Projet de loi n° 898 modifiant la loi n° 455 du 27 juin 1947 sur les retraites des salariés, modifiée
Exposé des motifs🔗
Le Gouvernement Princier est animé par la volonté de préserver le régime de retraite par répartition qui est un acquis précieux pour la Principauté, l'ensemble de ses salariés, de ses employeurs et de ses retraités.
Or, même si la tendance est différée et atténuée à Monaco, ce système, comme l'ensemble des régimes des pays développés avant lui, connaît des difficultés structurelles qui, en l'absence de mesures de protection, le conduiraient à ne plus pouvoir honorer le paiement des retraites à l'horizon 2030.
Conformément aux directives de S.A.S. le Prince Souverain, le Gouvernement a donc procédé à une large concertation visant à prendre les décisions nécessaires pour assurer la pérennité à long terme du régime. Celles-ci sont fondées sur des valeurs de solidarité, lui faisant écarter le recours à un régime individualiste de retraite par capitalisation, de partage équitable des efforts nécessaires entre employeurs et salariés et de justice sociale, se caractérisant par le maintien du pouvoir d'achat des retraités actuels.
Le régime général de retraite des salariés est institué, dans la Principauté, par la loi n° 455 du 27 juin 1947 sur les retraites des salariés. Celle-ci met en place un régime :
par répartition, ce qui implique la mise en œuvre d'une solidarité intergénérationnelle ;
par points, ce qui induit une stricte proportionnalité entre le montant global des cotisations acquittées et celui des prestations servies ;
partiellement provisionné, savoir adossé à des réserves ;
à cotisations définies, le taux de la cotisation de base étant légalement fixé à 12,30 % réparti à parts égales entre employeur et salarié.
Théoriquement, la principale variable d'ajustement du régime est donc le niveau des prestations, lequel dépend lui-même de la valeur du point dont le montant maximal est fixé par référence au salaire de base.
Or, comme rappelé plus haut, l'ensemble des régimes de retraite par répartition des pays développés connaît, depuis de nombreuses années, des difficultés structurelles, liées notamment à la forte augmentation de l'espérance de vie et donc à l'allongement de la durée de perception des pensions et à son corollaire, la dégradation du ratio nombre de salariés cotisants par rapport au nombre de retraités.
La Principauté est confrontée depuis plusieurs années au même phénomène, certes dans une moindre mesure, grâce à une forte augmentation de sa population salariée qui a été multipliée par 7 depuis 1947.
Le débat sur la nécessité de décider de mesures de préservation de notre régime de retraite par répartition des salariés remonte d'ailleurs déjà à une dizaine d'années.
Depuis 2003 en effet, trois études ont été menées par deux actuaires différents, J.W.A et S.P.A.C., et la plus récente a été réactualisée en 2011. Elles concluent toutes au déséquilibre structurel du régime et à l'épuisement des réserves à l'horizon 2030, avec pour conséquence, en l'absence de décision, une diminution drastique des retraites, compte tenu de l'écart très important entre les recettes et les pensions à payer.
Il serait inacceptable d'en arriver à cette issue.
Ainsi, le Comité de Contrôle de la Caisse Autonome des Retraites (C.A.R.), présidé par le Ministre d'Etat ou son représentant – en l'occurrence le Conseiller de Gouvernement pour les Affaires Sociales et la Santé – et composé en nombre égal de représentants du Gouvernement, des salariés et des employeurs, élargi aux membres du Comité Financier, a tenu deux réunions dès les 11 mars et 22 juin 2009, afin de déterminer des seuils d'alerte et de déclenchement de mesures de protection du régime.
La réunion du 22 juin 2009 a été plus spécialement consacrée à la validation de ces indicateurs de surveillance. Le Comité de Contrôle et les membres du Comité Financier ont approuvé, à l'unanimité, des indicateurs et seuils, qui, si un seul d'entre eux était franchi, devaient entraîner l'adoption de mesures de protection.
Or, depuis octobre 2010, un de ces seuils est dépassé, puisque le déficit du régime principal est supérieur à 40 % du résultat de la gestion du Fonds de Réserve de la C.A.R. (54,94 % en 2009/2010 et 64,36 % en 2010/2011). Et depuis octobre 2011, un deuxième seuil est atteint, celui de trois années successives de déficit de l'activité principale. Après un résultat négatif de -8,7 millions d'euros en 2008/2009, le déficit est effectivement passé à 11,83 millions d'euros en 2009/2010, puis à 12,28 millions d'euros en 2010/2011.
Il convient de rappeler, pour comprendre ces résultats, qu'en 1970 la durée moyenne de perception des pensions était de 7 ans, alors qu'elle est passée à 19 ans en 2010, faisant diminuer le nombre de salariés cotisant pour une pension de retraite durant la même période de 3,32 à 1,38.
De plus, les droits délivrés par le régime sont en constante augmentation creusant ainsi son déficit. En pratique, le nombre de points annuels acquis par un actif bénéficiant d'un salaire moyen n'a cessé d'augmenter dans notre régime, puisqu'il est passé d'environ 27 points par an en 1992 à plus de 31 points par an aujourd'hui.
En effet, le salaire de base, qui permet de déterminer la valeur d'acquisition du point de retraite par un salarié, a évolué sur la même période plus rapidement que l'inflation (+1,1 point).
Le régime est donc désormais face à une situation d'urgence et il importe de décider rapidement des nécessaires mesures à prendre pour le protéger car plus tôt celles-ci seront prises, moins elles seront brutales et difficiles à supporter pour les employeurs et les salariés.
Fort de ce constat et considérant les études d'actuaires, les résultats du régime, le franchissement des seuils d'alerte ci-dessus exposés, et déférant aux directives de S.A.S. le Prince Souverain, le Gouvernement a entamé, en décembre 2011, une large concertation avec les partenaires sociaux conduite par le Conseiller de Gouvernement pour les Affaires Sociales et la Santé.
Des réunions ont ainsi été successivement organisées, d'abord séparément avec chaque partenaire, puis de manière collégiale, à trois reprises, avec la Direction des Caisses Sociales de Monaco, l'Union des Syndicats de Monaco, l'Union des Retraités de Monaco et la Fédération Patronale Monégasque, les 31 janvier, 20 février et 23 mars 2012.
Pendant plusieurs mois, le Gouvernement a mené ces discussions de la façon la plus ouverte possible, en écoutant les positions de chacune des parties, mais fort néanmoins de valeurs et de convictions quant à la nécessité de préserver le principe d'une société solidaire et donc notre régime de retraite par répartition qui est à la fois le plus juste et le meilleur pour l'ensemble des salariés et des retraités. Rappelons qu'il sert aujourd'hui des pensions de 30 à 80 % supérieures à celles assurées par le régime de base français pour des carrières et salaires équivalents, qu'il permet un départ à la retraite dès 60 ans et que les employeurs ont un taux de cotisation de base inférieur de plus de 2 points au taux français.
Ces discussions n'ont néanmoins pas permis de dégager un consensus entre les parties.
Le Gouvernement, prenant ses responsabilités, a, par conséquent, été amené à trancher et à prendre l'initiative de mesures d'ajustement de paramètres.
Dans cette perspective, il n'était pas envisageable d'autoriser l'utilisation des réserves et du capital du Fonds de Réserve de la C.A.R. pour financer le paiement des pensions et le déficit projeté du régime.
En effet, le Fonds ne doit être utilisé que dans le cas de difficultés circonscrites dans le temps. L'utiliser pour combler un déficit structurel précipiterait la faillite en accélérant la disparition des réserves disponibles et donc des intérêts qu'elles produisent.
Enfin, à ce stade, il est apparu que les réformes de structure, portant notamment sur l'allongement de la durée de cotisation, ne se justifiaient pas.
Pour prendre des décisions en toute connaissance de cause, le Gouvernement a demandé à la Direction des Caisses Sociales de faire réaliser par un actuaire des simulations et des projections correspondant aux objectifs et choix suivants :
assurer avec efficacité la pérennité du régime à long terme (horizon 2050) ;
préserver le pouvoir d'achat des actuels retraités, qui ne seront donc pas concernés par les mesures objet du présent projet de loi ; ceux-ci n'ont, en effet, pas à subir une diminution de leur pouvoir d'achat qui leur serait particulièrement préjudiciable, cette catégorie de population n'étant plus en mesure de s'assurer un complément de revenus ;
conformément aux principes fondamentaux du régime, partager équitablement l'effort nécessaire, entre employeurs et salariés ;
prendre en compte des hypothèses de croissance raisonnablement optimistes (+2,5 % alors que la progression constatée du nombre d'heures travaillées lors des dernières décennies a été de +2,6 % en moyenne), afin de ne pas faire supporter une augmentation du taux de cotisation qui ne serait pas pleinement justifiée par le déficit du régime et absolument indispensable.
Les mesures sont donc modérées et graduées.
Les résultats de ces études ont conduit le Gouvernement à arrêter, d'une part, des dispositions de court terme ayant un effet immédiat significatif et, d'autre part, des dispositions de long terme. Les premières devront permettre à celles ayant une incidence progressive à long terme de produire effet et d'infléchir la tendance déficitaire du régime.
En conséquence, les mesures envisagées portent à la fois sur une augmentation modérée et progressive du taux de cotisation à la charge de l'employeur (entre 0,8 et 1,3 %) et du salarié (entre 0,4 et 0,7 %), ainsi que sur une évolution différenciée de la valeur du point et du salaire de base.
Cette gradation des mesures est rendue possible par la volonté de ne pas figer dans le marbre de la loi les taux de cotisation et le montant du salaire de base. De fait, le Gouvernement a choisi de donner la capacité au Comité de Contrôle de la C.A.R. de piloter le régime de manière pragmatique et efficace en décidant chaque année du taux de cotisation ou du salaire de base, en fonction des résultats enregistrés.
Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité garantir dans le temps le service de l'ensemble des prestations, y compris de l'allocation conjoint versée aux retraités les plus modestes et de l'allocation décès, prises en charge sur le Fonds d'Action Sociale, en modifiant les modalités d'abondement de celui-ci. Ainsi, le présent projet de loi permet d'affecter une part des cotisations à ce Fonds, alors qu'il était précédemment alimenté par une part des intérêts du Fonds de Réserve de la C.A.R. Si une telle disposition n'avait pas été prévue, il aurait été impossible, en l'état actuel de la loi, de verser l'intégralité de ces allocations à compter du mois d'octobre 2012.
Sous le bénéfice de ces observations d'ordre général, le présent projet de loi appelle les commentaires particuliers ci-après.
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Le présent projet de loi comprend dix articles qui modifient des dispositions de la loi n° 455 du 27 juin 1947 sur les retraites des salariés, à l'exception des deux derniers qui instaurent des dispositions transitoires.
Le projet de loi affecte tout d'abord l'article 8 ter de ladite loi en fixant une limite à l'évolution du montant du salaire de base fixé par arrêté ministériel. Cette évolution différenciée du point futur de retraite et du salaire de base ne vise pas à donner moins, mais à ne plus donner de points supplémentaires pour les retraites futures, comme cela est constaté depuis des années. Avec cette stabilisation globale des points distribués, les futurs retraités bénéficieront globalement d'une retraite équivalente à celle de leurs aînés, mais sans y ajouter le processus continu d'augmentation que nous connaissons aujourd'hui, puisque le salaire de base augmente chaque année plus vite que l'inflation, en moyenne de +1,1 point. Sur le long terme, cette mesure, combinée à l'augmentation des taux de cotisation, permet d'équilibrer l'effort des salariés et des employeurs (articles premier et 2).
Le Gouvernement Princier projette ensuite de modifier le calcul du taux de base qui, avec le taux additionnel variable, sert à déterminer le montant des cotisations salariale et patronale. Ce taux de base, qui est actuellement un taux fixe de 6,15 %, sera désormais obtenu par la combinaison d'un taux fixe de 6,15 % et d'un taux d'ajustement.
Le taux d'ajustement sera fixé annuellement par arrêté ministériel dans le respect d'une fourchette fixée par le projet de loi.
Ainsi, pour le salarié, la valeur de ce taux d'ajustement ne pourra être inférieure à 0,40 %, ni supérieure à 0,70 %. Pour l'employeur, ces valeurs sont respectivement fixées à 0,80 % et 1,30 %. En outre, la majoration de ce taux devra être appliquée à due proportion pour l'employeur et le salarié (article 3).
L'article 13 de la loi n° 455 du 27 juin 1947, qui fait référence à des alinéas d'articles modifiés par le présent projet de loi, est également l'objet d'une modification destinée à conserver la cohérence de ces références (article 4).
De surcroît, le projet de loi institue un ordre de priorité dans l'affectation des cotisations versées. Ces cotisations doivent tout d'abord être affectées à la couverture des frais de gestion, puis au paiement des pensions et, en dernier lieu, à la constitution et au financement d'un Fonds d'Action Sociale destiné à permettre l'attribution d'aides exceptionnelles aux bénéficiaires de pension (article 5).
Il est néanmoins prévu qu'une partie de ces cotisations puisse être affectée au Fonds de Réserve (article 6).
S'agissant dudit Fonds de Réserve, le projet de loi instaure aussi un ordre de priorité dans l'affectation de ses produits lorsque celle-ci s'avère nécessaire. La priorité bénéficie à la couverture du paiement des pensions, puis au paiement des prestations servies sur le Fonds d'Action Sociale (article 7).
Le projet de loi précise par ailleurs, dans l'article 31 ter de la loi n° 455 du 27 juin 1947 consacré notamment à la détermination du montant des sommes affectées à ce Fonds d'Action Sociale, l'origine de ces sommes lesquelles proviennent de l'affectation susmentionnée des cotisations et, pour le surplus, des produits conformément à leur ordre de priorité (article 8).
Enfin, le projet de loi se termine par deux dispositions transitoires, l'une concernant le salaire de base, l'autre le taux de base d'ajustement (articles 9 et 10).
Tel est l'objet du présent projet de loi.
Dispositif🔗
Article 1er🔗
Le quatrième alinéa de l'article 8 ter de la loi n° 455 du 27 juin 1945, modifiée, est modifié comme suit :
« Les salaires ou rémunérations supérieurs au quadruple du salaire de base, ne sont compris que pour ce montant dans le calcul de la cotisation. »
Article 2🔗
Est inséré après le quatrième alinéa de l'article 8 ter de la loi n° 455 du 27 juin 1945 un alinéa rédigé comme suit :
« Le montant du salaire de base est fixé par arrêté ministériel, pris après avis du Comité de Contrôle et du Comité Financier de la Caisse, de sorte que son évolution au cours d'un exercice donné n'excède pas celle de la valeur de la retraite entière annuelle majorée de 1,1 point. »
Article 3🔗
Le premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 455 du 27 juin 1945, modifiée, est remplacé par six alinéas rédigés comme suit :
« Le taux de base est composé d'un taux fixe et d'un taux d'ajustement. Il est appliqué aux rémunérations afférentes aux périodes d'activité effectives.
Le taux de base fixe est établi pour l'employeur et le salarié à 6,15 % chacun.
Le taux de base d'ajustement est fixé préalablement à chaque exercice par arrêté ministériel pris après avis du Comité de Contrôle et du Comité Financier de la Caisse.
Ce dernier taux, qui ne peut avoir une valeur inférieure à 0,80 % pour l'employeur et à 0,40 % pour le salarié ne peut excéder 1,30 % pour l'employeur et 0,70 % pour le salarié.
Les majorations du taux de base d'ajustement sont réparties à due proportion sur l'employeur et le salarié.
La double cotisation correspondant au taux de base est versée par l'employeur qui retient sur la rémunération du salarié le montant de la cotisation dont celui-ci est redevable. »
Article 4🔗
Le premier alinéa de l'article 13 de la loi n° 455 du 27 juin 1945, modifiée, est modifié comme suit :
« Le nombre de points de retraite acquis par un salarié au cours d'un exercice est déterminé en divisant par le salaire de base visé à l'article 8 ter, le montant de sa rémunération mensuelle moyenne, telle que déclarée en vertu de l'article 8 bis et des reconstitutions effectuées en application de l'article 9. »
Article 5🔗
Le premier alinéa de l'article 30 de la loi n° 455 du 27 juin 1945, modifiée, est modifié comme suit :
« L'ensemble des cotisations versées par application des articles 8 ter et 9 est affecté par ordre de priorité :
1) à la couverture des frais de gestion ;
2) au paiement des pensions dans les conditions prévues à l'article 17 ;
3) à la constitution et au financement d'un Fonds d'Action Sociale destiné à permettre l'attribution d'aides exceptionnelles aux bénéficiaires de pension. »
Article 6🔗
Est inséré après le premier alinéa de l'article 30 de la loi n° 455 du 27 juin 1945, modifiée, un alinéa rédigé comme suit :
« Un pourcentage des cotisations peut toutefois être affecté au Fonds de Réserve. »
Article 7🔗
Le second alinéa de l'article 31 bis de la loi n° 455 du 27 juin 1945, modifiée, est modifié comme suit :
« Toutefois, parmi ces produits, ceux qui par leur périodicité participent à la nature des fruits civils peuvent être affectés, en cas de nécessité, dans les conditions prévues à l'article 33 et selon l'ordre de priorité suivant :
1) au paiement des pensions ;
2) au paiement des prestations servies sur le Fonds d'Action Sociale. »
Article 8🔗
Les deux premiers alinéas de l'article 31 ter de la loi n° 455 du 27 juin 1945, modifiée, sont modifiés comme suit :
« À la fin de chaque exercice un arrêté ministériel, pris sur avis du Comité Financier et du Comité de Contrôle, fixe le montant des sommes à affecter au Fonds d'Action Sociale lesquelles sont prélevées sur les cotisations en application de l'article 30 et, pour le surplus éventuel, sur les produits civils du Fonds de Réserve en application de l'article 31 bis.
Dans le cas où le montant de la dotation excède les disponibilités, le reliquat négatif peut être, à titre exceptionnel, affecté au Fonds de Roulement du Fonds d'Action Sociale. »
Article 9🔗
Le salaire de base mentionné à l'article 2 est porté à sa valeur maximale au cours du premier exercice suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.
Article 10🔗
Le taux de base d'ajustement mentionné à l'article 3 est fixé au cours du premier exercice suivant l'entrée en vigueur de la présente loi à sa valeur minimum de 0,80 % pour l'employeur et de 0,40 % pour le salarié.