Projet de loi n° 912 relative au droit international privé

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Exposé des motifs🔗

L'internationalisation des échanges et la diversité des nationalités présentes sur le territoire de la Principauté justifient pleinement l'intérêt et l'exigence pour Monaco disposer d'un droit international privé répondant à ses besoins de manière efficiente et performante.

Ainsi, lorsque le Conseil National a adopté le 7 décembre 2011 la proposition de loi n° 201 relative au droit international privé, préparée avec le concours d'éminents jurisconsultes, le Gouvernement Princier a considéré ce texte avec beaucoup d'intérêt et ce, d'autant plus qu'un projet de loi visant à réformer et à compléter certaines règles de droit international privé, notamment en matière successorale, était en cours de préparation au sein de ses services. C'est dans ces conditions qu'ont été alors décidées l'étude comparative des textes en présence et l'adaptation des dispositions de la proposition de loi à certaines spécificités du droit monégasque dont la prise en compte pouvait être optimisée.

Le Gouvernement tient d'emblée à souligner la qualité du dispositif d'origine de la proposition de loi ainsi que l'efficience des solutions envisagées par ses dispositions.

C'est ainsi qu'après l'étude approfondie des propositions avancées, le Gouvernement a fait le choix de reprendre l'essentiel des dispositions de la proposition de loi sous réserve de modifications purement formelles d'une part, et de quelques modifications de fond tenant principalement à la mise en cohérence du texte avec certaines particularités du droit monégasque, ainsi qu'à la suppression, pour des raisons de sécurité juridique, du principe du renvoi, d'autre part.

L'exposé des motifs du projet de loi s'inspire donc par conséquent largement de celui de la proposition de loi n° 201.

De fait, le droit international privé monégasque est actuellement très fragmentaire.

Le droit interne de la Principauté ne comporte, en effet, que quelques règles codifiées relatives aux conflits de juridictions.

Ainsi, les articles 1 à 5 bis du Code de procédure civile ont trait à la compétence internationale des juridictions monégasques tandis que les articles 472 à 477 régissent l'exécution des jugements et des actes étrangers.

Pour ce qui concerne les conflits de lois, le Code civil contient, outre la disposition très générale de l'article 3, quelques dispositions ponctuelles éparses, savoir les articles 36 à 37-3 sur les actes de l'état civil, les articles 139 à 143 sur la célébration du mariage, l'article 245 sur l'adoption, l'article 339 sur la tutelle, l'article 609 sur le droit de prélèvement et l'article 1243 sur le régime matrimonial.

A ces textes s'ajoutent quelques conventions internationales.

La Principauté est en effet partie à certaines conventions des Nations Unies intéressant directement ou indirectement le droit international privé comme la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, la Convention du 20 juin 1956 sur le recouvrement des aliments à l'étranger et la Convention 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales.

Elle est, de plus, un Etat membre de la Conférence de La Haye de droit international privé dont elle a ratifié un certain nombre de conventions. Peuvent ainsi être citées, en matière de procédure civile, la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, et la Convention du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile ou commerciale ; en matière de protection de l'enfance, la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, la Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, ainsi que la Convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants ; enfin, en matière de trust, la Convention relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance du 1er juillet 1985.

En outre, la Principauté, en sa qualité de membre du Conseil de l'Europe, a ratifié la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que ses protocoles 2 à 8, 11, 13 à 14 bis.

L'Etat monégasque a également conclu deux conventions bilatérales avec la France, l'une du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire, remplacée par la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée le 8 novembre 2005, l'autre du 13 septembre 1950 relative à la faillite et à la liquidation judiciaire.

Force est de constater cependant que l'ensemble de ces dispositions et accords internationaux est très lacunaire, et ne forme pas un ensemble homogène. Dans ces conditions, même si la jurisprudence monégasque s'est efforcée de combler les lacunes, elle n'a pu le faire que de façon fragmentaire au fur et à mesure des cas d'espèces, sans offrir la sécurité et la cohérence d'une codification systématique. Un dispositif général régissant le droit international privé apporterait donc incontestablement une plus grande sécurité juridique tant dans les relations personnelles que dans les relations d'affaires, ce qui contribuerait grandement à renforcer l'attractivité de la place monégasque.

La proposition adoptée par le Conseil National couvre l'ensemble des conflits de lois et de juridictions dans les domaines du droit des personnes, du droit extrapatrimonial (mariage, divorce, filiation, adoption, responsabilité parentale) et patrimonial de la famille (régimes matrimoniaux, successions), du droit des obligations contractuelles et extracontractuelles. Le domaine du droit des biens et des trusts est également concerné par le texte proposé par le Conseil National.

Le Gouvernement a quant à lui fait le choix de reprendre, dans son projet de loi, l'ensemble des domaines de droit couverts par le texte de la proposition, à l'exception toutefois de l'adoption, laquelle n'est abordée que sous l'angle de la compétence juridictionnelle. Le surplus des autres problématiques internationales de l'adoption doit effectivement faire l'objet d'un projet de loi séparé dont l'élaboration est actuellement en cours au sein de ses services.

Il existe de nombreux modèles étrangers de codification du droit international privé, tels ceux résultant de la Loi fédérale suisse du 18 décembre 1987, du Code belge du 16 juillet 2004, ou encore des lois allemandes des 25 juillet 1986 et 21 mai 1999 et italienne du 31 mai 1995.

Enfin, il ne peut être ignoré qu'au plan communautaire, de nombreux règlements de l'Union européenne couvrent aujourd'hui tous les conflits de juridictions et, pour les conflits de lois, l'ensemble du droit des obligations de même qu'une part croissante du droit des personnes et de la famille. Les plus importants de ces règlements sont les suivants :

  • règlement 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit Bruxelles I), qui remplace entre Etats membres à l'exception du Danemark, la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ;

  • règlement 2201/2003 du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement 1347/2000 ;

  • règlement n° 593/208 du Parlement et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), qui remplace entre Etats membres à l'exception du Danemark, la convention de Rome du 19 juin 1980 ;

  • règlement n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ;

  • règlement n° 4/2009 du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires ;

  • règlement n° 1259/2010 du 20 décembre 2010 mettant en oeuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps ;

  • règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions, et à la création d'un certificat successoral européen en matière de successions.

L'objectif poursuivi par la proposition de loi n° 201 a été de doter la Principauté d'une législation moderne qui soit à la fois adaptée à la société internationale et respectueuse des traditions et du particularisme de Monaco. C'est pourquoi ses dispositions n'ont pas eu pour objet de reprendre les textes internationaux précédemment évoqués, mais plutôt de retenir les solutions les plus pertinentes qu'ils apportent à certains difficultés du droit international privé et leur approche structurante de la matière.

Un objectif partagé par le Gouvernement Princier qui a dès lors décidé de transformer la proposition de loi n° 201 en projet de loi.

De surcroît, et parce que ces textes internationaux constituent l'environnement juridique de Monaco, le droit monégasque ne saurait les ignorer sauf à conduire à d'importantes difficultés d'application ou à des solutions contradictoires.

Sur le fond, le projet de loi tend à concilier les principes suivants :

  • la Souveraineté monégasque, en assurant une place importante à la compétence des tribunaux et à l'application de la loi monégasques ;

  • le principe de proximité, selon lequel un rapport de droit doit être rattaché à l'ordre juridique avec lequel il présente les liens les plus étroits ; de même un litige doit être soumis aux tribunaux d'un Etat avec lequel existe sinon le lien le plus étroit du moins un lien substantiel, et enfin l'efficacité d'une décision est subordonnée à l'étroitesse des liens qui la rattachent à l'autorité qui l'a prise ;

  • l'autonomie de la volonté qui permet aux parties à un rapport de droit de choisir, dans certaines limites, la loi applicable à ce rapport et le tribunal compétent.

Sous le bénéfice de ces observations d'ordre général, le présent projet de loi appelle les commentaires particuliers ci-après.

Le texte proposé est structuré de manière classique avec un premier titre consacré à la partie générale du droit international privé, lequel a trait aux questions fondamentales du droit international privé, savoir la compétence judiciaire, la loi applicable et l'effet des actes publics et des décisions étrangères (Titre I).

On retrouve également ces trois thèmes dans les quatre titres suivants, formant la partie spéciale du droit international privé et concernant successivement le droit des personnes et de la famille en ce compris le droit des successions (Titre II), le droit des obligations contractuelles et extracontractuelles (Titre III), le droit des biens et des trusts (Titre IV et V).

Un dernier titre énumère les textes qu'il est nécessaire d'abroger (Titre VI).

La partie générale du projet de loi, qui fait l'objet du Titre I, est divisée en quatre chapitres.

Intitulé « Dispositions préliminaires », le Chapitre I définit la nationalité et le domicile, qui sont les facteurs de rattachement les plus communément utilisés par le présent texte.

Les Chapitres II et III traitent des conflits de juridictions, le Chapitre II réglant la compétence internationale des juridictions monégasques, le Chapitre III étant relatif à la reconnaissance et à l'exécution dans la Principauté des jugements et actes publics étrangers. Enfin, le Chapitre IV est consacré aux règles générales des conflits de lois.

S'agissant tout d'abord de la nationalité définie à l'article premier, la règle proposée en premier lieu est une règle de droit international public qui dérive de la compétence exclusive de l'Etat pour définir qui sont ses nationaux (premier alinéa). Concrètement, cela signifie que les tribunaux et les autorités monégasques doivent déterminer si une personne possède une nationalité étrangère par application de la loi de l'Etat dont la nationalité est alléguée.

A cet effet, les juridictions doivent apporter la plus grande attention aux attestations de nationalité données par l'autorité étrangère. La conséquence directe de la compétence exclusive des Etats en matière de nationalité est de provoquer des conflits de nationalités, soit que plusieurs Etats attribuent leur nationalité à une même personne, soit au contraire qu'aucun Etat ne reconnaisse une personne comme son national, cette circonstance pouvant aboutir à des cas d'apatridie.

Le texte envisage en deuxième lieu l'hypothèse selon laquelle une personne dispose de plusieurs nationalités dont la nationalité monégasque. Le projet de loi propose dans ce cas, pour ce qui concerne la compétence des tribunaux monégasques et pour la détermination de la loi applicable, la règle traditionnelle donnant la primauté de principe à la nationalité de l'autorité saisie (deuxième alinéa). Ce n'est toutefois qu'une règle de principe, pouvant être écartée ou aménagée par certaines dispositions de la partie spéciale du projet de loi (voir notamment en ce sens les articles 36, 41, 44, 53 et 54).

En troisième lieu, lorsque les nationalités en conflit sont toutes des nationalités étrangères, le projet opte en faveur d'une solution traditionnelle qui s'attache à la nationalité la plus effective. Toutefois, pour préciser cette notion et dans la perspective du renforcement de la sécurité juridique, le texte met l'accent sur la résidence habituelle comme révélateur de l'effectivité (troisième alinéa). La portée du texte est limitée à la détermination de la loi applicable, car la possession d'une nationalité étrangère déterminée n'est jamais, en droit commun, un facteur déterminant de la compétence des tribunaux monégasques.

En dernier lieu, le texte, envisageant l'hypothèse de l'apatridie, adopte une règle très suivie aujourd'hui consistant à retenir à titre subsidiaire le rattachement à l'Etat de la résidence habituelle. Par souci de commodité, cette règle est étendue aux personnes dont la nationalité ne peut être établie et qui ne sont pas forcément des apatrides (quatrième alinéa).

En ce qui concerne ensuite le domicile, objet de l'article 2, il importe de souligner que cette notion joue un rôle très important comme facteur de rattachement à la fois de la compétence judiciaire et de la loi applicable. Bien que les textes de référence comme les Conventions de La Haye, les règlements européens et les codifications nationales utilisent aujourd'hui très fréquemment la notion de résidence habituelle de préférence à celle de domicile, le projet de loi retient, à l'instar de la proposition de loi n° 201, la notion de domicile, plus précise que celle de résidence habituelle.

Les dispositions de l'article 2 relatives au domicile sont pour l'essentiel la reprise des articles 78 et 79 du Code civil.

En outre, la référence faite dans son premier alinéa au lieu du principal établissement est traditionnelle et implique qu'une personne ne peut avoir qu'un domicile unique au sens du présent texte.

Les deuxième et troisième alinéas posent quant à eux deux présomptions de domicile pour les personnes physiques, l'une pour les Monégasques, l'autre pour les étrangers.

La présomption selon laquelle tout Monégasque est réputé domicilié dans la Principauté permet ainsi de résoudre les difficultés de localisation du domicile d'un ressortissant monégasque dans un Etat étranger. Elle a pour effet d'étendre la compétence de la loi monégasque en rendant celle-ci fréquemment applicable aux Monégasques, même dans les cas où le texte substitue la compétence de la loi du domicile à celle de la loi nationale.

Pour les étrangers, le troisième alinéa pose une présomption commode, réputant domicilié dans la Principauté celui qui est titulaire d'un titre de séjour. La preuve contraire consistera à établir que, malgré la possession d'un tel titre, l'étranger n'a pas fixé son principal établissement dans la Principauté. Il reste que, comme les réglementations de police sont indépendantes de celles du droit civil, un étranger sans carte de séjour qui aurait fixé, fût-ce irrégulièrement, son principal établissement dans la Principauté, pourra néanmoins être considéré comme y ayant son domicile au sens du présent texte.

Pour les personnes morales, le quatrième alinéa retient le siège social comme équivalent du domicile, c'est à dire le siège réel de la personne morale. Cela permet d'exclure que des sociétés soient artificiellement rattachées par les fondateurs ou les dirigeants de celles-ci dans un Etat autre que celui dans lequel se trouvent leurs organes de direction ou leurs principales activités.

La compétence judiciaire est l'objet du Chapitre II.

S'il reprend certaines règles de compétence figurant dans les premiers articles du Code de procédure civile, il apporte aussi d'importantes innovations, principalement en réglementant en détail les clauses attributives de juridiction et en faisant une certaine place à l'exception de litispendance internationale.

En outre, il opère la suppression de la disposition de l'article 5 du Code de procédure civile faisant reposer la compétence sur la réciprocité, très difficile à mettre en oeuvre. En effet, si la notion de réciprocité peut avoir un sens dans les rapports entre Etats, elle n'en a, en revanche, pas en procédure civile puisque, par hypothèse, le défendeur étranger qui serait privé de la possibilité de soulever l'incompétence du juge monégasque n'est pas celui qui profiterait d'une compétence exorbitante de la juridiction étrangère à l'encontre d'un Monégasque.

Les règles de compétence des tribunaux de la Principauté sont déterminées par les dispositions du Chapitre II ainsi que par certaines règles figurant dans la partie spéciale du texte, notamment en matière de statut personnel (divorce, aliments).

Conformément à une règle traditionnelle des Etats du continent européen, le projet de loi propose de retenir la compétence des tribunaux de la Principauté lorsque le défendeur y a son domicile (article 4).

Le premier alinéa de l'article 4 donne une précision temporelle, selon laquelle c'est à la date de l'introduction de l'instance qu'il faut se placer pour déterminer le domicile du défendeur et non à un autre moment comme par exemple à la date des faits litigieux.

Le deuxième alinéa fournit une règle subsidiaire commode, permettant d'éluder la manœuvre d'un défendeur résidant à Monaco qui soulèverait l'incompétence des tribunaux monégasques sans établir l'existence d'un domicile à l'étranger.

En cas de pluralité de défendeurs, le projet de loi retient la possibilité d'assigner tous les codéfendeurs devant un même tribunal dès lors que l'un d'eux a son domicile à Monaco, ce qui constitue un grand avantage pour le demandeur dispensé ainsi d'avoir à saisir plusieurs tribunaux d'un même litige, avec le risque d'obtenir des solutions divergentes.

Cet avantage est cependant une gêne pour le codéfendeur assigné hors de l'Etat de son domicile. Aussi cette possibilité n'est-elle donnée que si le tribunal saisi est celui du domicile de l'un des codéfendeurs, c'est-à-dire un tribunal dont la compétence a un fondement très solide. Encore faut-il que le codéfendeur dont le domicile détermine la compétence à l'égard des autres codéfendeurs soit un codéfendeur sérieux, dont les intérêts sont affectés par le litige, et non un codéfendeur plus ou moins fictif, qui n'aurait été assigné par le demandeur que pour assigner le ou les autres codéfendeurs hors du ressort de l'Etat de leur domicile. Cette précaution préserve ainsi les défendeurs contre une éventuelle manœuvre frauduleuse du demandeur (article 5).

Une série de règles spéciales de compétence sont en outre prévues permettant, dans certaines matières, d'attraire le défendeur devant les juridictions monégasques bien que n'étant pas domicilié sur le territoire de la Principauté (article 6).

Ainsi, en matière immobilière, le texte pose le principe de la compétence des juridictions de l'Etat de situation de l'immeuble conformément à la règle universellement admise. Le texte en étend le domaine aux litiges concernant les baux d'immeubles et les droits dans des sociétés détenant un immeuble. Il s'agit d'élargir la compétence des juridictions monégasques non seulement aux litiges concernant des sociétés civiles immobilières monégasques, mais aussi aux cessions de parts de sociétés offshore détenant des immeubles à Monaco (chiffre 1er).

En matière contractuelle, les tribunaux monégasques, selon le texte, seront compétents lorsque la prestation en nature, savoir la livraison de la chose ou l'exécution de la prestation prévue par le contrat, a été ou devait être exécutée à Monaco (chiffre 2).

En effet, le lieu d'exécution de la prestation en nature caractérise mieux le centre de gravité du contrat que le lieu de paiement du prix. De même, le texte ne retient pas le for du lieu de conclusion du contrat, car ce dernier est en lui-même peu significatif et il est souvent indéterminable en cas de contrat conclu à distance.

Pour les contrats de consommation mentionnés à l'article 66 du présent projet et pour les contrats individuels de travail, une règle spéciale de protection posée par le texte permet au consommateur ou au salarié domicilié dans la Principauté d'y assigner son fournisseur ou son employeur.

Il est à noter à cet égard, qu'à la différence de la règle de compétence figurant à l'article 4 de la loi n° 1.383 du 2 août 2011 sur l'économie numérique, la règle protectrice du chiffre 2 de l'article 6 est une règle générale qui ne se limite pas au consommateur ayant conclu un contrat par voie électronique.

En outre, cette compétence protectrice ne peut être tenue en échec par une clause attribuant compétence à un tribunal étranger (deuxième alinéa de l'article 9).

En matière délictuelle, le texte retient le for du lieu du fait dommageable comme nombre de lois récentes (chiffre 3).

S'agissant des délits complexes comme la pollution transfrontière ou les délits de presse par exemple, le lieu du fait générateur et celui du dommage sont placés sur un pied d'égalité. Il suffit que l'un ou l'autre soit situé dans la Principauté pour que la victime puisse y porter son action.

En matière successorale, le texte confirme le for du lieu d'ouverture de la succession prévu par l'article 83 du Code civil et celui du lieu de situation d'un immeuble. La précision que cette règle de compétence est ouverte jusqu'au partage définitif rend inutile la fixation d'un délai de deux ans pour l'action des créanciers (chiffre 4).

En matière de société, la référence au siège social a été retenue car elle s'avère plus claire que celle du principal établissement (chiffre 5).

Pour les procédures collectives, le projet donne compétence aux juridictions monégasques dès lors qu'une activité commerciale est exercée en Principauté. Le for du domicile ou du principal établissement s'impose. Le renvoi aux articles 408 à 609 du Code de commerce précise le domaine de la règle quant aux procédures visées (chiffre 6).

En matière de saisies, le texte donne une nouvelle formulation des chiffres 9 et 9 bis de l'article 3 du Code de procédure civile modifié par la loi n° 1.295 du 29 décembre 2004 (chiffre 7).

Enfin, les tribunaux monégasques se voient reconnaître une compétence exclusive pour se prononcer sur l'exequatur dans la Principauté des jugements et des actes étrangers. La règle figurant au chiffre 10 de l'article 3 du Code de procédure civile demeure donc inchangée (chiffre 8).

Le projet de loi énumère trois cas de compétences dérivées des juridictions monégasques dans lesquels un tribunal saisi d'une demande pourra ainsi connaître également d'une autre demande qui se trouverait liée à la précédente et pour laquelle il n'aurait été en principe pas compétent. (article 7).

Le premier cas est celui de l'appel en garantie ou en intervention (chiffre 1er). Il pourra s'agir par exemple, du vendeur d'un produit défectueux assigné par son acheteur devant une juridiction monégasque, lequel vendeur pourra appeler en garantie devant cette même juridiction son propre vendeur établi à l'étranger, lui permettant d'éviter, en cas de condamnation, d'avoir à engager une nouvelle procédure contre ce dernier devant un tribunal étranger. Toutefois, cet avantage donné au défendeur principal devra céder en cas de clause conclue valablement entre le défendeur principal et l'appelé en garantie, attribuant compétence exclusive à une juridiction étrangère (article 9).

Cependant, le chiffre premier de l'article 7 écarte cette compétence dérivée si elle est utilisée pour arracher le défendeur à son juge naturel. Il s'agit d'éviter certains cas de collusion entre le demandeur et le défendeur principal pour attraire l'appelé en garantie devant le tribunal du défendeur principal.

Le second cas de compétence dérivée des juridictions monégasques mentionné au chiffre 2 de l'article 7, est celui de la demande reconventionnelle prévue à l'article 382 du Code de procédure civile.

Le troisième cas est celui de la connexité. Cette disposition qui étend sensiblement la compétence des tribunaux monégasques, précise l'actuel chiffre 7 de l'article 3 du Code de procédure civile en explicitant la notion de connexité.

Il apparaît nécessaire pour l'attractivité du droit monégasque, que celui-ci puisse donner pleinement effet aux clauses par lesquelles les parties à un contrat et plus généralement à un rapport de droit, auraient convenu de la juridiction compétente pour connaître de leurs litiges éventuels.

C'est l'objet de l'article 8 du projet. Celui-ci pose comme condition à la validité des clauses désignant un tribunal monégasque que les parties puissent disposer de leurs droits, le caractère disponible ou indisponible du droit litigieux devant être apprécié selon le droit monégasque et non par le droit applicable au fond du litige. Cette qualification intervient en effet pour fixer la compétence des tribunaux de la Principauté et il est légitime qu'elle soit donnée par le droit de celle-ci (1er alinéa).

En outre, d'un point de vue formel, le deuxième alinéa exige que l'élection de for soit passée par écrit ou par tout autre moyen de communication permettant d'en établir la preuve par un texte, par exemple par courrier électronique. Une clause simplement verbale est donc exclue.

L'effet de la clause est de conférer une compétence exclusive à la ou aux juridictions monégasques élues (article 8).

L'article 9 concerne l'élection d'un for étranger.

L'effet d'une clause attribuant compétence à un tribunal étranger est d'obliger toute juridiction monégasque saisie en méconnaissance de cette clause à surseoir à statuer. Dès lors, la juridiction monégasque devra attendre que le tribunal étranger ainsi saisi se soit prononcé sur sa compétence.

Elle ne recouvrera sa compétence, à supposer celle-ci établie en application des autres dispositions du projet de loi, que dans deux séries de situations.

Tout d'abord, lorsqu'une procédure étrangère se révèlera impossible, ce qui peut arriver si le tribunal étranger élu n'accepte pas sa compétence, ou si les conditions d'accès à ce tribunal ont pour effet d'empêcher cette procédure.

Ensuite, lorsqu'il est prévisible que la décision étrangère ne sera pas rendue dans un délai raisonnable ou ne pourra être reconnue dans la Principauté, parce qu'elle se heurterait à un motif de non reconnaissance prévu à l'article 15 du projet. En pareil cas, il ne sera pas nécessaire de mener la procédure étrangère jusqu'à son terme, et la juridiction monégasque saisie pourra statuer. Les conditions de validité et de preuve de la clause attribuant compétence à un tribunal étranger sont les mêmes que pour la clause attribuant compétence à un tribunal monégasque.

Le texte ajoute, ainsi que précédemment évoqué, que le choix d'un tribunal étranger ne peut pas priver le consommateur ou le salarié domicilié dans la Principauté du droit de saisir les juridictions monégasques conformément au chiffre 2 de l'article 6 du présent texte (article 9).

En cas de comparution du défendeur devant une juridiction monégasque sans contestation de la compétence de celle-ci, le projet de texte propose de considérer que la comparution vaut alors acceptation de cette compétence, à condition que la juridiction ait été saisie en conformité avec les règles énoncées au Chapitre II du présent texte. Dans le cas contraire, la juridiction monégasque devra relever d'office son incompétence, laquelle s'analyse en une incompétence à raison de la matière telle que prévue à l'article 263 du Code de procédure civile (article 10).

Le for de la nationalité, dont le prototype est constitué par les articles 14 et 15 du Code civil français, est généralement considéré dans les autres Etats comme un for exorbitant, ce qui a pour effet de compromettre la reconnaissance à l'étranger des jugements rendus sur cette base de compétence.

Le projet reprend donc les limitations qui ont été apportées par les jurisprudences française et monégasque au for de la nationalité. Celui-ci n'est dès lors qu'une règle subsidiaire, écartée au surplus lorsque le litige porte sur un immeuble situé à l'étranger ou sur des voies d'exécution pratiquées à l'étranger (article 11).

S'agissant de l'irrecevabilité de l'exception de litispendance internationale qui demeure la règle dans la jurisprudence monégasque, celle-ci a pour effet d'isoler les tribunaux de Monaco des juridictions des autres Etats, alors surtout que l'admission de cette exception est obligatoire entre les juridictions des Etats de l'Union Européenne et des Etats parties à la convention de Lugano. L'impératif d'attractivité conduit donc à consacrer, dans une certaine mesure, une exception de litispendance internationale en droit monégasque.

Ainsi, le projet de loi définit la situation de litispendance comme celle dans laquelle deux juridictions sont saisies successivement d'une action ayant le même objet et qui est pendante entre les mêmes parties. Si l'une de ces deux conditions d'identité faisait défaut, il n'y aurait pas litispendance, mais simple connexité.

La situation de litispendance emporte pour la juridiction monégasque saisie en second lieu une double conséquence.

D'une part, elle se voit offrir la faculté de surseoir à statuer jusqu'au prononcé de la décision étrangère. Pour se déterminer, elle pourra, à cet égard, prendre en considération les circonstances de l'espèce, la force respective des bases de compétence de la juridiction étrangère et de la juridiction monégasque, l'empressement suspect avec lequel le défendeur s'est dépêché de saisir la juridiction étrangère dans l'espoir de neutraliser la compétence du juge monégasque, le délai prévisible dans lequel la décision étrangère sera rendue etc.

D'autre part, la juridiction monégasque qui aura sursis à statuer se dessaisira si le juge étranger rend une décision susceptible d'être reconnue à Monaco (article 12).

Le Chapitre III concerne la reconnaissance et l'exécution des jugements et des actes publics étrangers.

A l'instar des codes modernes de droit international privé adoptés en Suisse, en Italie ou en Belgique, ce chapitre distingue la reconnaissance des jugements étrangers patrimoniaux et extrapatrimoniaux, qui, si certaines conditions sont remplies, doit avoir lieu de plein droit sans qu'il soit besoin de recourir à une procédure, d'une part, et l'exécution qui doit demeurer subordonnée à une procédure d'exequatur, d'autre part.

S'agissant de l'exécution, le texte reprend les dispositions des articles 472 et suivants du Code de procédure civile en les complétant.

Comme en matière de compétence, la condition de réciprocité n'est pas retenue car l'instance en exequatur n'oppose pas l'Etat monégasque à l'Etat d'origine du jugement mais deux particuliers. En outre, l'objet de la procédure d'exequatur est de vérifier si le jugement étranger répond aux conditions de régularité internationale.

En ce qui concerne la reconnaissance, le texte pose le principe de la reconnaissance de plein droit des jugements étrangers. Cette solution était déjà acquise en jurisprudence pour les jugements relatifs à l'état et à la capacité des personnes. Elle vaut aussi pour les jugements patrimoniaux, pour lesquels la reconnaissance emporte également des effets positifs et des effets négatifs, indépendamment de toute exécution.

Ainsi par exemple, si un jugement étranger a annulé à la demande de Primus un contrat le liant à Secundus, ce dernier ne sera pas recevable à demander au juge monégasque l'exécution forcée du contrat.

Si, en revanche, le jugement étranger déboute Primus de son action en nullité et si Secundus le poursuit en exécution du contrat devant un juge monégasque, Primus ne sera pas recevable à opposer à Secundus devant le juge monégasque la nullité du contrat ; sauf pour Secundus, dans le premier cas, et pour Primus, dans le second à invoquer un motif de non reconnaissance du jugement étranger.

Il convient de préciser que la reconnaissance n'est accordée aux jugements étrangers qu'à condition qu'ils soient passés en force de chose jugée, c'est-à-dire lorsqu'ils ne sont plus susceptibles d'appel. Mais l'éventualité d'un recours en cassation ou même l'existence d'un pourvoi en cassation n'est ainsi pas un obstacle à la reconnaissance.

En outre, la reconnaissance des jugements étrangers est subordonnée à la condition qu'il n'y ait pas de motifs de non reconnaissance au sens de l'article 15, étant souligné qu'il appartient à celui qui invoque un tel motif de le prouver. De plus, afin de lever tout doute sur la reconnaissance du jugement ou de l'acte, il appartient à toute partie intéressée d'agir en justice de manière préventive pour que soit prise une décision de reconnaissance ou de non reconnaissance (article 13).

Pour ce qui est de l'exécution des jugements et actes publics étrangers, le projet de loi reprend les termes de l'article 472 du Code de procédure civile, selon lesquels seuls les jugements étrangers exécutoires dans leur Etat d'origine peuvent être déclarés exécutoires sur le territoire de la Principauté. La règle est en outre étendue aux actes reçus par les officiers publics étrangers et exécutoires dans leur Etat d'origine (article 14).

Le projet de loi poursuit en énumérant les motifs possibles de non reconnaissance, l'existence de l'un d'eux faisant obstacle tant à la reconnaissance qu'à l'exequatur du jugement étranger.

Le texte systématise des solutions latentes dans la jurisprudence monégasque et souvent explicites dans les codifications étrangères récentes.

Ainsi le chiffre premier de l'article 15 énonce un motif de non reconnaissance qui existe dans le droit commun de tous les Etats, savoir l'incompétence indirecte de la juridiction étrangère définie à l'article 17.

Il convient de relever à cet égard que ce motif de non reconnaissance est supprimé entre les Etats de l'Union européenne et entre ceux-ci et ceux qui sont liés par la convention de Lugano en raison des liens particuliers existant entre eux, mais il subsiste dans ces Etats à l'égard des Etats tiers.

La méconnaissance des droits de la défense, prévue au chiffre 2 de l'article 15, caractérise, quant à elle, un procès inéquitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

L'incompatibilité manifeste avec l'ordre public du for, mentionnée au chiffre 3 de l'article 15, est un motif universel de refus de reconnaissance des jugements étrangers. Le texte précise, à l'instar de l'article 25 I 1° du Code belge, que la contrariété avec l'ordre public monégasque est d'autant plus manifeste que la situation présente des liens étroits avec celui-ci. C'est ainsi, par exemple, qu'un jugement étranger homologuant un divorce par répudiation heurtera davantage l'ordre public monégasque si l'ex-épouse est de nationalité monégasque ou si elle réside dans la Principauté, que si les deux conjoints ont la nationalité de l'Etat d'origine du jugement et résident à l'étranger.

Le caractère inconciliable du jugement étranger avec un jugement monégasque, même postérieur, est un cas particulier de contrariété avec l'ordre public monégasque prévu au chiffre 4 de l'article 15, lequel est inspiré de l'article 25 I 5° du Code belge ; il se justifie par le fait que deux décisions inconciliables ne peuvent coexister dans un même ordre juridique. Il en est de même et pour la même raison, si le jugement étranger est incompatible avec un autre jugement étranger, par hypothèse antérieur, reconnu dans la Principauté.

Enfin, le chiffre 5 de l'article 15 recèle un dernier motif de non reconnaissance des jugements étrangers tenant à l'existence d'un litige pendant dans la Principauté entre les mêmes parties et portant sur le même objet. Cette disposition est empruntée à l'article 27, 2, c de la loi Suisse.

Cette hypothèse correspond au cas où la juridiction monégasque a rejeté l'exception de litispendance au profit de la juridiction étrangère, ou bien au cas dans lequel le tribunal étranger a été saisi postérieurement, mais a statué plus rapidement que la juridiction monégasque. Il existe donc un risque d'incompatibilité du jugement étranger avec la décision que rendra la juridiction monégasque, et ce risque suffit à écarter la reconnaissance du jugement étranger.

Par ailleurs, le projet de loi affirme le principe selon lequel toute révision des jugements étrangers est impossible. Elle signifie que le juge monégasque ne peut pas refuser l'exequatur au motif que le juge étranger aurait mal apprécié la situation de fait ou de droit qui lui était soumise. Il convient d'ailleurs d'observer que cette exclusion est prévue par toutes les lois récentes et par tous les règlements européens (article 16).

L'article 17 relatif à l'incompétence indirecte doit être lu en corrélation avec le chiffre premier de l'article 15, dont il explicite le sens.

Le premier cas d'incompétence indirecte du tribunal étranger va de soi. C'est l'existence d'une compétence exclusive des tribunaux monégasques. La plupart des règles de compétence des tribunaux monégasques sont des règles de compétence concurrentes, c'est-à-dire des règles qui n'excluent pas la compétence de juridictions étrangères. D'autres en revanche ont un caractère exclusif. Il en est ainsi de la règle attribuant compétence aux juridictions monégasques pour statuer sur la propriété d'un immeuble situé sur le territoire de la Principauté, ou de la clause attributive de compétence aux tribunaux monégasques (1e alinéa).

Le second cas d'incompétence indirecte est l'absence de lien suffisant entre l'Etat d'origine et le litige (2ème alinéa). La solution retenue consiste en fait à écarter des règles de compétence ayant un caractère exorbitant. Bien entendu, cette incompétence indirecte du tribunal étranger ne peut plus être opposée par le défendeur si celui-ci a accepté la compétence de ce tribunal étranger (3ème alinéa).

S'agissant enfin des pièces à produire à l'appui des demandes d'exécution ou de reconnaissance des jugements et des actes publics étrangers ainsi que des procédures aux fins d'exécution ou de reconnaissance, ceux-ci font l'objet des articles 18 à 21 et n'appellent pas d'explications particulières dans la mesure où ils reproduisent des articles 475 à 477 du Code de procédure civile.

Les dispositions du Chapitre IV appartiennent à la théorie générale des conflits de lois et doivent servir à l'interprétation et à l'application des règles de conflit figurant dans la partie spéciale. Elles précisent ou infléchissent sur plusieurs points la pratique des juridictions monégasques.

S'agissant de la qualification d'une institution juridique inconnue du droit monégasque, le projet de loi propose de tenir compte du droit étranger dont elle relève (article 21).

En matière d'application de la loi étrangère, le présent texte renforce les devoirs du juge en même temps qu'elle en fixe les limites et contribue à l'objectif d'attractivité du droit monégasque.

En effet, il ne servirait à rien de se doter d'une loi de droit international privé prescrivant, dans des cas déterminés, l'application d'une loi étrangère si le juge monégasque pouvait à la première difficulté renoncer à la recherche du droit étranger et revenir à la loi monégasque.

L'objection de la difficulté d'accès au droit étranger, pour réelle qu'elle soit, a perdu aujourd'hui beaucoup de sa force avec le développement des moyens informatiques. Au surplus, elle est souvent exagérée lorsqu'il s'agit du droit des pays proches comme la France, l'Italie ou l'Allemagne avec lesquels les relations sont les plus fréquentes.

C'est ainsi qu'est posé le principe de l'obligation, pour le juge, d'appliquer d'office la règle de conflit de lois prescrivant, le cas échéant, l'application de la loi étrangère, ce qui devrait aller de soi puisque la règle de conflit fait partie intégrante de l'ordre juridique monégasque (article 22).

Toutefois, le juge pourra requérir la collaboration des parties pour l'établissement de la loi étrangère. Ce sont en effet les parties qui sont directement intéressées par la loi étrangère et elles peuvent, en tout cas l'une d'entre elles, disposer plus facilement que le juge d'un accès au droit étranger. Cette implication des parties pourra cependant les conduire à renoncer à l'application du droit étranger au profit du droit monégasque dans une matière où elles peuvent disposer de leurs droits.

En matière extrapatrimoniale et en matière patrimoniale lorsque les parties n'ont pas renoncé à l'application du droit étranger, le juge doit aller jusqu'au bout de ses possibilités pour établir la teneur du droit étranger applicable.

C'est seulement lorsqu'il est impossible d'y parvenir que le droit monégasque sera applicable (article 23).

Dans la théorie générale des conflits de lois, la question du renvoi tient une place d'importance. Celui-ci repose sur l'idée suivant laquelle la règle de conflit du for qui désigne un droit étranger désigne celui-ci dans toutes ses dispositions, y compris ses règles de conflit de lois, et que ces dernières doivent être suivies si elles renvoient à un autre droit (renvoi au second degré) ou à la loi du for (renvoi au premier degré).

La jurisprudence monégasque admet quant à elle le renvoi, notamment en droit des successions.

Or, alors que la proposition de loi n° 201 admettait le principe du renvoi, sauf en matière contractuelle et d'élection de droit, le projet de loi a fait le choix de l'exclure, dans un but de sécurité juridique et d'amélioration de la prévisibilité des relations juridiques.

Dans ces conditions, en application des dispositions du présent texte, le droit applicable à la situation juridique donnée sera celui désigné par la règle de conflit de droit monégasque, sans renvoi possible par application de la règle de conflit de droit étranger désigné par le droit monégasque (article 24). Il en résultera incontestablement une meilleure prévisibilité des situations juridiques, notamment en matière successorale.

Par ailleurs, la règle de conflit peut désigner le droit d'un Etat fédéral comportant plusieurs unités territoriales soumises chacune à un droit qui lui est propre, comme les Etats-Unis d'Amérique ou l'Espagne. La règle de conflit peut aussi désigner le droit d'un Etat comportant plusieurs systèmes de droit applicables à des catégories différentes de personnes, tel le Liban.

Dès lors, la règle de conflit désignant le droit de tels Etats doit être complétée par une autre règle destinée à régler le conflit interne de lois de l'Etat désigné. L'article 25 adopte à cet effet une règle simple s'en remettant à titre principal à la règle de conflit interne de l'Etat désigné, à défaut et subsidiairement au principe de proximité.

Lorsque dans une espèce déterminée, le facteur de rattachement retenu par la règle de conflit est infirmé par l'ensemble des circonstances de la cause et conduit à l'application d'un droit avec lequel la situation considérée n'a pas de lien réel, la clause d'exception, prévue à l'article 26, peut être un garde-fou utile.

Cette situation peut se présenter parce qu'une situation internationale a par hypothèse des liens de rattachement avec plusieurs Etats et que la règle de conflit doit privilégier un facteur de rattachement par rapport aux autres, en principe celui qui est le plus significatif, mais pouvant exceptionnellement se trouver inapproprié.

C'est ainsi que la clause d'exception, qui repose sur le principe de proximité, permet de revenir à l'application du droit avec lequel la situation présente les liens les plus étroits.

Toutefois, afin de ne pas compromettre la sécurité juridique, cette clause est entourée de précautions importantes (article 26).

Tout d'abord la situation ne doit présenter manifestement qu'un lien insuffisant avec le droit désigné et se trouver dans une relation beaucoup plus étroite avec un autre droit. Il n'est donc pas question de remettre en cause dans chaque espèce le résultat de la règle de conflit et de rechercher si, tout bien pesé, une autre loi n'a pas des liens plus étroits avec un autre droit (premier alinéa).

De plus, le texte exclut au deuxième alinéa le jeu de la clause d'exception en cas d'élection de droit, celui-ci ne devant pas conduire à anéantir les prévisions des parties ayant usé de leur faculté de choisir le droit applicable.

S'agissant de l'exception d'ordre public, laquelle se retrouve dans tous les textes nationaux, européens et internationaux, celle-ci permet d'exclure l'application du droit étranger. L'adverbe « manifestement » commande toutefois une certaine retenue dans l'utilisation de l'exception d'ordre public (article 27).

On rappellera enfin que dans une situation à caractère international, les dispositions du droit matériel monégasque ne sont applicables que si le facteur de rattachement retenu par la règle de conflit de lois conduit au droit monégasque.

Or, l'article 28 du présent texte, reprenant les dispositions du premier alinéa de l'article 3 du Code civil, fait exception à cette règle générale et réserve au législateur monégasque la possibilité de déterminer unilatéralement le champ d'application de certaines dispositions matérielles qu'il juge indispensables à la réalisation de ses objectifs, sans passer par le détour de la règle de conflit. C'est le principe même des lois de police.

Un exemple en est fourni par l'article 35 du présent texte qui érige en lois de police les dispositions du droit monégasque protégeant le logement familial lorsque celui-ci est situé en territoire monégasque. Il en est de même en ce qui concerne le premier alinéa de l'article 4 de la loi n° 1.383 du 2 août 2011 sur l'économie numérique, qui définit le champ d'application de cette loi sans passer par le détour de la règle de conflit de lois.

A titre d'illustration, est cité dans l'exposé des motifs de la proposition de loi n° 201 la définition des lois de police donnée par le juriste grec de langue française Phocion FRANCESCAKIS, selon laquelle « Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent règlement ».

Le Titre II du projet de loi inaugure les dispositions de la partie spéciale. Consacré aux personnes physiques, il comporte cinq chapitres relatifs respectivement à l'état et à la capacité, au mariage (y compris le régime matrimonial et le divorce), à la filiation et à l'adoption, aux obligations alimentaires et aux successions.

Les matières relevant de l'état et la capacité des personnes, objet du Chapitre I, sont énumérées à l'article 29 tandis que la responsabilité parentale et la protection des enfants, sont régies par la Convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, faite à La Haye le 19 octobre 1996, laquelle a été rendue exécutoire à Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 16.277 du 2 avril 2004. Cette convention pose des règles de conflit de lois différentes de celles du présent chapitre.

En effet, alors que les règles contenues dans le Chapitre I du Titre II du présent texte restent fidèles à l'application de la loi nationale, conformément à la tradition du droit international privé monégasque tel qu'il dérive du troisième alinéa de l'article 3 du Code civil, la convention privilégie le rattachement à la résidence habituelle de l'enfant. Une délimitation précise des règles en présence s'avère donc nécessaire.

Ainsi, l'âge de la majorité et l'émancipation sont exclues du domaine de la convention ci-dessus mentionnée. En effet, celle-ci « s'applique aux enfants à partir de leur naissance et jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de dix-huit ans » et ne s'intéresse donc pas à l'âge auquel l'enfant devient majeur. En outre, la Convention exclut expressément de son domaine l'émancipation.

De plus, faute de disposition spéciale concernant les nom et prénoms ainsi que l'absence, ces questions, dont l'une intéresse directement l'état de la personne et l'autre son existence juridique, sont régies par la loi nationale de la personne concernée (article 31).

S'agissant du nom, la solution du projet est donc plus simple que celle qui l'aurait fait dépendre du droit régissant les effets de l'institution dont il peut dépendre, comme la filiation, le mariage ou le divorce.

En ce qui concerne l'absence, la solution du projet est préférable à l'application du droit de l'Etat de situation des biens, qui aurait entraîné une pluralité de lois applicables.

Il s'évince en outre de la rédaction proposée à l'article 29 que les mesures de protection des adultes que sont la tutelle et la curatelle, relèvent des dispositions du Chapitre I du Titre II du projet de loi eu égard à l'absence de ratification par Monaco de la Convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes.

L'article 30 pose une double règle de compétence juridictionnelle en vertu de laquelle les tribunaux monégasques sont compétents dès lors que la personne dont l'état ou la capacité sont en cause a la nationalité monégasque ou a son domicile dans la Principauté.

De fait, l'ordre juridique monégasque est légitimement intéressé à ce que ses tribunaux soient compétents pour fixer l'état d'une personne de nationalité monégasque ou ayant son domicile dans la Principauté. Peu importe dès lors sa position de demandeur ou de défendeur dans la procédure. Cette compétence des tribunaux monégasques n'est pas exclusive et n'a pas pour effet de faire échec à la reconnaissance d'un jugement étranger qui aurait statué sur l'état ou la capacité d'une telle personne.

Le projet de loi demeure ainsi fidèle à la tradition du droit monégasque soumettant l'état et la capacité des personnes à la loi nationale. L'article 3 du Code civil énonce la règle sous une forme unilatérale et ne règle formellement que le droit applicable à l'état et à la capacité des Monégasques. Mais la jurisprudence monégasque, comme celle des juridictions françaises, a depuis longtemps généralisé la règle. Il s'agit désormais de la consacrer sous une forme bilatérale, soumettant l'état et la capacité de toute personne à son droit national (article 31 ).

Les règles de droit international privé intéressant le mariage figurent au Chapitre II.

S'agissant tout d'abord de la formation du mariage, la compétence des autorités monégasques pour célébrer le mariage est fixée à l'article 139 du Code civil. Ce texte est complété afin d'accorder aux personnes de nationalité monégasque la possibilité de se marier à Monaco sans condition de domicile, la nationalité monégasque de l'un des futurs époux suffisant à fonder la compétence des autorités (article 95).

A défaut, le texte requiert le séjour de l'un des futurs époux dans la Principauté depuis plus d'un mois à la date de publication du projet de mariage, ledit délai pouvant être abrégé par le procureur général.

L'article 32 du présent projet de loi impose la soumission au droit monégasque de la forme du mariage célébré dans la Principauté, ce qui a pour effet d'entraîner la nullité au regard du droit monégasque, d'une part d'un mariage célébré religieusement sans avoir été précédé d'un mariage devant l'officier de l'Etat civil et, d'autre part, d'un mariage célébré devant un consul étranger en dehors des cas où cette compétence est reconnue par le droit monégasque.

En outre, la déclaration lors de la célébration du mariage de l'existence d'un contrat de mariage, ne concerne plus que les couples dont l'un des époux est monégasque ou domicilié à Monaco, l'exigence d'un acte authentique n'étant plus requise que pour ceux-ci (article 96).

Conformément à la jurisprudence monégasque, les conditions de fond du mariage sont soumises au droit national de chacun des époux ; c'est une application de la règle générale de l'article 31 selon laquelle l'état des personnes et la capacité sont régis par le droit de l'Etat dont ces personnes possèdent la nationalité (article 33).

Ainsi, les conditions d'âge, de capacité, de consentement qui concernent individuellement chacun des futurs époux sont celles qui sont fixées par sa loi nationale.

Il peut arriver que le droit national de l'un des futurs époux pose une condition qui doit être remplie par la loi de l'autre futur époux, par exemple une condition d'exogamie. En pareil cas, on parle d'empêchement bilatéral et il y a lieu, en théorie, d'appliquer cumulativement les droits nationaux des deux futurs époux.

Le plus souvent, l'empêchement bilatéral posé par la loi monégasque est une exigence de l'ordre public, par exemple l'empêchement pour un Monégasque d'épouser une personne encore engagée dans les liens d'un précédent mariage ou de même sexe, tandis que l'empêchement bilatéral posé par la loi du futur époux étranger est très souvent contraire à l'ordre public monégasque, par exemple l'interdiction dans certains droits étrangers d'épouser une personne d'une autre religion.

Par ailleurs, le projet de loi pose une règle de reconnaissance des mariages célébrés à l'étranger dès lors qu'ils ont été conclus en conformité avec le droit de l'Etat du lieu de célébration. L'avantage est de stabiliser les situations acquises tout en réservant les hypothèses de fraude à la loi monégasque. Il serait en effet choquant qu'un mariage célébré à l'étranger conformément au droit de l'Etat de célébration, et duquel pourraient être issus plusieurs enfants, soit annulé plusieurs années après sa célébration, pour la raison qu'il n'aurait pas été satisfait à telle ou telle condition de fond posée par le droit que l'autorité monégasque aurait appliqué si c'était elle qui avait célébré le mariage.

L'article 34 réserve cependant deux cas d'exception à cette règle: si le mariage a été célébré à l'étranger dans l'intention manifeste d'éluder les dispositions du droit monégasque et si le mariage est manifestement contraire à l'ordre public monégasque (article 34).

L'article 143 du Code civil relatif au mariage célébré à l'étranger doit par conséquent être abrogé, ses dispositions ayant vocation à être remplacées par celles de l'article 34 du projet de loi (article 98).

L'article 35 définit ensuite les règles de détermination du droit applicable aux droits et devoirs respectifs des époux. Il s'agit des questions réglées aux articles 181 à 195 du Code civil, ce que d'autres codes évoquent sous la terminologie des « effets personnels ou généraux du mariage » ou encore de « régime primaire » ou « régime de base », pour les distinguer des régimes matrimoniaux. Le choix opéré en faveur de la terminologie du Code civil devrait dissiper toute équivoque.

S'agissant pour une grande part d'actes de la vie courante, la priorité est accordée à la loi du domicile commun, car elle correspond au centre de vie des époux. Elle est préférée à la loi nationale commune, qui n'est praticable que s'il n'existe qu'une seule nationalité commune. A défaut de domicile dans un même Etat, le droit de l'ancien domicile commun est retenu et, en l'absence de celui-ci, le droit monégasque sera alors applicable.

Le deuxième alinéa protège cependant les tiers qui ont traité de bonne foi avec des personnes domiciliées dans la Principauté et qui ont pu légitimement se fier aux dispositions de la loi monégasque.

Le troisième alinéa de l'article 35 fait des dispositions monégasques protégeant le logement familial une loi de police applicable dès lors que ce logement est situé sur le territoire de la Principauté.

En ce qui concerne par ailleurs le régime matrimonial, le texte propose de s'écarter des règles figurant au deuxième alinéa de l'article 141 et au dernier alinéa de l'article 1243 du Code civil qui accordent une place très importante à l'application du régime légal monégasque en cas de mariage célébré à Monaco.

Ces dispositions risquent d'aboutir à des situations compliquées, les Etats européens notamment, permettant un choix de loi assez étendu, même aux époux de nationalité commune, et ne retenant jamais le lieu de célébration du mariage comme facteur de rattachement.

Il convient donc d'abroger ces articles et de laisser aux futurs époux la liberté de choisir la loi qui régira leur régime matrimonial, tout en encadrant le choix qui leur est ainsi laissé (article 36).

Le premier alinéa de l'article 36 pose dans sa première phrase le principe de la liberté des époux de choisir le droit applicable à leur régime matrimonial. Cette liberté s'impose puisqu'il s'agit ici des rapports patrimoniaux entre les époux, donc de biens et de droits disponibles. Elle est conforme à la solution adoptée aujourd'hui par la plupart des Etats européens.

La seconde phrase encadre cette liberté en limitant le nombre de lois pouvant être choisies. En fait l'éventail de ces lois est assez large pour laisser aux époux la liberté de choisir le régime qui leur convient.

La première possibilité permet de choisir par anticipation la loi du premier domicile matrimonial. Elle correspond à la solution applicable à défaut de choix (article 38) et elle est utile pratiquement pour éviter l'incertitude qui peut exister pendant la période précédant immédiatement la fixation effective du premier domicile.

La deuxième possibilité est rédigée de telle sorte que si un époux a plusieurs nationalités, les époux peuvent choisir le droit de l'un ou l'autre des Etats nationaux de cet époux.

La troisième possibilité autorise les époux à choisir le droit de l'Etat d'un domicile qui sera probablement quitté, mais qui offre l'avantage d'être connu au moins par l'époux qui était fixé dans cet Etat.

Enfin, la possibilité de choisir le droit de l'Etat du lieu de célébration du mariage est un rappel de la solution dérivant de l'article 141 du Code civil.

Le deuxième alinéa de l'article 36 précise que le droit désigné s'applique à l'ensemble des biens permettant ainsi d'éviter le morcellement du régime matrimonial entre plusieurs lois, avec une loi régissant la partie mobilière du régime, tandis qu'une autre serait applicable aux immeubles ou à certains d'entre eux.

Le mode de désignation du droit applicable est déterminé à l'article 37.

Le premier alinéa pose une règle matérielle concernant la forme de la désignation. Il autorise un choix de loi par un acte sous seing privé à condition que cet écrit soit daté et signé des deux parties.

L'écrit doit contenir une désignation expresse du droit applicable. Lorsque cette désignation est faite dans un contrat de mariage, le projet de loi admet que, sans être expresse, la désignation du droit applicable doive résulter indubitablement des dispositions de ce contrat. Il est fréquent en effet que certaines clauses du contrat de mariage ne puissent se comprendre que par rapport à un certain droit.

Cependant, lorsque l'un des époux est monégasque ou domicilié à Monaco, la désignation du droit régissant le régime matrimonial devra se faire dans le contrat de mariage rédigé sous la forme d'un acte authentique.

Le deuxième alinéa de l'article 37 permet aux époux de modifier en cours de mariage le droit applicable à leur régime matrimonial, ce qui peut entraîner un changement de régime, mais la modification du droit n'aura pas d'effet rétroactif.

Si les époux passent ainsi du droit monégasque au droit français, les biens acquis par un époux avant le changement resteront des biens propres (régime monégasque de séparation de biens), tandis que les biens acquis par un époux après le changement de régime seront communs (régime français de communauté) et inversement si le changement se fait dans l'autre sens.

Toutefois, les époux peuvent convenir de la rétroactivité du changement de droit applicable à leur régime matrimonial à condition qu'elle ne porte pas atteinte aux droits des tiers et ce, par exemple pour éviter la complication d'une liquidation en cours de mariage du régime qui leur était applicable avant le changement de droit.

Ainsi, dans l'exemple précédent, le tiers ayant acquis régulièrement d'un époux un bien avant le changement de régime conservera ce bien, même si les époux adoptent rétroactivement le régime français de communauté qui aurait exigé pour l'aliénation l'accord des deux époux.

Le quatrième alinéa de l'article 37 préserve l'application de l'article 1243 du Code civil, concernant la procédure d'homologation du changement de régime matrimonial par le tribunal, mais seulement lorsque le régime matrimonial ou les conventions des époux sont soumises au droit monégasque. Ces dernières dispositions emportent donc logiquement l'abrogation du dernier alinéa de l'article 1243 du Code civil.

S'agissant du droit applicable au régime matrimonial à défaut de choix, la priorité est donnée au droit de l'Etat du domicile commun après le mariage, parce que cet Etat est par hypothèse celui sur le territoire duquel les époux fixent leur centre de vie et dans lequel leurs biens sont le plus souvent localisés (article 38).

Tant que les époux demeurent fixés dans le même Etat, ce rattachement présente également l'avantage d'être le même que celui retenu pour les droits et devoirs des époux (article 35).

Parce que la fixation du domicile des époux dans un même Etat peut demander un peu de temps nécessaire à un éventuel changement professionnel pour l'un ou l'autre des époux, ou pour trouver un logement adapté, la loi du premier domicile commun rétroagira pour couvrir la période comprise entre la célébration du mariage et la fixation de ce domicile.

Toutefois, si cette période intermédiaire devait se prolonger au delà de quelques mois et si, pendant cette période, un problème se pose qui nécessite la détermination du régime matrimonial, par exemple l'achat ou la vente d'un bien immobilier, il conviendra, au cas où les époux n'exerceraient pas leur faculté de désigner le droit applicable, de prendre acte du défaut de domicile commun et d'en appeler aux critères prévus aux chiffres 2 et 3 de l'article 38, à savoir qu'à défaut de domicile sur le territoire d'un même Etat, le régime matrimonial sera régi par le droit de l'Etat de la nationalité commune des deux époux au moment de la célébration du mariage.

Comme cela résulte de la précision donnée au chiffre 3 de l'article 38, ce rattachement subsidiaire à la nationalité commune n'est retenu que si les époux ont une seule nationalité commune.

Si le recours au critère de l'effectivité est courant pour départager les deux ou plusieurs nationalités d'une même personne, il est le plus souvent impraticable lorsqu'il doit s'appliquer aux nationalités possédées en commun par deux personnes, car on ne peut exclure que la nationalité effective de chacune soit différente. C'est pourquoi le recours subsidiaire au droit monégasque est ouvert à défaut de domicile commun ou de nationalité commune ou en cas de pluralité de nationalités communes.

Il convient d'ailleurs de souligner que le droit monégasque a été préféré au droit de l'Etat avec lequel les époux ont les liens les plus étroits en raison de l'imprécision et de l'incertitude liée à ce critère de rattachement initialement choisi dans la proposition de loi n° 201.

En posant le principe que les effets du régime matrimonial sur un rapport juridique entre un époux et un tiers sont régis par le droit applicable au régime, le premier alinéa l'article 39 pose une règle logique.

En effet, si un tiers achète à un époux un bien immobilier, il doit se soucier du régime matrimonial de son vendeur pour savoir si ce dernier a le pouvoir de vendre ce bien sans le concours de son conjoint. Il faut cependant tenir compte de l'apparence qui peut égarer un tiers de bonne foi.

Les deuxième et troisième alinéas écartent donc la possibilité pour un époux d'opposer à un tiers le droit applicable au régime matrimonial, lorsque les formalités de publicité ou d'enregistrement dudit régime n'ont pas été respectées. Il en est ainsi lorsque le tiers ou l'un des époux est domicilié dans l'Etat dont les exigences de publicité ou d'enregistrement n'ont pas été respectées ou lorsque le rapport juridique avec le tiers porte sur un immeuble situé dans cet Etat.

Cependant, le quatrième alinéa écarte la possibilité pour le tiers de se prévaloir des deuxième et troisième alinéas lorsqu'il connaissait ou aurait dû connaître le droit applicable au régime matrimonial.

En ce qui concerne le divorce et la séparation de corps, le premier alinéa de l'article 40 prévoit une compétence assez large des juridictions monégasques aux conditions qu'il détermine.

Le premier cas correspond au for de la nationalité. Celui-ci paraît d'autant plus légitime que lorsque l'un des époux est de nationalité monégasque le jeu de la règle de conflit conduira le plus souvent à l'application du droit monégasque (article 41).

Le second cas tenant au domicile monégasque commun des deux époux, va également de soi.

Le troisième cas coïncide encore avec le centre de gravité de la situation. L'hypothèse est celle dans laquelle l'un des époux a quitté le domicile conjugal situé dans la Principauté mais où l'autre y est demeuré. Ce dernier pourra assigner son conjoint en divorce devant les tribunaux monégasques, sans égard au nouveau domicile de l'époux défendeur à l'étranger.

Le quatrième cas, savoir celui du domicile du défendeur dans la Principauté, est l'application du droit commun (article 4).

Le second alinéa de l'article 40 est la reprise des dispositions du deuxième alinéa de l'article 206-10 du Code civil et se justifie par les liens de procédure entre la séparation de corps et sa conversion en divorce.

Par ailleurs, le droit applicable au divorce et à la séparation de corps est défini à l'article 41.

Le rattachement de principe au droit national commun des époux prévu au premier alinéa est en harmonie avec la règle de principe retenue pour l'état et la capacité des personnes (article 31).

Les époux peuvent cependant renoncer à l'application du droit étranger au profit du droit monégasque. Mais, comme pour le régime matrimonial, cette règle ne fonctionne que si les époux n'ont qu'une seule nationalité commune.

Ainsi, pour le cas fréquent d'époux de nationalités différentes, le deuxième alinéa propose comme solution simple le rattachement subsidiaire au droit monégasque.

Le troisième alinéa permet enfin aux époux de convenir de l'application du droit d'un Etat dont l'un ou l'autre a la nationalité.

En cas de pluralité de nationalités d'un époux, les époux peuvent choisir pour leur divorce le droit de l'un ou l'autre des Etats nationaux de cet époux. Le choix de la loi applicable se fait normalement au seuil de la procédure. Le texte n'interdit pas qu'il soit fait dans un acte antérieur et même qu'il soit fait avant le mariage, puisque cette faculté de choix est ouverte aux futurs époux. Le texte permet ainsi, dans les limites de l'ordre public international monégasque, la reconnaissance à Monaco des prenuptial agreements, s'ils sont valables selon la loi choisie.

Le Chapitre III, relatif à la filiation et à l'adoption, énonce tout d'abord à l'article 42 une règle de compétence juridictionnelle en harmonie avec celle, plus générale, de l'article 30 en matière d'état et de capacité des personnes : une compétence alternative concurrente est ainsi donnée au for monégasque de la nationalité, ou à celui du domicile de l'enfant, ou à celui de ses parents dont la paternité ou la maternité est l'objet du litige.

Cette règle spéciale de compétence n'exclut pas les autres, notamment celle du for du défendeur dans le cas où l'action de filiation serait dirigée contre un héritier de l'enfant ou du parent dont la paternité ou la maternité est recherchée ou contestée.

En ce qui concerne ensuite le droit applicable, l'article 43 propose comme critère de rattachement celui de la nationalité, lequel correspond à celui qui est retenu en règle générale pour l'état et la capacité des personnes (article 30).

Le rattachement à la nationalité de l'enfant se justifie par la constatation que l'enfant est toujours au centre de la relation de filiation, qu'il s'agisse d'établir celle-ci ou au contraire de la contester. Il a en outre l'avantage de ne pas distinguer selon que l'enfant est né dans le mariage, hors du mariage ou en violation des liens du mariage, et de rendre inutile une disposition particulière sur la légitimation.

En cela, l'article 43 se conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a condamné à plusieurs reprises les discriminations entre enfants légitimes et naturels, notamment en matière de succession (C.E.D.H., 1er fév. 2000, Mazurek c. France).

La précision temporelle donnée par la seconde phrase de l'article est particulièrement utile dans les cas où la nationalité de l'enfant est dans la dépendance du résultat du procès de filiation. C'est la nationalité de l'enfant au jour de l'introduction de la demande qui commande la loi applicable, et non la nationalité qu'il obtiendra en cas de succès de cette action. Si l'enfant a deux ou plusieurs nationalités, le conflit se règle conformément à l'article premier sur la nationalité du présent projet.

En matière de reconnaissance volontaire, la règle alternative prévue à l'article 44, favorable à l'établissement de la filiation, se retrouve en droit français, de même qu'en droit italien et suisse.

Le texte a pour effet de donner toutes ses chances à la validité de la reconnaissance, puisqu'il suffit que cette validité soit reconnue par l'un des droits applicables, qui peuvent être théoriquement au nombre de quatre, en cas d'éparpillement des rattachements retenus, et même davantage en cas de pluralité de nationalités de l'enfant ou de l'auteur de la reconnaissance. Les nationalités en concours sont placées sur un pied d'égalité.

En cas de conflits de filiations, l'article 45 envisage deux hypothèses.

Le premier alinéa vise la situation de l'enfant d'une femme mariée qui est reconnu par un homme autre que le mari de la mère, la reconnaissance étant valable selon l'un des droits mentionnés à l'article 44.

Le conflit entre la filiation résultant de plein droit de la loi à l'égard du mari de la mère, et la filiation envers l'auteur de la reconnaissance, est réglé selon le texte, par le droit régissant la première, c'est-à-dire par le droit national de l'enfant en vertu de l'article 43. C'est ce droit qui dira si la reconnaissance l'emporte in casu sur la présomption de paternité du mari.

Le second alinéa envisage le cas d'un enfant né hors mariage, qui a fait l'objet de deux ou plusieurs reconnaissances paternelles. Le texte n'exclut pas le conflit de reconnaissances maternelles, mais ce n'est pas une situation fréquente.

Pour déterminer laquelle des reconnaissances paternelles concurrentes ou des reconnaissances maternelles concurrentes l'emportera, le texte se réfère au droit régissant la première reconnaissance.

Une difficulté pourra surgir si la validité de la première reconnaissance est admise par plusieurs des lois mentionnées à l'article 44 et que ces lois ne résolvent pas de la même façon le conflit avec la reconnaissance postérieure. La solution pourrait être de retenir celle des lois dont le titre d'application est centré sur la personne de l'enfant, dont les critères sont la nationalité puis le domicile, avant celles dont le titre d'application est centré sur la personne de l'auteur de la reconnaissance.

Dans tous les cas envisagés par l'article 45, la règle de principe est logique. Dès lors qu'une filiation est valablement établie, soit en vertu de la loi (présomption de paternité du mari), soit en vertu d'une reconnaissance, c'est à la loi la régissant de déterminer si elle peut être supprimée ou remplacée par une autre.

Le texte énonce enfin à l'article 46 une règle de compétence judiciaire en matière d'adoption qui correspond à celle prévue à l'article 42 en matière de filiation.

En ce qui concerne les conflits de lois en matière d'adoption, ainsi que les effets sur le territoire de la Principauté des adoptions prononcées à l'étranger, ceux-ci sont régis par les articles 290 à 297 du Code civil, dont les dispositions devraient faire l'objet d'un projet de loi séparé actuellement à l'étude.

Les obligations alimentaires figurent au Chapitre IV.

Le droit international privé des obligations alimentaires est aujourd'hui très largement codifié. Les dispositions du présent texte sont assez proches des solutions découlant de l'ensemble des textes internationaux régissant la matière.

Les termes du premier alinéa de l'article 48 ouvrent largement l'accès aux tribunaux monégasques au demandeur d'aliments ; il en est ainsi lorsque le créancier ou le débiteur d'aliments a son domicile sur le territoire de la Principauté ou est de nationalité monégasque.

Le deuxième alinéa reconnaît cependant la compétence du juge du divorce ou du juge saisi d'une action concernant la filiation pour prononcer une condamnation à pension alimentaire liée au divorce ou à la filiation. Cette disposition est destinée à éviter un éparpillement international de litiges étroitement liés entre eux. Elle pourra trouver à s'appliquer dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 40 lorsque la demande d'aliments est présentée accessoirement à une conversion de la séparation de corps en divorce et que le tribunal saisi de la demande de conversion ne satisfait plus aux critères de rattachement prévus au premier alinéa de l'article 48.

L'obligation alimentaire entre ascendants et descendants est soumise à la loi du domicile du créancier d'aliments. Il s'agit là d'une mesure favorable au créancier d'aliments en ce que cette loi est censée être celle qu'il connaît le mieux.

Il se peut toutefois que la loi du domicile du créancier d'aliments ne lui permette pas, dans un cas déterminé, d'obtenir des aliments du débiteur. En ce cas le droit monégasque sera applicable (article 49).

L'obligation alimentaire entre époux ne peut être dissociée du devoir de secours qui est l'un des éléments des droits et devoirs respectifs des époux.

Le premier alinéa de l'article 50 la rattache donc logiquement au même droit, déterminé à l'article 35. La prestation compensatoire en cas de divorce n'est pas seulement destinée à assurer des aliments à l'ex-époux qui en bénéficie, mais aussi à compenser la diminution de son train de vie pouvant résulter du divorce. Les conditions de son attribution et son montant sont souvent liés aux circonstances du divorce. C'est la raison pour laquelle le second alinéa rattache cette prestation au droit en application duquel le divorce est prononcé (article 50).

L'hypothèse envisagée par les dispositions de l'article 51 est celle dans laquelle un Etat charge un organisme public de suppléer la défaillance du débiteur d'aliments et de fournir des prestations de secours au créancier ; ce sera alors au droit de cet Etat de déterminer les conditions dans lesquelles et dans quelles limites il autorise cet organisme à demander le remboursement de ces prestations.

Le Chapitre V consacré aux conflits de lois en matière de successions apporte trois innovations majeures au système monégasque actuel.

C'est d'abord l'abandon du principe de la scission de la succession entre meubles et immeubles.

L'inconvénient principal du régime scissionniste est d'empêcher le futur de cujus de planifier à l'avance un règlement équitable de sa succession entre ses enfants. Supposons ainsi un père de famille monégasque domicilié à Monaco, qui possède deux immeubles d'égale valeur, l'un à Londres et l'autre à Monaco, et qui souhaite attribuer le premier à sa fille habitant à Londres et le second à son fils qui réside à Monaco. Ce règlement équitable sera compromis si la fille revendique sa part de réserve sur l'immeuble monégasque, en application de la loi successorale monégasque, alors que le fils ne pourra en faire autant sur l'immeuble de Londres, puisque la loi anglaise ne connaît pas la réserve des enfants.

Un rattachement unitaire de la succession éviterait cet écueil, qui n'est dû qu'à la division des masses successorales.

C'est ensuite l'adoption d'un régime unitaire soumettant l'ensemble de la succession à la loi du domicile du défunt (article 52). Le domicile est préféré à la nationalité comme facteur de rattachement, parce que le domicile correspond au centre de vie du défunt.

Ce rattachement aurait comme autre avantage de conduire le plus souvent à l'application de la loi monégasque en cas de compétence des tribunaux monégasques, puisque cette compétence est prévue chaque fois que le défunt était domicilié dans la Principauté au moment de son décès (chiffre 4 de l'article 6).

C'est enfin l'admission limitée de la possibilité pour le futur défunt de choisir le droit applicable à sa succession. La professio juris est retenue car elle permet au testateur d'organiser à l'avance sa succession comme une unité et d'éviter les incohérences résultant de l'application non coordonnée des lois des Etats où sont situés les biens de la succession, comme dans l'exemple donné précédemment du père de famille ayant un immeuble à Monaco et un autre en Angleterre.

La limitation de la professio juris à la loi nationale du de cujus évite le risque d'atteinte aux droits des réservataires. Ainsi, un Monégasque domicilié à l'étranger ne pourra pas choisir une autre loi que la loi monégasque. Certes, un Anglais domicilié à Monaco pourrait choisir la loi anglaise et éluder la réserve du droit monégasque, mais l'ordre juridique monégasque n'en souffrirait aucunement.

La soumission de la succession au droit du domicile peut faire difficulté lorsque la fixation du défunt dans un Etat a précédé de peu son décès, ou dans les cas de personnes fortunées passant par exemple six mois de l'année dans un Etat et les six autres mois de l'année dans un autre Etat.

Il appartiendra alors aux tribunaux de déterminer, au vu des éléments de la situation, dans quel Etat se trouvait le principal établissement du défunt. Les présomptions posées à l'article 2 lui faciliteront la tâche puisque, sauf preuve contraire, tout Monégasque est réputé domicilié dans la Principauté et qu'il en est de même de tout étranger titulaire d'une carte de séjour.

Ainsi qu'il a été indiqué la faculté de choix du droit applicable à la succession est limitée au droit national du défunt au moment du choix (premier alinéa de l'article 53).

C'est l'ensemble de la succession qui peut faire l'objet d'une professio juris. En effet, le texte ne permet pas au futur défunt de morceler sa succession entre plusieurs lois.

En cas de pluralité de nationalités, le texte autorise le futur défunt à choisir le droit de l'un des Etats dont il a la nationalité. Mais la sécurité juridique commande d'éviter de remettre en cause les prévisions du défunt après le décès par un litige sur le conflit de nationalités. Ainsi donc, si le défunt, au moment du choix, a opté en faveur du droit d'un Etat dont il n'avait pas la nationalité, cette option n'est pas valable, même si le défunt acquiert avant son décès la nationalité de cet Etat. Pour sauver son choix, il lui appartient de le réitérer.

En outre, la sécurité juridique commande une désignation expresse du droit applicable qui revête la forme d'une disposition à cause de mort, le texte n'exigeant cependant pas que la désignation du droit applicable soit contenue dans un testament (second alinéa de l'article 53).

S'agissant de la désignation du droit applicable, comme en matière de régime matrimonial, le texte précise que l'existence et la validité du consentement afférent à cette désignation sont régies par le droit ainsi désigné (troisième alinéa de l'article 53).

Le projet de loi énonce enfin que le futur défunt peut modifier ou révoquer la désignation qu'il a faite du droit applicable à sa succession, mais à condition de respecter les formes de la modification ou de la révocation d'une disposition à cause de mort (quatrième alinéa de l'article 53).

S'agissant de la forme des testaments, le texte propose une règle de conflit alternative incluant pratiquement tous les rattachements envisageables favorisant ainsi autant qu'il est possible la validité formelle du testament (premier alinéa de l'article 54).

Cet article ne concerne que la forme des dispositions testamentaires et non le fond.

Le critère de rattachement tenant au domicile du testateur pouvant soulever des difficultés, le second alinéa de l'article 54 propose une solution de détermination de la localisation du domicile.

En ce qui concerne les pactes successoraux, le projet de texte contient deux dispositions qui n'impliquent nullement l'introduction dans le Code civil de dispositions validant et réglementant de tels pactes, mais dont l'objet est seulement leur reconnaissance lorsque leur validité découle de la loi désignée aux articles 55 et 56.

Ainsi, lorsque le pacte concerne la succession d'une seule personne, la loi applicable est celle de la loi successorale anticipée de cette personne au jour de la conclusion du pacte (article 55).

Cette solution correspond d'ailleurs à une attente formulée depuis longtemps par les notaires européens. Le rattachement à la loi successorale anticipée est plus approprié que le rattachement à la loi successorale effective, déterminée seulement au moment du décès, car le futur défunt saura, lors de la conclusion du pacte, si celui-ci est valable ou non.

Contrairement à la convention de La Haye du 1er août 1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort (article 9 § 2), le projet de loi écarte donc délibérément la validation par application de la loi successorale effective d'un pacte nul selon la loi successorale anticipée.

Une telle validation ne contribuerait pas à la sécurité juridique car elle laisserait incertain, jusqu'au décès, le sort du pacte.

La situation la plus fréquente d'un pacte successoral concernant la succession de plusieurs personnes, est celle de deux époux réglant leurs deux successions par un pacte conclu avec leurs enfants. La solution retenue est parallèle à celle retenue lorsque le pacte successoral ne concerne que la succession d'une seule personne. L'application cumulative des lois successorales anticipées de chacune des personnes dont la succession est concernée a été préférée à la solution de la proposition de règlement européen, laquelle admet la validité du pacte si elle l'est par le droit qui aurait été applicable à la succession de l'une ou l'autre de ces personnes en cas de décès au moment de la conclusion du pacte (article 56).

La possibilité pour les parties au pacte de choisir pour celui-ci le droit applicable peut leur permettre de choisir un droit validant le pacte, si le ou les droits applicables en vertu des articles 55 et 56 ne le font pas.

A cet effet, les parties peuvent choisir le droit que l'une ou l'autre des personnes dont la succession est concernée aurait pu choisir en vertu de l'article 53, c'est-à-dire le droit national de l'une de ces personnes au moment de la conclusion du pacte (article 57).

Afin de préserver les droits des héritiers réservataires et en application de la règle de l'effet relatif des contrats, il importe de souligner que le pacte successoral n'affecte que les personnes qui y sont parties.

C'est ainsi que si l'un des héritiers présomptifs capable de disposer de ses droits peut renoncer par le pacte à tout ou partie de sa part de réserve, un autre héritier non partie au pacte, ou né après la conclusion de celui-ci, pourra, conformément à la loi successorale effective de son auteur partie au pacte, revendiquer sa réserve ou tout autre droit dont le ou les défunts ne pouvaient le priver (article 58).

En conséquence du principe de l'unité successorale, le domaine du droit applicable à la succession est largement défini (article 59).

Ce droit régit l'ensemble de la succession, meubles et immeubles. Pour autant que ce droit le prévoit, il régit les biens existant dans le patrimoine du défunt au jour de son décès, ainsi que ceux dont il aurait disposé de son vivant et qui devraient selon ce droit être réunis à la masse à partager. La compétence du droit applicable s'étend temporellement jusqu'à la transmission définitive de la succession aux ayants droit.

Le second alinéa de l'article 59 énumère de façon non limitative un certain nombre de questions entrant dans le domaine du droit applicable à la succession.

Le droit applicable régit d'abord les causes et le moment de l'ouverture de la succession. Il s'agit normalement du décès, mais l'existence et la date de celui-ci ne sont pas toujours connues et c'est au droit successoral de les déterminer (chiffre premier).

Le chiffre 2 concerne la dévolution de la succession et constitue la partie centrale du droit applicable. Pour ce qui concerne les droits successoraux du conjoint survivant, il y a lieu de distinguer les droits que celui-ci tient du régime matrimonial de ceux qu'il tient du droit successoral.

Les causes particulières d'incapacité de disposer et de recevoir mentionnées au chiffre 3 sont distinctes de l'incapacité générale comme celle du mineur ou du majeur en tutelle. Il s'agit d'incapacités spéciales au droit des libéralités et des successions, comme l'incapacité du malade de disposer au profit de son médecin pendant sa dernière maladie.

Le chiffre 4 portant sur l'exhérédation et l'indignité n'appelle pas de commentaire particulier, sauf à préciser que les causes d'indignité peuvent varier sensiblement d'un droit à l'autre.

La soumission au domaine de la loi successorale de la transmission de la succession, de l'option successorale et des pouvoirs des héritiers, exécuteurs et autres administrateurs de la succession est très importante.

Elle signifie que si la succession est régie par le droit monégasque, l'héritier continue la personne du défunt et reçoit la saisine qui lui donne pouvoir d'administrer et de liquider la succession, même pour les biens situés à l'étranger, sous réserve de l'article 60.

Dans les droits de common law, les biens de la succession passent au personal representative, lequel est un exécuteur testamentaire homologué par décision judiciaire ou un administrateur désigné judiciairement, dont la mission est de liquider la succession et de payer les impôts avant de remettre aux ayants droit le reliquat de la succession. Si la succession est régie par le droit d'un Etat de common law, le texte implique la reconnaissance, le cas échéant, des pouvoirs du personal representative sur les biens situés dans la Principauté (chiffres 5 et 6).

C'est encore le droit successoral qui régit les conditions du règlement du passif successoral (chiffre 7). Selon le droit applicable, les créanciers devront s'adresser soit au personal representative ou aux héritiers. En outre, le droit applicable décidera dans quelle mesure les héritiers sont tenus des dettes de la succession, savoir dans les limites ou au delà des forces de la succession.

Sont également soumises au droit régissant la succession les questions liées à la réserve et à la quotité disponible, au rapport et à la réduction des libéralités, y compris lorsque ce droit permet la réduction en nature des libéralités (chiffres 8 et 9).

Le rapport des libéralités est lié à la préoccupation d'assurer l'égalité entre les héritiers, de même que la réduction pour atteinte à la réserve laquelle répond, en outre, à la volonté de transmettre une partie des biens à certains héritiers, le plus souvent aux enfants et au conjoint survivant. Ces questions relèvent incontestablement du droit successoral et, dès lors, du domaine du droit applicable à la succession.

La validité au fond des dispositions à cause de mort comme les testaments conjonctifs ou les substitutions fideicommissaires, est également soumise au droit régissant la succession (chiffre 10).

Enfin le partage successoral, point final du règlement de la succession, obéit logiquement à la même loi. Cette solution est préférable à la soumission du partage à la loi de situation des biens, car elle permet de maintenir l'unité de la loi applicable (chiffre 11).

Il se peut que l'application du droit successoral entre en conflit avec le droit de l'Etat où les biens sont situés, si ce droit prétend régir la succession de tout ou partie des biens situés sur son territoire.

53

Dans cette perspective l'article 60 s'efforce de concilier, d'une part, droit successoral et droit des biens, et d'autre part, les particularités des pays de droit civil et celles des pays de common law en matière d'administration et de liquidation de la succession.

S'agissant des immeubles principalement mais pas exclusivement, le droit applicable à la succession peut attribuer à tel héritier tel immeuble situé à l'étranger, alors même que le droit de situation de l'immeuble est fondé à en subordonner le transfert de propriété ou son opposabilité à certaines formalités ; de même, le droit de situation du bien peut également subordonner l'accomplissement de certaines de ces formalités, en particulier l'inscription du transfert dans un registre public, à certaines conditions. Ces conditions devront être satisfaites pour que les attributions faites en application du droit successoral deviennent effectives (chiffre 1 de l'article 60).

Le projet de loi prévoit une concession importante du droit successoral au droit de l'Etat de situation des biens, en particulier lorsque cet Etat est un Etat de common law. En effet, les Etats de common law n'admettent pas qu'une personne non munie de pouvoirs conférés par une de leurs autorités judiciaires, même dotée de la qualité d'héritier, puisse administrer la succession ou se faire remettre par une banque les actifs successoraux ou vendre des biens de la succession.

Le texte consent, à cet égard, à laisser s'appliquer la lex rei sitæ et à confier les pouvoirs d'administration à une personne nommée par une autorité de cet Etat. Le plus souvent, pour assurer la continuité dans l'administration, les tribunaux anglais consentiront à conférer ces pouvoirs d'administration à l'héritier exerçant déjà ces pouvoirs selon le droit successoral (chiffre 2 de l'article 60).

Enfin, le droit régissant la succession doit céder au profit du droit de situation des biens lorsque celui-ci subordonne le transfert des biens de la succession au paiement préalable des dettes du défunt situées dans cet Etat. Il s'agit principalement des dettes fiscales du défunt et de l'impôt sur sa succession (chiffre 3 de l'article 60).

Par ailleurs, en application de l'article 15 de la convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, rendue exécutoire à Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 1.755 du 1er août 2008, lequel réserve dans le cadre d'un trust, l'application des dispositions impératives de la loi successorale notamment sur la réserve, il convient d'établir une séparation complète au plan du conflit de lois entre le trust et la succession.

Concrètement, cela signifie que si une personne domiciliée à Monaco constitue un trust soumis à la loi anglaise et place l'essentiel de ses biens sous le contrôle d'un trustee, la loi anglaise régira la validité du trust, son interprétation, ses effets et, plus généralement, l'ensemble des questions énumérées par l'article 8 de la convention de La Haye du 1er juillet 1985, alors que c'est la loi applicable à la succession de cette personne qui imposera le cas échéant la réintégration de tout ou partie des biens constitués en trust dans la masse successorale à partager et qui indiquera les parts respectives de chacun des héritiers (article 61).

S'agissant de la situation des comourants, celle-ci n'est pas exceptionnelle et affecte souvent les membres d'une même famille. Elle se produit notamment en cas d'accident d'avion ou de naufrage, en cas de catastrophe naturelle (tremblement de terre, tsunami) ou encore en cas de guerre. La détermination de l'ordre des décès est alors capitale pour établir lequel des comourants a survécu à l'autre et a, théoriquement, recueilli sa succession, laquelle sera alors dévolue à ses propres héritiers.

Les droits nationaux diffèrent sur le règlement de cette hypothèse, les uns posant des présomptions de survie souvent artificielles, les autres énonçant le principe que les comourants sont tous réputés décédés au même moment de sorte qu'aucun n'a pu hériter de l'autre ou d'un autre. D'autres droits enfin laissent aux juges le soin de déterminer, dans chaque cas, l'ordre des décès.

La détermination de la date des décès et donc de leur ordre relève normalement du droit applicable à la succession (chiffre 1 du deuxième alinéa de l'article 59), mais le problème est insoluble en matière de conflit de lois lorsque les successions des comourants sont régies par des droits différents.

Dans une telle situation, si les droits régissant respectivement ces successions règlent la question de l'ordre des décès par des dispositions incompatibles ou ne la règlent pas du tout, le projet de loi propose l'application du droit monégasque, lequel résout cette question aux articles 604 et 605 du Code civil (article 62).

A défaut d'héritier ou de légataire selon le droit applicable à la succession, c'est très généralement l'Etat qui est appelé à recueillir la succession. Parfois cependant, l'Etat recueille les biens à titre de souverain, en vertu de la règle que les biens sans maître appartiennent à l'Etat. Telle est la solution en droit monégasque que le projet de loi n'entend pas remettre en cause.

Parfois au contraire, l'Etat recueille ces mêmes biens en tant qu'héritier du défunt en dernière ligne.

Dans le premier cas, les biens composant la succession vont à l'Etat du lieu de situation des biens, dans le second cas, c'est l'Etat dont la loi régit la succession ou l'Etat national du défunt qui est appelé à la succession.

Le projet de loi a seulement pour objet de régler le conflit entre l'Etat monégasque et un droit étranger. Dans le cas d'une succession en déshérence soumise à un droit étranger, l'Etat monégasque pourra appréhender les biens de la succession situés sur le territoire de la Principauté, même si la loi régissant la succession attribue ces biens à un autre Etat (article 63).

Le Titre III du projet de loi a trait aux obligations contractuelles d'une part (Chapitre I) et aux obligations non contractuelles d'autre part (Chapitre II). Certaines règles leurs sont communes (Chapitre III).

En matière contractuelle, le principe est celui du libre choix par les parties du droit applicable à leur contrat (premier alinéa de l'article 64), étant précisé que le droit visé consiste en un droit étatique, le texte n'envisageant pas le choix d'un droit non étatique ou de la lex mercatoria. Un tel choix ne serait pas en lui-même illicite, mais n'aurait pas la portée d'un choix de droit international privé. Le contrat serait alors soumis au droit objectivement applicable à défaut de choix, et les dispositions non étatiques choisies seraient applicables dans les limites permises par ce droit.

Le choix du droit applicable est normalement exprès, ce qui évite toute contestation à ce sujet. Le texte est cependant plus souple que pour le choix du droit applicable au régime matrimonial (article 37) ou à la succession (article 53).

Ainsi, il reconnaît effet à un choix non exprès, mais à la condition qu'il résulte de façon certaine des dispositions du contrat (par exemple si le contrat comporte certaines références à des articles du Code civil d'un pays déterminé), ou des circonstances de la cause (par exemple lorsque le contrat est lié étroitement à un premier contrat ayant fait l'objet d'un choix de droit exprès que les parties n'ont pas réitéré formellement dans le second contrat).

L'existence d'un choix tacite sera difficile à établir. Ainsi, une clause attributive de juridiction aux tribunaux d'un Etat déterminé est un facteur à prendre en considération mais ne devrait pas être considérée, à elle seule, comme un indice de la volonté des parties de choisir le droit de cet Etat pour régir leur contrat. En effet, en donnant compétence aux tribunaux d'un Etat, les parties peuvent avoir simplement voulu faire confiance aux tribunaux dudit Etat pour appliquer le droit applicable selon le droit international privé de cet Etat.

La dernière phrase du premier alinéa de l'article 64 n'écarte pas la possibilité pour les parties de « dépecer » leur contrat entre plusieurs lois. Si le choix d'un droit se limite à un aspect du contrat, par exemple aux obligations de garantie du fournisseur, il faut en déduire que le reste du contrat relève d'un autre droit, qui peut lui-même être choisi par les parties.

Le texte reconnaît en outre aux parties la faculté de choisir le droit applicable au contrat en cours d'exécution de celui-ci, par exemple pour réparer un oubli ou parce que les négociations à ce sujet n'étaient pas terminées lors de la conclusion du contrat, voir même de modifier après la conclusion du contrat le choix de droit effectué à ce moment.

Le droit ainsi choisi tardivement régit le contrat rétroactivement depuis sa formation, mais une double précaution est prise : ce choix tardif n'affecte pas la validité formelle du contrat et ne porte pas atteinte aux droits des tiers (deuxième alinéa de l'article 64). Dans l'hypothèse par exemple d'un tiers qui se serait porté caution de l'une des parties au contrat, celui-ci ne verrait pas s'accroître ses obligations du fait du changement du droit applicable au contrat, même si le nouveau droit augmente l'obligation de la partie cautionnée.

Le troisième alinéa de l'article 64 envisage l'hypothèse d'un choix de loi dans un contrat purement interne.

En principe, dans un contrat international, il n'est pas exigé que le contrat ou les parties présentent des liens avec le droit choisi, ce qui évite tout contentieux sur l'existence et la nature de tels liens.

En revanche, si tous les éléments de la situation ou du contrat sont localisés dans un même Etat, le contrat est nécessairement soumis aux lois impératives de cet Etat. Le texte n'interdit pas le choix pour ce contrat d'un tribunal étranger ou d'un droit étranger, mais il précise qu'un tel choix doit respecter les lois impératives de l'Etat dans lequel le contrat est objectivement localisé. Les lois impératives ici mentionnées sont les lois impératives dans l'ordre interne de cet Etat, et pas seulement les lois de police de cet Etat.

Enfin, et par mesure de simplification, ce que l'on peut appeler le contrat de choix de la loi applicable est soumis à la même loi que le contrat lui-même quant à l'existence et à la validité du consentement et quant à sa validité formelle.

En l'absence de choix par les parties, le projet de loi propose un certain nombre de critères permettant de déterminer, de façon générale, le droit applicable au contrat (article 65).

Ainsi au premier alinéa, la règle de principe retenue est celle du droit de l'Etat dans lequel le débiteur de la « prestation caractéristique » a son domicile. Cet Etat est considéré comme celui avec lequel le contrat a les liens les plus étroits. S'il en était autrement, l'article 26 relatif à la clause d'exception permettrait de corriger ce résultat.

Si la notion de « prestation caractéristique » n'est pas définie, l'on peut dire d'une manière générale que c'est la prestation qui donne son caractère au contrat, celle pour laquelle un prix en argent est dû. Ainsi, lorsque le contrat est passé avec un professionnel, c'est la prestation de ce dernier qui constitue la prestation caractéristique et c'est donc le droit en vigueur dans l'Etat d'établissement de ce professionnel qui s'applique au contrat, à défaut de choix d'un autre droit par les parties.

Le deuxième alinéa explicite l'alinéa précédent en désignant, pour une série de contrats usuels, la partie qui doit fournir la « prestation caractéristique ». Les solutions vont de soi pour les contrats de vente, de prestation de services, de transport et d'assurances.

En ce qui concerne les contrats de franchise et de distribution, le texte précise que c'est respectivement le franchisé et le distributeur qui fournissent la « prestation caractéristique ».

Quant au troisième alinéa de l'article 65, celui-ci apporte deux exceptions à la règle de principe qui est énoncée au premier alinéa de l'article 65.

La première concerne les ventes aux enchères, lesquelles obéissent à des règles spécifiques en vigueur dans l'Etat où elles ont lieu ; et il paraît préférable de maintenir l'unité du contrat en le soumettant à cette loi plutôt qu'à celle du vendeur.

La deuxième exception vise les contrats ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble, eu égard aux liens plus étroits que ces contrats présentent avec l'Etat de situation de l'immeuble qu'avec celui du domicile du vendeur ou du bailleur, pourtant débiteurs de la « prestation caractéristique ».

Enfin, s'agissant de la situation dans laquelle la « prestation caractéristique » ne peut être déterminée, le projet de loi implique de rechercher, dans chaque cas, l'Etat avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits. L'hypothèse d'école est l'échange, dans laquelle il existe en réalité deux prestations caractéristiques en sens contraire. On peut citer aussi certains contrats bancaires, comportant de part et d'autre des prestations purement financières (quatrième alinéa de l'article 65).

En matière de contrats de consommation, l'objectif poursuivi par le projet est de protéger le consommateur contre les conséquences d'un choix de droit qui lui serait imposé par un professionnel, pour le soustraire aux règles protectrices en vigueur dans l'Etat de son domicile, notamment celles concernant son information et son droit de rétractation pendant un certain délai (article 66).

A cet égard, la loi n° 1.383 du 2 août 2011 sur l'économie numérique énonce déjà dans son article 4 une règle de conflit unilatérale soumettant au droit monégasque et, en cas de litige, aux tribunaux monégasques, les contrats conclus par la voie électronique lorsque le fournisseur ou le consommateur est établi sur le territoire de la Principauté. Toutefois, cette disposition légale laisse place à une règle de conflit bilatérale dans les autres hypothèses, notamment pour les contrats de consommation autres que ceux conclus électroniquement.

Le champ d'application de la règle protectrice proposée est tout d'abord limité aux contrats passés entre un consommateur, personne physique, pour un usage « pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle », et un professionnel agissant dans l'exercice de son activité professionnelle. La formulation « pouvant être considéré » indique que l'usage auquel le client du professionnel destine son acquisition peut dépendre des circonstances.

Ainsi, si un particulier passe commande d'un ordinateur en utilisant son papier à lettres professionnel, il peut être considéré qu'il destine cet ordinateur à son activité professionnelle, même si son intention est de l'affecter aux besoins domestiques (premier alinéa de l'article 66).

Eu égard à la particularité de la matière et au principe retenu d'une protection nécessaire du consommateur, le texte énonce une dérogation à la règle de principe énoncés aux articles 64 et 65, lesquels soumettent le contrat au droit choisi par les parties ou au droit du domicile du professionnel en l'absence de choix. C'est ainsi que le droit désigné en application de ces deux articles ne pourra priver le consommateur de la protection que lui accordent les dispositions impératives du droit de sa résidence habituelle (deuxième alinéa de l'article 66).

Toutefois, cette dérogation n'est applicable que lorsque le professionnel exerce son activité ou, en cas de commerce électronique, dirige son activité vers le pays dans lequel le consommateur a son domicile.

Cependant, le bénéfice de la protection particulière ainsi accordée au consommateur est exclue au consommateur « actif », c'est-à-dire celui qui s'est déplacé dans le pays du fournisseur et y a conclu le contrat, ou lorsque le bien ou le service devait être fourni dans le pays du fournisseur. Cette exception se justifie par le fait que dans ces situations, le consommateur ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que le contrat soit régi par la loi de son domicile.

En revanche, cette exception ne joue plus lorsque c'est le professionnel qui a incité le consommateur à se rendre dans le pays du fournisseur pour y conclure le contrat. Le texte fait alors référence aux excursions de touristes organisées à cette fin.

Enfin, la protection du consommateur est également écartée pour le contrat de transport, afin ne pas compliquer à l'excès la gestion des compagnies de transport ; la protection particulière aux contrats de consommation est cependant maintenue pour les voyages de vacances à forfait (troisième alinéa de l'article 66).

En matière de contrat individuel de travail, il convient de préciser que lorsque le texte soumet le contrat individuel de travail au droit d'un pays déterminé, il englobe dans ce droit les conventions collectives de travail qui y sont en vigueur, dans la mesure où le contrat individuel considéré entre dans leur champ d'application (article 67).

Le texte permet l'autonomie de la volonté en matière de contrat de travail mais protège le salarié contre le choix d'un droit qui le ferait échapper aux règles impératives protectrices du droit qui aurait été applicable à défaut de choix. Il s'agit ici des règles impératives dans l'ordre interne de ce droit.

En l'absence de choix, le texte précise quel est le droit applicable, savoir le droit du pays dans lequel le salarié accomplit habituellement ou principalement son travail en exécution de son contrat de travail.

Lorsque le travail est exécuté dans plusieurs pays, il faut déterminer celui dans lequel ou à partir duquel le salarié s'acquitte de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur.

L'hypothèse visée est celle d'un détachement temporaire dans un autre pays, ce détachement n'emportant pas de changement du lieu d'exécution habituel du travail et donc du droit applicable au contrat.

En outre, le détachement doit être considéré comme temporaire lorsque le salarié est censé reprendre son travail dans le pays d'origine soit après un certain délai, soit après l'accomplissement de la mission qui lui était confiée à l'étranger. Il faudra à cet égard prendre en considération les lois de police de l'Etat de détachement de l'intéressé.

En revanche, au cas où le droit applicable ne pourrait pas être déterminé en application des explications qui précèdent, parce que le salarié n'accomplit pas habituellement son travail dans un pays déterminé et qu'il n'est pas possible de déterminer un pays dans lequel ou à partir duquel il accomplit principalement son travail, le projet de loi retient le principe selon lequel le droit du pays dans lequel est situé l'établissement qui a embauché le salarié, sera alors applicable. Le pays de l'établissement d'embauche paraît, faute de mieux, être celui avec lequel le contrat a les liens les plus étroits. Cette règle ne devrait toutefois s'appliquer que dans de rares occasions (article 67).

Les conditions de fond de validité du contrat, ou de l'une ou de plusieurs dispositions de celui-ci, parmi lesquelles le consentement par exemple, sont soumises au droit régissant le contrat. La règle s'applique également à l'existence et à la validité du consentement des parties quant au choix de la loi applicable (quatrième alinéa de l'article 64). Seule la capacité fait l'objet d'un rattachement spécial conformément aux dispositions des articles 31 et 71 (article 68).

S'agissant de la forme du contrat, l'idée générale du texte est de poser une règle de faveur à la validité formelle du contrat qui se traduit par une règle de conflit alternative retenant, parmi plusieurs lois, celle qui admet la validité formelle du contrat (article 69).

Cette idée est mise en oeuvre au trois premiers alinéas.

Les deux derniers alinéas concernent les situations dans lesquelles la faveur à la validité formelle n'est plus justifiée. Il en est ainsi lorsque la forme est indissolublement liée au fond et constitue une mesure protectrice d'une partie faible ou du crédit public.

La validité en la forme du contrat conclu entre personnes présentes est retenue lorsque cette validité est admise, soit par le droit qui régit le contrat au fond, soit par le droit du pays de conclusion.

Lorsque le contrat est conclu entre absents, le lieu de conclusion est dédoublé et correspond au lieu où se trouvaient chacune des parties au moment de la conclusion du contrat. La règle proposée dans ce cas est une règle alternative à plusieurs branches, le contrat étant réputé valable en la forme s'il satisfait aux conditions de forme du droit qui le régit au fond, ou du droit d'un des pays dans lequel se trouvait l'une ou l'autre des parties au moment de la conclusion du contrat, ou y avait alors son domicile. La référence au droit du domicile est utile notamment dans le cas où le consentement a été donné par voie électronique et où il est impossible de déterminer le lieu où il a été émis.

En cas d'acte juridique unilatéral relatif à un contrat conclu ou à conclure (par exemple une offre, une acceptation, une promesse de vente, un congé etc.), la validité formelle d'un tel acte est régie alternativement par le droit régissant le contrat, ou par celui du lieu où l'acte est intervenu ou par celui du domicile de son auteur.

Pour les contrats de consommation faisant l'objet d'une règle de conflit protectrice à l'article 66, la forme fait partie intégrante de la protection. Par exemple, le droit de rétractation est évidemment une règle protectrice de fond, mais cette règle ne serait pas efficace si elle n'était pas complétée par une règle de forme imposant au professionnel d'inclure dans l'instrumentum du contrat une information visible signalant l'existence de ce droit et un formulaire détachable pour sa mise en oeuvre. C'est pourquoi la forme de ces contrats est soumise à la loi régissant le contrat au fond.

De même, les contrats ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble sont soumis au droit de l'Etat de situation de l'immeuble lorsque la forme de ces actes fait l'objet de règles impératives s'appliquant quels que soient le lieu de conclusion du contrat et le droit le régissant au fond, autrement dit s'il s'agit de lois de police (article 69).

Le texte poursuit en outre l'objectif d'assurer au contrat une unité de régime en soumettant au droit qui le gouverne un domaine aussi large que possible (article 70).

Par ailleurs, en énumérant de façon générale un certain nombre de questions qui entrent dans le domaine de ce droit, le premier alinéa de l'article 70 résout certains problèmes de qualification.

Ainsi l'évaluation du préjudice, qu'on pourrait considérer comme une simple question de fait laissée à l'appréciation du juge, sera néanmoins soumise au droit régissant le contrat « dans la mesure où des règles de droit la gouvernent » (chiffre 3). Ce sera le cas si la loi du contrat fixe des limites quant au montant des préjudices, par exemple en matière de transport, ou réglemente les clauses pénales figurant au contrat.

« Les conséquences de la nullité du contrat » sont également soumises au droit du contrat (chiffre 5). Il s'agit ici principalement des restitutions qui doivent intervenir entre les parties à la suite de la constatation de la nullité du contrat. On pourrait hésiter à cet égard entre la qualification contractuelle et celle d'enrichissement sans cause puisque, par hypothèse, il n'y a plus de contrat et que, du fait de la rétroactivité de la nullité, le contrat est censé n'avoir jamais existé. Néanmoins, le contrat a existé en fait, il y a même eu un commencement d'exécution et il paraît dès lors préférable de soumettre les conséquences de la nullité à la loi du contrat.

Pour ce qui concerne les modalités d'exécution du contrat, le texte apporte une certaine restriction à l'application du droit du contrat.

Ainsi, en matière de réglementation des jours fériés, de modalités d'examen de la marchandise ainsi que de mesures à prendre en cas de refus de celle-ci : si ces questions relèvent en principe du droit applicable au contrat, les dispositions en vigueur au lieu d'exécution sont une donnée qu'on ne peut ignorer et qui souvent s'impose aux parties. C'est pourquoi le texte prescrit d'avoir égard au droit du pays d'exécution du contrat (deuxième alinéa de l'article 70).

Conformément à l'article 30 du texte, la capacité d'une personne est régie par son droit national. Il se peut cependant que selon ce droit, une personne soit incapable mais que cette personne se déplace et passe un contrat avec une autre personne sans révéler son incapacité. Le texte protège alors cette autre personne en énonçant que son cocontractant ne pourra lui opposer son incapacité, à moins que, au moment de la conclusion du contrat, elle connaissait cette incapacité, ou ne l'ignorait qu'en raison d'une imprudence de sa part.

Il s'agit là d'un rappel de la célèbre affaire Lizardi, ayant donné lieu, dans le pays voisin, à un arrêt de la Cour de cassation le 16 janvier 1861, laquelle avait jugé que les engagements contractés en France envers un marchand français par un Mexicain de vingt trois ans, encore mineur selon sa loi nationale mais majeur selon la loi française, étaient néanmoins valables si le Français avait agi sans légèreté, sans imprudence et avec bonne foi (article 71).

Les dispositions du Chapitre I portant sur les obligations contractuelles utilisent à maintes reprises la notion de domicile pour déterminer le droit applicable, celle-ci étant définie à l'article 2.

Il importe cependant, s'agissant des contrats, d'apporter une précision temporelle, pour indiquer que le domicile pris en considération en cette matière est celui de la personne considérée au moment de la conclusion du contrat.

Il échet aussi de préciser que lorsque le contrat est conclu dans le cadre de l'exploitation d'un établissement secondaire, c'est le lieu où est situé cet établissement secondaire qui est considéré comme domicile (article 72).

Les obligations non contractuelles sont l'objet du Chapitre II du Titre III du projet de loi.

Les dispositions du présent chapitre concernent les obligations délictuelles, à l'exclusion de l'enrichissement sans cause et des quasi-contrats.

S'il est courant de rattacher les obligations délictuelles à la loi du lieu du délit, lex loci delicti, il est plus difficile de déterminer le droit applicable aux délits complexes, lorsque le fait générateur et le dommage surviennent dans des pays différents.

Conformément à l'idée que la responsabilité civile a pour objet de réparer le dommage là où il est subi et non de punir l'auteur du fait générateur, la règle proposée à titre principal par le projet de loi est celle de l'application du droit de l'Etat sur le territoire duquel le dommage est survenu (article 73).

Cette règle présente l'avantage de la sécurité juridique en évitant les discussions sur le point de savoir si, selon la situation, les liens les plus étroits sont avec le pays du fait générateur ou avec celui du dommage. Le dommage qui est ici retenu pour la détermination du droit applicable est le dommage direct et non ses conséquences ni les dommages par ricochet.

Ainsi, si un accident corporel se produit dans un pays déterminé, c'est le droit de ce pays qui sera applicable et non celui du domicile de la victime où pourtant elle aura pu être transportée pour y être soignée et où elle subira les conséquences de cet accident (frais d'hospitalisation, invalidité, perte éventuelle d'emploi).

De même les proches de la victime qui subissent un préjudice par ricochet du fait de l'accident survenu ne pourront invoquer que la loi du lieu de l'accident, c'est-à-dire le lieu du dommage direct subi par la victime principale.

La règle ainsi posée peut conduire à une pluralité de lois applicables en cas de dommage subi dans plusieurs territoires, cette hypothèse pouvant par exemple correspondre à celle de l'atteinte à la personnalité ou à la vie privée, qui fait l'objet d'une règle distincte favorable à la victime (article 77).

Toutefois, conformément à une sorte de clause spéciale d'exception, la loi du lieu du dommage est écartée au profit de celle de l'Etat dans lequel les deux parties ont l'une et l'autre leur domicile. Celle-ci est présumée avoir les liens les plus étroits avec la situation née du dommage. Cette exception trouvera fréquemment à s'appliquer en cas d'accidents de la circulation routière.

En matière de responsabilité du fait des produits, le texte propose une règle de conflit à deux étages, la deuxième proposition n'étant appelée à s'appliquer que si les conditions mentionnées dans la première proposition ne se réalisent pas dans l'espèce considérée. Le droit de l'Etat du lieu du dommage est ainsi retenu en premier lieu, si cet Etat est aussi celui du domicile de la victime et si le produit y a été commercialisé (chiffre 1er de l'article 74).

A défaut, le droit applicable est celui du domicile de la personne dont la responsabilité est invoquée (chiffre 2ème de l'article 74).

La règle choisie pour les actes de concurrence déloyale concrétise la règle générale soumettant l'obligation délictuelle au droit du lieu du dommage, en désignant le droit de l'Etat sur le territoire duquel le marché est affecté par l'acte de concurrence déloyale (article 75).

Dans l'hypothèse d'une pollution transfrontière provenant d'un immeuble, d'une usine ou d'une centrale, ou dans celle d'un écoulement de substances ou d'eaux toxiques, de fumées ou de gaz, ou encore dans l'hypothèse de pollutions sonores, le droit applicable sera celui du lieu de situation de l'immeuble (article 76).

Compte tenu de la particularité et de la multiplication des atteintes à la vie privée ou aux droits de la personnalité pratiquées par voie de presse ou par voie électronique, le projet de loi a tenu à instituer à cet égard une règle favorable à la victime (1er alinéa de l'article 77).

Le texte propose donc à cet effet de donner une option à la victime pour le choix du droit applicable, entre, celui du lieu du fait générateur, celui du lieu du domicile du prétendu responsable (où est sans doute intervenu le fait générateur), celui du lieu du dommage et enfin celui du lieu du domicile de la victime (qui est aussi le plus souvent le lieu ou l'un des lieux du dommage).

Les deux derniers rattachements sont cependant écartés lorsque l'auteur prétendu du dommage ne pouvait prévoir que le dommage se produirait dans ces lieux (2ème alinéa de l'article 77).

Le texte envisage, en outre, de permettre aux parties de choisir le droit applicable à l'obligation non contractuelle. Il faut en effet considérer à cet égard que les parties sont maîtresses de leurs droits et que le choix du droit favorise la sécurité juridique.

Lorsque les parties choisissent le droit applicable postérieurement à la survenance du fait générateur, elles savent à quoi s'en tenir et peuvent avoir intérêt à se fier à une loi qu'elles connaissent l'une et l'autre, voir même choisir la loi du for, pour pouvoir en faire contrôler l'interprétation par la juridiction régulatrice du pays.

Le choix antérieur à la survenance du fait générateur peut être intéressant pour des parties liées par un rapport contractuel, dans l'éventualité où une responsabilité délictuelle pourrait être engagée en cours d'exécution du contrat.

Afin cependant d'éviter les abus, le texte limite alors la liberté de choix, au cas où les deux parties exercent une activité commerciale.

De même, dans le but d'empêcher toute contestation dans tous les cas, le choix du droit applicable doit être exprès.

En outre, le texte ajoute que le choix ainsi fait ne doit pas porter préjudice aux droits des tiers. On songe ici à l'assureur du responsable, dont les obligations pourraient être aggravées par l'application d'une loi de responsabilité plus sévère que la loi objectivement applicable (article 78).

Il convient encore de définir le domaine du droit applicable aux obligations non contractuelles.

L'article 79 énumère à cet effet de manière non limitative les questions entrant dans le domaine du droit applicable.

Il convient de souligner en particulier que le droit applicable à la responsabilité est combiné avec le droit processuel monégasque, en ce sens qu'une mesure prévue par le droit applicable à la responsabilité en vue d'assurer la prévention, la cessation du dommage ou sa réparation ne pourrait être ordonnée si elle devait s'avérer incompatible avec le droit processuel monégasque.

La question de la transmissibilité du droit à réparation relève également du droit applicable à la responsabilité. Toutefois, si le droit applicable déclare la créance transmissible, les ayants droit seront désignés par la loi successorale (article 79).

Certaines règles sont communes aux obligations contractuelles et aux obligations non contractuelles. Elles font l'objet du Chapitre III.

Le texte propose une règle de conflit alternative favorable à la personne lésée pour l'action directe de celle-ci contre l'assureur de l'auteur du dommage. Cette action sera recevable si la recevabilité est admise, soit par le droit applicable à l'obligation, soit par le droit applicable au contrat d'assurance (article 80).

Même si le droit applicable à la responsabilité est un droit différent de celui du lieu du fait générateur du dommage, l'appréciation de la responsabilité ne peut être faite sans prendre en considération les « règles de sécurité et de comportement » en vigueur en ce lieu, comme le Code de la route s'il s'agit d'un accident de la circulation, ou les règles de mise sur le marché d'un médicament, ou bien encore les règles de sécurité contre les incendies etc (article 81).

La cession de créance, que la créance cédée soit de nature contractuelle ou délictuelle, est un contrat comme un autre. Dès lors, il faut considérer que les obligations entre le cédant et le cessionnaire sont régies par le droit applicable au contrat qui les lie. Si ce droit n'a pas été choisi par les parties, c'est le droit de l'Etat du domicile du cédant, débiteur de la « prestation caractéristique », qui s'applique, conformément à l'article 65. La même règle vaut pour la subrogation conventionnelle, qui n'est qu'une variété de cession de créance.

S'agissant du domaine du droit applicable à la créance cédée, la cession ne doit pas affecter la situation du débiteur cédé qui, par hypothèse, n'est pas partie au contrat de cession. Aussi, la loi de la créance gouverne-t-elle les rapports entre le cessionnaire et le débiteur, comme elle gouvernait antérieurement les rapports entre le créancier cédant et le débiteur cédé.

En ce qui concerne la subrogation légale, le droit applicable est celui qui régit l'obligation du solvens de payer le créancier. Dès lors, la loi régissant le contrat de cautionnement déterminera la possibilité pour la caution qui a payé le créancier à la place du débiteur d'être subrogée dans les droits du créancier contre le débiteur ; de même, le droit régissant le contrat d'assurance décidera si l'assureur, tenu en vertu de ce droit d'indemniser l'assuré, sera subrogé dans les droits de l'assuré contre le débiteur.

En outre, une fois la subrogation admise selon ce droit, le subrogé agira contre le débiteur en vertu du droit qui régissait les rapports entre le créancier et le débiteur. La solution est parallèle à celle retenue pour la cession de créance, le cessionnaire agissant contre le cédé selon la loi de la créance cédée (article 83).

Dans l'hypothèse où plusieurs personnes sont tenues, solidairement ou non, de la même obligation envers un même créancier, l'une d'elles ayant payé en totalité ou en partie le créancier, le droit applicable au recours du codébiteur solvens contre ses codébiteurs est celui du droit qui régissait son obligation envers le créancier (article 84).

S'agissant enfin de la compensation légale, laquelle est un mode d'extinction des obligations, celle-ci relève du droit régissant l'obligation que le débiteur prétend éteinte par la compensation (article 85).

Le Titre IV apporte des réponses simples et classiques aux problèmes les plus fréquents que pose la circulation internationale des biens.

La soumission des droits réels sur un immeuble à la lex rei sitæ est une règle quasiment universelle et se comprend d'elle-même (article 86).

Si le rattachement à la lex rei sitæ est également justifié pour les meubles, les solutions sont nécessairement plus complexes en raison de la facilité avec laquelle ils peuvent être déplacés.

Ainsi, le droit applicable à l'acquisition et la perte de droits réels portant sur un meuble est celui du pays dans lequel le meuble est situé au moment des faits sur lesquels se fonde l'acquisition ou la perte.

En effet, si le transfert de propriété s'est réalisé avant le déplacement du meuble dans un autre pays, il ne doit pas être remis en cause au motif qu'il ne se serait pas produit selon le droit de la nouvelle situation.

De plus, cette règle protège également l'acquéreur de bonne foi a non domino et lui donne l'assurance que si, dans le pays d'acquisition, il a acquis le bien régulièrement et qu'il se trouve à l'abri d'une revendication du propriétaire dépossédé, il ne pourra être poursuivi par ce dernier, même s'il transfère le bien acquis dans un Etat dont la loi autorise cette revendication.

Dans le cas où un transfert de propriété vers la Principauté n'était pas complètement accompli selon la loi de l'ancienne situation du meuble, par exemple parce que le délai d'usucapion n'était pas encore accompli, il est proposé de retenir que dans ce cas, le processus de transfert suivra son cours et se poursuivra en ajoutant le temps nécessaire pour parvenir au délai d'usucapion prévu par la loi monégasque, sans qu'il soit nécessaire de recommencer tout le processus selon la loi monégasque.

En ce qui concerne enfin les droits réels valablement constitués sur un meuble dans le pays de son ancienne situation, comme une sûreté ou une clause de réserve de propriété par exemple, ceux-ci ne pourront s'exercer que dans les limites permises par la loi de la situation actuelle du meuble et aux conditions, notamment de publicité, de celle-ci (article 87).

S'agissant de la revendication d'un meuble acquis irrégulièrement, le texte opte pour une règle favorable à la revendication du vrai propriétaire. Une option est en effet donnée au propriétaire dépossédé. Il pourra fonder sa revendication soit selon le droit du pays où se trouvait le meuble au moment de son acquisition ou, en cas de perte ou de vol, au moment de sa disparition, soit selon le droit de la situation du meuble au moment de sa revendication (article 88).

La situation est différente de celle envisagée à l'article 87 puisque, dans le cas présent, le possesseur a acquis le bien irrégulièrement au regard du droit du pays d'acquisition et ne mérite pas, de ce fait, protection.

Toutefois, la protection accordée par l'article 88 au verus dominus cesse si le bien passe entre les mains d'un sous-acquéreur dans des conditions régulières selon la loi du pays où se trouvait le meuble au moment de cette nouvelle acquisition. On retombe alors dans la situation prévue à l'article 87. En ce cas les règles de protection du propriétaire volé (par exemple celles qui sont prévues par le deuxième alinéa de l'article 2099 et l'article 2100 du Code civil) sont celles de l'Etat où était situé le meuble au moment de son acquisition par le sous-acquéreur de bonne foi.

S'agissant de biens culturels volés ou illicitement exportés, le texte propose de compléter la règle précédemment énoncée lorsque le bien qui a quitté le territoire de l'Etat dans lequel il a été acquis, appartient au patrimoine culturel dudit Etat.

Lorsque l'exportation du bien est irrégulière au regard de la loi du pays où il se trouvait, l'Etat concerné peut, selon qu'il en était ou non propriétaire, revendiquer ce bien ou en demander simplement le retour sur son territoire. A l'instar du propriétaire dépossédé dans le cas visé à l'article 88, il dispose à cette fin d'une option entre son propre droit dans sa teneur au jour de l'exportation illicite, et le droit de l'Etat de situation du bien au jour de l'action en revendication ou en retour.

Lorsque le possesseur du bien culturel est de bonne foi, et que le droit de l'Etat demandeur ignore toute protection du possesseur de bonne foi, ce dernier peut alors invoquer la protection du droit de l'Etat où se trouve le bien au moment de l'action de l'Etat demandeur (article 89).

Les droits réels portant sur les meubles en transit sont régis par le droit de l'Etat de la destination. Cette règle se justifie par le fait qu'il s'agit d'une anticipation du droit qui régira à l'avenir le meuble. La précision donnée par le texte qu'il s'agit du lieu de la destination convenue entre les parties donne une solution au cas où le meuble ne parviendrait pas à destination (article 90).

L'application du droit de l'Etat d'immatriculation ou d'enregistrement aux moyens de transport n'est que l'extension à tous les moyens de transport de l'application aux navires de la loi du pavillon (article 91).

Le Titre V consacré au trust s'explique par la ratification par la Principauté de la Convention de la Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance rendue exécutoire à Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 1.755 du 1er août 2008.

S'agissant tout d'abord de la loi applicable au trust, le projet de loi fait référence aux articles 6 et 7 de la Convention, desquels il découle que le trust est régi par la loi choisie par le constituant, à condition que celle-ci connaisse l'institution du trust, car à défaut ce choix serait inopérant. Dans ce cas, la loi applicable au trust serait alors celle qui présente les liens les plus étroits avec celui-ci, en considération de critères énumérés par la Convention à titre indicatif (article 92).

En ce qui concerne ensuite le domaine du droit applicable, il y a lieu de se référer également aux dispositions de l'article 8 de la Convention de la Haye susmentionnée, lesquelles posent le principe selon lequel la loi régissant le trust détermine sa validité, son interprétation, ses effets ainsi que son administration.

En outre, il convient de souligner que le droit désigné par le constituant pour régir le trust peut être différent de la loi applicable au règlement de la succession, dont la détermination dépend des règles de droit international privé (article 61).

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'article 15 de la Convention de la Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance affirme que le trust ne fait pas obstacle aux règles impératives désignées par les règles de conflit du for notamment en ce qui concerne les testaments et la dévolution successorale, et en particulier la réserve (article 93).

Enfin, le projet de loi affirme que les trusts constitués selon le droit déterminé à l'article 92, produisent plein effet de droit à Monaco conformément aux dispositions de l'article 11 de la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 ci-dessus citée (article 94).

Le Titre VI, intitulé « Dispositions diverses, abrogatives et finales » a pour objet de tenir compte de ce qu'un certain nombre de textes du Code civil et du Code de procédure civile doivent être abrogés car se trouvant en contradiction avec certaines dispositions du projet de loi.

Il en est ainsi pour les articles 1 à 5 bis du Code de procédure civile relatifs à la compétence internationale des tribunaux monégasques qui devraient être remplacés par les articles 3 à 12 du présent projet.

De même, les articles 472 à 477 du Code procédure civile concernant l'exécution des jugements étrangers, devraient être remplacés par les articles 13 à 20 du projet de droit international privé.

L'article 143 du code civil sur le mariage célébré à l'étranger n'est plus compatible avec l'article 34.

De même, sont incompatibles avec les dispositions du présent projet de loi sur le régime matrimonial (articles 36 et s.) le deuxième alinéa de l'article 141 et le dernier alinéa de l'article 1243 du Code civil (article 98).

Tel est l'objet de présent projet de loi.

Dispositif🔗

Titre I - Dispositions générales🔗

Chapitre I - Dispositions préliminaires🔗

Article 1er🔗

La nationalité d'une personne physique se détermine d'après le droit de l'Etat dont la nationalité est en cause.

Lorsqu'une personne a deux ou plusieurs nationalités dont la nationalité monégasque, seule cette dernière est retenue pour déterminer la compétence des tribunaux monégasques ou l'applicabilité du droit monégasque.

Lorsqu'une personne a deux ou plusieurs nationalités étrangères, est retenue, pour déterminer le droit applicable, celle de l'Etat national de cette personne avec lequel elle a les liens les plus étroits, notamment par sa résidence habituelle.

Pour les personnes sans nationalité ou dont la nationalité ne peut être établie, toute référence à l'Etat dont ces personnes ont la nationalité s'entend de l'Etat dans lequel elles ont leur résidence habituelle.

Article 2🔗

Le domicile d'une personne, au sens de la présente loi, est au lieu où elle a son principal établissement.

Tout Monégasque est réputé domicilié dans la Principauté à moins qu'il n'établisse avoir son domicile dans un autre pays.

Un étranger titulaire d'un titre de séjour est présumé, sauf preuve contraire, avoir son domicile dans la Principauté.

Les sociétés et personnes morales ayant leur siège social dans la Principauté y sont réputées domiciliées.

Chapitre II - Compétences judiciaire🔗

Article 3🔗

Hormis les cas où la loi en disposerait autrement, la compétence internationale des tribunaux de la Principauté est déterminée par les dispositions du présent chapitre.

Article 4🔗

Les tribunaux de la Principauté sont compétents lorsque le défendeur y a son domicile lors de l'introduction de la demande.

A défaut de domicile connu, la résidence dans la Principauté en tient lieu.

Article 5🔗

En cas de pluralité de défendeurs, les tribunaux monégasques sont compétents si l'un des défendeurs a son domicile dans la Principauté, à moins que la demande n'ait été formée que pour traduire un défendeur hors de la juridiction de son domicile ou de sa résidence habituelle à l'étranger.

Article 6🔗

Les tribunaux de la Principauté sont également compétents, quelque soit le domicile du défendeur :

  1. en matière de droits réels immobiliers, de baux d'immeubles et de droits dans des sociétés détenant un immeuble, lorsque l'immeuble est situé dans la Principauté ;

  2. en matière contractuelle, lorsque la chose a été ou doit être livrée ou la prestation de services exécutée dans la Principauté. Pour les contrats de consommation mentionnés à l'article 66 et pour le contrat individuel de travail, lorsque le demandeur est le consommateur ou le salarié et qu'il a son domicile dans la Principauté ;

  3. en matière délictuelle, lorsque le fait dommageable s'est produit dans la Principauté ou que le dommage y a été subi ;

  4. en matière successorale, lorsque la succession s'est ouverte dans la Principauté ou qu'un immeuble dépendant de la succession y est situé, de même que pour les demandes formées par des tiers contre un héritier ou un exécuteur testamentaire, et pour les demandes entre cohéritiers jusqu'au partage définitif ;

  5. en matière de société, jusqu'à la liquidation définitive, si la société a son siège social dans la Principauté ;

  6. en matière de procédure collective de règlement du passif et d'actions nées de l'application des articles 408 à 609 du Code de commerce, lorsque l'activité commerciale est exercée dans la Principauté ;

  7. en matière de validité ou de mainlevée de saisies-arrêts formées dans la Principauté, et généralement de toutes demandes ayant pour objet des mesures provisoires ou conservatoires ; les tribunaux de la Principauté sont en ce cas compétents pour connaître du fond du litige, sauf clause conventionnelle licite attribuant compétence à une autre juridiction ;

  8. en matière d'exécution des jugements et actes étrangers.

Article 7🔗

Les tribunaux de la Principauté compétents pour connaître d'une demande, le sont également pour connaître :

  1. d'une demande en garantie ou en intervention, à moins que celle-ci n'ait été formée que pour traduire un défendeur hors du ressort de son domicile ou de sa résidence habituelle à l'étranger ;

  2. d'une demande reconventionnelle ;

  3. d'une demande connexe si les deux demandes sont liées entre elles par un rapport étroit conduisant à les juger ensemble afin d'éviter des décisions contraires au cas où elles seraient jugées séparément.

Article 8🔗

Lorsque les parties, dans une matière où elles peuvent disposer librement de leurs droits en vertu du droit monégasque, sont convenues de la compétence des tribunaux de la Principauté pour connaître des litiges nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit, ces juridictions sont seules compétentes.

L'élection de for est formulée par écrit ou par tout autre moyen de communication permettant d'en établir la preuve par un texte.

Article 9🔗

Si les parties sont convenues, dans les conditions prévues à l'article précédent, de la compétence d'une juridiction étrangère, la juridiction monégasque saisie en méconnaissance de cette clause doit surseoir à statuer tant que la juridiction étrangère désignée n'a pas été saisie ou, après avoir été saisie, n'a pas décliné sa compétence. La juridiction monégasque saisie peut cependant connaître du litige si une procédure étrangère se révèle impossible ou s'il est prévisible que la décision étrangère ne sera pas rendue dans un délai raisonnable ou ne pourra pas être reconnue dans la Principauté.

Toutefois, le choix d'une juridiction étrangère ne peut pas priver le consommateur ou le salarié domicilié dans la Principauté du droit de saisir les tribunaux de la Principauté sur le fondement du chiffre 2 de l'article 6.

Article 10🔗

Le tribunal monégasque devant lequel le défendeur comparaît sans contester sa compétence est compétent si il est saisi conformément aux règles du présent chapitre. Dans le cas contraire, le tribunal monégasque relève d'office son incompétence.

Article 11🔗

Lorsque aucune règle de compétence des tribunaux de la Principauté ne trouve à s'appliquer, ces tribunaux sont cependant compétents si l'une des parties est de nationalité monégasque, à moins que le litige porte sur un immeuble situé à l'étranger ou sur des voies d'exécution pratiquées à l'étranger.

Article 12🔗

Lorsqu'une action ayant le même objet est pendante entre les mêmes parties devant un tribunal étranger, le tribunal monégasque saisi en second lieu peut surseoir à statuer jusqu'au prononcé de la décision étrangère. Il se dessaisit si la décision étrangère peut être reconnue à Monaco selon la présente loi.

Chapitre III - Reconnaissance et exécution des jugements et actes publics étrangers🔗

Article 13🔗

Les jugements rendus par les tribunaux étrangers et passés en force de chose jugée sont reconnus de plein droit dans la Principauté s'il n'y a pas de motif de refus au sens de l'article 15.

Toute partie intéressée peut agir devant les tribunaux de la Principauté en reconnaissance ou en non reconnaissance d'un jugement rendu par un tribunal étranger.

Article 14🔗

Lorsqu'ils sont exécutoires dans l'Etat dans lequel ils sont intervenus, les jugements rendus par les tribunaux étrangers, passés en force de chose jugée ainsi que les actes reçus par les officiers publics étrangers, ne sont susceptibles d'exécution dans la Principauté qu'après avoir été déclarés exécutoires par le tribunal de première instance, sauf stipulations contraires des traités.

Article 15🔗

Un jugement rendu par un tribunal étranger n'est ni reconnu ni déclaré exécutoire dans la Principauté si :

  1. il a été rendu par une juridiction incompétente au sens de l'article 17 ;

  2. les droits de la défense n'ont pas été respectés, notamment lorsque les parties n'ont pas été régulièrement citées et mises à même de se défendre ;

  3. la reconnaissance ou l'exécution est manifestement contraire à l'ordre public monégasque ;

  4. il est contraire à une décision rendue entre les mêmes parties dans la Principauté ou avec une décision antérieurement rendue dans un autre Etat et reconnue dans la Principauté ;

  5. un litige est pendant devant un tribunal de la Principauté entre les mêmes parties portant sur le même objet.

Article 16🔗

Un jugement rendu par un tribunal étranger ne peut en aucun cas faire l'objet d'une révision au fond.

Article 17🔗

Le tribunal étranger ayant rendu un jugement est considéré comme incompétent lorsque les tribunaux de la Principauté avaient une compétence exclusive pour connaître de la demande.

Le tribunal étranger est également incompétent si sa compétence n'était fondée que sur la présence temporaire du défendeur dans l'Etat dont relève cette juridiction ou de biens lui appartenant sans lien avec le litige, ou encore sur l'exercice par le défendeur dans ce même Etat d'une activité commerciale ou professionnelle, sans lien avec le litige.

Ces dispositions ne reçoivent pas application au cas où la compétence du tribunal étranger a été acceptée par la partie s'opposant à la reconnaissance ou à l'exécution du jugement rendu par ce tribunal.

Article 18🔗

Le demandeur à fin d'exécution ou de reconnaissance devra produire :

  1. une expédition authentique du jugement ;

  2. l'original de l'exploit de signification ou de tout autre acte en tenant lieu dans l'Etat où le jugement aura été rendu ;

  3. un certificat délivré, soit par la juridiction étrangère dont émane ce jugement, soit par le greffier de cette juridiction constatant que le jugement n'est ni frappé, ni susceptible d'être frappé d'opposition ou d'appel, et qu 'il est exécutoire sur le territoire de l'Etat où il est intervenu.

Ces pièces devront être légalisées par un agent diplomatique ou consulaire de la Principauté accrédité auprès de l'Etat étranger, ou, à défaut, par les autorités compétentes de cet Etat.

Elles devront, en outre, quand elles ne seront pas rédigées en français, être accompagnées de leur traduction en langue française, faite par un traducteur assermenté ou officiel et dûment légalisée.

Article 19🔗

Les dispositions des articles 14 à 17 seront observées pour les actes reçus par les officiers publics étrangers, en tant qu'elles sont applicables à ces actes.

Article 20🔗

Les demandes à fin d'exécution ou de reconnaissance des jugements et actes étrangers seront introduites et jugées dans les formes ordinaires.

Chapitre IV - Conflits de lois🔗

Article 21🔗

Pour déterminer la règle de conflit de lois applicable, la qualification d'un rapport de droit s'effectue selon les catégories du droit monégasque.

Aux fins de qualification, l'analyse des éléments d'une institution juridique inconnue du droit monégasque s'effectue en tenant compte du droit étranger dont elle relève.

Article 22🔗

Les tribunaux de la Principauté appliquent d'office la règle de conflit de lois résultant de la présente loi, sauf si les parties lorsqu'elles ont la disponibilité des droits, conviennent de l'application de la loi monégasque.

Article 23🔗

Les tribunaux de la Principauté établissent avec le concours des parties le contenu du droit étranger applicable en vertu de la présente loi. Ils ordonnent à cet effet toutes mesures d'instruction utiles.

Le droit monégasque est applicable lorsque le contenu du droit étranger ne peut être établi.

Article 24🔗

Au sens de la présente loi, le droit d'un Etat s'entend des règles matérielles du droit de cet Etat, à l'exclusion de ses règles de droit international privé.

Article 25🔗

Lorsque le droit désigné par la présente loi est celui d'un Etat comprenant deux ou plusieurs systèmes de droit, le système de droit applicable est celui désigné par le droit de cet Etat ou, à défaut, celui avec lequel la situation a les liens les plus étroits.

Article 26🔗

Le droit désigné par la présente loi n'est exceptionnellement pas applicable si, au regard de l'ensemble des circonstances, il est manifeste que la situation n'a pas un lien suffisant avec ce droit et se trouve dans une relation beaucoup plus étroite avec le droit monégasque ou avec un autre droit. Dans un tel cas, il est fait application du droit monégasque ou de cet autre droit.

Cette disposition n'est pas applicable en cas d'élection de droit.

Article 27🔗

L'application du droit étranger est exclue si elle conduit à un résultat manifestement contraire à l'ordre public monégasque. Cette contrariété s'apprécie en tenant compte, notamment, de l'intensité du rattachement de la situation avec l'ordre juridique monégasque. Les dispositions du droit monégasque sont alors applicables.

Article 28🔗

Les dispositions de la présente loi ne portent pas atteinte à l'application des lois de police et de sûreté qui, en raison de leur objet régissent impérativement la situation, quel que soit le droit désigné par les règles de conflit.

Titre II - Personnes physiques🔗

Chapitre I - Etat et capacité🔗

Article 29🔗

Le présent chapitre s'applique à l'état et à la capacité des personnes physiques et en particulier au nom et prénoms, à l'absence, à l'âge de la majorité, à l'émancipation.

Article 30🔗

Les tribunaux monégasques sont compétents pour connaître de toute demande concernant l'état ou la capacité d'une personne qui, lors de l'introduction de la demande, possède la nationalité monégasque ou a son domicile dans la Principauté.

Article 31🔗

L'état et la capacité des personnes sont régis par le droit de l'Etat dont ces personnes possèdent la nationalité.

Toutefois, les autorités tant judiciaires qu'administratives peuvent prendre en cas d'urgence, par application de la loi monégasque, des mesures à caractère provisoire pour la protection des personnes.

Chapitre II - Mariage🔗

Section I - Formation du mariage🔗
Article 32🔗

La forme du mariage célébré devant les autorités monégasques est régie par le droit monégasque.

Article 33🔗

Sous réserve des dispositions de l'article 27, les conditions de fond du mariage célébré à Monaco sont régies pour chacun des époux par le droit de l'Etat dont il a la nationalité au moment de la célébration du mariage.

Article 34🔗

Le mariage conclu à l'étranger valablement selon le droit de l'Etat de célébration est reconnu comme tel dans la Principauté sauf s'il est contraire à l'ordre public monégasque, ou s'il a été célébré à l'étranger dans l'intention manifeste d'éluder les dispositions du droit monégasque.

Section II - Droits et devoirs respectifs des époux🔗
Article 35🔗

Les droits et devoirs respectifs des époux sont régis :

  1. par le droit de l'Etat sur le territoire duquel les époux ont l'un et l'autre leur domicile, commun ou séparé ;

  2. à défaut de domicile des époux sur le territoire d'un même Etat par le droit de l'Etat sur le territoire duquel les époux ont eu leur dernier domicile commun ;

  3. et à défaut, par le droit monégasque.

Nonobstant les dispositions du paragraphe précédent, les tiers qui ont traité de bonne foi dans la Principauté avec un époux y étant domicilié peuvent se prévaloir des dispositions du droit monégasque concernant les droits et devoirs des époux.

Dans tous les cas, les dispositions du droit monégasque assurant la protection du logement familial et des meubles meublants le garnissant sont applicables lorsque ce logement est situé dans la Principauté.

Section III - Régime matrimonial🔗
Article 36🔗

Le régime matrimonial est régi par le droit choisi par les époux. Les époux peuvent choisir le droit de l'Etat dans lequel ils seront domiciliés après la célébration du mariage, le droit d'un Etat dont l'un d'eux a la nationalité au moment du choix, le droit de l'Etat sur le territoire duquel l'un d'eux a son domicile au moment du choix ou le droit de l'Etat dans lequel est célébré le mariage.

Le droit ainsi désigné s'applique à l'ensemble de leurs biens.

Article 37🔗

La désignation du droit applicable doit faire l'objet d'un écrit daté et signé des deux époux. Elle doit être expresse ou résulter indubitablement des dispositions d'un contrat de mariage rédigé par acte authentique si l'un des époux est monégasque ou domicilié à Monaco.

La désignation du droit applicable peut être faite ou modifiée à tout moment. Si elle est postérieure à la célébration du mariage, elle n'a d'effet que pour l'avenir. Les époux peuvent en disposer autrement, sans pouvoir porter atteinte aux droits des tiers.

L'existence et la validité du consentement quant à cette désignation sont régies par le droit désigné.

Les dispositions du présent article ne dérogent pas à celles de l'article 1243 du Code civil lorsque le régime matrimonial ou les conventions matrimoniales des époux sont soumises au droit monégasque.

Article 38🔗

A défaut d'élection de droit, le régime matrimonial est régi :

  1. par le droit de l'Etat sur le territoire duquel les époux établissent leur domicile après le mariage;

  2. à défaut de domicile sur le territoire d'un même Etat, par le droit de l'Etat dont les deux époux ont la nationalité au moment de la célébration du mariage ;

  3. à défaut de domicile sur le territoire d'un même Etat ou de nationalité commune, ou en cas de pluralité de nationalités communes, par le droit monégasque.

Article 39🔗

Les effets du régime matrimonial sur un rapport juridique entre un époux et un tiers sont régis par le droit applicable au régime.

Toutefois, si la loi d'un Etat prévoit des formalités de publicité ou d'enregistrement du régime matrimonial et que ces formalités n'ont pas été respectées, le droit applicable au régime matrimonial ne peut être opposé par un époux à un tiers lorsque l'un des époux ou le tiers a sa résidence habituelle dans cet Etat.

De même, si la loi d'un Etat sur lequel est situé un immeuble prévoit des formalités de publicité ou d'enregistrement du régime matrimonial et que ces formalités n'ont pas été respectées, le droit applicable au régime matrimonial ne peut être opposé par un époux à un tiers pour les rapports juridiques entre un époux et un tiers concernant cet immeuble.

Les dispositions des deuxièmes et troisièmes alinéas ne s'appliquent pas dans le cas où, nonobstant le non accomplissement des formalités de publicité ou d'enregistrement, le tiers connaissait ou aurait dû connaître le droit applicable au régime matrimonial.

Section IV - Divorce et séparation de corps🔗
Article 40🔗

Les tribunaux monégasques sont compétents pour connaître du divorce et de la séparation de corps :

  1. lorsque l'un des époux est de nationalité monégasque ;

  2. lorsque le domicile des époux se trouve sur le territoire de la Principauté ;

  3. lorsque le dernier domicile des époux se trouvait sur le territoire de la Principauté et que l'un des époux y réside encore ;

  4. lorsque l'époux défendeur a son domicile sur le territoire de la Principauté.

Les tribunaux monégasques sont également compétents pour prononcer la conversion de la séparation de corps en divorce lorsque la séparation de corps a été prononcée à Monaco.

Article 41🔗

Le droit applicable au divorce ou à la séparation de corps devant les tribunaux monégasques est le droit de l'Etat dont les époux ont l'un et l'autre la nationalité, à moins qu'ils ne renoncent à l'application de ce droit ; dans ce cas le droit monégasque s'applique.

A défaut de nationalité commune ou en cas de pluralité de nationalités communes, le droit applicable est le droit monégasque.

Les époux peuvent cependant convenir même avant la célébration du mariage de l'application du droit d'un Etat dont l'un ou l'autre a la nationalité.

Chapitre III - Filiation et adoption🔗

Section I - Filiation🔗
Article 42🔗

Outre les cas prévus par les dispositions générales de la présente loi, les tribunaux monégasques sont compétents en matière d'établissement ou de contestation de la filiation lorsque l'enfant ou celui de ses parents dont la paternité ou la maternité est recherchée ou contestée a son domicile sur le territoire de la Principauté ou a la nationalité monégasque.

Article 43🔗

L'établissement et la contestation de la filiation sont régis par le droit de l'Etat dont l'enfant a la nationalité. La nationalité de l'enfant s'apprécie au jour de sa naissance, ou, en cas de constatation ou de contestation judiciaires, au jour de l'introduction de la demande.

Article 44🔗

La reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si sa validité est admise dans un Etat dont l'enfant ou l'auteur de la reconnaissance a la nationalité ou son domicile à la date de celle-ci.

Article 45🔗

Le droit qui régit la filiation d'un enfant, lorsqu'elle résulte de plein droit de la loi, détermine l'effet sur cette filiation d'un acte de reconnaissance.

Le droit qui régit la première reconnaissance d'un enfant détermine l'effet sur celle-ci d'une reconnaissance ultérieure.

Section II - Adoption🔗
Article 46🔗

Les tribunaux monégasques sont compétents pour prononcer une adoption lorsque le ou les adoptants ou l'adopté sont de nationalité monégasque ou ont leur domicile dans la Principauté.

Article 47🔗

Les conflits de lois relatifs à l'adoption ainsi que les effets sur le territoire de la Principauté des adoptions prononcées à l'étranger, sont régis par les articles 290 à 297 du Code civil.

Chapitre IV - Obligations alimentaires🔗

Article 48🔗

Outre les cas prévus par les dispositions générales de la présente loi, les tribunaux de la Principauté sont compétents pour connaître de toute demande concernant une obligation alimentaire lorsque le créancier ou le débiteur d'aliments a son domicile dans la Principauté ou est de nationalité monégasque.

Le tribunal monégasque compétent pour connaître d'une action relative à l'état des personnes est également compétent pour connaître d'une demande relative à une obligation alimentaire accessoire à cette action.

Article 49🔗

L'obligation alimentaire entre ascendants et descendants est régie par le droit de l'Etat sur le territoire duquel le créancier d'aliments a son domicile.

Toutefois le droit monégasque s'applique lorsque le créancier ne peut pas obtenir d'aliments du débiteur en vertu du droit mentionné au paragraphe précédent.

Article 50🔗

L'obligation alimentaire entre époux est régie par le droit régissant les droits et devoirs respectifs des époux.

La prestation compensatoire en cas de divorce est régie par le droit en application duquel le divorce est prononcé.

Article 51🔗

Le droit d'un organisme public de demander le remboursement de la prestation fournie au créancier en lieu et place du débiteur d'aliments est soumis au droit qui régit cet organisme.

Chapitre V - Successions🔗

Article 52🔗

La succession est régie par le droit de l'Etat sur le territoire duquel le défunt était domicilié au moment de son décès.

Article 53🔗

Une personne peut choisir de désigner, pour régler sa succession, le droit d'un Etat dont elle a la nationalité au moment de son choix.

La désignation du droit applicable à la succession doit être expresse et contenue dans une déclaration revêtant la forme d'une disposition à cause de mort.

L'existence et la validité du consentement quant à cette désignation sont régies par le droit désigné.

La modification ou la révocation par son auteur de la désignation de la loi applicable à la succession doit remplir en la forme les conditions de la modification ou de la révocation d'une disposition à cause de mort.

Article 54🔗

Une disposition testamentaire est valable quant à la forme lorsqu'elle correspond aux prescriptions de l'une des lois suivantes :

  1. celle de l'Etat du lieu où le testateur a disposé ;

  2. celle de l'Etat dont le testateur possédait la nationalité soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès ;

  3. celle de l'Etat sur le territoire duquel le testateur avait son domicile, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès ;

  4. celle de l'Etat sur le territoire duquel le testateur avait sa résidence habituelle, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès ;

  5. pour les immeubles, celle de l'Etat du lieu de leur situation.

La question de savoir si le testateur avait un domicile dans un lieu déterminé du territoire d'un Etat est régie par le droit de cet Etat.

Article 55🔗

Le pacte successoral concernant la succession d'une seule personne est régi par le droit qui aurait été applicable à la succession de cette personne si elle était décédée le jour où le pacte a été conclu.

Article 56🔗

Le pacte successoral concernant la succession de plusieurs personnes n'est valide que si cette validité est admise par le droit qui aurait été applicable à la succession de toutes ces personnes en cas de décès au moment de la conclusion du pacte.

Article 57🔗

Les parties peuvent choisir pour régir leur pacte le droit que la personne ou l'une des personnes dont la succession est concernée aurait pu choisir en vertu de l'article 53.

Article 58🔗

L'application du droit régissant le pacte successoral en vertu des articles 55 à 57 ne porte pas atteinte aux droits de toute personne non partie au pacte qui, en vertu du droit applicable à la succession conformément aux articles 52 ou 53, bénéficie d'une réserve héréditaire ou d'un autre droit dont elle ne peut être privée par la personne dont la succession est concernée.

Article 59🔗

Le droit applicable à la succession en vertu du présent chapitre régit l'ensemble de celle-ci, de son ouverture jusqu'à sa transmission définitive aux ayants droit.

Ce droit régit notamment :

  1. les causes et le moment de l'ouverture de la succession ;

  2. la vocation successorale des héritiers et légataires, y compris les droits successoraux du conjoint survivant, la détermination des quotes-parts respectives de ces personnes, les charges qui leur sont imposées par le défunt, ainsi que les autres droits sur la succession ayant pour cause le décès ;

  3. les causes particulières d'incapacité de disposer ou de recevoir ;

  4. l'exhérédation et l'indignité successorale ;

  5. la transmission aux héritiers et légataires des biens, des droits et des obligations composant la succession, y compris les conditions et les effets de l'acceptation de la succession ou des legs ou de la renonciation à la succession ou aux legs ;

  6. les pouvoirs des héritiers, des exécuteurs testamentaires et des autres administrateurs de la succession, notamment en ce qui concerne la vente des biens et le paiement des créanciers ;

  7. les conditions du règlement du passif successoral ;

  8. la quotité disponible, les réserves et les autres restrictions à la liberté de disposer à cause de mort ;

  9. le rapport et la réduction des libéralités ainsi que leur prise en compte dans le calcul des parts héréditaires ;

  10. la validité quant au fond des dispositions à cause de mort ;

  11. le partage successoral.

Article 60🔗

L'application du droit régissant la succession ne fait pas obstacle à l'application du droit de l'Etat sur le territoire duquel sont situés les biens successoraux lorsque ce droit :

  1. subordonne à certaines formalités le transfert de propriété d'un bien ou l'inscription de ce transfert dans un registre public ;

  2. exige la nomination d'un administrateur de la succession ou d'un exécuteur testamentaire, par une autorité située dans cet Etat ;

  3. subordonne le transfert aux héritiers et légataires des biens de la succession au paiement préalable des dettes du défunt invoquées sur le territoire de cet Etat.

Article 61🔗

Lorsqu'un trust est constitué par une personne ou lorsqu'une personne place des biens en trust, l'application au trust du droit qui le régit ne fait pas obstacle à l'application à la succession du droit qui la régit en vertu de la présente loi.

Article 62🔗

Lorsque plusieurs personnes respectivement appelées à la succession l'une de l'autre, périssent dans un même événement, sans qu'on puisse reconnaître laquelle est décédée la première et que leur succession est régie par des droits différents qui règlent cette situation par des dispositions incompatibles ou ne la règlent pas du tout, il est fait application des articles 604 et 605 du Code civil.

Article 63🔗

Lorsque, selon le droit applicable en vertu de la présente loi, il n'y a ni héritier ou légataire institué par une disposition à cause de mort, ni personne physique venant au degré successible, l'application du droit ainsi déterminé ne fait pas obstacle au droit de l'État monégasque d'appréhender les biens de la succession situés dans la Principauté.

Titre III - Obligations🔗

Chapitre I - Obligations contractuelles🔗

Article 64🔗

Le contrat est régi par le droit choisi par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner le droit applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

Les parties peuvent convenir, à tout moment, de faire régir le contrat par un droit autre que celui qui le régissait auparavant. Toute modification quant à la détermination du droit applicable, intervenue postérieurement à la conclusion du contrat, n'affecte pas la validité formelle du contrat au sens de l'article 69 et ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, sur le territoire d'un Etat autre que celui dont le droit est choisi, le choix des parties ne porte pas atteinte à l'application des dispositions auxquelles le droit de cet autre Etat ne permet pas de déroger.

L'existence et la validité du consentement des parties quant au choix du droit applicable sont régies par les dispositions des articles 68 et 69.

Article 65🔗

A défaut de choix, le contrat est régi par le droit de l'Etat sur le territoire duquel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a son domicile.

La partie qui doit fournir la prestation caractéristique est :

  1. dans le contrat de vente, le vendeur ;

  2. dans le contrat de prestation de services, le prestataire ;

  3. dans le contrat de franchise, le franchisé ;

  4. dans le contrat de distribution, le distributeur ;

  5. dans le contrat de transport, le transporteur ;

  6. dans le contrat d'assurances, l'assureur.

Nonobstant le premier alinéa du présent article,

  1. le contrat de vente de biens aux enchères est régi par le droit de l'Etat sur le territoire duquel la vente aux enchères a lieu, si le lieu de la vente peut être déterminé ;

  2. le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble est régi par le droit de l'Etat sur le territoire duquel est situé l'immeuble.

Lorsque la prestation caractéristique ne peut être déterminée, le contrat est régi par le droit de l'Etat avec lequel il présente les liens les plus étroits.

Article 66🔗

Le présent article s'applique aux contrats ayant pour objet la fourniture d'un bien mobilier ou immobilier ou d'un service à une personne physique, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, par une personne agissant dans l'exercice de son activité professionnelle.

Lorsque le professionnel exerce son activité dans le pays dans lequel le consommateur a son domicile ou lorsque, par tout moyen, notamment informatique, il dirige cette activité vers ce pays et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité, le droit applicable en vertu des articles 64 et 65 ne peut priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives du droit du pays dans lequel il a son domicile au moment de la conclusion du contrat, à moins que le fournisseur établisse qu'il ignorait le pays de ce domicile du fait du consommateur.

Le précédent alinéa n'est pas applicable :

  • 1. lorsque le consommateur s'est rendu dans le pays du fournisseur et y a conclu le contrat,

ou,

  • 2. lorsque le bien ou le service a été ou devait être fourni dans le pays où était situé l'établissement en charge de cette fourniture, à moins que, dans l'un ou l'autre cas, le consommateur ait été incité par le fournisseur à se rendre dans ledit pays en vue d'y conclure le contrat ;

  • 3. au contrat de transport autre qu'un contrat portant sur un voyage, un circuit ou des vacances à forfait.

Article 67🔗

Le contrat individuel de travail est régi par le droit que les parties choisissent conformément à l'article 64. Toutefois ce choix ne peut en aucun cas priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé en vertu du droit qui, à défaut de choix, régit le contrat en application du deuxième alinéa.

À défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par le droit de l'Etat sur le territoire duquel ou à défaut, à partir duquel le salarié en exécution du contrat exécute habituellement ou principalement son travail. L'Etat sur le territoire duquel le travail est habituellement accompli n'est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire sur le territoire d'un autre Etat.

Si le droit applicable ne peut être déterminé sur la base du précédent alinéa le contrat est régi par le droit de l'Etat sur le territoire duquel est situé l'établissement qui a embauché le salarié.

Article 68🔗

L'existence et la validité du contrat ou d'une disposition de celui-ci sont soumises au droit qui serait applicable en vertu de la présente loi si le contrat ou la disposition étaient valables.

Article 69🔗

Un contrat conclu entre des personnes ou leurs représentants, se trouvant sur le territoire d'un même Etat au moment de sa conclusion, est valable quant à la forme s'il satisfait aux conditions de forme du droit qui le régit quant au fond en vertu de la présente loi ou du droit de l'Etat sur le territoire duquel il a été conclu.

Un contrat conclu entre des personnes ou leurs représentants, se trouvant sur le territoire d'Etats différents lors de sa conclusion, est valable quant à la forme s'il satisfait aux conditions de forme du droit qui le régit quant au fond en vertu de la présente loi ou, du droit d'un des Etats sur le territoire duquel se trouve l'une ou l'autre des parties ou son représentant lors de sa conclusion ou, du droit de l'Etat sur le territoire duquel l'une ou l'autre des parties avait son domicile.

Un acte unilatéral relatif à un contrat conclu ou à conclure est valable quant à la forme s'il satisfait aux conditions de forme du droit qui régit ou régirait quant au fond le contrat en vertu de la présente loi ou, du droit de l'Etat sur le territoire duquel cet acte est intervenu ou encore, du droit de l'Etat sur le territoire duquel la personne qui l'a accompli avait alors son domicile.

Les dispositions des deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux contrats de consommation prévus à l'article 66 dont la forme est régie par le droit applicable en vertu du deuxième alinéa dudit article.

Nonobstant les dispositions des quatre alinéas précédents, tout contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble est soumis aux règles de forme du droit de l'Etat sur le territoire duquel l'immeuble est situé, à condition que, selon ce droit ces règles s'appliquent quels que soient le lieu de conclusion du contrat et le droit le régissant quant au fond, et qu'il ne puisse y être dérogé.

Article 70🔗

Le droit applicable au contrat régit notamment:

  1. son interprétation ;

  2. l'exécution des obligations qui en résultent ;

  3. les conséquences de l'inexécution totale ou partielle de ces obligations, y compris l'évaluation du préjudice dans la mesure où des règles de droit la gouvernent ;

  4. les divers modes d'extinction des obligations, ainsi que les prescriptions et déchéances fondées sur l'expiration d'un délai ;

  5. les conséquences de la nullité du contrat.

Le droit applicable au contrat ne régit pas les mesures que prend le créancier en cas de défaut dans l'exécution qui sont soumises au droit de l'Etat sur le territoire duquel l'exécution doit avoir lieu.

Article 71🔗

Lorsque des personnes se trouvant sur le territoire d'un même Etat concluent un contrat, celle d'entre elles qui serait capable selon le droit de cet Etat, dans un même pays, une personne physique qui serait capable selon le droit de ce pays ne peut invoquer son incapacité résultant du droit d'un autre Etat, qu'à la condition qu'au moment de la conclusion du contrat, le cocontractant n'ait connu cette incapacité ou ne l'ait ignorée qu'en raison d'une imprudence de sa part.

Article 72🔗

Pour l'application du présent chapitre :

  1. le domicile est déterminé au moment de la conclusion du contrat ;

  2. lorsque le contrat est conclu dans le cadre de l'exploitation d'une succursale, d'une agence ou de tout autre établissement, ou que selon le contrat, la prestation doit être fournie par l'une de ces entités, le lieu de leur situation est considéré comme domicile.

Chapitre II - Obligations non contractuelles🔗

Article 73🔗

Sauf disposition contraire du présent chapitre, le droit applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celui de l'Etat sur le territoire duquel est survenu le dommage, quel que soit le lieu de situation du fait générateur du dommage ou des conséquences indirectes de ce fait.

Toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur domicile sur le territoire d'un même Etat au moment de la survenance du dommage, le droit de cet Etat est applicable.

Article 74🔗

La responsabilité du fait d'un produit est régie par :

  1. le droit de l'Etat sur le territoire duquel le dommage est survenu lorsque le produit y a été commercialisé et que la personne directement lésée y avait son domicile ;

  2. à défaut, par le droit de l'Etat sur le territoire duquel la personne dont la responsabilité est invoquée avait son domicile.

Article 75🔗

Le droit applicable à la responsabilité du fait d'un acte de concurrence déloyale est celui de l'Etat sur le territoire duquel le marché est affecté ou est susceptible de l'être.

Article 76🔗

Le droit applicable à la responsabilité pour les nuisances provenant d'un immeuble est le droit de l'Etat sur le territoire duquel est situé l'immeuble.

Article 77🔗

Le droit régissant la responsabilité pour atteinte aux droits de la personnalité ou à la vie privée et familiale, lorsque cette atteinte se réalise par voie de presse écrite ou audiovisuelle ainsi que par tous moyens de publication ou de communication électronique, est au choix de la personne lésée :

  1. le droit de l'Etat sur le territoire duquel le fait générateur s'est produit ou risque de se produire ;

  2. le droit de l'Etat sur le territoire duquel la personne dont la responsabilité est invoquée a son domicile ;

  3. le droit de l'Etat sur le territoire duquel le dommage s'est produit ou risque de se produire ;

  4. le droit de l'Etat sur le territoire duquel la personne lésée a son domicile.

Toutefois, le droit de l'Etat mentionné chiffres 2 et 3 du premier alinéa n'est pas applicable lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée établit qu'elle ne pouvait prévoir que le dommage surviendrait sur le territoire de cet Etat.

Article 78🔗

Les parties peuvent choisir le droit applicable à l'obligation non contractuelle par un accord postérieur à la survenance du fait générateur du dommage, ou, lorsqu'elles exercent toutes une activité commerciale, par un accord librement négocié avant la survenance de ce fait.

Ce choix est exprès et ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits des tiers.

Article 79🔗

Le droit applicable en vertu du présent chapitre à l'obligation non contractuelle régit notamment :

  1. les conditions et l'étendue de la responsabilité, y compris la détermination des personnes susceptibles d'être déclarées responsables des actes qu'elles commettent ;

  2. les causes d'exonération, de limitation et de partage de responsabilité ;

  3. l'existence, la nature et l'évaluation des dommages, ainsi que la réparation ;

  4. dans les limites des pouvoirs conférés à la juridiction compétente par le droit processuel de l'État dont elle relève, les mesures que cette juridiction peut prendre pour assurer la prévention, la cessation du dommage ou sa réparation ;

  5. la transmissibilité du droit à réparation, y compris par succession ;

  6. les personnes ayant droit à réparation du dommage qu'elles ont personnellement subi ;

  7. la responsabilité du fait d'autrui ;

  8. le mode d'extinction des obligations ainsi que les règles de prescription et de déchéance fondées sur l'expiration d'un délai, y compris les règles relatives au point de départ, à l'interruption et à la suspension d'un délai de prescription ou de déchéance.

Chapitre III - Règles communes🔗

Article 80🔗

La personne lésée peut agir directement contre l'assureur du responsable si le droit applicable aux obligations prévues par le présent titre ou le droit applicable au contrat d'assurance le prévoit.

Article 81🔗

Quel que soit le droit applicable à l'obligation, les tribunaux de la Principauté tiennent compte, à titre d'élément de fait, des règles de sécurité et de comportement en vigueur au lieu et au jour de la survenance du fait qui a entraîné la responsabilité.

Article 82🔗

Le droit qui s'applique, en vertu de la présente loi, au contrat liant le cédant et le cessionnaire ou le subrogeant et le subrogé, régit leurs obligations se rapportant à la créance contre le tiers débiteur.

Le droit qui régit la créance faisant l'objet de la cession ou de la subrogation détermine le caractère cessible de cette créance, les rapports entre le cessionnaire ou le subrogé et le débiteur, les conditions d'opposabilité de la cession ou de la subrogation au débiteur et le caractère libératoire de la prestation consentie par celui-ci.

La cession au sens du présent article s'entend des transferts de créances purs et simples ou à titre de garantie, ainsi que les nantissements ou autres sûretés sur les créances.

Article 83🔗

Lorsqu'un tiers s'oblige à désintéresser ou désintéresse le créancier d'une obligation contractuelle ou non contractuelle, le droit applicable à son obligation détermine la possibilité pour lui d'être subrogé dans les droits du créancier envers le débiteur selon le droit régissant leurs relations.

Article 84🔗

Lorsqu'un créancier a des droits à l'égard de plusieurs débiteurs qui sont tenus à la même obligation et que l'un d'entre eux l'a déjà désintéressé en totalité ou en partie, le droit de ce dernier d'exercer un recours contre les autres débiteurs est régi par le droit applicable à son obligation envers le créancier.

Article 85🔗

À défaut d'accord entre les parties sur la possibilité de procéder à une compensation, celle-ci est régie par le droit applicable à l'obligation à laquelle elle est opposée.

Titre IV - Biens🔗

Article 86🔗

Les droits réels portant sur un immeuble sont régis par le droit de l'Etat de situation de l'immeuble.

Article 87🔗

L'acquisition et la perte des droits réels portant sur un meuble sont régies par le droit de l'Etat de situation du meuble au moment des faits sur lesquels se fonde l'acquisition ou la perte.

Lorsqu'un meuble est transporté de l'étranger dans la Principauté et que l'acquisition ou la perte de droits réels n'est pas encore intervenue à l'étranger, les faits survenus à l'étranger sont réputés s'être réalisés dans la Principauté.

Le contenu et l'exercice de droits réels mobiliers sont régis par le droit de l'Etat de situation du meuble au moment où ils sont invoqués.

Article 88🔗

La revendication d'un meuble irrégulièrement acquis par un possesseur selon le droit de l'Etat où il était alors situé, est régie au choix du propriétaire, soit par le droit de l'Etat sur le territoire duquel était situé ce meuble lors de cette acquisition ou de sa disparition s'il s'agit d'un meuble perdu ou volé, soit par le droit de l'Etat sur le territoire duquel il se trouve lors de sa revendication.

Article 89🔗

L'action qu'exerce un Etat, en revendication ou en retour d'un bien inclus dans son patrimoine culturel, mais exporté de manière illicite au regard de son droit applicable au moment de l'exportation, est régie au choix de cet Etat, par son droit en vigueur lors de cette action, ou par le droit de l'Etat sur le territoire duquel ce bien est alors situé.

Toutefois, si le droit de l'Etat qui inclut le bien dans son patrimoine culturel ignore toute protection du possesseur de bonne foi, celui-ci peut invoquer la protection que lui assure le droit de l'Etat de situation du bien au moment de sa revendication.

Article 90🔗

Les droits réels portant sur les meubles en transit sont régis par le droit de l'Etat de destination prévu par les parties.

Article 91🔗

Les droits portant sur un aéronef, un navire ou tout autre moyen de transport inscrit dans un registre public sont régis par le droit de l'Etat sur le territoire duquel ce registre est tenu.

Titre V - Trusts🔗

Article 92🔗

Le droit applicable au trust est déterminé exclusivement par application des articles 6 et 7 de la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance.

Article 93🔗

Sous réserve de l'article 61, le droit applicable au trust en application de l'article précédent régit l'ensemble des questions énumérées à l'article 8 de la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance.

Article 94🔗

Un trust créé conformément au droit déterminé en application de l'article 92 est reconnu à Monaco et y produit les effets prévus à l'article 11 de la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance.

Titre VI - Dispositions diverses, abrogatives et finales🔗

Article 95🔗

Sont insérés, à l'article 139 du Code civil, après les termes « au moins est », ceux de « Monégasque ou bien est ».

Article 96🔗

Sont insérés, au premier alinéa de l'article 141 du Code civil, après les termes « qui l'a reçu », ceux de « , lorsque l'un d'eux est Monégasque ou domicilié à Monaco au moment de la célébration ».

Article 97🔗

Les articles 1 à 5bis, et 472 à 477 du Code de procédure civile sont abrogés.

Article 98🔗

Le second alinéa de l'article 141 du Code civil, l'article 143 du Code civil et le cinquième alinéa de l'article 1243 du Code civil sont abrogés.

Article 99🔗

Toutes dispositions contraires à la présente loi sont et demeurent abrogées.

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