Loi n° 473 du 4 mars 1948 relative à la conciliation et l'arbitrage des conflits collectifs du travail
Article 1er🔗
Les conflits collectifs du travail, qui ne peuvent être résolus directement, soit amiablement, soit par application des dispositions de conventions collectives, seront obligatoirement soumis aux procédures de conciliation et d'arbitrage prévues par la présente loi et dans les formes et conditions fixées ci-dessous.
Article 2🔗
La procédure de conciliation et d'arbitrage sera engagée :
1° Dans le cas où le conflit concerne une entreprise déterminée, soit par la majorité des salariés occupés dans cette entreprise, soit par les délégués du personnel spécialement mandatés par la majorité des salariés, soit par l'employeur ;
2° Dans le cas où le conflit concerne plusieurs entreprises, soit par la majorité des délégués du personnel spécialement mandatés, soit par les syndicats ouvriers ou patronaux intéressés, soit par la majorité des employeurs.
La partie la plus diligente adresse au ministre d'État une requête aux fins de conciliation, rédigée en trois exemplaires, sur papier libre, et exposant les points sur lesquels porte le litige.
Il est donné avis, par les soins du ministre d'État, du dépôt de la demande aux autres parties ou organisations intéressées. Celles-ci peuvent en prendre connaissance à la direction des services sociaux dans un délai qui ne peut excéder cinq jours après la réception de l'avis de dépôt.
Le ministre d'État peut aussi, en l'absence de toute requête, saisir d'office la commission de conciliation prévue à l'article suivant, par une communication écrite, précisant l'objet du conflit.
Article 3🔗
La requête est ensuite soumise à une commission de conciliation, composée de deux employeurs et de deux salariés membres du tribunal du travail réunis sous la présidence du président du tribunal du travail et désignés par lui à l'occasion de chaque conflit.
Article 4🔗
Les parties ou leurs représentants légaux ayant qualité pour se concilier comparaîtront devant la commission de conciliation réunie, sur convocation de son président, dans les vingt jours qui suivent la transmission effectuée à ladite commission par le ministre d'État.
Article 5🔗
Lorsqu'un accord est intervenu devant la commission de conciliation, un procès-verbal en est dressé sur-le-champ ; il est signé du président et des membres présents de la commission, ainsi que des parties, ou, le cas échéant, de leurs représentants. Le procès-verbal est notifié, sans délai, par le président de la commission, aux parties et au ministre d'État.
Article 6🔗
La non-comparution de la partie qui a introduit la requête aux fins de conciliation vaut renonciation à sa demande.
Faute d'accord sur tout ou partie du litige, au plus tard dans le délai de quinze jours à compter de la première réunion de la commission de conciliation, un procès-verbal de non-conciliation précisant, s'il y a lieu, les points sur lesquels le différend persiste et ceux qui ont fait l'objet d'une conciliation est aussitôt dressé ; le procès-verbal est signé du président et des membres présents de la commission, ainsi que des parties présentes ou de leurs représentants.
En outre, les parties présentes ou représentées sont invitées à porter à la connaissance du président de la commission, dans un délai de trois jours, le nom d'un arbitre commun dont elles auront fait choix. Le président adresse la même invitation, par lettre recommandée avec avis de réception, à la partie contre laquelle la demande a été introduite, si elle n'a pas comparu ; le délai imparti court, dans ce cas, de la réception de la lettre recommandée.
Le président de la commission de conciliation notifie immédiatement par lettre recommandée sa désignation à l'arbitre choisi et en informe le ministre d'État.
À défaut de choix d'un arbitre commun par les parties dans le délai prescrit au troisième alinéa du présent article, le ministre d'État informe, par la voie administrative, les représentants légaux des syndicats intéressés qu'ils ont un délai de cinq jours pour faire connaître, par avis motivé, si la nature ou l'importance du conflit justifie ou non la désignation de trois arbitres.
Après réception desdits avis ou, à défaut, à l'expiration du délai de cinq jours visé à l'alinéa précédent, un arrêté ministériel désigne un ou trois arbitres choisis comme prévu à l'article 7 ci-après. Ledit arrêté doit intervenir, au plus tard, dans les quinze jours de l'expiration du délai ci-dessus prévu ; le même arrêté fixe la date à laquelle la sentence devra être rendue ; le délai imparti à l'arbitre peut être prorogé dans la même forme.
Article 7🔗
Tous les trois ans, dans la première quinzaine du mois de décembre, le directeur des services judiciaires établit, sur avis du Ministre d'État, après consultation des représentants légaux des syndicats ouvriers et patronaux, une liste comprenant au moins cinquante noms, sur laquelle seront choisis les arbitres désignés d'office.
Article 8🔗
Les arbitres ne peuvent statuer que sur les objets déterminés par le procès-verbal de non-conciliation ou sur ceux qui, résultant d'événements postérieurs à ce procès-verbal, sont la conséquence directe des conflits en cours.
Ils statuent, suivant les règles du droit, sur les conflits collectifs du travail d'ordre juridique, c'est-à-dire sur les conflits relatifs à l'exécution des conventions collectives, des lois, ordonnances et arrêtés sur le travail.
Les arbitres statuent en équité sur tous les autres conflits collectifs du travail et notamment sur ceux d'ordre économique.
Article 9🔗
Lorsque la demande sera de nature à exercer des répercussions sur les contrats conclus par l'État ou les collectivités publiques, le ministre d'État pourra soumettre aux arbitres toute documentation utile.
Article 10🔗
Les pièces que les parties verseront au débat seront discutées contradictoirement en présence des arbitres.
Les arbitres et, le cas échéant, tous experts désignés seront tenus au secret professionnel.
Article 11🔗
Si l'une des parties soutient ou si les arbitres estiment que le différend n'a pas un caractère collectif, il ne pourra être prononcé sur le fond que lorsque la sentence sur la compétence sera devenue définitive.
L'introduction d'un recours sur la compétence ne suspend pas l'instruction au fond du litige et ne dispense pas les parties de répondre aux convocations ni aux demandes de renseignements qui leur sont adressées.
Article 12🔗
Les sentences arbitrales doivent être motivées.
Elles ne sont pas susceptibles d'appel et ne peuvent faire l'objet du recours en révision prévu par les articles 439 et suivants du Code de procédure civile. Toutefois, les parties pourront, dans le délai de dix jours à compter de la notification de la sentence, former devant la cour supérieure d'arbitrage un recours pour incompétence, excès de pouvoir ou violation de la loi.
La même faculté appartient au procureur général qui dispose d'un délai de quinze jours pour introduire son recours.
Les recours sont suspensifs.
L'arrêt devra être rendu dans le délai de quinze jours suivant l'expiration du délai imparti au procureur général pour former un recours.
Article 13🔗
La cour supérieure d'arbitrage, dont les membres à l'exception du président sont nommés par ordonnance souveraine pour une durée de deux ans, est composée :
du premier président de la cour d'appel, ou du magistrat en faisant fonction, président ;
de deux magistrats de l'ordre judiciaire, en activité ou en retraite ;
de deux hauts fonctionnaires de l'État, en activité ou en retraite ;
et lorsqu'il s'agira de statuer au fond, de deux représentants salariés et de deux représentants patronaux choisis par le président du tribunal du travail parmi les membres de ce tribunal.
Des membres suppléants sont désignés pour la même durée, par ordonnance souveraine, pour remplacer les membres titulaires, en cas d'empêchement.
Le procureur général, ou son substitut, conclut au nom de la loi.
Si la cour prononce l'annulation d'une sentence arbitrale par laquelle l'arbitre s'est déclaré à tort incompétent, le litige est renvoyé devant le même arbitre pour être statué sur le fond. Dans les autres cas, la cour statue elle-même sur le rapport d'un de ses membres commis pour instruction supplémentaire.
Les décisions de la cour supérieure d'arbitrage ne peuvent faire l'objet d'aucun recours.
Article 14🔗
À titre exceptionnel pour les conflits d'ordre juridique l'arbitre détermine, dans les limites de la durée des prescriptions prévues par le droit commun et en motivant sa décision, la date d'effet de la sentence.
Article 14 bis🔗
Dans les vingt-quatre heures de leur date, les sentences seront notifiées aux parties par lettre recommandée avec avis de réception et deux copies en seront adressées à la direction du travail et des affaires sociales, le tout aux diligences de l'arbitre commis.
Dans le même délai ce dernier déposera au greffe du tribunal la minute de la sentence. Par le seul effet de ce dépôt, la sentence aura force exécutoire, sauf son annulation éventuelle par la cour supérieure d'arbitrage.
Les sentences arbitrales et les arrêts de la cour supérieure d'arbitrage seront publiés au « Journal de Monaco » lorsqu'ils concerneront des conflits mettant en cause plusieurs entreprises.
Article 15🔗
Une ordonnance souveraine déterminera les modalités d'application des articles 12 et 13, notamment les conditions d'organisation et de fonctionnement de la cour supérieure et de son secrétariat.
Article 16🔗
La procédure de conciliation et d'arbitrage, prévue par la présente loi, ne s'applique, en ce qui concerne les services publics concédés, qu'aux différends collectifs du travail dont le règlement n'est soumis ni à des procédures conventionnelles de conciliation, ni à des prescriptions réglementaires spéciales.
Article 17🔗
Les dispositions de la présente loi ne s'appliqueront pas aux sentences arbitrales rendues avant sa promulgation et non exécutées à cette date.
Article 18🔗
L'inexécution des obligations résultant des dispositions de la présente loi, des ordonnances souveraines qui pourront être prises pour son application ainsi que des procès-verbaux de conciliation et des sentences arbitrales sera punie d'un emprisonnement de six jours à un mois et de l'amende prévue au chiffre 1 de l'article 26 du Code pénal ou de l'une de ces deux peines seulement.
Article 19🔗
La loi n° 234 du 6 mai 1937, l'ordonnance souveraine n° 2.968 du 26 janvier 1945, ainsi que toutes dispositions contraires à celles de la présente loi, sont abrogées.