Projet de loi n° 964 portant diverses mesures relatives à la procédure pénale

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Exposé des motifs🔗

La loi n° 1.343 du 26 décembre 2007 justice et liberté portant modification de certaines dispositions du Code de procédure pénale a, dans son article 4, remplacé la section VII du livre I du Code de procédure pénale par une nouvelle section VII intitulée « du contrôle judiciaire et de la détention provisoire », comprenant les articles 180 à 202-4. Or, cette loi n'a ni modifié, ni abrogé la section VIII qui comporte les anciens articles 187 à 202.

Ainsi, auraient dû coexister, en apparence tout du moins, deux séries d'articles, au contenu différent et portant les mêmes numéros 187 à 202. Il est d'évidence que, si un problème d'interprétation s'était posé, les tribunaux n'auraient pas manqué de juger que la section VIII a été implicitement abrogée par la loi « justice et liberté » mais, cette interprétation ne saurait être une réponse pérenne. Aussi, pour éviter qu'une telle situation se présente, le législateur se doit de remédier à cette omission et d'abroger explicitement les dispositions concernées.

Une telle abrogation ne saurait toutefois être dénuée d'incidence sur d'autres articles du Code de procédure pénale qui méritent, en conséquence, d'être également modifiés.

Tel est, par exemple, le cas de I'article 245 dudit Code qui, non concerné par la réforme de 2007, prescrit que l'arrêt de mise en accusation doit contenir un ordre de prise de corps contre l'accusé et que cet ordre doit être ramené à exécution « conformément aux dispositions de l'article 202 ». Or tel qu'annoncé ci-avant, l'article 202 tel qu'issu de la loi « justice et liberté » n'a plus rien à voir avec l'article 202 « ancien », et ne contient aucunement de prescription particulière concernant la prise de corps.

De fait, il n'existe plus, en droit monégasque, de disposition concernant la mise à exécution de l'ordonnance de prise de corps, privant par là-même, le président du tribunal criminel, de la possibilité de contraindre un accusé non détenu à se constituer prisonnier la veille de l'audience en vertu de l'ordonnance de prise de corps visée à l'alinéa 2 de l'article 245. Or, l'ordonnance de prise corps constituant le seul titre de détention à disposition du tribunal criminel, il aurait été impératif qu'elle puisse être ramenée à exécution, à tout le moins au moment du verdict par le tribunal criminel après condamnation à une peine d'emprisonnement ou de réclusion criminelle.

En l'état, deux choix s'offraient au Gouvernement Princier, soit rétablir la situation juridique telle qu'elle était avant le vote de la loi justice et liberté en réintroduisant uniquement I'ordre de prise de corps, soit profiter de ce relatif vide juridique pour mettre en place des dispositions plus modernes. D'une étude approfondie menée de concert avec les autorités judiciaires, il ressort qu'une réforme globale des textes monégasques régissant la question des titres de détention serait expédiente et ce, à l'instar de la réforme française réalisée par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Aussi la seconde option a-t-elle été retenue. Le présent projet de loi aboutit ainsi à l'abandon total de l'ordonnance de prise de corps au profit de règles plus modernes, similaires à celles des mandats applicables en matière correctionnelle.

Sous le bénéfice de ces observations à caractère général, le dispositif projeté appelle les commentaires particuliers ci-après.

Le texte comprend cinq articles venant, dans l'ordre de numérotation du Code de procédure pénale, en modifier les articles 218, 223, 245,275, et 346.

Les articles premier et 2 apportent des modifications en matière d'ordonnance de règlement, le troisième a trait à l'arrêt de mise en accusation et les deux derniers traitent respectivement de la procédure préalable aux débats et de l'arrêt rendu par le tribunal criminel.

Il est clair que la possibilité de placement sous contrôle judiciaire par le tribunal criminel constitue une solution intermédiaire entre l'incarcération et la liberté totale.

Or, cette possibilité n'est, à ce jour, pas prévue par le Code de procédure pénale qui ne la reconnaît qu'au stade de l'instruction. Aussi, le présent projet de loi vient-il opportunément prévoir d'une part, le maintien du contrôle judiciaire ordonné en cours d'instruction jusqu'à la comparution devant la juridiction de jugement (article 3) et d'autre part, la faculté pour le tribunal correctionnel de prononcer sa révocation dans des termes voisins de ceux employés devant le tribunal criminel (article premier).

Dans le même sens, l'introduction du placement sous contrôle judiciaire au niveau de la procédure préalable aux débats ne peut se faire sans prévoir la possibilité que le contrôle judiciaire se poursuive au-delà de la phase d'instruction (article 2).

Pour être complet, en ce qui concerne le titre de détention, il est apparu nécessaire de modifier également l'article 245 du même code aux fins de faire disparaître toute référence à l'ordonnance de prise de corps (article 3)

Il convient au surplus de relever que le présent projet de loi est également l'occasion de prévoir, avec la modification de l'article 275 du Code de procédure pénale, d'une part que lorsqu'un accusé libre, régulièrement convoqué devant le tribunal criminel, ne se présente pas, le président du tribunal peut délivrer un mandat d'arrêt à son encontre et, d'autre part, que soit décerné mandat d'arrêt si l'accusé se soustrait aux obligations du contrôle judiciaire ou si la détention est l'unique moyen d'assurer sa présence aux débats (article 4).

Dans le même sens, il est loisible de permettre expressément au tribunal criminel d'assortir I arrêt de condamnation d'un mandat d'arrêt lorsque la peine encourue est d'au moins une année. Dès lors, ce mandat permettra l'arrestation de l'accusé et sa mise en détention (article 5).

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Article 1er🔗

L'article 218 du Code de procédure pénale, est modifié comme suit :

« Si le juge d'instruction estime que le fait constitue une infraction de nature d être punie de peines correctionnelles et qu'il g a des charges suffisantes contre l'inculpé, il renvoie ce dernier devant le tribunal correctionnel.

Si I'inculpé a été place sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction, celui-ci peut, par ordonnance distincte, spécialement motivée, maintenir la mesure jusqu'à sa comparution devant le tribunal, sous réserve du droit, pour la juridiction de jugement, d'ordonner la levée de cette mesure.

Toutes les nullités sont couvertes par I'ordonnance de renvoi lorsqu'elle est devenue définitive. »

Article 2🔗

Il est inséré un troisième alinéa à l'article 223 du Code de procédure pénale, rédigé comme suit :

« Si I'inculpé fait l'objet d'un contrôle judiciaire, celui-ci continue à produire ses effets, sous réserve du droit, pour la juridiction de jugement, d'ordonner la levée de cette mesure. »

Article 3🔗

Le second alinéa de l'article 245 du Code de procédure pénale est modifié comme suit :

« L'accusé sera maintenu en détention, s'il y est déjà. »

Article 4🔗

Sont ajoutés deux alinéas supplémentaires à l'article 275 du Code de procédure pénale, rédigés comme suit :

« Si I'accusé, après avoir été régulièrement convoqué ne se présente pas, sans motif légitime d'excuse, au jour fixé pour être interrogé par le président du tribunal criminel, ou le magistrat par lui délégué, ce dernier peut, par décision motivée, décerner mandat d'arrêt.

Pendant le déroulement de l'audience, le Tribunal criminel peut également sur réquisition du ministère public, décerner mandat d'arrêt si I'accusé se soustrait aux obligations du contrôle judiciaire ou s'il apparaît que la détention est I'unique moyen d'assurer sa présence lors de débats ou d'empêcher des pressions sur les victimes ou les témoins. Dès le début de l'audience, le Tribunal criminel peut aussi, sur les réquisitions du ministère public, ordonner le placement de l'accusé sous contrôle judiciaire afin d'assurer sa présence au cours des débats ou empêcher des pressions sur les victimes ou les témoins »

Article 5🔗

Il est inséré un second alinéa à l'article 346 du Code de procédure pénale, rédigé comme suit :

« S'il le fait constitue un cime ou un délit de droit commun et que la peine de réclusion prononcée est d'au moins cinq années ou que la peine d'emprisonnement prononcée est d'au moins une année, le Tribunal criminel peut, par décision spéciale et motivée, décerner mandat d'arrêt contre l'accusé. Par dérogation aux dispositions de l'article 473, ce mandat d'arrêt continue à produire effet nonobstant pourvoi en révision. »

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