Projet de loi n° 999 portant dépénalisation de l'avortement pour la femme enceinte

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Exposé des motifs🔗

Le Conseil National a, le 12 juin 2019, adopté une proposition de loi portant le numéro 234 relative à la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse. Conformément à l'article 67 de la Constitution, Ie Gouvernement Princier s'est engagé à transformer en projet de loi ladite proposition de loi.

Parce qu'elle se situe au carrefour du respect du droit à la vie de l'enfant à naître et du droit de la femme de pouvoir librement disposer de son corps, la question de l'avortement illustre - sans nul doute plus que toute autre - la diversité des situations humaines mises en lumière et la pluralité des dimensions dans lesquelles elle s'inscrit. Sujet relevant tout à la fois du droit, de la morale, de la religion, de la philosophie, de la sociologie, de la politique et, bien évidemment, de la médecine, l'avortement requiert d'être appréhendé dans toute sa complexité et en pleine conscience de l'ampleur des résonances qu'il suscite, au plus profond de l'intimité de chacun et chacune.

Aussi est-ce à l'aune de ces enjeux que Ie Gouvernement Princier, à la lumière de l'indéfectible attachement aux spécificités institutionnelles et constitutionnelles de la Principauté - parmi lesquelles figure l'article 9 de la Constitution -, et sur la base de la proposition de loi du Conseil National, a entrepris sa réflexion avec toute la juste mesure que devaient appeler les situations qu'il s'agit de régir.

La valeur de la vie humaine ne souffre en soi aucun compromis. Son respect oblige à la protéger et éviter qu'on puisse lui porter atteinte. Le droit à la vie ne saurait faire l'objet de jugement idéologique, sa reconnaissance et préservation sont, pour la société monégasque, une valeur fondamentale, cardinale, à laquelle aucun texte normatif ne saurait porter atteinte.

Le législateur ne saurait de même ignorer les situations de traumatisme dans lesquelles certaines femmes enceintes peuvent se trouver, et ne peut dès lors se contenter d'offrir, comme seule réponse à leur détresse, la menace d'un emprisonnement.

Car nul ne saurait en effet nier qu'un avortement est toujours une souffrance et toujours la réponse à une situation empreinte d'affliction. Toute femme, lorsqu'elle y recourt, est inéluctablement confrontée à une dure épreuve, et vouée à en subir les douloureuses conséquences.

C'est d'ailleurs conscient de cette détresse que le législateur a déjà procédé, en 2OO9, à Ia modification de l'article 248 du Code pénal afin d'admettre l'avortement lorsque la grossesse est « Ia conséquence d'un acte criminel », qu'elle « présente un risque pour la vie ou la santé physique de la mère » ou bien lorsque « les examens prénataux et autres données médicales démontrent une grande probabilité de troubles graves et irréversibles du foetus ou d'une affection incurable menaçant sa vie ».

Force est cependant de constater que la réponse pénale, quelle qu'en soit la forme, est doublement inadaptée à la situation particulière de la femme enceinte qui est amenée à demander l'avortement.

Inadaptée, en premier lieu, car l'existence d'une infraction pénale, pour appréhender la femme qui a avorté, ne fait que surajouter de la douleur à celle déjà ressentie par cette dernière. Inadaptée, en second lieu car la femme enceinte qui avorte a besoin d'être écoutée (non d'être poursuivie), d'être orientée (non d'être jugée) et d'être accompagnée (et non pas d'être condamnée).

Ainsi, le présent projet de loi, conformément à la proposition de loi, supprime toute sanction pénale à l'encontre de la femme qui a avorté. En d'autres termes, si l'interdiction d'avorter demeure, la transgression de cet interdit ne fera plus encourir de sanction pénale à la femme qui « se sera procuré I'avortement à elle-même ou aura tenté de se le procurer ou aura consenti à faire usage des mogens indiqués ou administrés à cet effet ».

Sous Ie bénéfice de ces considérations d'ordre général, le présent projet de loi appelle les commentaires particuliers ci-après, étant précisé que le Gouvernement Princier, après avoir dûment considéré l'équilibre atteint par la proposition de loi, a fait le choix de reprendre sans modification ce dispositif.

En substance, le projet de loi procède à la levée de la sanction pénale de principe pour la femme enceinte qui a avorté. En d'autres termes, la femme enceinte qui se sera procuré ou aura tenté de se procurer l'avortement n'encourra plus de sanctions pénales.

Par ailleurs, et conformément à l'objectif que poursuivait la proposition de loi, le présent texte soustrait le médecin à l'appréhension pénale, uniquement pour l'information qu'il délivre à sa patiente quant à la possibilité pour cette dernière de se faire avorter dans un pays étranger (article unique).

L'intitulé du projet de loi est néanmoins légèrement différent de celui de la proposition de loi afin d'une part, de faire usage de la même terminologie que celle usitée dans le Code pénal - à savoir, l'emploi du terme « avortement » au lieu « d'interruption volontaire de grossesse » - et, d'autre part, de préciser que la dépénalisation projetée ne concerne que la femme enceinte.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Article unique🔗

Les deuxième, troisième et quatrième alinéas du paragraphe I de l'article 248 du Code pénal sont modifiés comme suit :

« L'emprisonnement sera de cinq à dix ans et I'amende celle prévue au chiffre 4 de I'article 26, s'il est établi, soit que le coupable s'est livré habituellement aux actes visés à l'alinéa précédent, soit que ces actes ont été accomplis par des médecins, chirurgiens, sages-femmes, des pharmaciens ou toute autre personne exerçant, régulièrement ou non, une activité professionnelle intéressant la santé publique. Dans ce dernier cas, la suspension pendant cinq ans au moins ou I'incapacité absolue d'exercer Ieur profession pourra, le cas échéant, être prononcée à leur encontre ».

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