de la Propriété industrielle.

Une copie de ces inscriptions sera délivrée à toute personne qui la demandera.

Les modalités de l'inscription et de la délivrance des copies seront déterminées par un arrêté ministériel.

Article 12🔗

Le déposant qui entend renoncer partiellement ou totalement à l'emploi de la marque doit en faire la déclaration par écrit au service de la Propriété industrielle ; celle-ci sera inscrite au registre spécial et publiée au Journal de Monaco.

Article 13🔗

Les personnes de nationalité étrangère, domiciliées à Monaco ou y possédant un établissement industriel ou commercial jouissent du bénéfice de la présente loi en remplissant les formalités qu'elle inscrit.

Les personnes de nationalité étrangère dont les établissements sont situés hors de Monaco jouissent également du bénéfice de la présente loi pour les produits ou services visés à l'article premier si, dans les pays où ils sont situés, la législation interne de ces pays ou des conventions internationales assurent la réciprocité pour les marques monégasques.

Section III - Des marques collectives🔗

Article 14🔗

L'État, la Commune, les établissements publics, ainsi que les syndicats, unions de syndicats, associations ou groupements de producteurs, d'industriels et de commerçants, pourvus d'une administration légalement constituée et de la capacité juridique, peuvent pour un but d'intérêt général, industriel, commercial ou économique, ou pour favoriser le développement du commerce ou de l'industrie de leurs membres posséder des marques collectives de fabrique, de commerce ou de service.

Sous réserve des prescriptions suivantes, ces marques sont régies par les dispositions de la présente loi et par celles prises pour son application.

Article 15🔗

Les marques collectives sont apposées, soit directement par la personne morale à titre de contrôle sur certains produits ou objets, soit par ses membres, sous sa surveillance et à des conditions déterminées, sur les produits de leur fabrication ou de leur industrie ou sur les objets de leur commerce.

Article 16🔗

Le dépôt d'une marque collective doit comprendre un règlement déterminant les conditions auxquelles est subordonné l'emploi de la marque.

Toute modification apportée au règlement déposé est remise au service de la Propriété industrielle qui l'inscrit sur le registre spécial : un avis la concernant est publié au Journal de Monaco.

Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 7 sont applicables au règlement.

Article 17🔗

Les personnes ayant le droit d'utiliser une marque collective ne peuvent exercer les autres droits attachés à celle-ci qu'en cas de carence de la personne morale titulaire de la marque collective et à condition de la mettre en cause.

Article 18🔗

Sans préjudice de l'application des dispositions des conventions internationales visées à l'article 2, les personnes morales, étrangères habilitées à ester en justice dans leur pays d'origine et entrant dans une des catégories visées à l'article 14 jouissent du bénéfice de la présente loi pour les marques collectives régulièrement déposées ou enregistrées dans leur pays d'origine, si les marques collectives monégasques bénéficient de la réciprocité de protection dans ce pays.

Article 19🔗

Les titulaires de marques déposées ou enregistrées en application des dispositions des conventions internationales visées à l'article 2 doivent, pour se prévaloir de la présente loi, remettre le règlement de la marque au service de la Propriété industrielle dans un délai de six mois à compter du dépôt de l'enregistrement. Ce règlement doit être accompagné, s'il y a lieu, d'une traduction en langue française.

Le dépôt du règlement fait l'objet d'une inscription au registre spécial et d'un avis au Journal de Monaco.

Article 20🔗

La marque collective ne peut faire l'objet d'aucune transmission ni en propriété ni en jouissance, ni de mise en gage, ni d'aucune mesure d'exécution forcée.

Article 21🔗

L'annulation du dépôt d'une marque collective peut être prononcée :

  • lorsque la personne morale ou la collectivité cesse d'exister ;

  • lorsque le titulaire a employé, ou laissé récemment employer, sa marque dans des conditions autres que celles prévues au règlement ;

  • lorsqu'il n'observe pas les prescriptions de la présente section ;

  • lorsque le règlement contient des dispositions contraires à l'ordre public ou aux bonnes mœurs.

En cas d'annulation, la marque collective ne peut pas être appropriée, pour les mêmes produits ou services pour un nouveau dépôt, ni être employée à un titre quelconque. Toutefois, à l'expiration d'un délai de dix ans, la marque collective peut être, à nouveau, déposée à ce titre par une personne morale ayant un objet semblable.

Section IV - Des droits auxquels sont assujetties certaines formalités🔗

Article 22🔗

Sont assujettis à versement de droits :

  • 1° le dépôt d'une marque : lorsque les produits ou services concernent plusieurs classes de la nomenclature en vigueur par l'effet des conventions internationales visées à l'article 2, des droits supplémentaires sont exigibles si les produits ou services dont la marque doit assurer la protection s'étendent sur plus de trois classes ;

  • 2° le renouvellement du dépôt ; au cas où le renouvellement est effectué dans les six mois qui suivent la date d'expiration du dépôt, un droit supplémentaire est exigible ;

  • 3° les inscriptions au registre spécial ainsi que la délivrance des copies de ces inscriptions.

Les montants des droits sont fixés par ordonnance souveraine.

Titre II - De la protection judiciaire des marques🔗

Section I - De la protection pénale🔗

Article 23🔗

Seront punis d'un emprisonnement de six mois à trois ans et de l'amende prévue au chiffre 3° de l'article 26 du Code pénal :

  • 1° ceux qui auront contrefait une marque ou ceux qui auront frauduleusement apposé une marque appartenant à autrui ;

  • 2° ceux qui auront fait usage d'une marque sans autorisation de l'intéressé, même avec l'adjonction de mots tels que « formule, façon, système, imitation, genre ». Toutefois, l'usage d'une marque fait par les fabricants d'accessoires pour indiquer la destination du produit n'est pas punissable ;

  • 3° ceux qui auront détenu sans motif légitime des produits qu'ils savent revêtus d'une marque contrefaite ou frauduleusement apposée ou ceux qui auront sciemment vendu, mis en vente, fourni ou offert de fournir des produits ou des services sous une telle marque ;

  • 4° ceux qui auront sciemment livré un produit ou fourni un service autre que celui qui leur aura été demandé sous une marque déposée.

Article 24🔗

Seront punis d'un emprisonnement de trois mois à un an et de l'amende prévue au chiffre 2° de l'article 26 du Code pénal :

  • 1° ceux qui, sans contrefaire une marque déposée, en auront fait une imitation frauduleuse de nature à tromper l'acheteur ou auront fait usage d'une marque frauduleusement imitée ;

  • 2° ceux qui auront sciemment fait un usage quelconque d'une marque déposée portant des indications propres à tromper l'acheteur sur la nature, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles, l'espèce ou l'origine de l'objet désigné ;

  • 3° ceux qui auront détenu sans motif légitime des produits qu'ils savent revêtus d'une marque frauduleusement imitée ou ceux qui auront sciemment vendu, mis en vente, fourni ou offert de fournir des produits ou des services sous une telle marque.

Article 25🔗

Indépendamment de l'application, le cas échéant, des articles précédents, seront punis des peines portées à l'article 24 :

  • 1° ceux qui auront sciemment fait un usage quelconque d'une marque collective dans les conditions autres que celles prescrites au règlement d'emploi accompagnant le dépôt de cette marque ;

  • 2° ceux qui auront sciemment vendu ou mis en vente un ou plusieurs produits revêtus d'une marque collective irrégulièrement employée ;

  • 3° ceux qui sciemment auront fait un usage quelconque, dans un délai de dix ans à compter de la date d'annulation d'une marque collective, d'une marque reproduisant ou imitant ladite marque collective ;

  • 4° ceux qui, dans un délai de dix ans à compter de la date d'annulation d'une marque collective, auront sciemment vendu, mis en vente, fourni ou offert de fournir des produits ou des services sous une marque reproduisant ou imitant cette marque collective.

Article 26🔗

Les peines portées aux articles 23, 24 et 25 peuvent être élevées au double au cas de récidive.

Il y a récidive lorsqu'il a été prononcé contre le prévenu, dans les cinq années antérieures, une condamnation pour un des délits prévus par la présente loi.

Article 27🔗

La confiscation des produits dont la marque serait reconnue contraire aux dispositions des articles 23, 24 et 25 peut, même en cas de relaxe, être prononcée par le tribunal, ainsi que celle des instruments et ustensiles ayant spécialement servi à commettre le délit.

Le tribunal peut ordonner que les produits confisqués soient remis au propriétaire de la marque contrefaite ou frauduleusement apposée ou imitée, indépendamment de plus amples dommages-intérêts s'il y a lieu.

Il prescrit, dans tous les cas, la destruction des marques reconnues contraires aux dispositions susvisées.

Section II - De la protection civile🔗

Article 28🔗

Le propriétaire d'une marque peut, en vertu d'une ordonnance sur requête du président du tribunal de première instance, faire procéder par tout huissier à la désignation et à la description détaillée, avec ou sans saisie, des produits ou services qu'il prétend marqués à son préjudice en infraction aux dispositions de la présente loi.

L'ordonnance est rendue sur la présentation du titre officiel d'enregistrement de la marque ou d'un certificat de dépôt au service de la Propriété industrielle de la notice correspondant à la marque. Elle contient, s'il y a lieu, la nomination d'un expert, afin d'assister l'huissier dans sa description.

Lorsque la saisie est requise, l'ordonnance peut exiger du requérant qu'il consigne une somme d'argent avant de faire procéder à la saisie.

Il est laissé copie au détenteur des objets décrits ou saisis, de l'ordonnance et, le cas échéant, de l'acte constatant la consignation pécuniaire, le tout à peine de nullité et de dommages-intérêts contre l'huissier.

Dans le cas où il s'agit de constater une substitution de produit ou de service, l'huissier n'est tenu d'exhiber l'ordonnance qu'après livraison du produit ou fourniture de la prestation de service et, si l'ordonnance autorise plusieurs constatations de la substitution, qu'après la dernière livraison ou prestation de service.

Article 29🔗

À défaut par le requérant de s'être pourvu, soit par la voie civile, soit par la voie correctionnelle, dans le délai de quinzaine, la description ou la saisie est nulle de plein droit, sans préjudice des dommages-intérêts qui peuvent être réclamés s'il y a lieu.

Article 30🔗

En cas d'action intentée par la voie correctionnelle, si le prévenu soulève, pour sa défense, des questions relatives à la propriété de la marque, le tribunal saisi statue sur l'exception.

Toutes autres actions relatives aux marques sont portées devant le tribunal de première instance.

L'annulation totale ou partielle de l'enregistrement d'une marque contraire aux prescriptions de la présente loi peut être prononcée soit à la requête du ministère public, soit à celle de tout intéressé.

Article 31🔗

Les titulaires de noms patronymiques ou de noms commerciaux qui demandent à ce que l'usage de ces noms par des homonymes de bonne foi soit réglementé procéderont comme mentionné à l'article 28.

Titre III - Dispositions transitoires et abrogations🔗

Article 32🔗

Sont maintenus les droits acquis antérieurement à la date de publication de la présente loi.

Les dépôts de marques valablement effectués en application de la loi n° 608 du 20 juin 1955 modifiée par la loi n° 624 du 5 novembre 1956 produiront leurs effets conformément aux dispositions de la présente loi. Toutefois, la durée de protection attachée à ces dépôts demeure fixée à quinze années.

Article 33🔗

La présente loi entrera en vigueur le 1er octobre 1983.

Seront abrogées à compter de cette date, la loi n° 608 du 20 juin 1955, la loi n° 624 du 5 novembre 1956 ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi.

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