Arrêté ministériel n° 54-117 du 23 juin 1954 fixant les mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements dont le personnel est exposé à l'intoxication benzolique
Vu la loi n° 226 du 7 avril 1937, relative au congé annuel payé, aux salaires minima et aux conditions d'hygiène dans les établissements industriels, commerciaux ou professionnels ;
Vu la loi n° 247 du 24 juillet 1938, portant modification de la loi n° 226 du 7 avril 1937 en ce qui concerne les congés payés et les conditions de sécurité du travail ;
Vu l'ordonnance n° 3.706 du 5 juillet 1948, fixant les conditions d'hygiène et de sécurité du travail ;
Vu l'arrêté ministériel du 14 décembre 1948, portant réglementation des conditions générales d'hygiène et de sécurité du travail ;
Vu l'arrêté ministériel n° 50-156 du 21 novembre 1950, modifiant l'arrêté ministériel du 14 décembre 1948, portant réglementation des conditions générales d'hygiène et de sécurité du travail ;
Aménagement des locaux🔗
Article 1🔗
Dans les entreprises dont le personnel est exposé de façon habituelle à l'action des vapeurs d'hydrocarbures benzéniques ou de produits en renfermant, les chefs d'établissements sont tenus, indépendamment des mesures générales prescrites par l'arrêté ministériel du 14 décembre 1948, susvisé, de prendre les mesures particulières d'hygiène et de sécurité énoncées aux articles suivants.
Évacuation des vapeurs🔗
Article 2🔗
Les vapeurs des hydrocarbures benzéniques seront captées au lieu même de leur production et évacuées lorsqu'il ne sera pas possible d'utiliser des appareils rigoureusement clos en marche normale. L'inspecteur du travail pourra imposer l'affichage, dans les locaux de travail, d'un avis indiquant les dangers du benzolisme.
Article 3🔗
Les chefs d'établissements où sont effectués des travaux industriels au moyen d'hydrocarbures benzéniques ou de produits en renfermant sont tenus à en faire la déclaration à l'inspecteur du travail et à la caisse de compensation des services sociaux.
Surveillance médicale🔗
Article 4🔗
Les chefs d'établissements, directeurs ou gérants sont tenus de désigner un médecin qui procède aux examens et constatations prévus à l'article 5 du présent arrêté.
La rémunération de ce médecin est à la charge de l'entreprise.
Article 5🔗
. Aucun ouvrier ou employé ne doit être admis aux travaux visés à l'article premier ni occupé d'une façon habituelle dans les locaux où s'effectuent ces travaux sans un certificat médical constatant que ce travailleur ne présente aucune inaptitude aux travaux exposant à l'intoxication benzolique.
Aucun travailleur ne doit être maintenu dans ces locaux si ce certificat n'est pas renouvelé deux mois après et ensuite une fois tous les six mois au moins.
En dehors des visites périodiques, le chef d'établissement est tenu de faire examiner par le médecin toute personne occupée dans ces locaux qui se déclare indisposée par les travaux qu'elle effectue ou qui exprime le désir d'être soumise à un examen médical.
Si le médecin constate qu'un travailleur occupé dans un des locaux où s'effectuent lesdits travaux est atteint d'une des maladies énumérées au tableau du benzolisme professionnel annexé à la loi n° 444 du 16 mai 1946, étendant aux maladies professionnelles la législation sur les accidents du travail, tout le personnel occupé dans le même local devra faire l'objet d'un examen général clinique et hématologique par le médecin. Cet examen sera renouvelé tous les deux mois jusqu'à ce qu'il ne soit plus constaté de cas de maladie professionnelle.
Les examens médicaux prévus aux alinéas précédents comporteront obligatoirement, en plus d'un examen clinique complet, un examen hématologique portant notamment sur la numération globulaire, l'aspect des globules rouges, la valeur globulaire, la forme leucocytaire, le signe du lacet, le temps de saignement.
Conditions d'aptitude🔗
Article 6🔗
I. - Lors de l'examen d'embauchage, il y a lieu de considérer comme inaptes aux travaux susceptibles de provoquer l'intoxication benzolique :
Les sujets féminins âgés de moins de dix-huit ans ;
Les sujets masculins âgés de moins de dix-huit ans, sauf autorisation spéciale du médecin ;
Les femmes enceintes ou nourrices ;
Les sujets ayant antérieurement été atteints d'une hémopathie toxique ou d'une intoxication benzolique ;
Les sujets étant atteints ou ayant été atteints antérieurement d'une hémopathie chronique (hémogénies, hémophilies, anémie de Biermer, chloroses, syndromes hémolytiques chroniques) ;
Les sujets présentant des anomalies notables du sang telles qu'un nombre de globules rouges inférieur à 4 000 000 par millimètre cube, nombre de globules blancs inférieur à 5 000 par millimètre cube, pourcentage de polynucléaires neutrophiles inférieur à 50 p. 100, temps de saignement supérieur à 6 minutes, signe du lacet franchement positif ;
Les sujets en mauvais état de nutrition ayant récemment souffert de carences alimentaires sévères.
Si l'examen d'embauchage porte sur du personnel qualifié ayant déjà effectué des travaux susceptibles de provoquer l'intoxication benzolique, les sujets présentant les désordres sanguins suivants isolés ou associés :
Nombre de globules rouges compris entre 3 500 000 et 4 000 000 par millimètre cube ;
Nombre de globules blancs compris entre 3 500 et 5 000 par millimètre cube ;
Taux de polynucléaires neutrophiles compris entre 35 et 50 p. 100 ;
Temps de saignement compris entre 6 et 10 minutes, ne pourront être embauchés. Leurs cas seront assimilés à ceux des sujets visés par le paragraphe 3° du titre II ci-après.
II. - À l'issue des examens ultérieurs, les sujets examinés seront classés en trois catégories :
1° Seront considérés comme aptes les sujets chez lesquels :
a) L'examen clinique attentif et complet ne décèle aucun signe d'intoxication benzolique ni aucune altération organique sérieuse ;
b) L'examen hématologique montre un nombre de globules rouges au moins égal à 4 000 000 par millimètre cube, un nombre de globules blancs au moins égal à 5 000 par millimètre cube, un taux de polynucléaires neutrophiles au moins égal à 50 p. 100 et l'absence d'éléments anormaux dans le sang ;
c) Le signe du lacet est négatif et le temps de saignement inférieur à 6 minutes.
2° Seront considérés comme inaptes :
a) Les sujets présentant des signes cliniques d'intoxication benzolique (céphalées fréquentes et vertiges, nausées et vomissements, épistaxis, purpuras, hémorragies muqueuses ou viscérales) ;
b) Les femmes enceintes ou nourrices ;
c) Les sujets chez lesquels évolue une des affections visées au titre I ;
d) Les sujets chez lesquels sont constatés de désordres sanguins suivants isolés ou associés :
Nombre de globules rouges égal ou inférieur à 3 500 000 par millimètre cube ;
Nombre de globules blancs égal ou inférieur à 3 500 par millimètre cube ;
Taux de polynucléaires neutrophiles égal ou inférieur à 35 p. 100 ;
États leucémoïdes ou leucoses ;
Nombre de lymphocytes supérieur à 10 000 par millimètre cube ;
Temps de saignement supérieur à 10 minutes.
3° Seront maintenus en observation tout en continuant leur travail, sous réserve d'un nouvel examen clinique et hématologique pratiqué deux mois après et éventuellement répété :
a) Les sujets âgés de moins de dix-huit ans embauchés avant la publication du présent arrêté ;
b) Les sujets masculins âgés de moins de dix-huit ans embauchés sur autorisation spéciale du médecin ;
c) Les sujets présentant une altération modérée de l'état général (amaigrissement, asthénie, etc.) paraissant indépendante d'une intoxication benzolique ;
d) Les sujets présentant les désordres sanguins modérés suivants isolés ou associés :
Nombre de globules rouges compris entre 3 500 000 et 4 000 000 par millimètre cube ;
Nombre de globules blancs compris entre 3 500 et 5 000 par millimètre cube ;
Taux des polynucléaires neutrophiles compris entre 35 p. 100 et 50 p. 100 ;
Temps de saignement compris entre 6 et 10 minutes.
Les sujets maintenus en observation doivent être l'objet d'une surveillance très stricte. La fréquence des examens devra être augmentée si les signes cliniques ou sanguins le requièrent. Si ces signes s'accentuent, même si les signes sanguins restent dans les limites ci-dessus, les sujets seront considérés comme inaptes.
Pour l'interprétation des dispositions qui précèdent, le médecin tiendra compte comparativement de tous les éléments de la formule sanguine.
Il y a lieu de souligner que l'inaptitude aux travaux susceptibles d'exposer à l'intoxication benzolique n'est pas nécessairement une inaptitude à tout autre travail.
Toutes les possibilités de reclassement professionnel au sein de l'entreprise ou, à défaut, en dehors de celle-ci, doivent être examinées chaque fois qu'un changement d'emploi s'avère indispensable.
Registre🔗
Article 7🔗
Un registre spécial, mis constamment à jour et tenu à la disposition de l'inspecteur du travail, de la commission d'hygiène et de sécurité ou, à défaut, des délégués du personnel, mentionne pour chaque ouvrier ou employé :
1° Les dates et les durées d'absence pour cause de maladie quelconque ;
2° Les dates des certificats présentés pour justifier ces absences et le nom du médecin qui les a délivrés ;
3°Les attestations formulées par le médecin de l'établissement en application de l'article 5 ci-dessus.
Ce registre sera également tenu à la disposition du médecin contrôleur de la caisse de compensation des services sociaux qui pourra prendre, en outre, connaissance des résultats des examens hématologiques.
Affichage🔗
Article 8🔗
Les chefs d'établissements sont tenus d'afficher dans un endroit apparent des locaux de travail :
1° Le nom et l'adresse du médecin chargé de procéder aux examens ;
2° Un avis indiquant les dangers du benzolisme, ainsi que les précautions à prendre pour prévenir cette intoxication et en éviter le retour.
Dispenses🔗
Article 9🔗
Le Ministre d'État peut, par arrêté pris sur le rapport de l'inspecteur du travail, après avis de la commission d'hygiène et de sécurité du travail, dispenser les chefs d'établissements des obligations prévues dans le présent arrêté :
1° Lorsqu'il résultera d'une déclaration écrite effectuée sous sa responsabilité par le chef d'établissement que les hydrocarbures benzéniques employés ont une courbe de distillation telle qu'au moins 90 p. 100 en volume passent à la distillation au-dessus de 145°, sans que plus de 1 p. 100 distille au-dessous de 130°, et que ces hydrocarbures ne sont pas utilisés à une température supérieure à la température ambiante. Cette déclaration sera adressée à l'inspecteur du travail ;
2° Lorsque les travaux sont effectués à l'intérieur d'appareils rigoureusement clos en marche normale.