Loi n° 32 du 15 juin 1920 sur les pupilles de l'orphelinat
Article 1er🔗
Sont considérés comme pupilles de l'orphelinat les mineurs de l'un et l'autre sexe admis comme tels par une délibération de la commission administrative approuvée par le Ministre d'État en conseil de Gouvernement.
Peuvent seuls être admis en cette qualité :
1° Les enfants nés de père et mère inconnus, trouvés sur le territoire de la Principauté ;
2° Les enfants de nationalité monégasque, qui, nés de père et mère connus, en sont délaissés sans qu'on puisse recourir à eux ou à leurs ascendants ;
3° Les enfants de nationalité monégasque qui, n'ayant ni père, ni mère, ni ascendants auxquels on puisse recourir, n'ont aucun moyen d'existence.
Article 2🔗
Les enfants de nationalité monégasque ou étrangère, laissés momentanément sans protection ni moyens d'existence, par suite de l'hospitalisation ou de la détention de leurs père et mère ou ascendants, peuvent être recueillis temporairement à l'orphelinat, mais ils ne peuvent, de ce seul fait, être l'objet d'une admission définitive au titre de pupilles.
La commission se borne à assurer leur hospitalisation et leur placement, s'il y a lieu, dans les conditions de la présente loi.
Article 3🔗
Les pupilles de l'orphelinat bénéficient de la protection de la présente loi jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de vingt et un ans accomplis ou été l'objet d'une décision de remise définitive à leur famille.
Dans ce dernier cas, la protection de la loi leur demeure acquise jusqu'à ce que la délibération de la commission administrative, faisant droit à la demande de remise, ait été approuvée par le Ministre d'État en conseil de Gouvernement.
Article 4🔗
La commission administrative exerce, à l'égard des pupilles, les attributions d'un conseil de famille.
Elle est assistée, à cet effet, du juge de paix, à peine de nullité des décisions prises.
La commission désigne un tuteur parmi ses membres ou en dehors d'elle : la désignation est soumise à l'approbation du Ministre d'État lorsque le tuteur est choisi en dehors de la commission.
À défaut de tutelle librement acceptée, celle-ci est exercée d'office par le président de la commission.
Il est procédé à une nouvelle désignation si le tuteur, choisi parmi les membres de la commission, cesse de faire partie de cette dernière : toutefois, la tutelle peut être de nouveau confiée au membre sortant.
Il n'est point désigné de subrogé tuteur.
Article 5🔗
Le juge de paix est informé, dans le plus bref délai, par les soins du Ministre d'État, des admissions prononcées.
La commission doit être convoquée de droit, lorsque le juge de paix, le tuteur ou le curateur en demandent la réunion.
Article 6🔗
Sous réserve des exceptions résultant de la présente loi, les règles posées par le Code civil, en ce qui concerne la tutelle et l'émancipation, s'appliquent à la tutelle et à l'émancipation des pupilles de l'orphelinat.
Article 7🔗
Les pupilles ne peuvent contracter mariage ni être émancipés sans le consentement de la commission.
L'émancipation résulte de la délibération qui l'autorise et de la déclaration faite, en conséquence, par le juge de paix, en présence de son greffier, que le mineur est émancipé.
L'acte d'émancipation est délivré sans frais.
La commission procède, en cas d'émancipation, à la désignation d'un curateur, dans les conditions fixées par l'article 4 ci-dessus.
Article 8🔗
Les biens du tuteur ne sont pas soumis à l'hypothèque légale.
Les valeurs, titres et deniers appartenant aux pupilles sont déposés entre les mains du trésorier général qui en est comptable ; il ne peut s'en dessaisir que sur l'autorisation du tuteur et en vertu d'une délibération conforme de la commission.
La commission statue sur l'emploi des capitaux des pupilles, dans les conditions et dans les délais fixés par l'article 348 du Code civil.
Elle peut décider qu'une partie des sommes acquises par les pupilles, en rémunération de leur travail, sera, jusqu'à concurrence du cinquième du pécule leur appartenant, versée à une caisse de retraites en vue de leur constituer une pension ultérieure.
Le compte d'administration du tuteur et le compte de gestion du trésorier général sont soumis, chaque année, en fin d'exercice, au contrôle de la commission et à l'approbation du Ministre d'État.
En fin de tutelle, le compte définitif de tutelle est approuvé par la commission et rendu sans frais.
Article 9🔗
Les revenus des biens et capitaux appartenant aux pupilles non émancipés, à l'exception de ceux provenant de leur travail et de leurs économies, sont perçus au profit de l'orphelinat, jusqu'à concurrence du montant des frais exposés par cet établissement pour l'entretien des pupilles.
Les héritiers qui se présenteront pour recueillir la succession d'un pupille, sont tenus d'indemniser l'orphelinat des frais non encore remboursés.
Lorsqu'aucun héritier ne se présente, les biens du pupille décédé sont recueillis par l'orphelinat.
Article 10🔗
Les successions recueillies par l'orphelinat en vertu de l'article précédent, seront, ainsi que le produit et les revenus des dons et legs, faits au profit de ces pupilles sans affectation spéciale, employés à la création de dots de mariage en faveur des pupilles ou d'anciens pupilles.
Ces dons seront attribués par la commission, sur la proposition du tuteur ou de l'ancien tuteur.
Article 11🔗
La commission assure l'hospitalisation des pupilles jusqu'à leur placement, s'il y a lieu, dans une famille ou un établissement public ou privé, soit dans la Principauté, soit à l'étranger.
Lorsque la commission décide de placer un pupille dans une famille ou un établissement, la délibération, tant en ce qui concerne le choix de la famille ou de l'établissement, que les conditions du traité à passer par le président de la commission pour l'entretien du pupille n'est exécutoire qu'après approbation du Ministre d'État en conseil de Gouvernement.
Article 12🔗
Les frères et sœurs seront, autant que possible, placés dans la même famille ou, au moins, dans la même commune.
Les pupilles âgés de moins de 13 ans doivent être, en principe, confiés à des familles habitant la campagne ; passé cet âge, les pupilles sont mis en apprentissage, de préférence dans les professions agricoles et chez leur nourricier.
Si le pupille est confié à une nourrice, le traité de placement doit prévoir à la fois une rétribution fixe et une prime de service acquise à la nourrice lorsque le pupille a quinze mois révolus.
En sus de la rémunération prévue au traité, le nourricier qui aura gardé un pupille pendant dix ans au moins, l'aura élevé avec soin et envoyé régulièrement à l'école, pourra recevoir, lorsque l'enfant aura atteint sa quatorzième année, une récompense dont la quotité sera fixée par la commission, sous réserve de l'approbation du Ministre d'État en conseil de Gouvernement.
Les indemnités accordées aux nourrices et aux nourriciers résidant sur le territoire de la Principauté, sont incessibles et insaisissables.
Article 13🔗
La commission exerce, sous le contrôle du Ministre d'État en conseil de Gouvernement, une surveillance constante sur les pupilles, en vue de s'assurer :
1° Qu'ils sont placés dans de bonnes conditions d'hygiène et de moralité ;
2° Qu'ils sont convenablement soignés en cas de maladie ;
3° Qu'ils reçoivent, selon leur âge, l'instruction primaire ou l'instruction professionnelle stipulée dans le contrat de placement.
4° Qu'il leur est accordé une juste rémunération pour les travaux auxquels ils sont employés et qu'une partie de leur salaire est affectée à la constitution d'un pécule placé à leur nom.
Article 14🔗
Il est remis à la famille ou à l'établissement auxquels les pupilles sont confiés, un carnet individuel sur lequel doivent être portés :
1° Les visites médicales, avec leurs dates ;
2° Les versements faits en vue de la constitution du pécule ;
3° Les visites d'inspection et les observations auxquelles elles ont donné lieu.
Article 15🔗
Le Ministre d'État devra procéder, ou faire procéder, au moins une fois chaque année, à la visite des pupilles placés.
Il pourra déléguer à cet effet, lorsqu'il s'agira de jeunes filles, des dames visiteuses.
Article 16🔗
Lorsqu'un pupille, par des actes d'immoralité, de violence ou de cruauté, donne des sujets de mécontentement très graves, le tribunal civil peut, sur le rapport de la commission et la demande du Ministre d'État, décider que le pupille sera confié à l'administration pénitentiaire.
Le tribunal statuera en chambre du conseil, en conformité de l'article 849 du Code de procédure civile.
Le Ministre d'État peut, d'après les résultats obtenus, sur la proposition ou après avis de la commission, mettre fin au placement et opérer le retrait du pupille.
Une ordonnance souveraine réglementera, s'il y a lieu, en exécution des conventions internationales à intervenir, les conditions d'application de cette mesure.
Article 17🔗
Le tuteur ne peut procéder à la remise du pupille à ses parents, lorsque ceux-ci le réclament, qu'en vertu d'une délibération de la commission autorisant la remise et à charge par les parents de rembourser les dépenses exposées dans l'intérêt du pupille, à moins que la commission n'ait décidé de les exonérer en tout ou en partie.
La remise peut être accordée à titre définitif ou à titre d'essai ; dans ce dernier cas, le pupille demeure sous la surveillance de la commission et du tuteur.
Les délibérations autorisant les remises définitives ou exonérant les parents du remboursement des dépenses exposées ne sont exécutoires qu'après avoir été approuvées par le Ministre d'État en conseil de Gouvernement.
Les parents peuvent être autorisés à rembourser par versements mensuels échelonnés sur une ou plusieurs années.
Article 18🔗
Le pupille réclamé par une personne autre que ses parents ou grands-parents, peut lui être confié, à titre temporaire et révocable, si la commission autorise le tuteur à le faire, mais sous réserve de la tutelle organisée par la présente loi. La délibération doit être approuvée par le Ministre d'État en conseil de Gouvernement.
La personne à laquelle le pupille a été confié pendant trois ans, à titre gratuit, peut, même si elle est âgée de moins de 50 ans et le pupille de plus de 15 ans, devenir le tuteur officieux du pupille, avec le consentement de la commission. Le juge de paix dresse procès-verbal de la demande et du consentement : ces pièces et le procès-verbal sont visés pour timbre et enregistrés gratis.
Article 19🔗
Les prévisions de recettes et de dépenses concernant le service des pupilles de l'orphelinat, feront l'objet de dispositions spéciales dans le budget de cet établissement.
Article 20🔗
Les certificats, significations, jugements, contrats, quittances et autres actes faits en vertu de la présente loi et relatifs au service des pupilles de l'orphelinat sont dispensés du timbre et enregistrés gratis, lorsqu'il y a lieu à la formalité de l'enregistrement, sans préjudice du bénéfice de l'assistance judiciaire.
Article 21🔗
Les détails d'application de la présente loi feront, s'il y a lieu, l'objet d'un règlement spécial délibéré par la commission administrative et soumis pour avis au conseil communal ; il sera exécutoire après approbation du Ministre d'État en conseil de Gouvernement.
Article 22🔗
L'article 5 de l'ordonnance du 8 octobre 1889, et, d'une manière générale, toutes dispositions contraires à la présente loi sont et demeurent abrogés.