Projet de loi n° 938 modifiant certaines dispositions du Code civil relatives au nom et instaurant une reconnaissance anténatale de l'enfant

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Exposé des motifs🔗

Le Conseil National a, le 27 novembre 2013, adopté une proposition de loi portant le numéro 208 modifiant certaines dispositions du Code civil relatives au nom de famille et instaurant une procédure de reconnaissance anticipée de l'enfant à naître.

Conformément à l'article 67 de la Constitution, le Gouvernement Princier s'est engagé, par une lettre en date du 6 mai 2014 adressée au Président du Conseil National, à transformer en projet de loi ladite proposition de loi.

S'il est aujourd'hui nécessaire que le législateur s'approprie les règles relatives au nom, ce dernier n'a pas toujours été considéré comme un élément indispensable de I état des personnes. En effet, dans l'antiquité, les individus ne portaient qu'un seul nom qui leur était strictement personnel et ne se transmettait pas. Seuls les Romains portaient plusieurs noms, dont le nomen gentilicium c'est-à-dire le nom de la lignée, l'ancêtre du nom patronymique. Ce n'est qu'avec l'explosion démographique que l'attribution d'un nom, en plus du prénom, est alors apparue indispensable afin d'éviter les homonymies.

Aujourd'hui, ainsi que le rappelle l'exposé des motifs de la proposition de loi n° 208, le nom patronymique est un élément fondamental de nos sociétés car il est à la fois porteur de singularité et d'appartenance à une famille. Il attribue une existence individualisée au sein de la communauté et indique la filiation des personnes.

Or, l'étude de la législation relative au nom révèle que les dispositions actuelles ne permettent pas d'appréhender de façon satisfaisante la dévolution du nom. En effet, cette dernière s'inscrit dans une tradition patriarcale ne connaissant que la dévolution du nom du père, ce qui conduit ainsi à une différence de traitement entre le père et la mère d'un

même enfant, de nature à caractériser, en droit, une discrimination.

A cet égard il convient de relever que la Cour Européenne des Droits de l'Homme a, dans un arrêt « CUSAN et FAZZO c./ Italie », du 27 janvier 2014, a, dans un arrêt « Cusan et Fazzo c./ Italie », du 27 janvier 2014, considéré que le droit italien avait méconnu les dispositions de l'article 14 (interdiction de la discrimination) combinées à celle de l'article 8 (droit au secret de la vie privée) de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme, en ce que celui-ci, à l'instar du droit monégasque, ne reconnaît que la dévolution du nom du père. La Cour a, en effet, précisé que « si la règle voulant que le nom du mari soit attribué aux enfants légitimes peut s'avérer nécessaire en pratique et n'est pas forcément en contradiction avec la Convention l'impossibilité d'y déroger lors de l'inscription des nouveaux-nés dans les registres de l'état civil est excessivement rigide et discriminatoire envers les femmes ».

Ainsi, le présent projet de loi entent-il modifier les règles de la dévolution du nom pour tenir compte des développements européens les plus récents en matière de protection des droits fondamentaux de la personne.

A ce titre, le texte va au-delà de ce qui avait été proposé par la proposition de loi n° 208 puisqu'il consacre le caractère supplétif de la règle de dévolution du nom du père. En effet, si cette dernière reste le principe, le projet de loi offre la possibilité aux père et mère de faire un choix différent lors de l'inscription aux registres de l'état civil puisque le texte autorise la dévolution du nom de la mère aux enfants.

La solution retenue par le projet de loi s'inscrit également dans un mouvement international comme en témoigne l'examen de divers droits étrangers lesquels tendent, eux aussi, vers une égalité entre le père et la mère dans la dévolution du nom. Ainsi, depuis longtemps déjà, le droit espagnol a consacré la transmission à la fois du nom du père et de la mère.

De même, en France, il est possible d'attribuer à l'enfant soit le nom d'un des deux parents, soit les deux. Plus encore, le droit portugais prévoit que I'enfant peut se voir donner jusqu'à quatre noms choisis parmi ceux de ses parents, ses grands-parents, ses arrières grands-parents, dans l'ordre adopté par le couple.

Néanmoins, l'analyse de ces législations démontre que la transmission des deux noms présente certaines limites. En effet, ces systèmes s'avèrent complexes en présence de dévolutions successives des différents noms. En outre, comme le rappelle l'exposé des motifs de la proposition de loi, il y a un risque de confusion généalogique. C'est la raison pour laquelle le choix du Gouvernement Princier a consisté à ne pas donner la possibilité aux couples de transmettre leur deux noms.

Dès lors, une solution alternative a été privilégiée et ce, afin de garantir un juste équilibre entre les droits des père et mère d'une part, et d'autre part, de préserver la cohérence du système.

Ainsi, il est apparu expédient d'introduire un choix dans cette dévolution entre le nom de la mère et celui du père. Toutefois, ces derniers ne pourront opter que pour un seul nom. Dès lors, ce n'est qu'à défaut de choix de la part des père et mère ou en l'absence d'accord entre ces derniers que la dévolution du nom patronymique du père interviendra.

Ce dispositif s'inspire notamment du modèle applicable en Suisse. En effet, outre le nom de famille commun, déterminé le jour du mariage, et auquel la Principauté est étrangère, le droit helvétique prévoit, dans les articles 270 et 270 a de son Code civil, que les père et mère, qu'ils soient mariés ou non, ont le choix dans la dévolution du nom, dès lors que I'autorité parentale est établie auprès des deux. Toutefois, ces derniers ne peuvent transmettre qu'un seul de leurs deux noms.

Cependant, contrairement au dispositif suisse qui s'attache à l'établissement de I'autorité parentale, pour les enfants nés hors du mariage, le présent projet de loi a conservé le lien de filiation comme critère d'attribution du nom en raison de l'importance qu'il revêt. En effet, l'autorité parentale ne sert qu'à déterminer le représentant du mineur alors que le lien de filiation désigne l'appartenance à une famille. cette fonction s'apparente donc à celle du nom patronymique qui désigne à I'égard de la société le rattachement à une famille.

Par ailleurs, la rigueur de l'obligation de ne transmettre qu'un seul nom patronymique aux enfants se voit atténuée par la possibilité, pour toute personne, d'utiliser, comme nom d'usage, le nom patronymique qui ne lui a pas été transmis. En effet, le texte projeté introduit l'utilisation du nom d'usage au sein de la législation monégasque. Dès lors, une personne qui souhaiterait porter le nom patronymique du parent qui ne lui a pas transmis le sien serait libre de le faire.

En conséquence, la dévolution du nom telle qu'envisagée par le présent projet permettrait de consacrer une certaine égalité entre les père et mère et de satisfaire ainsi aux exigences des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.

En outre, ledit projet introduit la possibilité d'une reconnaissance anténatale de l'enfant. L'étude du droit comparé révèle que la reconnaissance anténatale de l'enfant a déjà été mise en place dans plusieurs pays, comme par exemple la France qui autorise la reconnaissance de l'enfant à tout moment pendant la grossesse ou la Belgique qui impose néanmoins que cette reconnaissance n'intervienne pas avant le sixième mois de grossesse.

La reconnaissance anténatale a notamment pour objectif de prévenir certaines difficultés liées à l'établissement du lien de filiation du père avec l'enfant. Il en est ainsi lorsque le père est décédé avant la naissance de l'enfant né hors du mariage et impliquant que l'établissement du lien de filiation du père ne puisse intervenir, en ce cas, qu'après une décision de justice. La reconnaissance anténatale viendrait alors pallier cette difficulté en permettant l'établissement du lien de filiation et ce, même si l'ascendant était décédé au jour de la production d'effet de ladite reconnaissance. Ainsi, l'enfant pourrait, par exemple, porter le nom patronymique de son père décédé avant sa naissance.

En outre, cette reconnaissance pourrait également s'adresser aux parents mariés, notamment pour prévenir une éventuelle contestation

de la présomption de filiation à I'égard du mari.

Cependant et pour éviter de bouleverser par trop les principes actuellement consacrés dans le Code civil, le Gouvernement Princier a estimé devoir limiter les effets de ladite reconnaissance. Ainsi, le projet de loi se contente-t-il d'anticiper les formalités d'établissement du lien de filiation, sans faire remonter dans le temps, les effets de la filiation. Autrement dit, elle ne confère pas de droit particulier sur l'enfant avant sa naissance. Ainsi, la reconnaissance anténatale n'a, avant la naissance de l'enfant, aucune incidence sur l'établissement du lien de filiation, lequel ne sera juridiquement réalisé qu'au jour de la naissance.

Par ailleurs, les modalités de déclaration de la naissance restent inchangées car cette étape doit être strictement distinguée de celle relative à la reconnaissance anténatale qui ne poursuit pas le même objectif.

Enfin, le présent projet de loi ne reprend pas l'idée d'introduire une procédure simplifiée en changement de nom, par la voie judiciaire. En effet, l'objectif de célérité et de réduction des coûts avancés par la proposition de loi n° 208 n'a pas paru, aux yeux du Gouvernement, suffisamment pertinent alors surtout que l'instauration d'une voie concurrente à celle aujourd'hui existante est source de complexification et d'insécurité juridique dans une matière qui, touchant à l'état des personnes, relève depuis toujours des prérogatives régaliennes du Prince souverain et dont les garanties qui y sont attachées (avis du Conseil d'Etat, formalités de publicité, droit d'opposition, ect) constituent des facteurs de stabilité et de sécurité.

Sous le bénéfice de ces observations d'ordre général, le présent projet de loi appelle les commentaires particuliers ci-après.

A titre liminaire, il convient de préciser que le projet de loi s'attache à I'emploi du terme patronymique afin de qualifier le nom pour le distinguer du nom d'usage introduit par ce même texte. Une telle précision s'avère nécessaire afin qu'aucune confusion ne puisse être faite dans l'application du texte, dès lors que le nom d'usage n'est pas soumis au principe d'immutabilité car il n'affecte pas l'état des personnes. Aussi, outre les distinctions introduites par le présent projet, l'article 75 du Code civil a-t-il fait l'objet d'une modification en ce sens (article premier).

Ensuite, le projet de loi insère la possibilité pour les père et mère de choisir le nom patronymique qu'ils souhaitent transmettre à leur enfant.

A cet égard, il est inséré à l'article 77 du Code civil, la possibilité pour les père et mère d'un enfant légitime de préférer une dévolution du nom patronymique de la mère. Toutefois, la déclaration doit être conjointe afin de s'assurer du consentement des deux parents. A défaut de choix ou d'accord entre les parents, la dévolution du père s'impose.

De surcroît ce choix doit être opéré dans les huit jours de la naissance. Un tel délai est apparu nécessaire afin de limiter les fluctuations dans le nom patronymique de l'enfant, alors même qu'il détermine son état civil. En outre, une fois le choix opéré, ou le délai de déclaration expiré, la transmission du nom est définitive. L'éventuel changement de nom ne pourra alors intervenir que par une procédure de changement de nom, à la condition de justifier d'un intérêt légitime.

En outre, ce choix ne peut pas être opéré si les parents ont déjà un enfant commun. En effet, toujours dans le but de garantir l'unité familiale, la dévolution du nom patronymique du second enfant commun et des suivants, interviendra conformément à ce qui a été choisi pour le premier et ce, peu importe que ce premier enfant soit légitime ou légitimé (article 2).

Par ailleurs, le choix dans la dévolution du nom patronymique, s'il est offert aux parents mariés, devait indéniablement être offert aux parents qui ne seraient pas mariés, lors de la naissance de l'enfant, afin de préserver une égalité de traitement entre ces derniers et les parents mariés au jour de la naissance de leur enfant. En ce sens, le projet de texte modifie les articles 77-7 à 77-6.

Cette nouvelle rédaction des articles précités garde, par principe, les règles de dévolution antérieures, mais elle introduit la possibilité de choix dans la dévolution du nom patronymique selon les différentes situations envisageables.

Ainsi, en premier lieu, le projet de loi est venu prévoir, dans l'hypothèse d'un enfant désavoué, la possibilité que ce dernier porte déjà le nom patronymique de la mère, puisqu'en vertu du principe selon lequel les parents ont le choix dans la transmission du nom patronymique, il est envisageable que l'enfant désavoué ait déjà reçu le nom patronymique de sa mère lors de sa naissance.

En deuxième lieu, la modification projetée incorpore les dispositions relatives au nom patronymique des enfants nés hors du mariage au sein des dispositions générales sur le nom patronymique. Cette incorporation est réalisée par la modification de l'article 77-2 et l'insertion de deux nouveaux articles, les articles 77-2-1 et 77-2-2.

Dès lors les articles 77-2 à 77-2-2 prévoient les hypothèses de naissance hors du mariage. Dans ces cas, le choix dans la transmission du nom patronymique s'opère dans les huit jours suivants l'établissement du lien de filiation à l'égard des deux parents. En effet, il ne peut y avoir de choix possible en présence d'un lien de filiation unique. Néanmoins, comme pour l'enfant légitime, ce choix ne peut plus intervenir lorsque les père et mère ont déjà un enfant commun.

En outre, une particularité concernant ces dispositions doit être soulevée. En effet, lorsque l'établissement du lien de filiation à l'égard des deux parents intervient alors que l'enfant est âgé d'au moins treize ans, le projet de loi énonce que s'il est opéré un choix différent que la dévolution légale, le consentement écrit de l'enfant est recueilli par l'officier de l'état civil.

Ainsi, il est considéré que le mineur de treize ans ou plus est apte à prendre les décisions relatives à son état civil, puisqu'il est apte à être poursuivi pénalement.

En troisième lieu, l'enfant légitimé, ne prend plus d'office le nom patronymique de son père mais conserve le nom patronymique qui lui a été transmis à la naissance.

En quatrième lieu, le projet de loi saisi l'opportunité d'une révision des dispositions relatives au nom patronymique afin de rectifier une maladresse dans la rédaction de l'ancien article 77-4 du Code civil. En effet, l'ancienne version prévoyait que « I'enfant naturel dont la filiation n'est pas établie et, si son identité n'est pas connue, I'enfant trouvé ou abandonné dont l'identité n'est pas connue, reçoivent de l'officier de l'état civil un nom patronymique ». Or, la répétition de la condition selon laquelle l'identité ne doit pas être connue, laissait entrevoir l'éventualité d'une mauvaise interprétation de cet article. En conséquence, le nouvel article 77-4 du Code civil prévoit que la condition d'absence de connaissance de l'identité s'attache à la fois à l'enfant dont le lien de filiation n'est pas établi et à l'enfant trouvé ou abandonné.

En cinquième lieu, le projet de loi prévoit que le choix dans la dévolution du nom patronymique est offert en cas d'adoption légitimante. Néanmoins, l'exercice de ce choix est conditionné puisqu'il doit être précisé dans la requête aux fins d'adoption et sous réserve que le couple n'ait pas d'autres enfants communs, auquel cas, la transmission du nom sera identique à celle intervenue pour ce dernier.

En outre, s'agissant de l'adoption de l'enfant de son conjoint, la requête aux fins d'adoption étant faite uniquement par l'époux qui n'est pas le parent de l'enfant, alors le consentement de l'autre époux est requis. Cette exigence se justifie d'autant plus, qu'il est alors question de recueillir le consentement de la personne à l'égard de laquelle le lien de filiation est établi.

En sixième lieu, les dispositions relatives à I'adoption simple sont modifiées afin d'offrir la possibilité pour l'adopté simple qui a été adopté par deux époux, de choisir le nom patronymique qu'il souhaite ajouter au sien. Dans le cas où l'adopté est mineur, c'est aux adoptants qu'il incombe de faire ce choix dans leur requête aux fins d'adoption.

Par conséquent, le projet de loi modifie le texte existant qui ne prévoyait que la possibilité pour l'adopté simple d'ajouter ou de porter le nom patronymique de l'adoptant, et non pas celui de l'adoptante (article 3).

Par ailleurs, le présent projet de loi autorise l'utilisation d'un nom d'usage afin que toute personne puisse utiliser le nom patronymique du père ou de la mère qui ne lui a pas transmis le sien et ce, à n'importe quel moment de sa vie, sans autorisation préalable. Cette instauration passe par la création d'un nouvel article et d'un nouveau Chapitre intitulé n Du nom d'usage, afin que le nom d'usage soit strictement distingué du nom patronymique. Cette distinction apparaît nécessaire en ce qu'ils ne sont pas soumis au même régime.

Néanmoins, si la personne qui souhaite utiliser un nom d'usage est mineure, cette utilisation sera alors mise en oeuvre par ses représentants légaux, conformément aux règles de représentation des mineurs. De surcroît, l'utilisation d'un tel nom est subordonnée au consentement de l'enfant mineur si celui-ci est âgé d'au moins treize ans.

Cependant, il convient de préciser que le nom d'usage ne peut pas faire l'objet d'une dévolution, de sorte que l'utilisateur d'un nom d'usage ne pourra pas décider de le transmettre à ses descendants. De même, le présent projet de loi entend limiter cette pratique en ne donnant pas la possibilité de cumuler cet usage avec celui du nom du conjoint. Cette décision a été prise afin de faciliter l'identification des personnes (article 4).

Par ailleurs, tel qu'il a été recommandé par la proposition de loi, le projet de loi procède à un regroupement de l'ensemble des dispositions relatives au nom patronymique pour une meilleure cohérence et lisibilité du Code. En conséquence, la Section et les articles qui contenaient les dispositions relatives au nom patronymique de l'enfant né hors du mariage sont abrogées ainsi que l'ancien article 274 du Code civil relatif au nom patronymique de l'adopté simple (article 5).

De surcroît, le présent projet prévoit la possibilité d'une reconnaissance anténatale. Avant tout, il convient de préciser que le terme « d'anténatale », a été préféré au terme « d'anticipée », puisqu'il expose à lui seul que cette déclaration doit se faire avant la naissance et non pas simplement de façon anticipée par rapport aux délais imposés.

Ainsi, aux fins d'instauration d'une procédure anténatale de reconnaissance de l'enfant, le présent texte insère un nouvel alinéa à I'article 234 qui prévoyait que la reconnaissance de l'enfant pouvait se faire après la déclaration de naissance par acte authentique.

Ce nouvel alinéa garde l'exigence de la forme authentique pour procéder à la reconnaissance anténatale puisque cette forme d'écrit est celle qui offre le plus de garantie quant à la protection de la volonté et à la force probante. En conséquence, soit la reconnaissance se fait auprès de l'officier de l'état civil qui dresse des actes authentiques, soit auprès d'un officier public auquel il incombera d'en transmettre une expédition à l'officier de l'état civil.

Notons qu'aucun délai n'est imposé dans la transmission de l'expédition de l'acte authentique. Ainsi, peu importe que cette dernière soit effectivement intervenue avant la naissance. Le caractère anténatal de l'acte est déterminé par la date de réalisation de l'acte authentique et non pas celle de sa transmission à l'officier de l'état civil (article 6).

De plus, le présent projet introduit deux nouveaux alinéas à l'article 235 afin de régir les effets de cette reconnaissance anténatale.

Dès lors, jusqu'à la naissance, la reconnaissance anticipée n'a qu'un effet probatoire puisqu'elle constitue un aveu de paternité ou de

maternité réalisé sous la forme d'un acte authentique. En revanche, après la naissance, la reconnaissance anticipée de l'enfant a un effet déclaratif de filiation. Cette décision est justifiée par le principe traditionnel selon lequel les obligations, découlant du lien de filiation, trouvent leur point de départ dans la survenance de la naissance.

A ce titre, l'effectivité de cette reconnaissance est attachée à la condition que la déclaration de naissance soit réalisée et que cette dernière mentionne au moins le nom de la mère. En effet, il est important que la déclaration de naissance soit effectuée pour que la reconnaissance produise ses effets, car c'est le seul moyen de s'assurer de l'existence effective de I'enfant. En sus, cette déclaration doit identifier la mère afin de se prémunir contre les éventuelles contestations de la part de cette dernière (article 7).

Enfin, le projet de loi prévoit des dispositions transitoires en raison des modifications profondes qui seront apportées à l'état du droit en vigueur.

A cet égard, il est fait distinction entre plusieurs situations. La première est celle pour laquelle les père et mère ont leur premier enfant moins de huit jours avant l'entrée en vigueur de la présente loi. Dans ce cas, ces derniers disposent d'un délai de huit jours à compter de l'entrée en vigueur de la loi pour opérer un choix dans la dévolution du nom patronymique de leur enfant, par déclaration conjointe à l'officier de l'état civil. Cette disposition a été mise en place afin de trouver un juste équilibre entre l'immutabilité du nom patronymique et la légitimité d'un choix dans la dévolution du nom de l'enfant.

En outre, si l'établissement du second lien de filiation d'un enfant né avant l'entrée en vigueur de la présente loi est réalisé après son entrée en vigueur, les père et mère auront la faculté de choisir le nom patronymique transmis. Cela résulte du principe de l'application immédiate de la loi nouvelle.

La deuxième situation envisagée est celle des père et mère qui ont un enfant moins de huit jours avant l'entrée en vigueur de la loi mais que cet enfant n'est pas leur premier enfant commun. Dans ce cas, les nouvelles dispositions instaurées par la présente loi ne leur sont pas applicables. Ils n'auront donc pas la faculté de choisir le nom patronymique dévolu à leurs futurs enfants. Cette solution garantit ainsi l'unité familiale et l'immutabilité des noms patronymiques précédemment dévolus. Par conséquent, la survie de la loi ancienne est justifiée par des considérations d'ordre public. Ces derniers pourront néanmoins accéder à l'utilisation d'un nom d'usage pour leur enfant.

Toujours en considération de l'unité familiale, pour tous les autres cas de naissances antérieures à I'entrée en vigueur de la nouvelle loi, les dispositions relatives au choix dans la dévolution du nom ne sont pas applicables.

Enfin, la troisième situation envisagée est celle des adoptions. Le principe ici instauré est que la faculté de choix peut être accordée aux adoptants si, bien que leur requête ait été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, la décision de justice se prononçant sur l'adoption n'est pas passée en force de chose jugée. Par conséquent, il ne faut pas qu'il ait été statué sur l'appel ou que le délai d'appel soit expiré. Là encore, cette faculté est restreinte par l'existence d'un premier enfant commun du couple (article 8).

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Article 1er🔗

Est inséré au premier et au troisième alinéa de l'article 75 du Code civil, après le mot « nom », le mot « patronymique ».

Article 2🔗

L'article 77 du Code civil est modifié comme suit :

« L'enfant légitime porte le nom patronymique de son père sauf si, dans les huit jours de la déclaration de sa naissance, ses père et mère déclarent conjointement par écrit à I'officier de l'état civil choisir que lui soit dévolu le nom patronymique de la mère.

Lorsqu'il a déjà été fait application du présent article ou de l'article 77-2, 77-2-1 ou 77-2-2 à l'égard d'un enfant commun, le nom patronymique précédemment choisi ou dévolu vaut pour les autres enfants communs. Il en est de même lorsqu'il a déjà été fait application du premier alinéa de l'article 77-5. »

Article 3🔗

Les articles 77-1 à 77-6 du Code civil sont modifiés comme suit :

« Article 77-1 : L'enfant désavoué prend le nom patronymique de sa mère s'il ne le porte déjà.

Article 77-2 : Lorsque la filiation d'un enfant né hors du mariage est établie à l'égard de ses deux auteurs au plus tard le jour de la déclaration de sa naissance, I'enfant porte le nom patronymique de son père sauf si, dans les huit jours de la déclaration de sa naissance, ses père et mère déclarent conjointement par écrit à l'officier de l'état civil choisir que lui soit dévolu le nom patronymique de la mère.

Lorsqu'il a déjà été fait application du présent article ou de I'article 77, 77-2-1 ou 77-2-2 à l'égard d'un enfant commun, le nom patronymique précédemment choisi ou dévolu vaut pour les autres enfants communs.

Article 77-2-1 : Lorsque la filiation d'un enfant né hors du mariage n'est établie à l'égard de ses deux auteurs que postérieurement à la déclaration de sa naissance mais simultanément, l'enfant porte le nom patronymique de son père sauf si, dans les huit jours de l'établissement des liens de filiation, ses père et mère déclarent conjointement par écrit à l'officier de l'état civil choisir que lui soit dévolu le nom patronymique de la mère.

Lorsqu'il a déjà été fait application du présent article ou de l'article 77, 77-2 ou 77-2-2 à l'égard d'un enfant commun, le nom patronymique précédemment choisi ou dévolu vaut pour les autres enfants communs.

Toutefois, lorsque l'enfant est âgé de treize ans ou plus, son consentement est nécessaire. Il est recueilli par écrit par l'officier de l'état civil.

Article 77-2-2 : Lorsque la filiation d'un enfant né hors du mariage n'est établie qu'à l'égard de I'un de ses auteurs, I'enfant prend le nom patronymique de celui à l'égard duquel sa filiation est établie.

Si le second lien de filiation vient à être établi alors que I'enfant est mineur, ses père et mère peuvent, par déclaration écrite conjointe faite à l'officier de l'état civil dans les huit jours de l'établissement de ce second lien de filiation, choisir de substituer au nom patronymique qu'il porte celui de I'auteur à l'égard duquel la filiation a été établie en second lieu.

Lorsqu'il a déjà été fait application du présent article ou de l'article 77, 77-2 ou 77-2-2 à l'égard d'un enfant commun, le nom patronymique précédemment choisi ou dévolu vaut pour les autres enfants communs.

Toutefois, lorsque I'enfant est âgé de treize ans ou plus, son consentement est nécessaire. Il est recueilli par écrit par l'officier de l'état civil.

Article 77-3 : L'enfant légitimé garde le nom patronymique choisi ou dévolu en application des articles 77-2 à 77-2-2.

Article 77-4 : L'enfant naturel dont la filiation n'est pas établie et l'enfant trouvé ou abandonné reçoivent de I'officier de I'état civil un nom patronymique, à la condition que leur identité ne soit pas connue.

Article 77-5 : L'adoption légitimante par deux époux confère à I'enfant le nom patronymique du mari ou, lorsque les époux en ont fait la demande dans leur requête aux fins d'adoption, le nom patronymique de l'épouse.

Toutefois, lorsqu'il a déjà été fait application du présent alinéa à l'égard d'un autre enfant adopté par le couple ou de I'article 77, 77-2, 77-2-1 ou 77-2-2 à l'égard d'un enfant commun, le nom patronymique précédemment choisi ou dévolu vaut pour les autres enfants adoptés.

En cas d'adoption légitimante de l'enfant du conjoint, l'enfant consente le nom patronymique qu'il porte ou, sous réserve du consentement de ce conjoint, prend le nom patronymique de l'adoptant lorsque celui-ci en a fait la demande dans sa requête aux fins d'adoption. »

« Article 77-6 : L'adopté qui a personnellement consenti à son adoption simple porte, en l'ajoutant au sien, le nom patronymique de I'adoptant ou, en cas d'adoption par deux époux, soit le nom patronymique du mari, soif, si les adoptants en ont fait la demande dans leur requête aux fins d'adoption, celui de l'épouse.

L'adopté qui, en raison de son age, n'a pas consenti personnellement à son adoption simple porte le nom patronymique de l'adoptant ou, en cas d'adoption par deux époux, soit le nom patronymique du mari, soit, si les adoptants en ont fait la demande dans leur requête aux fins d'adoption, celui de l'épouse.

Toutefois, la décision qui prononce I'adoption peut, dans I'intérêt de l'enfant, déroger aux dispositions des deux alinéas précédents.

Elle peut également ordonner une modification des prénoms de I'adopté si l'adoptant en a fait la demande dans sa requête aux fins d'adoption. »

Article 4🔗

Est inséré après l'article 77-7 du Code civil un Chapitre II bis, intitulé « Du nom d'usage », et comprenant l'article 77-7-1 rédigé comme suit :

« Article 77-7-1 : Toute personne peut ajouter à son nom patronymique, à titre d'usage, le nom patronymique de celui de ses père et mère qui ne lui a pas transmis le sien. Cet usage ne peut se cumuler avec I'usage du nom patronymique du conjoint.

Lorsque cette personne est mineure, cette faculté est mise en oeuvre par ses représentants légaux. Toutefois, son consentement est nécessaire lorsqu'elle est âgée de treize ans ou plus. »

Article 5🔗

La section I, intitulée « Du nom de I'enfant né hors du mariage », du chapitre III du Titre VII du Livre Ier du Code civil et ses articles 228 à 231 sont abrogés. Les sections II, intitulée «  De l'établissement de la filiation naturelle », et III, intitulée « De l'établissement de la filiation des enfants adultérins ou incestueux », de ce même chapitre deviennent respectivement les sections I et II.

L'article 274 du Code civil est abrogé.

Article 6🔗

Est inséré après le premier alinéa de l'article 234 du Code civil un nouvel alinéa rédigé comme suit :

« Les père et mère, ou I'un d'eux, peuvent également procéder à la reconnaissance anténatale de leur enfant à naître, par déclaration à l'officier de l'état civil ou par tout autre acte authentique. Lorsque cette reconnaissance anténatale est faite par tout autre acte authentique, l'officier public qui l'a reçu en communique, sans délai, une expédition à l'officier de l'état civil. »

Article 7🔗

Sont insérés après le premier alinéa de l'article 235 du Code civil deux nouveaux alinéas rédigés comme suit :

« La reconnaissance anténatale produit, ou jour de la naissance de l'enfant les mêmes effets que la reconnaissance, sous réserve que la déclaration de naissance, mentionnée à l'article 44, ait été faite et indique au moins le nom de la mère.

Avant la naissance, la reconnaissance anténatale a valeur d'aveu de paternité ou de maternité, par acte authentique. »

Article 8🔗

Les dispositions des articles 77, 77-2, 77-2-1 et 77-2-2 du Code civil sont applicables aux situations dans lesquelles le délai de huit jours prévu par lesdits articles n'est pas encore expiré à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, sous réserve qu'il s'agisse du premier enfant commun et que ses père et mère n'aient pas conjointement adopté un autre enfant. Dans ces situations, la déclaration conjointe mentionnée par ces articles peut être faite dans les huit jours de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Lorsque les père et mère ont déjà un enfant commun ou conjointement adopté à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, la dévolution du nom patronymique pour leurs autres enfants communs ou conjointement adoptés reste soumise à la loi ancienne.

Lorsqu'une requête aux fins d'adoption légitimante a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi et qu'elle n'a pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée, les dispositions de l'article 77-5 sont applicables, sous réserve qu'il s'agisse du premier enfant conjointement adopté et que le couple n'ait pas déjà un enfant commun.

Lorsqu'une requête aux fins d'adoption simple a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi et qu'elle n'a pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée, les dispositions de l'article 77-6 soit applicables.

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