Projet de loi n° 973 relative au renforcement de la protection des personnes contre la diffamation et l'injure
Exposé des motifs🔗
Le Conseil National a, le 29 octobre 2016, adopté la proposition de loi n° 221 relative au renforcement de la protection des personnes contre la diffamation et l'injure.
Conformément à l'article 67 de la Constitution, le Gouvernement Princier s'est engagé, par une lettre en date du 27 décembre 2016 adressée au Conseil National, à transformer en projet de loi ladite proposition de loi.
En effet, dans un monde où la liberté d'expression prend une place toujours plus importante, il paraît indispensable de prévenir l'utilisation abusive de cette liberté, afin de trouver un juste équilibre entre les deux libertés fondamentales que sont la liberté d'expression et le respect de la vie privée.
A cet égard, il convient de relever que la Cour Européenne des Droits de l'Homme a pu affirmer, dans un arrêt « DE CAROLIS et France Télévision c./ France » du 21 janvier 2016, que la protection de la réputation et de l'honneur des personnes constitue l'un des buts légitimes reconnus par l'article 10§2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La Cour érige ainsi la protection de l'honneur et de la réputation des personnes comme limite proportionnée et nécessaire la liberté d'expression. C'est, dès lors, le sens même de infractions de diffamation et d'injure qui incriminent les propos, qu'ils soient ou non tenus en public, portant atteinte à l'honneur ou la réputation des personnes.
Par conséquent, la législation proposée doit trouver un juste équilibre entre, d'une part, la protection de l'honneur et de la réputation des personnes et, d'autre part, la protection de la liberté d'expression.
C'est dans cette perspective que le présent projet de loi entend, dans le droit fil des objectifs exprimés par le Conseil National, améliorer le dispositif juridique actuel de répression de la diffamation et de l'injure.
Ainsi, et sans remettre en cause la jurisprudence déterminant le caractère public ou non de propos tenus au sein d'un groupe de personnes réunies par une communauté d'intérêts, le Gouvernement a souhaité compléter la législation en aggravant certaines sanctions et en consacrant, à côté de l'incrimination de l'injure non publique, celle spécifique de diffamation non publique.
Sous le bénéfice de ces observations d'ordre général, le présent projet de loi appelle les commentaires particuliers ci-après.
Le projet de loi, qui comporte cinq articles, modifie en premier lieu l'article 417 du Code pénal, afin d'une part, d'y introduire la contravention de diffamation non publique, qui n'avait jusque-là reçue qu'une consécration jurisprudentielle, et d'autre part, d'aggraver la sanction encourue en présence d'une injure non publique.
L'articler 1er du projet de loi insère ainsi, à l'article 417 dudit Code, un chiffre 10 venant punir « Ceux qui, sans avoir prouvé la vérité des faits diffamatoires conformément aux dispositions législatives relatives à la liberté d'expression publique, auront commis une diffamation non publique ».
A la différence de la solution envisagée par la proposition de loi, le présent projet introduit la diffamation non publique dans un chiffre distinct de l'injure non publique. Cette différenciation entre les deux infractions résulte du constat selon lequel le fait justificatif en matière de diffamation et d'injure doit être distingué.
Ainsi, alors qu'en matière d'injure, comme le prévoit le chiffre 9 de l'article 417 du Code pénal, le fait justificatif est l'excuse de provocation, en matière de diffamation, seule l'exceptio veritatis peut dégager l'auteur des propos diffamants de sa responsabilité pénale (article premier).
Par ailleurs, le présent projet de loi modifie l'article 421 du Code pénal afin d'aggraver la sanction encourue en cas d'injure ou de diffamation non publique tenue envers une personne ou un groupe de personne pour des motifs aggravants.
Le chiffre 7, qui traite exclusivement de l'injure non publique, reprend les dispositions du chiffre 13 de l'article 419 du Code pénal, en y incorporant toutefois le sexe au sein des motivations de l'injure non publique de nature à porter aggravation de la peine. En effet, compte tenu du caractère discriminant du sexe il apparu expédient de sanctionner avec davantage de gravité les injures non publiques qui auraient été réalisées en considération du sexe de la personne visée par ces propos. A titre de comparaison, on relèvera que le pays voisin aggrave, lui aussi, la peine de l'injure et de la diffamation non publique lorsqu'elles sont commises en raison du sexe de la victime.
Cette modification permet également de prendre en considération une remarque formulée par le Conseil National au cours de la séance publique à l'occasion de laquelle la proposition de loi fut votée. Le Conseil National avait en effet souligné que les personnes n'appartenaient pas à une religion, mais y adhéraient. Cette observation apparaissant justifiée, il est donc fait une distinction au sein du chiffre 7 de l'article 421, entre l'appartenance à une ethnie, une nation ou une race et l'adhésion à une religion.
Parallèlement, le projet de loi introduit un chiffre 8 à l'article 421 du Code pénal, rédigé sous la même forme que le nouveau chiffre 7, mais réservé cette fois à l'appréhension de la diffamation non publique réalisée pour des motifs aggravants (article 2).
Afin d'assurer une cohérence des dispositions pénales, il est procédé à l'abrogation des dispositions anciennes relatives à la diffamation et l'injure non publiques savoir, les chiffres 7 de l'article 415 et 13 de l'article 419 du Code pénal (article 3).
Enfin, pour assurer une cohérence dans les différentes dispositions, il est apparu nécessaire de procéder à la modification du troisième alinéa des articles 24 et 25 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression publique afin de transposer l'ensemble des modifications apportées aux chiffres 7 et 8 de l'article 421 du Code pénal savoir, l'insertion du sexe comme motivation de l'auteur de nature à aggraver la peine et la distinction entre l'appartenance à une ethnie, une nation ou une race et l'adhésion ) une religion (articles 4 et 5).
Tel est l'objet du présent projet de loi.
Dispositif🔗
Article 1er🔗
Sont insérés, à l'article 417 du Code pénal, deux nouveaux chiffres rédigés comme suit :
« 9° Ceux qui, sans avoir été provoqués, auront proféré contre quelqu'un des injures non publiques ;
10° Ceux qui, sans avoir prouvé la vérité des faits diffamatoires conformément aux dispositions législatives relatives à la liberté d'expression publique, auront commis une diffamation non publique . »
Article 2🔗
Sont insérés, à l'article 421 du Code pénal, deux nouveaux chiffres rédigés comme suit :
« 7° Ceux qui, sans avoir été provoqués, auront commis une injure non publique envers une personne ou un groupe de personnes, en raison de leur sexe, de leur handicap, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race déterminée, de leur adhésion ou non adhésion, vraie ou supposée, à une religion déterminée ;
8° Ceux qui, sans avoir prouvé la vérité des faits diffamatoires conformément aux dispositions législatives relatives à la liberté d'expression publique, auront commis une diffamation non publique envers une personne ou un groupe de personnes, en raison de leur sexe, de leur handicap, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race déterminée, de leur adhésion ou non adhésion, vraie ou supposée, à une religion déterminée. »
Article 3🔗
Les chiffres 7 de l'article 415 et 13 de l'article 419 du Code pénal sont abrogés.
Article 4🔗
Le troisième alinéa de l'article 24 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005, est modifié comme suit :
« La diffamation commise, par les mêmes moyens, envers une personne ou un groupe de personnes, en raison de leur sexe, de leur handicap, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race déterminée, de leur adhésion ou non adhésion, vraie ou supposée, à une religion déterminée, est punie d'en emprisonnement de six jours à six mois et de l'amende prévue au chiffre 3 de l'article 26 du Code pénal, ou de l'une de ces deux peines seulement. »
Article 5🔗
Le troisième alinéa de l'article 25 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005, est modifié comme suit :
« L'injure commise, par les mêmes moyens, envers une personne ou un groupe de personnes, en raison de leur sexe, de leur handicap, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race déterminée, de leur adhésion ou non adhésion, vraie ou supposée, à une religion déterminée, est punie d'en emprisonnement de six jours à six mois et de l'amende prévue au chiffre 3 de l'article 26 du Code pénal, ou de l'une de ces deux peines seulement. »