Projet de loi n° 930 relative à la nullité des actes de procédure et à certaines amendes civiles
Exposé des motifs🔗
Le Conseil National a adopté, le 18 juin 2013, une proposition de loi portant le numéro 206 relative à la nullité des actes de procédure pour vice de forme, laquelle a été transmise au Gouvernement Princier le 19 juin de la même année.
Conformément à I'article 67 de la Constitution, le Gouvernement s'est engagé, par une lettre en date du 6 novembre 2013 adressée au Président du Conseil National, à transformer en projet de loi ladite proposition de loi, en indiquant par ailleurs qu'il saisirait cette occasion pour conduire une réflexion plus globale sur le régime général des nullités, laquelle pourrait éventuellement ouvrir sur un projet de réforme touchant non seulement aux nullités pour vice de forme, mais aussi aux nullités de fond et ce, en vue d'apporter à tous la sécurité juridique qui est nécessaire en cette matière, au-delà de celle résultant des règles actuelles consacrées par la jurisprudence.
En effet, la proposition de loi n° 206 susmentionnée a préconisé de mettre fin au caractère non comminatoire des nullités de procédure et, corrélativement, d'appliquer la règle « pas de nullité sans grief » à tous les cas d'irrégularité de forme, en vue d'instaurer un juste équilibre entre l'efficience des procédures judiciaires et l'effectivité des recours des justiciables.
Aussi, et en application de ce principe, les juridictions ne seraient plus tenues d'annuler les actes de procédure atteints d'un vice de forme sans pouvoir apprécier la portée de l'irrégularité invoquée.
Par la même, en posant la règle selon laquelle, en présence d'un tel vice, la nullité de l'acte ne serait encourue que si la partie ayant soulevé la nullité justifierait subir un préjudice, la proposition législative adoptée en juin 2013 par le Conseil National a entendu investir les tribunaux d'une liberté d'appréciation dont dès l'origine en 1818 notre droit processuel les avait privés, afin d'assurer de manière objective le respect des formes du procès.
Cela a pu perdurer jusqu'à ce jour puisque la jurisprudence monégasque elle-même a toujours appliqué strictement la règle contenue à l'article 966 du Code de procédure civile énonçant qu'« aucune des nullités, amendes et déchéances prononcées par le présent code n'est comminatoire », comme en témoigne encore une décision rendue le 28 novembre 2013 par la Cour de révision.
C'est dire si la réforme législative proposée par le Conseil National intervient dans une matière que tant la pratique que la loi ont marqué du sceau de la stabilité et de la constance.
Mais les règles de procédure, comme toutes autres disciplines juridiques, ne sauraient rester définitivement à l'abri des grandes évolutions qui parcourent la sphère du Droit, et notamment de celles résultant du dessein de prévenir tous abus de procédure pour le respect des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
A cet égard, les développements du droit européen intervenus en la matière révèlent que si le droit d'introduire une action ou d,exercer un recours peut être légitimement soumis à des conditions légales, les juridictions doivent, en appliquant les règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de déroulement de procédures établies par la loi. L'interprétation excessivement rigide d'une exigence procédurale qui empêcherait l'examen au fond de l'affaire, au mépris du droit à une protection effective par les tribunaux, ne serait donc pas, en définitive, acceptable.
En rendant les nullités de procédure pour vice de forme comminatoires, la proposition de loi n° 206 entend assurément offrir une réponse pertinente aux exigences relatives aux droits à un procès équitable et à un recours effectif tels que garantis par la convention européenne des droits de I'Homme et interprétés par la Cour de Strasbourg.
Le Gouvernement ne pouvait, dans ces conditions, que s'associer à la démarche de modernisation ainsi souhaitée par l'assemblée.
Toutefois, l'application de la règle « pas de nullité sans grief » à tous les cas d'irrégularité de forme, mais non aux irrégularités de fond comme l'a envisagé la proposition de loi, conduirait nécessairement à introduire, en droit processuel monégasque, une différence de régime juridique entre ces deux catégories de nullité de procédure.
Or, force est de constater que ni les unes, ni les autres n'apparaissent strictement définies à ce jour dans le Code de procédure civile.
Certes, l'article 654 de ce Code vise « les moyens de nullité, tant en la forme qu'au fond, contre la procédure ». De plus, les articles 967 du même code et 2062 du code civil visent explicitement les nullités de procédure pour « vice de forme », laissant ainsi présumer l'existence de nullités pour vice de fond.
Néanmoins, le Code de procédure civile ne comporte aucune définition légale des nullités de procédure pour irrégularité de fond, et la proposition de loi n° 206 n'apporte pas, de ce point de vue, d'éléments de nature à clarifier ce concept.
Une telle situation, si elle devait être consacrée à l'avenir, pourrait alors très certainement conduire à l'émergence d'une nouvelle source de contentieux judiciaire qui procéderait vraisemblablement du schéma général suivant : I'auteur d'un acte soutiendrait que l'acte qu'il a accompli est atteint d'un vice de forme ne causant aucun préjudice à l'autre partie, laquelle répliquerait que le vice affectant l'acte étant de fond et non de forme, il n'a pas à prouver qu'il a subi un préjudice.
Face à un tel risque contentieux, peu compatible avec l'objectif de sécurité juridique devant accompagner la réforme de la procédure civile proposée, le Gouvernement Princier a donc souhaité que le présent projet complète le dispositif issu de la proposition de loi n° 206 en énonçant, de manière claire, la définition des nullités pour irrégularité de fond, après avoir expressément consacré la distinction fondamentale devant être opérée entre celles-ci et celles pour vice de forme.
Consécutivement à l'introduction de ces éléments de définition relatifs aux cas de nullités de fond, il est apparu également opportun de définir, dans le projet de loi, les fins de non-recevoir dont les professionnels de la Justice et les praticiens du droit procédural n'ignorent pas qu'elles peuvent être souvent confondues avec les nullités de fond.
Tel est le cas, par exemple, du défaut de qualité lequel peut, par assimilation avec le défaut de capacité ou de pouvoir de l'auteur de l'acte de procédure en cause, laisser naturellement penser à une exception de nullité alors qu'il constitue une fin de non-recevoir pour défaut de droit d'agir.
C'est que les fins de non-recevoir s'attaquent effectivement au droit d'action, là où les exceptions de nullité touchent à la procédure, ce qui explique en particulier que les premières, à la différence des secondes, peuvent être invoquées même après une défense au fond.
Aussi, dans un souci constant de sécurité juridique, le Gouvernement Princier a-t-il considéré qu'il convenait d'enrichir le code de procédure civile sur ce point, par l'ajout d'une définition juridique des fins de non-recevoir.
Par ailleurs, le Gouvernement a estimé devoir mettre fin, de manière générale, à l'automaticité des amendes prévues par le code de procédure civile dont le prononcé sera désormais laissé à libre appréciation des juridictions.
Enfin, en vue d'apporter une meilleure sécurité juridique aux plaideurs et prévenir les inconvénients d'un formalisme excessif, le Gouvernement princier a jugé digne d'intérêt d,instaurer des règles de « couverture » des nullités de procédure, destinées à la régularisation de tous vices, qu'ils soient de forme ou de fond, avant qu'ils ne soient sanctionnés par les juridictions.
S'inspirant en cela du droit français, le projet de loi entend ici proposer un moyen de simplifier les instances, ce qui devrait, là encore, constituer un nouvel élément de convergence entre le droit processuel monégasque et les exigences de la Cour européenne des droits de l'Homme .
En définitive, la réforme législative proposée par le Conseil National et complétée de la sorte par le Gouvernement Princier tend à encadrer, pour une meilleure sécurité juridique, l'évolution des règles de procédure civile destinée à mieux répondre aux demandes des justiciables.
Sous le bénéfice de ces observations d'ordre général, le présent projet de loi appelle les commentaires particuliers ci-après.
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Du point de vue formel, la plupart des modifications effectuées par le projet de loi au sein du Code de procédure civile le sont dans l'ordre de numérotation de ses articles. Cependant, cette présentation, nécessitée par la logique légistique, ne peut être intégralement reprise dans les commentaires ci-après, lesquels paraissent devoir suivre, par souci d'accessibilité et de clarté, une présentation plus pratique et synthétique.
A titre liminaire, et sur un plan grammatical, le projet de loi a tenu à conserver, pour l'essentiel des dispositions modifiant les articles en vigueur, l'emploi du futur de f indicatif, car il est assez général dans le Code de procédure civile ; de fait, l'unité de temps ainsi consacrée devrait permettre aux nouvelles dispositions de mieux s'accorder avec les articles actuels.
Par ailleurs, et s'agissant de la place des nouvelles dispositions au sein du Code de procédure civile, le Gouvernement Princier a considéré que l'idée de ne pas bouleverser la numérotation de ses articles apparaissait plus adaptée que le souhait de réunir tous les textes afférents aux nullités dans une partie autonome dudit code, s'écartant ainsi du choix opéré par la proposition de loi n° 206 consistant à inscrire la nouvelle règle « pas de nullité sans grief » au sein d'un article 56-1 figurant au sein du Titre IV qui serait intitulé « De la nullité des actes de procédure pour vice de forme » du Livre préliminaire.
En effet, en premier lieu, et indépendamment de l'intérêt certain qu'elle représente pour les professionnels du droit, la réforme envisagée semble revêtue d'un caractère ponctuel et une unification ne se justifierait que dans le cadre d'une réforme globale du code de procédure civile.
En deuxième lieu, et compte tenu de ce que les modifications du droit en vigueur n'appellent qu'un nombre limité de dispositions, il a paru préférable, aux yeux du Gouvernement, de réserver encore l'espace laissé par la suppression des 19 articles allant de l'article 38 à l'article 56 originaires et figurant au sein du Livre préliminaire du code de procédure civile, qui ont été abrogés par la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ayant refondu le régime de l'assistance judiciaire et ce, pour le cas où devrait être à l'avenir prévue une autre réforme de procédure civile.
En troisième et dernier lieu, on relèvera que la portée transversale des nouvelles dispositions relatives aux nullités pour vice de forme à l'ensemble des juridictions qui, seront ra proposition de loi, justifierait la création d'un nouveau titre IV au sein du Livre préliminaire du code de procédure civile, s'avère déjà effective en ce que la majorité des règles actuelles en matière de nullités, même si elles figurent au sein du Livre II consacré à la procédure devant le Tribunal de première instance en madère de nullité, constituent, en réalité, un tronc commun auquel les autres juridictions sont légalement invitées à se référer par des dispositions dudit Code ou issues d'autres textes autonomes.
C'est ainsi que, d'une part, les articles 87 et 435 du Code de procédure civile rendent les dispositions relatives aux nullités soulevées devant le Tribunal de première instance applicables respectivement au Juge de Paix et à la Cour d'appel et que, d'autre part, l'article 49 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 portant création d,un tribunal du travail étend expressément devant cette juridiction l'application des dispositions du Livre II de la première partie du Code de procédure civile.
Aussi, le Gouvernement a-t-il estimé qu'il n'y avait pas lieu d'insérer les nouvelles règles traitant des nullités de procédure au sein d'un nouveau titre spécialement créé au sein du Livre préliminaire.
Sur le fond, I'introduction de la règle « pas de nullité sans griefs », qui constitue le centre de la réforme, trouve naturellement sa consécration, ainsi que l'avait prévu la proposition n° 206 du Conseil National, au sein de l'article 966 du Code de procédure civile, grâce à la suppression dans ce texte du mot « nullités ».
Comme indiqué précédemment, et en vue de mettre fin également au caractère non comminatoire des amendes, une pareille suppression concerne aussi le mot « amendes »
Dans ces conditions, le texte de l'article 966 du Code de procédure civile se voit, en définitive, modifié de sorte que le caractère non comminatoire ne s'applique plus qu'aux déchéances, savoir les cas dans lesquels survient la perte d'un droit faute d'accomplissement d'une formalité dans un temps déterminé, tel le délai pour se pourvoir en révision selon l'article 441 dudit Code (article 5 du projet).
Chacun de ces aspects mérite cependant quelques compléments d'explication.
S'agissant, tout d'abord, des causes de déchéances, il convient d'indiquer que les raisons à l'origine de leur maintien en dehors du pouvoir d'appréciation des juridictions tiennent essentiellement au souci de prévenir, de manière générale, toute mesure particulière de la part des tribunaux, en cas d'inobservation des délais par un plaideur' qui pourrait aboutir à octroyer à celui-ci une faveur portant atteinte aux conditions mêmes du déroulement de procédures instituées par la loi, alors qu'il s'agirait fondamentalement d'en préserver l'issue en respectant l'égalité des parties.
Pour ce qui concerne, ensuite, les amendes, il importe de rappeler que, sous l'empire du code de procédure civile actuellement en vigueur, le caractère automatique de celles-ci peut faire échec à une appréciation légitime de la part des juridictions quant au bien fondé de ces sanctions.
Or, ce caractère non comminatoire sied mal à l,exigence,
consacrée par la cour européenne des droits de l'Homme, d'une appréciation individualisée des circonstances de l'espèce, et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement Princier a estimé que devait être évité le prononcé, sans motif explicite, d'une telle sanction des règles de procédure.
Ainsi, et en application de l'article 966 du Code de procédure civile tel qu'envisagé par le projet de loi, les juridictions ne seront plus obligées de prononcer les amendes dans des cas où, par exemple, le demandeur serait de bonne foi.
Il est à relever à ce propos qu'en dépit de la généralité de la formule employée à l'article 966 du code de procédure civile, le caractère non comminatoire des amendes faisait déjà l'objet d'une exception depuis la loi n° 1.031 du 23 décembre 1980 modifiant et complétant, en ce qui concerne la cour de révision, certaines dispositions du code de procédure civile, du code de procédure pénale et de la loi n° 783 du 15 juillet 1965 portant organisation judiciaire.
En effet, depuis cette loi, l'article 459-4 du Code de procédure civile prévoit que le demandeur au pourvoi en révision qui succombe est condamné à une amende civile sauf s'il en est expressément dispensé par l'arrêt de révision.
Cette dérogation au principe général du caractère non comminatoire des amendes civiles n'a, bien entendu, pas été écartée de la réflexion ayant présidé à l'élaboration du présent projet de loi.
C'est ainsi qu'il est apparu opportun, d'une part, de soumettre le prononcé de ladite amende, et non plus sa dispense, à une disposition expresse de l'arrêt et, d'autre part, de préciser explicitement le critère justifiant l'amende, savoir le caractère abusif du recours, comme le fait l'article 628 du Code de procédure civile français'
Néanmoins, et parce qu'une modification selon les orientations susmentionnées du régime juridique de l'amende prévue par l'article 459-4 du Code de procédure civile est d'ores et déjà envisagée par l'article 3 du projet de loi n° 879 portant diverses mesures en matière de responsabilité de l'Etat et de voies de recours, celle-ci n'a, bien évidemment, pas été introduite dans le Présent Projet de loi.
En revanche, et par souci de cohérence avec les modifications affectant l'article 966 du code de procédure civile, le projet de loi s'est attaché à modifier l'ensemble des autres articles dudit Code dont les dispositions imposent aux juridictions de prononcer les amendes qu'elles prévoient (article 7 du projet de loi).
C'est ainsi que les articles 32, 102, 144, 287, 297, 402 et 688 du Code de procédure civile se voient modifiés de sorte que l'obligation juridique qui en découle devienne une simple faculté.
Pour ce qui est à présent des nullités, et au-delà de la suppression du principe actuel selon lequel les juridictions sont tenues de prononcer les nullités de procédure dès lors qu'elles sont encourues, même si elles ne causent aucun grief aux parties qui les soulèvent, le projet de loi entend consacrer, pour l'avenir, la distinction entre les nullités de forme et les nullités de fond, en définissant ces dernières au moyen d'une énumération limitative des irrégularités concernées et en soumettant les premières à la règle « pas de nullité sans grief » (articles 2 et 6 du projet de loi).
Dès lors, identifiées avec précision par la loi, ces « irrégularités de fond » pourront conduire à ce qu'un acte soit considéré comme radicalement nul sans qu'il soit besoin de se demander si son destinataire a pu en subir un quelconque préjudice.
Tel est l'objet de l'insertion d,un nouveau deuxième alinéa à l'article 967 du code de procédure civile, propre aux nullités de fond, le second alinéa de ce texte devenant, par suite, le troisième alinéa du même article.
Dans une matière naturellement complexe, le Gouvernement Princier a choisi de reproduire, pour l'essentiel, l'article 117 du code de procédure civile français, afin qu'il puisse être tiré bénéfice de la jurisprudence de la cour de cassation française dont la cour de révision serait, par là même, conduite à s'inspirer.
C'est ainsi qu'un acte de procédure pourra être annulé pour irrégularité de fond lorsque le vice dont il serait affecté procéderait d'un « défaut de capacité d'ester en justice », d'un « défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant dans I'instance comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice » ou d'un « défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice ».
outre cette nouvelle définition des nullités de fond, le projet de loi, dans un souci constant de clarté et de sécurité juridique, complète le premier alinéa de l'article 967 du code de procédure civile consacré aux nullités pour vice de forme, en ajoutant, au cas de nullité dite « non textuelle », c'est-à-dire non prévue explicitement par la loi, que constitue le manquement à un « élément essentiel » de l'acte, un second cas de nullité de forme non textuelle tenant à l'inobservation d'une « formalité d'ordre public ».
A cet égard, le Gouvernement Princier a préféré maintenir
l'expression d' « élément essentiel » à celle de « formalité substantielle » envisagée par la proposition de la loi et reprise du droit français dès lors que le texte actuel du code de procédure civile n'a pas, sur ce point, suscité de critiques ou de difficultés d'application depuis sa révision de 1896 (article 6 du projet de loi).
En complément de ces évolutions, et en vue de respecter la répartition des textes qu'organise le code de procédure civile en matière de nullité, entre d'une part les articles 966 et 967 et, d'autre part, les articles 264 et 265, le projet de loi introduit de nouvelles dispositions au sein de ces derniers textes qui définissent actuellement les conditions d'application du régime des nullités non comminatoires auxquelles se réfère l'article 966 subséquent (articles 2 et 3 du projet).
Pour donner pleinement effet au souhait du Conseil National d'édicter formellement la nécessité d'un grief prouvé pour la déclaration des nullités de forme, le Gouvernement Princier a donc estimé devoir ajouter un alinéa à l'article 264 du code de procédure civile dont le libellé énoncerait qu'au « aucune nullité pour vice de forme d'exploit introductif d'instance ou d'autres actes de procédure ne pourra être déclarée que s'il est justifié que l'inobservation de la formalité à l'origine du vice a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie ayant invoqué celui-ci ».
Rappelant alors la distinction fondamentale devant être opérée entre nullités de fond et nullités de forme, le projet de loi prévoit un autre alinéa pour indiquer que « les nullités de fond limitativement énoncées au deuxième alinéa de l'article 967 pourront en revanche être prononcées sans que celui qui s'en prévaut ait à justifier d'un grief ».
A cet égard, il importe de relever que le Gouvernement s'est ici écarté du système du droit français qui soumet le prononcé des nullités de fond à certaines conditions (articles 118 à 120 du code de procédure civile français) et ce, pour éviter un bouleversement de I'articulation de règles de procédures établies, que la pratique ne semble pas remettre actuellement en question.
Quant à l'article 265 du Code de procédure civile, le projet de loi y introduit de nouvelles règles destinées à poser les conditions dans lesquelles il sera possible de régulariser un acte de procédure qui a été entaché par une irrégularité de fond ou une irrégularité de forme.
Ainsi, la régularisation d'une irrégularité de forme ne pourra intervenir que si elle permet de ne laisser perdurer aucun préjudice ; l'irrégularité de fond ne pourra, quant à elle, être couverte que pour le cas où la cause qui en serait à l'origine aurait disparu.
Dans le dessein d'assurer une meilleure sécurité juridique, le projet de loi introduit une définition des fins de non-recevoir. celles-ci se trouvent actuellement prévues mais non définies aux articles 423 et 426 du Code de procédure civile.
Aussi, le présent projet de loi propose-t-il de les définir dans une nouvelle section leur étant exclusivement consacrée qui serait insérée au sein du Titre IX du Livre deuxième de la première partie du code de procédure civile (article 4 du projet), dont l'intitule serait par ailleurs complété (article premier du projet).
Ainsi, les fins de non-recevoir seront spécialement traitées à la suite des articles du code de procédure civile concernant les exceptions, étant rappelé que les exceptions de procédure correspondent à des vices du procès tandis que les fins de non-recevoir s'attaquent à des vices de l'action elle-même.
S'inspirant des dispositions de l'article 122 du Code de procédure civile français, le nouvel article 278-1 du Code de procédure civile définit ainsi les fins de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer la demande irrecevable, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, une déchéance, une forclusion, la prescription ou la chose jugée ».
A l'instar de l'article 123 du Code de procédure civile français, le nouvel article 278-2 du code de procédure civile indique, quant à lui, que toute fin de non-recevoir pourra être proposée en tout état de cause.
Enfin, le texte élaboré par le Gouvernement s'achève sur une disposition transitoire qui diffère de celle prévue par la proposition de loi (article 8 du projet).
En effet, cette dernière prévoit que la réforme du Code de procédure civile est, au jour de son entrée en vigueur, immédiatement applicable aux instances en cours.
Pourtant, cette règle d'application de la loi dans le temps n'est que la réitération de la règle traditionnelle selon laquelle les lois de procédure sont d'application immédiate, sauf disposition contraire.
Or, deux raisons paraissent justifier que les dispositions projetées ne soient applicables qu'aux seules instances introduites après l'entrée en vigueur de la loi.
D'une part, les réformes de procédure d'importance prévoient généralement qu'elles ne sont pas d'application immédiate aux instances en cours. Par exemple, ce fut le cas de la loi n°1.135 du 16 juillet 1990 modifiant certaines dispositions de la première partie du code de procédure civile dont l'article 12 contient une disposition transitoire identique à celle figurant dans le présent projet de loi.
D'autre part, dès lors que les irrégularités portant sur les actes de procédure d'une instance en cours auront pu survenir avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, l'application immédiate de ces dernières aux instances en cours conduirait, au final, à modifier rétroactivement les règles sanctionnant ces irrégularités alors que, stricto sensu, l'application immédiate des nouvelles dispositions ne devrait concerner que les seules irrégularités survenues après leur entrée en vigueur.
Tel est I'objet du présent projet de loi.
Dispositif🔗
Article 1er🔗
L'intitulé du Titre lX du Livre deuxième de la première partie du Code de procédure civile est modifié comme suit :
« Des exceptions et des fins de non-recevoir »
Article 2🔗
Sont insérés après le premier alinéa de I'article 264 du Code de procédure civile deux nouveaux alinéas rédigés comme suit :
« Aucune nullité pour vice de forme d'exploit introductif d'instance ou d'autres actes de procédure ne pourra être prononcée que s'il est justifié que l'inobservation de la formalité à l'origine du vice a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie l'ayant invoqué.
Les nullités de fond limitativement énoncées au deuxième alinéa de l'article 967 pourront en revanche être prononcées sans que celui qui s'en prévaut ait à justifier d'un grief »
Article 3🔗
Sont insérés après le premier alinéa de l'article 265 du Code de procédure civile deux nouveaux alinéas rédigés comme suit :
« La régularisation de l'acte couvre ses vices de forme si aucune déchéance, forclusion ou prescription n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
La nullité pour irrégularité de fond ne sera pas prononcée lorsque sa cause aura disparu. »
Article 4🔗
Est insérée, après la Section V du Titre IX du Livre deuxième de la première partie du Code de procédure civile, une Section VI intitulée « Des fins de non-recevoir » et comprenant les articles 278-1 et 27 8-2 rédigés comme suit :
« Article 278-1 : Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer la demande irrecevable, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel Ie défaut de qualité, le défaut d'intérêt, une déchéance, une forclusion, la prescription ou la chose jugée.
Article 278-2 : Les fins de non-recevoir pourront être proposées en tout état de cause. »
Article 5🔗
A l'article 966 du Code de procédure civile, les mots « nullités, amendes et » sont supprimés.
Article 6🔗
Sont insérés au premier alinéa de l'article 967 du Code de procédure civile, après le mot « essentiel », les mots «, s'il résulte de l'inobservation d'une formalité d'ordre public ».
Est inséré après le premier alinéa de l'article 967 du Code de procédure civile un nouvel alinéa rédigé comme suit :
« Il ne pourra l'être pour irrégularité de fond que s'il est affecté de I'une des irrégularités suivantes :
défaut de capacité d'ester en justice ;
défaut de pouvoir d'une partie ou d,une personne figurant dans I'instance comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. »
Article 7🔗
Aux articles 32, 287, 297 et 402 du Code de procédure civile, le mot « sera » est remplacé par les mots « pourra être ».
Au second alinéa de l'article 102 du Code de procédure civile, les mots « qui sera » sont remplacés par les mots « qui pourra-être ».
Est inséré à l'article 144 du Code de procédure civile, après le mot « peine », le mot « éventuellement, ».
Article 8🔗
Les dispositions de la présente loi sont applicables aux instances introduites après son entrée en vigueur.