Projet de loi n° 848 portant modification de certaines dispositions du Code de procédure pénale

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Exposé des motifs🔗

Depuis son entrée en vigueur le 2 avril 1963, le Code de procédure pénale a fait l'objet, en plus de quarante ans, de vingt-deux réformes et modifications, chacune ayant eu comme source et effet l'évolution et l'actualisation de la procédure pénale. Ainsi peut-on citer, parmi les réformes les plus significatives, celle opérée par la Loi n°1.161 du 7 juillet 1993 portant création de l'infraction de blanchiment, ou la Loi n°1.274 du 25 novembre 2003 relative à la fausse monnaie, au titre des réactions nécessaires aux nouveaux défis criminels. De même, l'on relèvera avec intérêt la Loi n°1.031 du 23 décembre 1980 concernant la Cour de révision, ou la Loi n°1.200 du 13 janvier 1998 relative à l'instruction, au titre des évolutions organisationnelles et fonctionnelles.

Ces réformes traduisent la constante volonté du Gouvernement Princier de pourvoir à l'adaptation de la justice en général et de la procédure pénale en particulier.

Chacune de ces évolutions a été opérée à la lumière de la Constitution du 17 décembre 1962 qui, par excellence, exprime avec vigueur et solennité l'indéfectible attachement de la Principauté de Monaco à la perspective cardinale du respect de la liberté, de la sûreté individuelle et de la personnalité humaine.

Tel est le cas, au sein de ces consécrations textuelles de premier ordre, des articles 19, 21 et 22 de la Constitution.

Ainsi l'article 19 dispose notamment que « Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge, laquelle doit être signifiée au moment de l'arrestation ou, au plus tard, dans les vingt-quatre heures. Toute détention doit être précédée d'un interrogatoire ».

De la même manière, en sus de ces principes fondamentaux inhérents aux privations de liberté, les articles 21 et 22 encadrent toute procédure de perquisition et de collecte de preuve, en précisant que « Le domicile est inviolable. Aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans les conditions qu'elle prescrit » ou que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et au secret de sa correspondance ».

Au demeurant, il est aujourd'hui avéré que les droits du justiciable désormais érigés en droits de l'homme font, depuis une vingtaine d'année au moins, l'objet de l'attention sans cesse plus soutenue des textes et instruments internationaux portant promotion et protection des garanties fondamentales. A cet égard, la Convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme servent assurément de point focal.

De fait, dès 2001 et donc avant la ratification de la Convention européenne des droits de l'homme par la Principauté, la Cour d'Appel, appliquant les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques traitant du droit au procès équitable, avait expressément relevé l'analogie existante avec celles de la Convention.

Depuis cette ratification intervenue le 30 novembre 2005, les normes et applications prétoriennes européennes ont logiquement reçu application de la part du juge. Ainsi, dans un arrêt du 14 décembre 2005, la Cour d'Appel a-t-elle pu juger que la Convention européenne, « désormais incorporée dans l'ordre juridique monégasque, impose ainsi aux juridictions de la Principauté d'assurer la sanction des droits qu'elle garantit, au moyen d'une application du droit interne fondée sur les stipulations qu'elle comporte ».

Aussi est-ce dans la perspective ainsi dégagée, en considération d'impératifs tenant à la lisibilité, à l'accessibilité et à la prévisibilité de la loi, qu'a été élaboré le présent projet de loi, lequel apparaît au demeurant à l'unisson des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme.

Cela étant, les innovations que contient le texte peuvent être brièvement énoncées comme suit :

L'introduction et réglementation de la garde à vue : le Gouvernement Princier a entendu préciser les cas où la privation de liberté peut être autorisée, ainsi que les différentes garanties offertes aux individus faisant l'objet d'une telle mesure. A cet égard, l'actuel code n'apporte aucune précision, et la référence au seul article 19 de la Constitution s'avérait insuffisante. En choisissant de déterminer le régime juridique de cette mesure, le présent projet de loi tend à fixer désormais de manière précise les exigences y afférentes.

La détermination du régime juridique des écoutes téléphoniques : pour autant qu'elles soient nécessaires dans le cadre de la découverte d'infraction ou du déroulement d'une enquête, ces mesures sont, notamment en application de l'article 8 § 1er de la Convention européenne des droits de l'homme, une ingérence dans la vie privée et la correspondance. Si cette ingérence est subordonnée à plusieurs conditions – tenant notamment à la prévision légale, à la nécessité dans une société démocratiques et à la prévention des infractions pénales – il convenait que ces dernières soit intégrées de jure dans le Code de procédure pénale.

Les dispositions nouvellement introduites contribuent dorénavant au respect de ces multiples prescriptions.

La restructuration et rationalisation des procédures de détention provisoire, et de contrôle judiciaire : il s'est agi à nouveau d'assurer l'efficience du dispositif projeté, notamment au regard des stipulations de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La réorganisation de la procédure de contumace : la procédure de contumace jusqu'alors en vigueur à Monaco ne permettait pas à l'accusé absent aux audiences de faire présenter sa défense au fond par un avocat, et le privait de son pourvoi en cassation dès lors qu'il ne se constituait pas prisonnier. Les dispositions nouvellement introduites dans le Code de procédure pénale tendent donc à préciser de manière efficiente le régime juridique de cette procédure spéciale.

Si, chronologiquement, les dispositions projetées figuraient originellement dans le projet de loi relative au nouveau Code de procédure pénale, le Gouvernement Princier a privilégié la voie d'un projet de loi distinct, afin d'éviter l'écueil d'une longanimité préjudiciable aux prescriptions européennes.

Participant d'une logique d'équilibre, de réactivité et d'efficience, cette démarche s'inscrit au demeurant dans le prolongement du mouvement initié par l'adoption récente de la Loi n° 1.327 du 22 décembre 2006 relative à la procédure de révision en matière pénale.

Sous le bénéfice de ces considérations générales, les dispositions projetées appellent les observations particulières suivantes.

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L'article premier du présent projet de loi constitue une innovation d'ampleur, introduisant au sein du Code de procédure pénale les nouveaux articles 47-1 à 47-11, consacrés à la garde à vue.

L'article 19 de la Constitution, tel que rappelé précédemment, pose les fondements en ce qui concerne les garanties de la défense en matière de privation de liberté. Aussi est-ce naturellement à l'aune de ses dispositions qu'il convient, à titre de préalable nécessaire, de positionner, d'articuler et d'apprécier les articles projetés suivants.

Cet article, en son second alinéa, traite exclusivement des « arrestations », c'est-à-dire des privations de libertés résultant d'un mandat d'arrêt, délivré dans le seul cadre d'une procédure d'information judiciaire, ce texte réitérant par ailleurs ne varietur l'article 6 de l'Ordonnance Constitutionnelle du 5 janvier 1911.

L'arrestation ainsi explicitée est une mesure gravement attentatoire à la liberté individuelle, car conduisant à l'incarcération. Elle procède par essence d'une logique de préservation de l'ordre public, articulée autour des besoins de protection des témoins et victimes, et dans le but tutélaire de mettre fin à l'infraction, de mettre un terme au trouble causé à l'ordre public en raison de la gravité de l'infraction, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice causé.

La garde à vue ne relève pas de la même échelle de valeurs.

Elle est une mesure de contrainte, décidée par un officier de police judiciaire à l'enseigne de personnes qui, tout en n'étant ni prévenues ni inculpées, doivent cependant rester à la disposition des autorités de police pour les nécessités de l'enquête et qui, dans cette perspective, se voient privées, pendant une durée brève et limitée, de leur liberté d'aller et de venir, dans le seul but précis de leur audition par les services de police.

Ainsi, parce qu'elles ne répondent pas aux mêmes nécessités, n'ont pas la même finalité ni la même portée, et ne se situent pas dans la même réalité policière et judiciaire, la garde à vue et « l'arrestation » prévue par l'article 19 de la Constitution n'appellent pas le même régime juridique ni les mêmes garanties.

Pour autant, lors même que des données policières statistiques tendraient le cas échéant à en pondérer l'ampleur en faisant état d'une application plus que modérée, la garde à vue, de par sa seule existence, implique une nécessaire traduction légale.

Aussi, le Gouvernement princier a-t-il souhaité prendre la mesure, expressis verbis, de réalité policière et judiciaire qu'est la garde à vue, et préciser les cas où la privation de liberté est autorisée, ainsi que les différentes garanties offertes aux mis en cause faisant l'objet d'une telle mesure.

Les dispositions des nouveaux articles 47-1 à 47-11 appréhendent les conditions de fond de la garde à vue, les délais qui en limitent l'emploi et les garanties dont elle est entourée.

L'article 47-1 nouveau traite des conditions de placement en garde à vue en précisant, d'une part, l'autorité de placement en garde à vue, savoir un officier de police judiciaire, et d'autre part, la personne susceptible de faire l'objet de cette mesure.

L'alinéa premier réserve la qualité de gardé à vue à la personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit, c'est à dire un suspect. De ce fait, un simple témoin contre lequel il n'existe aucun indice de culpabilité ne peut donc être placé en garde à vue.

L'article 47-1 n'exige toutefois pas que les indices relevés contre une personne présentent une certaine gravité pour permettre son placement en garde à vue, qui reste possible quelle que soit l'importance ou la nature des indices en cause, dès lors que les nécessités de l'enquête le justifient. Il peut s'agir notamment d'indices matériels, mais également de la mise en cause d'un tiers – victime ou témoin – de déclarations de l'intéressé que contrediraient les constatations des enquêteurs, du comportement anormal de la personne sur les lieux des faits.

L'alinéa premier dispose in fine que la personne gardée à vue peut faire l'objet d'une fouille au corps. Le souci de protéger la dignité des personnes retenues et notamment leur pudeur devra être pris en compte par les enquêteurs lors des opérations diligentées par le médecin requis. Cette règle devra bien évidemment être appliquée dans des conditions compatibles avec les exigences normales de sécurité et suppose pour les enquêteurs de dresser un procès-verbal de ces opérations, notamment si celles-ci ont abouti à la découverte de stupéfiants.

L'article 47-2 nouveau énonce que les enquêteurs doivent aviser le Procureur général, dès le début de cette mesure. Ces dispositions ne précisent pas les modalités selon lesquelles le Procureur général doit être informé par les enquêteurs du placement en garde à vue ; aussi l'avis au magistrat pourra se faire par téléphone ou par télécopie.

En pratique, il est prévisible que les officiers de police judiciaire notifieront tout d'abord à la personne placée en garde à vue les droits qui sont les siens (cette notification devant être immédiate), puis qu'ils procèderont aussitôt à l'information du Procureur général.

Au demeurant, l'information du Chef du Parquet juste à la suite de la notification des droits est de nature à permettre à celui-ci d'exercer plus efficacement ses prérogatives, par exemple en autorisant l'officier de police judiciaire à différer l'information d'un proche demandé par le gardé à vue, ou en ordonnant un examen médical que le gardé à vue n'aurait pas lui-même demandé.

Toutefois, si la notification au gardé à vue de ses droits doit se trouver différée en cas de circonstances insurmontables, l'avis au Procureur général devra en revanche intervenir avant cette notification, à moins que les circonstances de l'espèce rendent également momentanément impossible l'information du parquet. Ainsi, si l'état physique ou psychique de la personne gardée à vue ne lui permet pas de comprendre ses droits et justifie le report de leur notification, il n'interdit pas de procéder sans délai à l'avis au Procureur général, sans attendre cette notification.

Les enquêteurs devront mentionner dans leur procès-verbal que le procureur a été informé du placement en garde à vue, en précisant l'heure à laquelle cette information a été effectuée, ainsi que l'identité du magistrat du parquet qui en a été le destinataire. Il n'est nécessaire ni de préciser les moyens par lesquels cette information a été donnée, ni d'en annexer d'éventuels justificatifs au procès-verbal.

Les enquêteurs préciseront par ailleurs dans le procès-verbal la nature des circonstances insurmontables qui, le cas échéant, les auront empêchés de prévenir le parquet sans délai.

L'article 47-3 nouveau est consacré à la durée de la garde à vue ; à cette occasion, il procède à une innovation significative en intégrant, au sein du Code de procédure pénale, un nouvel acteur judiciaire : le juge des libertés.

Le délai de droit commun en matière de durée de garde à vue est de vingt-quatre heures. Cette durée peut être augmentée d'un second délai de vingt-quatre heures, mais sur seule autorisation du juge des libertés. Magistrat du siège désigné par le Président du tribunal de première instance, éventuellement en application d'un tableau de roulement établi à cet effet, le juge des libertés a donc compétence exclusive en matière de prolongation de garde à vue. Il est saisi à cette fin par réquisitions du Procureur général – agrémentées de tous documents utiles – et statue par ordonnance motivée immédiatement exécutoire. Sa décision doit être notifiée à la personne gardée à vue avant l'expiration des premières vingt-quatre heures du placement en garde à vue.

Des délais exceptionnels existent, notamment en matière de blanchiment du produit d'une infraction, d'infractions à la législation sur les stupéfiants, ou d'infractions contre la sûreté de l'État.

Dans ces hypothèses, après un premier renouvellement selon le droit commun, la garde à vue peut-être prolongée pour un délai supplémentaire de quarante-huit heures, ce qui porte à quatre jours la durée maximale de la mesure.

La détermination du point de départ des délais revêt une importance significative, dès lors qu'à ce moment doivent impérativement être notifiés à la personne visée les droits que la loi lui accorde au cours de l'exécution de la mesure. Plusieurs situations doivent toutefois être distinguées.

Lorsqu'un individu est appréhendé en état de flagrance, la garde à vue débute, non pas avec l'arrestation, ni avec l'arrivée dans les locaux de police, mais avec la décision prise par l'officier de police judiciaire à qui cet individu est présenté.

D'autre part, lorsqu'une personne, dûment convoquée par la police, néglige ou refuse de se présenter et qu'il importe de la contraindre par la force publique à comparaître, la garde à vue commence, de la même manière, au moment de la présentation à l'officier de police judiciaire et de la décision qu'il prend alors.

Il importe également d'envisager la personne qui, de sa propre initiative ou sur convocation, se présenterait librement devant l'officier de police judiciaire qui l'interroge, ou de la personne qui, sans contrainte, assiste à la perquisition effectuée à son domicile et, par la suite, accompagnerait librement les enquêteurs dans les locaux où elle sera interrogée.

Cependant, il ne saurait être envisagé de situer ce point de départ rétroactivement au début de l'opération à l'issue de laquelle l'officier de police judiciaire a décidé de retenir la personne qu'il a entendu ou chez laquelle il a effectué une perquisition.

Cette solution, apparemment très protectrice de la liberté individuelle, serait pourtant illogique et inexacte : illogique, car elle tiendrait pour gardée à vue une personne contre laquelle aucune mesure de contrainte n'a encore été décidée ; inexacte, car elle dissocierait le début de la garde à vue et la notification de ses droits au mis en cause, alors que ces mesures doivent être concomitantes.

En ce cas, il convient de placer le point de départ du délai à la fin de l'audition, quand l'enquêteur interdit à l'intéressé de rentrer chez lui. Le prononcé de la garde à vue et la notification des droits doivent être prononcés simultanément, et le début de la mesure de contrainte être fixé en même temps, soit à la fin de l'audition, soit à la fin de la perquisition – si les objets découverts font naître ou renforcent les soupçons à l'égard de l'intéressé – soit même au départ de l'audition ou de la perquisition si les soupçons existants paraissent assez forts dès cet instant.

L'article 47-4 nouveau met en place la notification des droits du gardé à vue. Partant, il constitue le premier de plusieurs articles autour desquels s'articulent les garanties de fond accordées à la personne visée.

Selon les dispositions de cet article, la notification des droits à la personne gardée à vue doit intervenir immédiatement, y compris sur les lieux d'une intervention (perquisition, transport, etc.) et, comme mentionné ci-dessus, dès qu'a été prise la décision de placer une personne en garde à vue.

La validité d'une notification verbale, substitut temporaire de la notification écrite, sur les lieux de l'exécution d'un acte, pourra être retenue, mais à une triple condition pragmatique :

  • la notification verbale doit être dictée par les nécessités de l'enquête, en pratique lorsque la décision de placement en garde à vue est décidée en dehors d'un local de police, notamment à l'occasion d'une perquisition ;

  • la notification verbale doit être effective, mentionnée dans le procès-verbal de placement en garde à vue ;

  • la notification verbale doit être suivie de la notification légalement exigée, par procès-verbal, dès qu'ont cessé les circonstances qui ont empêché la notification écrite immédiate, en pratique dès le retour de l'officier de police judiciaire à son service.

Cette notification verbale pourra se faire par tout moyen. Il sera ainsi possible, afin d'assurer le respect de cette exigence d'information immédiate lorsque celle-ci intervient hors les locaux de police, de remettre à l'intéressé un formulaire spécifique. Une copie de l'avis remis à l'intéressé pourra être jointe au procès-verbal de notification, dans lequel la personne reconnaîtra avoir reçu un tel document. La lecture combinée des articles 47-5 à 47-8 projetés précise les droits desquels la personne gardée à vue doit être successivement avisée.

L'article 47-5 nouveau précise le droit d'être informé de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.

Le Gouvernement a souhaité rendre le régime juridique de la garde à vue compatible avec l'article 5-2 de la Convention européenne des droits de l'homme qui stipule que toute personne faisant l'objet d'une mesure privative de liberté doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette mesure et de toute accusation portée contre elle. Aussi cet article impose-t-il désormais aux enquêteurs, dès le début de la garde à vue, de donner connaissance à la personne retenue de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.

Cette information obligatoire devra intervenir avant même la notification des autres droits accordés par la loi aux personnes gardées à vue.

Les dispositions projetées n'imposent pas d'indiquer à la personne gardée à vue le détail des faits qu'elle est soupçonnée avoir commis – tel que par exemple un vol commis en un lieu et à une date précis et au préjudice d'une personne déterminée – mais de l'informer de la nature de l'infraction, c'est-à-dire de sa qualification juridique, telle qu'elle peut être appréciée à ce stade de l'enquête.

Cette information n'implique pas non plus que soient précisés les articles définissant ou réprimant l'infraction et permet de faire référence à des catégories génériques d'infractions, telles que « violences volontaires », sans nécessairement préciser s'il s'agit de violences ayant entraîné une incapacité de travail personnel de plus ou moins vingt jours ou une mutilation.

Si l'enquête porte sur plusieurs infractions dont la personne gardée à vue est soupçonnée être auteur ou complice, les différentes qualifications doivent être mentionnées.

Enfin, si au cours de la garde à vue, une nouvelle infraction vient à être découverte, l'article 47-5 n'impose pas d'en informer le gardé à vue, sauf évidemment si cela a une incidence sur le régime de la garde à vue, comme en cas de découverte d'une infraction de trafic de stupéfiants. La nature de l'infraction doit alors figurer au procès-verbal.

L'article 47-6 nouveau accorde au gardé à vue le droit de faire prévenir aussitôt, par téléphone, de la mesure dont il est l'objet, un de ses proches ou un employeur.

La possibilité d'exercer cette faculté est portée à la connaissance de la personne, immédiatement après la notification de la mesure prise à son encontre. Mention de cette information doit figurer dans le procès-verbal.

La personne concernée peut ne pas faire valoir ce droit au début de la mesure de garde à vue et souhaiter revenir par la suite sur sa décision. Il doit, dans la mesure où cette attitude ne témoigne pas d'une mauvaise foi caractérisée ou d'une volonté de compromettre le bon déroulement de l'enquête, être fait droit à sa demande.

Lorsqu'une impossibilité pratique se présente, telle celle d'établir une conversation téléphonique avec la personne désignée par le gardé à vue, il convient d'en porter mention dans la procédure.

L'article 47-7 nouveau fait de l'examen médical un droit pour la personne gardée à vue, dont elle est informée dès le début de la mesure. Il s'applique à toutes les mesures de garde à vue décidées par un officier de police judiciaire, notamment à celles soumises par la loi à des règles particulières de prolongation. Mention de l'information de la personne gardée à vue doit figurer dans le procès-verbal.

L'intéressé peut faire valoir ce droit dans le cours du délai de vingt-quatre heures et renouveler la demande en cas de prolongation de la garde à vue.

Il ne saurait cependant exiger plusieurs examens médicaux par période de vingt-quatre heures. Les demandes formulées à cette fin, ainsi que la suite qui leur aura été donnée, doivent être consignées au procès-verbal. Le certificat médical est versé au dossier.

Le pouvoir de désigner d'office un médecin, à n'importe quel moment des délais prévus à l'article 47-3, pour examiner la personne gardée à vue, est également conféré au Procureur ou à l'officier de police judiciaire en charge de la mesure. Il convient notamment de faire usage de cette disposition lorsque la personne fait état d'une souffrance physique ou d'un état de santé déficient, ou encore lorsqu'elle présente des troubles mentaux caractérisés. L'examen médical est également requis d'office dans le cas où la personne porte des blessures ou des traces de coups ou de violences.

L'exercice, par les autorités précédemment désignées, de cette faculté prévue par la loi doit, dans le cas où le gardé à vue sollicite l'examen médical prévu aux présentes dispositions, être considéré comme présentant un caractère subsidiaire. Aussi, quand bien même l'officier de police judiciaire ou le Procureur général aurait désigné d'office un médecin pour examiner la personne gardée à vue, et qu'il aurait déjà été procédé à cet examen, doit-il être fait droit aux demandes postérieures formées en application de l'article 47-7.

Le choix du médecin par l'officier de police judiciaire ou le Procureur n'obéit à aucune règle définie. Il n'en est pas de même lorsque l'examen médical est demandé par le gardé à vue. Le praticien sera alors choisi par l'auteur de la requête sur une liste établie par le Procureur général.

L'article 47-7 ne définit pas les modalités d'établissement de cette liste. On doit considérer qu'il s'agit d'une liste permanente, révisable à tout moment et tenant compte, en tant que de besoin, des contingences locales, notamment géographiques. Le Procureur général établit cette liste après avoir pris tout contact utile notamment avec l'ordre des médecins.

Enfin, le présent article s'attache à définir l'intervention du médecin. Celui-ci examine la personne gardée à vue et établit un certificat médical dont il détermine librement le contenu, la loi précisant cependant qu'il doit se prononcer sur l'aptitude de la personne au maintien en garde à vue. Il va de soi que les principes déontologiques régissant sa profession peuvent conduire le médecin à procéder aux soins que l'état de santé du gardé à vue lui paraît nécessiter; le médecin peut ainsi prescrire la poursuite du traitement suivi par la personne concernée.

En règle générale et sauf instructions contraires du Procureur général ou nécessité médicale, il est procédé à l'examen dans les locaux de police.

Dans l'attente de l'arrivée du médecin, l'officier de police judiciaire peut poursuivre son audition. La demande d'examen ne saurait en effet conduire à suspendre les investigations.

Au cas où le médecin déclare que l'état de la personne est incompatible avec la garde à vue ou avec les interrogatoires, ceux-ci ne peuvent se poursuivre; le certificat médical est annexé au procès-verbal: l'officier de police judiciaire doit alors rendre compte immédiatement au Procureur général, tout spécialement dans le cas où le médecin prescrit qu'il soit procédé à une hospitalisation d'urgence.

L'article 47-8 nouveau est l'une des dispositions essentielles relatives à la garde à vue, en ce qu'il énonce la possibilité désormais accordée à la personne gardée à vue de demander l'assistance d'un avocat dès le début de la mesure de rétention prise à son encontre.

Il résulte des dispositions combinées des articles 47-5 et 47-8 que c'est dès la notification initiale de ses droits que le gardé à vue doit être avisé de son droit d'être assisté par un avocat ; le procès-verbal de notification des droits de la personne devra ainsi faire mention de sa demande.

Toutefois, en cas de prolongation, et dans l'hypothèse où le gardé à vue n'aurait pas déjà sollicité le bénéfice de cet entretien lors de la notification initiale de ses droits, les enquêteurs devront l'aviser à nouveau, au moment où il est informé que la mesure est prolongée, de son droit à s'entretenir avec un avocat.

Par ailleurs, le droit de s'entretenir avec un avocat pouvant s'exercer pendant toute la durée de la mesure, le gardé à vue qui aurait initialement indiqué qu'il ne désirait pas s'entretenir avec son avocat peut le demander à tout moment. Cette demande doit être alors recueillie par procès-verbal (soit celui de l'audition en cours, soit un procès-verbal spécifique).

Lorsque la personne gardée à vue aura sollicité l'intervention d'un avocat choisi ou commis d'office, les enquêteurs devront sans délai, et par tout moyen, en pratique par téléphone, contacter l'avocat choisi ou l'avocat désigné par le bâtonnier. L'officier de police judiciaire n'a, dans la mise en oeuvre de l'entretien avec un avocat, qu'une obligation de moyens et non de résultat et ne saurait donc être rendu comptable de l'impossibilité de joindre l'avocat, de l'impossibilité pour ce dernier à se déplacer ou de son retard éventuel. Il faut toutefois que l'officier de police judiciaire justifie avoir accompli les démarches de nature à permettre, dans le délai légal, l'exercice du droit à l'entretien avec un avocat.

Il convient à cet égard d'envisager l'hypothèse dans laquelle la garde à vue commence hors des locaux de police. En principe, l'avocat choisi ou désigné devra être contacté sur place lorsque la présence de la personne gardée à vue sur les lieux doit se poursuivre un certain temps (en pratique plus d'une heure, par exemple parce qu'une perquisition est en cours).

L'avocat sera alors avisé de sa possibilité soit de venir s'entretenir avec la personne sur les lieux de son arrestation, soit de rejoindre les enquêteurs à leur retour au service, à partir d'un horaire prévisible communiqué par ces derniers, le choix entre ces deux possibilités appartenant à l'avocat.

Il n'en sera autrement qu'en cas de circonstances insurmontables que les enquêteurs devront mentionner dans leur procès-verbal, tel que, par exemple, l'impossibilité d'obtenir une liaison téléphonique ou le risque pour la sécurité des personnes (arrestation suivie d'une perquisition dans un local menacé par des personnes soutenant le gardé à vue).

Lorsqu'en revanche la présence hors des locaux de police ne doit durer que quelques dizaines de minutes, ce n'est qu'au retour dans les services – après que le gardé à vue aura fait l'objet d'une notification de ses droits par procès-verbal, notification venant consolider la notification orale faite sur place – que l'avocat devra être prévenu.

En tout état de cause, la description précise des diligences effectuées par les enquêteurs pour contacter l'avocat et le contenu des différentes informations données à ce dernier, ainsi que l'heure à laquelle ces diligences ont été effectuées, devront figurer dans le procès-verbal.

Il n'y a pas d'obligation légale faite à l'avocat de se présenter aux services de police avant l'expiration d'un délai maximal. Les contraintes inhérentes à son déplacement peuvent en effet conduire à ce qu'il ne se présente que plusieurs heures après avoir été prévenu. C'est donc dès son arrivée qu'il devra pouvoir s'entretenir avec la personne gardée à vue. Si cette dernière était en train d'être interrogée par les enquêteurs, l'audition devra être suspendue en vue de permettre l'entretien avec l'avocat.

Pour éviter toute difficulté dans l'exercice de ce droit, les officiers de police judiciaire devront demander à l'avocat, au moment où ils l'aviseront de la demande d'assistance du gardé à vue, de leur indiquer, dans la mesure du possible, les délais probables de son intervention afin de leur permettre d'organiser en conséquence leur planning d'investigations, d'auditions et de confrontations.

Dans une perspective d'optimisation de l'information des avocats, ceux-ci devront désormais être informés par les officiers de police judiciaire, non seulement de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, mais également de la date présumée de commission de celle-ci. Cette indication permettra à l'avocat d'être avisé du cadre procédural dans lequel interviennent les enquêteurs; elle est ainsi de nature à accentuer la pertinence de l'interventions de l'avocat auprès des personnes gardées à vue.

Cette information devra être donnée à l'avocat lors de son arrivée dans le service, sauf si les enquêteurs lui en ont déjà donné connaissance en l'avisant par téléphone que la personne gardée à vue demandait à bénéficier d'un entretien avec lui. Mention devra en être faite dans le procès-verbal relatant les diligences de l'enquêteur concernant l'avocat.

L'article 47-9 nouveau est consacré aux garanties de forme accordées au gardé à vue. Ces dispositions revêtent une importance significative, en ce qu'elles permettent la preuve du respect des garanties prévues par la loi. Ainsi, pour établir sûrement la preuve des conditions dans lesquelles s'est déroulée la garde à vue, l'article 47-9 pose un certain nombre d'exigences, relativement aux mentions devant figurer sur le procès-verbal afférent.

En vertu des dispositions de l'article 47-10 nouveau, les notifications et auditions opérées à l'enseigne du gardé à vue – ce qui implique notamment le droit d'être informé de ses droits – doivent, en conformité avec les exigences européennes, l'être dans une langue qu'il comprend. Il importe que le but de cette disposition soit atteint, quelles que soient les difficultés pratiques que pourraient rencontrer les enquêteurs confrontés à des personnes souffrant de ce handicap à trouver un interprète spécialisé, et les enquêteurs ne doivent pas hésiter à recourir à des personnes qualifiées afin d'accélérer la communication et éventuellement de limiter la durée de la garde à vue.

A la différence des dispositions plus formelles gouvernant les opérations conduites par des magistrats au cours de l'instruction ou de l'audience de jugement, l'article 47-10 n'exige pas que l'interprète sollicité le cas échéant soit assermenté ou, à défaut, qu'il prête serment. Cette personne apportant son concours à une enquête judiciaire est toutefois tenue de respecter le secret de l'enquête.

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L' article 2 du projet de loi est consacré à la détermination du régime juridique des écoutes téléphoniques, cet article introduisant successivement, au sein du Code de procédure pénale, les nouveaux articles 106-1 à 106-12.

Il est éclairant de signaler que, pour la Cour de Strasbourg, les conversations téléphoniques sont un aspect de la vie privée et de la correspondance auxquelles l'État doit le respect et le secret au sens de l'article 8 §1er de la Convention européenne des droits de l'homme.

Dès lors, si les écoutes téléphoniques sont une ingérence dans la vie privée et la correspondance, elles constituent également une mesure parfois nécessaire dans le cadre de la découverte d'infraction ou du déroulement d'une enquête. Aussi l'article 8 §2 de la Convention admet-il la validité d'une telle ingérence aux deux conditions suivantes : elle doit être prévue par la loi et être nécessaire, dans une société démocratique, à la sûreté publique et à la prévention des infractions pénales.

Les écoutes téléphoniques judiciaires ordonnées dans le cadre d'une instruction satisfont à cette seconde condition.

Mais l'analyse opérée habituellement par la Cour porte sur le point de savoir si les écoutes téléphoniques judiciaires sont prévues par la loi, au sens que revêt cette notion autonome de la Convention. La Cour considère que la notion « prévue par la loi » requiert l'existence d'une « base légale », et d'une loi « de qualité » (24 avril 1990, KRUSLIN c/ France, §26).

De cette jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, il résulte que la qualité de la loi s'apprécie principalement au regard de sa prévisibilité.

Une lecture a contrario des termes de la condamnation est d'un intérêt capital, en ce qu'elle infère les conditions de validité des écoutes téléphoniques : « Rien ne définit les catégories de personnes susceptibles d'être mises sous écoute judiciaire, ni la nature des infractions pouvant y donner lieu ; rien n'astreint le juge à fixer une limite à la durée de l'exécution de la mesure ; rien non plus ne précise les conditions d'établissements des procès verbaux de synthèse consignant les conversations interceptées, ni les précautions à prendre pour communiquer intacts et complets les enregistrements réalisés, aux fins de contrôle éventuel par le juge…et par la défense, ni les circonstances dans lesquelles peut ou doit s'opérer l'effacement ou la destruction desdites bandes, notamment après non-lieu ou relaxe » (art. 34 de l'arrêt précité).

En conséquence, il s'agit d' autant d'énonciations à respecter, et à la lumière desquelles le dispositif projeté entend façonner le droit des interceptions de télécommunications.

Les dispositions nouvellement introduites dans le Code de procédure pénale visent au respect de ces deux prescriptions.

Si la reconnaissance d'un régime légal des écoutes téléphoniques judiciaires satisfait de facto à l'exigence d'une base légale, les articles 106-1 à 106-12 tendent à asseoir la « qualité » de cette dernière.

L'article 106-1 nouveau définit le cadre juridique dans lequel peuvent être ordonnées des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications. Celles-ci peuvent s'entendre de toute transmission, émission ou réception de signes, signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de renseignements de toute nature par fil, optique, radioélectricité ou autres systèmes électromagnétiques.

Il en résulte qu'entrent dans le champ d'application de ce texte, les interceptions de correspondances émises ou reçues sur des équipements terminaux tels que téléphone, télécopieur, minitel, récepteurs de services de radiomessagerie unilatérale, télex. En revanche, ne relèvent pas de cette catégorie, les procédés techniques dits « indicateurs d'appels malveillants » généralement utilisés à la demande et avec le consentement de la victime afin d'identifier le numéro de téléphone de l'auteur des appels, en ce qu'ils ne permettent pas d'intercepter les communications.

Le Gouvernement a entendu réserver au juge d'instruction le pouvoir d'ordonner des interceptions de communications, dont il a pris soin de préciser qu'elles devaient être effectuées sous son autorité et son contrôle. Ainsi sont prohibées les interceptions de correspondances qui seraient ordonnées par le Procureur général au cours de l'enquête préliminaire ou de flagrance.

En sus des règles de compétences, cet article pose les conditions de fond des interceptions de correspondances. En les soumettant à des prescriptions assez strictes, le Gouvernement a clairement entendu distinguer cet acte d'information de tous ceux que le juge, conformément à l'article 87, peut ordonner sans restriction dès lors qu'ils sont utiles à la manifestation de la vérité. En effet, le juge d'instruction ne peut recourir à une interception de correspondances qu'en matière criminelle et, en matière correctionnelle si la peine encourue est égale ou supérieure à un an d'emprisonnement.

De surcroît, il ne peut ordonner cette mesure que « si les nécessités de l'information l'exigent ». Cette double condition traduit, en droit interne, le principe de proportionnalité dégagé par la Cour européenne des droits de l'homme sur le fondement de l'article 8 de la Convention.

Les dispositions légales ne précisent pas les catégories de personnes susceptibles de faire l'objet d'une mesure d'interception de correspondances. Il en résulte qu'une interception peut être ordonnée à l'encontre d'un inculpé et de toute personne paraissant avoir participé aux faits, objet de l'information, ou susceptible de détenir des renseignements relatifs à ces faits.

A cette dernière règle, l'article 106-2 nouveau apporte cependant une réserve, en ce qu'il dispose que lorsque la personne sujette aux mesures prévues à l'article 106-1 est tenue au secret professionnel et peut refuser de témoigner, l'interception ne peut être ordonnée que :

  • s'il existe des indices graves et concordants rendant vraisemblable sa participation, comme auteur ou complice, à l'infraction dont le juge d'instruction est saisi ;

  • si des faits déterminés laissent présumer qu'une personne à l'encontre de laquelle existent de tels indices utilise ou fait utiliser la ligne de télécommunication ou de communication électronique de la personne tenue au secret professionnel.

L'article 106-3 nouveau précise les éléments que doit obligatoirement comporter la décision du juge. Il s'agit:

  • de l'infraction objet des poursuites qui motive le recours à l'interception ;

  • de la personne, du moyen de télécommunication ou du lieu soumis à la surveillance ;

  • de tous les éléments dont dispose le juge et qui permettent d'identifier la liaison à intercepter; il s'agira le plus souvent du numéro de la ligne et, le cas échéant, du nom de son titulaire ;

  • de la durée de l'interception.

L'article 106-4 nouveau, en ce qu'il fixe la durée maximale de l'interception à deux mois renouvelable, marque la volonté du Gouvernement d'éviter que l'exécution de cette mesure puisse se prolonger indéfiniment sur le fondement de la décision initiale du juge, sans que ce dernier en contrôle régulièrement les résultats et en apprécie l'utilité.

Aussi, dans l'hypothèse où il apparaîtra indispensable au juge de renouveler la mesure d'interception, sa décision de prolongation devra-t-elle répondre aux mêmes conditions de fond et de forme que sa décision initiale.

Une telle mesure pourra être renouvelée autant de fois qu'il est nécessaire à la poursuite de l'information.

L'article 106-5 nouveau consacre opportunément la faculté pour le juge d'instruction d'avoir recours à des professionnels qualifiés pour procéder aux opérations, en considération de la technicité de la procédure.

L'article 106-6 nouveau précise les formalités qui s'attachent aux opérations d'interception et d'enregistrement des correspondances. Il consacre, pour l'essentiel, les pratiques suivies notamment dans le pays voisin par les magistrats et officiers de police judiciaire.

L'opération d'interception doit donner lieu à l'établissement d'un procès-verbal qui mentionne la date et l'heure auxquelles elle a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée.

L'enregistrement des correspondances donne également lieu à l'établissement d'un procès-verbal qui précise, pour chacune d'entre elles, la date et l'heure auxquelles l'enregistrement a commencé et celles auxquelles il s'est terminé.

Il convient de souligner que la loyauté de l'information et le respect du principe du contradictoire commandent que toute correspondance enregistrée soit conservée dans son intégralité. En outre, il paraît opportun de placer, avant tout versement au dossier de l'instruction, les enregistrements sous scellés fermés, ce qui a pour objet d'assurer leur intégrité.

Si les prescriptions de l'article 106-6 satisfont à l'exigence d'exhaustivité des enregistrements soulignée par la Cour européenne des droits de l'homme, elles n'interdisent pas que des copies des enregistrements puissent être effectuées si les nécessités de l'information l'exigent.

En vertu de l'article 106-7 nouveau, seules les correspondances utiles à la manifestation de la vérité font l'objet d'une transcription par procès-verbal.

Cette transcription incombe au magistrat instructeur ou à l'officier de police judiciaire commis par lui avec l'assistance, le cas échéant, d'un interprète. En l'absence de disposition dérogeant au droit commun, les procès-verbaux de transcription doivent être versés au dossier de l'information dans les conditions prévues par l'article 91-2.

L'article 106-8 nouveau précise, dans certaines situations particulières, les personnes devant spécialement et préalablement être informées par le juge d'instruction lorsque l'interception vise la ligne du bâtonnier, d'un avocat, du Président du Conseil national ou d'un Conseiller national.

L'article 106-9 s'inscrit dans le sillon des dispositions visant à préserver le secret professionnel. Aussi dispose-t-il que si la surveillance fournit des informations relevant du secret professionnel auquel s'applique le droit de refuser de témoigner, les documents relatifs à ces informations doivent être immédiatement détruits. Telle serait la portée de la confidentialité des correspondances ou communications téléphoniques échangées entre l'avocat désigné par la personne inculpée et son client.

En vertu de l'article 106-10 nouveau, le Gouvernement n'a pas, dans le dessein d'une légitime protection d'éléments constitutifs de la vie privée, entendu que soit permise la conservation des enregistrements au-delà de ce que pouvaient justifier les nécessités de l'ordre public. Aussi a-t-il été prévu que les enregistrements devaient être détruits à la diligence du Procureur général à l'expiration d'un délai qui est celui de la prescription de l'action publique (trois ans en matière correctionnelle et dix ans en matière criminelle), dont le point de départ court à compter de la décision définitive sur les poursuites, qu'il s'agisse d'une décision de non-lieu, de relaxe, d'acquittement ou de condamnation.

En outre, toute personne écoutée peut demander à la juridiction d'instruction ou à la juridiction ayant statué en dernier lieu, la suppression des éléments la concernant et qui ne sont pas nécessaires à la manifestation de la vérité.

Afin que les autorités judiciaires soient en mesure de respecter les prescriptions légales, une procédure spécifique d'inventaire des enregistrements placés sous scellés et conservés par les greffes devra être mise en oeuvre.

Les formalités prévues aux articles susvisés sont prescrites à peine de nullité (article 106-11 nouveau).

––––––––––

L'article 3 du présent projet de loi est consacré au régime juridique du contrôle judiciaire et de la détention provisoire, introduisant à cet effet une nouvelle section VII au sein du titre VI du Livre I du Code de procédure pénale, et composée des nouveaux articles 180 à 202-4.

L'article 180 nouveau dispose en des termes particulièrement explicites que pour la personne inculpée, le principe est la liberté, la dérogation la soumission au contrôle judiciaire (forme de restriction de liberté), et l'exception la détention provisoire (forme de privation de liberté).

Les articles 181 à 189 nouveaux articulent une première sous-section, traitant du contrôle judiciaire.

En vertu de l'article 181 nouveau, il appert que le pouvoir de restriction de liberté est la prérogative exclusive du juge d'instruction, réel pivot de cette institution. Par ordonnance, le magistrat veille ainsi à s'assurer que l'inculpé présente des garanties suffisantes de représentation en justice, cette mesure d'opportunité pouvant être décidée à tout moment de l'instruction, au gré des nécessités que celle-ci révèle et qu'il est seul compétent es qualité pour apprécier.

Les nécessités de l'instruction résideront notamment dans le danger de voir la personne inculpée commettre de nouvelles infractions ou avoir des contacts inopportuns avec des coauteurs ou des témoins, ou encore dans le risque d'une fuite à l'étranger.

L'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire peut être prise à tout moment de l'instruction : soit dès le début de la saisine du juge, soit plus tard, à l'égard d'un individu demeuré libre ou en faveur d'une personne détenue remise en liberté, soit même au moment de clore son instruction, si cette mesure est jugée nécessaire.

Dans la pratique, la décision – et les modalités de contrôle de la mesure ordonnée – sera notifiée à l'intéressé, ainsi qu'aux services de police appelés à collaborer au contrôle.

Les dispositions de l'article 182 nouveau posent les deux éléments clés du régime juridique du contrôle judiciaire. En précisant les personnes visées, le premier alinéa en délimite le domaine ; en déterminant les restrictions de liberté, le second alinéa en détaille les effets.

Plus précisément, le contrôle judiciaire peut être ordonné contre toute personne soupçonnée d'être l'auteur ou le complice, soit d'un crime, soit d'un délit punissable d'emprisonnement, ce qui exclut qu'il puisse en être fait usage lorsque la peine encourue consiste seulement en une amende correctionnelle ou contraventionnelle ; aucun distinguo supplémentaire n'est à opérer.

Le deuxième alinéa de l'article 182 met en exergue le fait que le contrôle judiciaire est une mesure souple, se traduisant par une gamme très variée et très flexible d'obligations – négatives et positives – imposées à la personne inculpée. De ces obligations, qui relèvent d'impératifs divers et dont les mesures les plus nombreuses visent à assurer une surveillance efficace de l'individu poursuivi, tout en préservant l'intéressé de la curiosité préjudiciable du public, il est donné une liste opérationnelle.

Les articles 183 à 186 nouveaux fixent le régime juridique du cautionnement, dernière mesure énumérée par l'article 182.

Le cautionnement consiste en la consignation d'une somme déterminée entre les mains du greffe de la juridiction dont dépend le juge d'instruction, afin de garantir le comportement de l'individu poursuivi et les suites pécuniaires de la condamnation à venir. Il s'avère être un accessoire de la mesure de contrôle judiciaire.

Il peut être fourni soit en espèces, appartenant à l'inculpé ou à un tiers, soit en valeurs agréées par le juge. Les dispositions révèlent une souplesse qui sert l'appréciation in concreto du juge d'instruction : pourront ainsi être versées des valeurs de caisse, des chèques certifiés, des sûretés, etc. Est exclu, en revanche, la saisie-arrêt ; si l'intérêt de cette dernière aurait pu être de faciliter la constitution d'un cautionnement par l'accumulation progressive de petites sommes, elle aurait entraîné le risque d'alerter l'employeur et, partant, le conduire à licencier le salarié inculpé.

Au titre des modalités du cautionnement, le juge pourra apprécier l'opportunité d'un fractionnement des versements.

Pour évaluer les capacités financières réelles de l'inculpé lors de la fixation du montant du cautionnement, le juge d'instruction peut prendre en considération l'organisation par lui-même de son insolvabilité ; il peut prendre également en considération le montant du préjudice dont l'indemnisation doit être garantie. En toute hypothèse, le juge d'instruction devra faire oeuvre de précision dans la fixation du montant et des délais de versement, ne pouvant se limiter à indiquer que l'inculpé n'était simplement pas en mesure de verser le solde du cautionnement compte tenu de l'importance des charges auxquelles il avait eu à faire face.

L'article 183 in fine précise que toute contestation en matière de cautionnement relève de l'examen en chambre du conseil de la Cour d'Appel ; il convient cependant de préciser que dans l'hypothèse d'une demande de limitation d'un cautionnement cette requête constituerait en réalité une demande de mainlevée partielle de contrôle judiciaire, telle que prévue par l'article 188.

L'article 184 nouveau énonce l'affectation du cautionnement. Ainsi, la somme consignée – ou les sûretés – est obligatoirement divisée en deux parts, selon une proportion souverainement décidée par le juge d'instruction.

L'une des parts garantit la représentation de l'inculpé à tous les actes de la procédure d'instruction ou de jugement, l'exécution de la condamnation, ainsi que le respect des obligations résultant du contrôle judiciaire. Ainsi, et comme en dispose l'article 185 nouveau, si l'inculpé ne défère pas à une convocation judiciaire ou ne satisfait pas à l'exécution du jugement qui le frappe, le Trésor acquerra définitivement la partie du cautionnement garantissant cette obligation.

L'autre part garantit, en premier lieu, les frais engagés par la partie publique, puis ceux avancés par la partie civile et la réparation des dommages causés par l'infraction, enfin, les amendes. Il convient néanmoins de préciser que la fixation de la partie du cautionnement destinée à garantir notamment la réparation des dommages causés par l'infraction n'est pas subordonnée à l'existence de parties civiles régulièrement constituées.

Cette affectation est impérative ; aussi, méconnaîtrait l'article 184 toute décision qui se limiterait à ordonner un cautionnement sans précision de son affectation. De la même manière, ces dispositions seraient méconnues par une décision qui limiterait le versement de cautionnement à la seule garantie de représentation en justice ou à la seule garantie du paiement des frais et amendes.

L'article 186 nouveau précise la destination de la seconde partie du cautionnement, en cas d'acquittement, d'absolution ou de renvoi des poursuites. Dans cette hypothèse, il y aura lieu d'opérer restitution au profit du mis en cause. En revanche, en cas de condamnation, la seconde partie du cautionnement sera affectée aux frais et à l'amende suivant l'ordre posé à l'article 184, 2°.

Les articles 187 et 188 nouveaux, relatifs à la mise en oeuvre du contrôle judiciaire, servent et cristallisent la souplesse de cette mesure. Le magistrat instructeur peut, évidemment, décider le maintien des obligations établies, même lorsqu'il est sollicité d'en modifier le contenu. Il peut aussi imposer à l'intéressé des obligations nouvelles, supprimer des exigences préexistantes, accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d'observer certaines obligations. Il est au demeurant permis que ces modifications soient ordonnées d'office, ou à la requête du Procureur général, ou à la demande du délinquant lui-même. Les conditions de forme sont celles de la mise sous contrôle judiciaire. 32

Quant à l'article 189 nouveau, il appuie le caractère coercitif du contrôle judiciaire, en précisant qu'en cas de non-respect volontaire de ses obligations par l'individu inculpé, le juge d'instruction peut décerner à son encontre un mandat d'amener ou un mandat d'arrêt et, à terme, le placer en détention provisoire, quelle que soit la durée de la peine d'emprisonnement encourue. En outre, et selon une approche pragmatique et combinée des articles relatifs au cautionnement, il pourra en résulter la perte de la partie du cautionnement garantissant la représentation de l'intéressé aux actes de la procédure.

Les articles 190 à 202-4 nouveaux articulent une seconde sous-section, consacrée à la détention provisoire.

La détention provisoire constitue une privation de liberté, là où le contrôle judiciaire n'opère qu'une restriction de liberté. Aussi en résulte-t-il que les conditions d'application de la détention avant jugement se devaient d'être beaucoup plus exigeantes que celles qui gouvernent le prononcé du contrôle judiciaire.

L'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme contient à la fois un droit fondateur de liberté — droit à la liberté et à la sûreté, proclamé dans le § 1 — et des droits créateurs de sauvegardes — qui figurent dans les § 2, 3, 4 et 5, visant à garantir, de façon concrète, ces libertés. Le principe est posé par le § 1: «Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté » Il s'agit, pour reprendre l'expression de la Cour, «d'assurer que nul ne soit arbitrairement dépouillé de sa liberté». Par liberté, on entend la liberté individuelle, dans son acception classique, c'est-à-dire la liberté physique, en l'occurrence, la liberté d'aller et venir, la non-incarcération. Par sûreté, on vise l'assurance de n'être privé de sa liberté que pour les seuls motifs et suivant les procédures légalement prévues.

De toutes les garanties prévues par les quatre autres paragraphes de l'article 5, celles contenues dans le § 3 sont les plus fréquemment invoquées devant les juridictions étrangères, notamment en France. Cette disposition prévoit que toute personne arrêtée « dans des conditions prévues au § 1. c. du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience ».

L'article 5 § 3 contient deux garanties. La première vise la protection des individus contre toute décision ou arrestation arbitraire en faisant intervenir « aussitôt » l'autorité judiciaire qui va en assurer le contrôle; la seconde a pour objectif d'éviter que des personnes demeurent trop longuement en prison avant d'être jugées.

Les articles 190 à 196 nouveaux traitent plus spécifiquement du placement en détention provisoire.

L'article 190 prévoit les hypothèses du recours à la détention provisoire. Ainsi, cette privation de liberté ne peut être ordonnée ou prolongée que lorsque l'inculpé encourt une peine criminelle ou une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à un an d'emprisonnement.

Aux termes de l'article 191 nouveau, le juge d'instruction est tenu d'indiquer les motifs sur lesquels il entend fonder l'incarcération de l'inculpé.

Parmi ces motifs, certains visent à faciliter l'oeuvre de la justice ; il en est ainsi de ceux énumérés au chiffre 1°) tendant à assurer la conservation des preuves ou indices matériels, empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, ou faire obstacle à une concertation frauduleuse entre les inculpés et les complices, ou ceux tendant à garantir le maintien de l'inculpé à la disposition de la justice (191, 2°).

D'autres tiennent au souci d'assurer la paix publique, en protégeant l'inculpé contre les réactions hostiles de la foule, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement (191, 2°) ou encore, de mettre un terme au trouble causé à l'ordre public en raison de la gravité de l'infraction, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice causé (191, 3°).

Les motifs de la mise en détention, et l'examen auxquels ils peuvent conduire, revêtent une importance fondamentale au regard de la Convention européenne des droits de l'homme, notamment en ce qui concerne l'appréciation de la durée d'une détention provisoire.

La seconde garantie de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui s'applique aux détentions provisoires, concerne exclusivement les détentions répondant aux critères du § 1. c. de l'article 5, c'est-à-dire à celles qui sont motivées, soit par le soupçon de commission d'une infraction, soit par la nécessité d'empêcher la commission d'une infraction, soit encore par la volonté d'éviter la fuite de celui qui l'a perpétrée.

S'agissant du risque de fuite de la personne poursuivie, il ressort de la jurisprudence de Cour européenne des droits de l'homme, que celui-ci doit être bien caractérisé. En effet, il ne suffit pas d'affirmer que la gravité des sanctions encourues entraîne inéluctablement des risques de fuite, encore faut-il tenir compte de la moralité de la personne, de ses liens familiaux, de ses ressources…

Quant à la notion de préservation de l'ordre public, la Cour européenne a adopté une position qui en limite considérablement les effets dans le temps. Dans les arrêts LETELLIER et KEMMACHE c/ France des 26 juin et 27 novembre 1991, la Cour de Strasbourg considère en effet que certaines infractions, en raison de leur gravité particulière, suscitent un trouble social tel que la détention provisoire est totalement légitime. Mais encore importe-t-il de justifier que l'emprisonnement s'impose dans la durée. En effet, il peut advenir qu'à un certain point de l'instruction, la liberté, éventuellement assortie de contrôle judiciaire, de la personne poursuivie troublerait réellement l'ordre public. La Cour précise à ce titre que la détention provisoire ne doit en aucun cas servir à anticiper une peine privative de liberté.

Il convient de souligner, à ce sujet, que les juges de Strasbourg sont particulièrement attentifs, non seulement au caractère pertinent des motifs de la détention, mais aussi et surtout à leur persistance dans le temps. Les motivations laconiques, répétitives ou stéréotypées des décisions de placement en détention provisoire ou de refus de mise en liberté sont ainsi systématiquement sanctionnées par la Cour.

L'article 192 nouveau met en exergue l'importance des conditions et critères du recours au placement en détention provisoire, en prévoyant la libération immédiate du mis en cause placé en détention provisoire dès lors que les conditions prévues aux deux articles précédents ne sont plus remplies.

Les dispositions de l'article 193 nouveau marquent l'articulation préalable entre, d'une part, le recours au placement en détention provisoire et, d'autre part, le contrôle judiciaire. Il convient à cet égard de se reporter au deuxième alinéa de l'article 180 in fine. De la lecture combinée de ces deux articles, il résulte que le magistrat instructeur est, en premier lieu, tenu de constater le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire. Il importera que le juge énonce les considérations de fait et de droit desquelles résulte in concreto l'insuffisance de cette mesure restrictive de liberté. Toutefois, un tel énoncé s'avérera peu contraignant pour les magistrats, dans la mesure où en pratique, ces considérations ne seront pas autre chose que les motifs sur lesquels s'appuie la mise en détention. De cette manière, une même motivation sera susceptible de justifier le rejet du contrôle judiciaire et le prononcé de la détention provisoire.

L'article 194 traite de la durée de la détention provisoire ; aussi constitue-t-il la clé de voûte de cette mesure, tant de facto que de jure.

Parce que la détention provisoire est une privation de liberté, il convient d'être particulièrement attentif aux conditions de sa mise en oeuvre, principalement en ce qui concerne sa durée, à la lumière de l'approche opérée par la Cour européenne des droits de l'homme.

Cet article pose, en son premier alinéa, le principe du caractère raisonnable de la durée de la détention provisoire, au regard de la gravité des faits et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité.

Les alinéas suivants fixent les délais maximaux de détention, en matière correctionnelle et criminelle, ainsi que les modalités de prolongation judiciaire de cette mesure.

S'agissant tout d'abord de la computation relative à la durée de la détention provisoire, le point de départ à prendre en considération est aisé à déterminer : c'est le jour où commence la privation de liberté. En pratique, le dies ad quo correspondra au moment du placement sous mandat de dépôt. Il est en revanche plus malaisé de fixer le point final de cette durée de détention, le dies ad quem pouvant être soit le jour du jugement définitif, soit le jour où il est statué pour la première fois sur le bien-fondé de l'accusation.

Dans un arrêt WEMHOFF c/ R.F.A. du 27 juin 1968, la Cour de Strasbourg a pris clairement position pour cette seconde solution. Elle considère en effet que la personne condamnée se trouve dans le cas d'une personne privée de liberté au sens du § 1. a. de l'article 5 de la Convention, c'est-à-dire dans une situation ne relevant pas du § 3, qui ne s'applique donc qu'aux détentions subies avant l'intervention d'une décision sur le fond. Cette jurisprudence a été confirmée sans ambiguïté dans un arrêt VAN DROOGENBROECK c/ Belgique du 28 mars 1990.

En ce qui concerne l'appréciation du caractère raisonnable de la durée de la détention, il importe de préciser la manière dont la Cour de Strasbourg envisage les relations entre les articles 5 § 3 et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, lesquels font tous deux référence à la notion de « délai raisonnable ».

Sur ce point, la Cour a eu l'occasion d'arrêter clairement sa doctrine dans une décision STÖGMÜLLER c/ Autriche du 10 novembre 1969: l'article 6 § 1 s'applique à toutes les procédures, pour protéger les justiciables contre leurs lenteurs excessives, alors que l'article 5 § 3 se rapporte, lui, aux seuls prévenus détenus.

Il y a donc une autonomie de l'article 5 § 3 : il peut d'ailleurs y avoir violation de ce texte sans pour autant que la Cour reconnaisse une violation de l'article 6 § 1, et inversement. Pour autant, les deux textes sont liés, car la méthode d'appréciation du caractère raisonnable – c'est-à-dire l'appréciation in concreto – est la même dans les deux cas.

En toute hypothèse, en ce qu'elle entend limiter la détention provisoire à des cas tout à fait exceptionnels, la jurisprudence européenne rejoint les préoccupations qui ont présidé à la rédaction du présent projet.

Outre les motifs de la détention provisoire, qui sont spécifiques à l'article 5 § 3, la Cour européenne des droits de l'homme s'intéresse aux critères généralement retenus dans les affaires fondées sur une méconnaissance de l'article 6 § 1, à savoir : la complexité des faits, l'attitude du requérant (c'est-à-dire du détenu) et le comportement des autorités compétentes.

La complexité de l'affaire inclut toutes les données, de fait ou de droit, considérées dans une appréciation globale, telles que le nombre de parties en cause, la difficulté des preuves, l'aspect international de la situation. En effet, en matière pénale, la pluralité d'auteurs et la difficulté technique de certaines investigations sont souvent retenues comme des éléments de nature à ralentir le traitement d'une affaire.

Pour la jurisprudence européenne, le comportement du requérant est également déterminant, car il sera parfois à l'origine du ralentissement de la procédure; c'est surtout vrai en matière civile, où les parties restent maîtres de l'instance, mais cela peut également être le cas en matière pénale, lorsque les dénégations systématiques d'une personne soupçonnée ou les incessantes modifications de ses déclarations obligent le juge d'instruction à multiplier les vérifications. 39

L'exercice des voies de recours ou les demandes d'investigations particulières ne peuvent pas être reprochées à un détenu, mais les conséquences inévitables de leur usage systématique ne peuvent être de nature à entraîner la condamnation de l'Etat, car elles constituent un fait objectif qui ne lui est pas imputable. Il faut cependant préciser à ce titre que l'attitude du justiciable doit être perçue comme véritablement abusive ou dilatoire.

Le comportement des autorités compétentes entre enfin en ligne de compte, afin de déterminer les lenteurs imputables à l'Etat, qui a pour obligation d'organiser son système judiciaire de telle sorte que les juridictions puissent remplir l'exigence de célérité rappelée par l'article 5 § 3. Ce dernier critère est particulièrement important; l'appréciation de la manière dont une affaire est traitée par les autorités judiciaires est déterminant aux yeux de la Cour de Strasbourg : il ne suffit pas que les motifs de détention provisoire soient à la fois pertinents et suffisants, encore faut-il que la procédure soit conduite avec diligence.

En cas de privation de liberté, la Cour est très exigeante avec les autorités nationales; leur vigilance doit être particulièrement vive : une détention provisoire ne peut se justifier que dans la mesure où le temps de détention est mis à profit pour faire avancer les investigations de manière significative. Cependant, dans l'arrêt Wemhoff précité, si la Cour rappelle qu'un « accusé détenu a droit à ce que son cas soit traité avec une célérité particulière », elle n'en précise pas moins que ce droit « ne doit pas nuire aux efforts poursuivis par les magistrats afin de faire pleinement la lumière sur les faits dénoncés (...) et de ne se prononcer qu'après mûre réflexion sur l'existence des infractions et sur la peine ».

Dès lors, malgré la rigueur avec laquelle sont examinées ces privations de liberté, des durées de détention extrêmement longues, peuvent être justifiées. Dans un arrêt W. c/ Suisse du 26 janvier 1993, il a été jugé qu'une détention de quatre ans et trois jours n'excédait pas le délai raisonnable de l'article 5 § 3.

L'article 195 nouveau traite des modalités spécifiques de déroulement de la détention provisoire.

Le premier alinéa de l'article 195 dispose que les détenus sont isolés les uns des autres.

Cet isolement a comme conséquence immédiate une forte limitation des moyens de communication, au premier rang desquels la correspondance. Les mêmes risques induisant les mêmes solutions, la correspondance émise et reçue est strictement encadrée. Ainsi, le deuxième alinéa prévoit que cette correspondance, libre par principe, peut être interdite par le juge, sauf en ce qui concerne les courriers adressés par le détenu à son avocat ou au juge, dans le respect des droits de la défense.

Au delà des correspondances écrites, le juge d'instruction peut prononcer à l'égard de l'inculpé une interdiction totale de communiquer ; mais cette mesure étant exceptionnelle, il convenait d'en encadrer strictement la mise en place.

Aussi le troisième alinéa précise-t-il que cette interdiction ne peut être prise que par ordonnance spéciale et motivée – le juge aura dès lors l'obligation d'indiquer les justifications de la mesure, lesquelles résulteront notamment de l'exposé des risques liés à la gravité de l'affaire et/ou de la dangerosité de l'inculpé –, qu'elle ne peut qu'être limitée dans le temps – à savoir huit jours maximum renouvelable une seule fois –, et enfin que le mis en cause peut interjeter appel de la mesure d'interdiction devant la chambre du conseil de la Cour d'Appel, laquelle devra statuer à brefs délais.

Quant à l'article 196 nouveau, il clôt le paragraphe I, en précisant que, pour les questions spécifiques ne faisant pas l'objet de prévisions particulières au sein du Code de procédure pénale, la détention provisoire est régie par le « règlement général du service pénitentiaire ». Il y a présentement lieu d'entendre, sous ce vocable générique, l'Ordonnance Souveraine n° 9.749 du 9 mars 1990 portant règlement de la maison d'arrêt, et l'arrêté du Directeur ses Services Judiciaires n° 90-3 du 19 mars 1990, portant application de cette ordonnance.

Les articles 197 à 201 nouveaux traitent « de la demande de mise en liberté », sans pourtant comporter d'innovations par rapport aux dispositions d'ores et déjà en vigueur.

Il en est ainsi de l'article 197, qui reprend les anciennes dispositions des articles 188 (alinéas premier et troisième) et 189 ; l'article 198 nouveau qui maintient, dans leur rédaction actuelle, les dispositions de l'article 190 ; l'article 199 qui reprend les dispositions de l'article 191 , et enfin l'article 201 qui est conservé dans son actuelle formulation.

L'article 200 prévoit que la remise en liberté peut être assortie de mesures de contrôle judiciaire. Ainsi, cet article met en relief l'articulation entre les mesures de restriction de liberté, et celles tenant à la privation de liberté, au service d'une appréhension opérationnelle et pragmatique des impératifs répressifs et réalités judiciaires.

Les articles 202 à 202-4 nouveaux sous-tendent une subdivision de la sous-section consacrée à la détention provisoire, cette subdivision recelant l'une des innovations les plus importantes du texte projeté en ce qu'elle détermine le régime de l'indemnisation du dommage résultant d'une détention provisoire injustifiée. De fait, en dépit des précautions légalement prescrites et prises par les magistrats instructeurs pour s'assurer du bien-fondé du recours à l'incarcération ou au maintien en détention des individus poursuivis, la détention provisoire peut être la source d'un préjudice important pour celui qui la subit, lorsqu'elle a duré longtemps et que l'affaire s'est terminée par une relaxe ou un acquittement, ou encore par un non-lieu.

Or, aucune disposition légale ne prévoit présentement la réparation systématique et spécifique d'un tel dommage. Dans ces conditions, les demandes en indemnité que les victimes de détentions provisoires abusives peuvent présenter doivent emprunter les voies du droit commun. Il s'agit, en l'occurrence, d'une assignation de l'Etat, représenté par le Directeur des Services Judiciaires conformément au second alinéa de l'article 139 du Code de procédure civile. L'action, tendant à mettre en cause la responsabilité de la puissance publique au titre du fonctionnement du service public de la justice, doit être exercée devant le Tribunal de première instance.

Nonobstant l'existence de cette voie de recours, l'exemple de certains droits étrangers, notamment le droit français, et l'influence de la Convention européenne des droits de l'homme – dont l'article 5.5 stipule le droit à réparation en cas de durée excessive de la détention provisoire – ont conduit le Gouvernement à vouloir instaurer, en la circonstance, une procédure d'indemnisation particulière.

Ce qui caractérise, en premier lieu, ce régime, est le caractère obligatoire du versement de l'indemnité lorsque les faits de l'instance correctionnelle ou criminelle au cours de laquelle une personne a été placée en détention provisoire ont débouché sur une décision de relaxe ou d'acquittement passée en force de chose jugée. L'indemnité doit alors être nécessairement versée pour une raison de principe : la justice a in fine reconnu l'innocence de l'intéressé. Peu importe, en ce cas, qu'en l'état des faits et de leur élucidation au moment de la décision d'incarcération, celle-ci ait pu être techniquement justifiée. En revanche, une plus grande latitude doit être laissée face à une décision de non-lieu car sa portée principielle ne revêt pas le même degré de certitude que l'acquittement ou la relaxe. Aussi, l'indemnisation peut-elle être décidée à l'aune d'une appréciation in concreto des circonstances.

La décision d'indemnisation relève de la compétence d'une juridiction spéciale, instituée sous la dénomination de Commission d'indemnisation, par les dispositions projetées. Sa composition est transversale puisqu'elle comprend un magistrat du siège de chacune des juridictions judiciaires monégasques : Tribunal de première instance, Cour d'Appel, Cour de Révision, le représentant de cette dernière assurant logiquement la présidence de la commission. Un membre du Conseil d'Etat complète cette composition afin d'en renforcer le pluralisme.

Le texte garantit en outre l'impartialité de l'organe qu'il crée en proscrivant la nomination de magistrats ayant pris part à la procédure lors de laquelle la détention provisoire litigieuse a été décidée. Cette prescription vaut, que les magistrats aient eu à en connaître au titre du siège – instruction ou jugement – ou du Parquet ainsi que pour les conseillers d'Etat appartenant ou ayant appartenu à la magistrature.

En cas d'impossibilité de nomination, au regard de cette règle et en l'état des effectifs des cours et tribunaux, pourront être désignés des magistrats honoraires ou des anciens bâtonniers du Barreau monégasque remplissant la même condition de neutralité.

Les dispositions projetées organisent la procédure devant la Commission en s'attachant à ce que les demandeurs puissent obtenir leur légitime réparation dans un délai relativement bref. De fait, la demande doit être formée dans les six mois suivant la date à laquelle la procédure, au cours de laquelle a eu lieu l'incarcération litigieuse, a été définitivement clôturée.

Une fois la requête introduite, la procédure est limitée à deux échanges de conclusions entre les parties, enfermés dans un délai total de quatre mois. Le greffe général assure, sous l'autorité du greffier en chef, auprès de la Commission, les fonctions qui sont les siennes devant l'ensemble des autres juridictions. La commission siège en audience publique sauf si, à la requête du demandeur ou du procureur général, son président autorise le huis clos pour des raisons liées au caractère sensible de tel ou tel aspect de l'affaire. Le déroulement de l'audience comporte la lecture du rapport du magistrat chargé de présenter l'affaire, la plaidoirie du demandeur et enfin les réquisitions du Procureur Général exprimant le point de vue du service public de la justice.

La commission délibère ensuite puis rend sa décision qui, à l'instar de toutes décisions de justice, doit être motivée et signée. De fait, la principale difficulté que la juridiction aura à trancher tiendra à la détermination d'un montant d'indemnité de nature à réparer valablement le préjudice subi du fait de l'emprisonnement indu. La commission étant appelée à statuer après tous les cours et tribunaux judiciaires, le projet prévoit logiquement qu'elle statuera en dernier ressort.

––––––––––

L'article 4 du projet de loi porte réorganisation de la procédure de défaut criminel.

À l'aune des principes majeurs dégagés par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, la procédure de contumace jusqu'alors en vigueur à Monaco s'avérait non-conforme aux exigences de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, notamment parce qu'elle ne permettait pas à l'accusé absent aux audiences de faire présenter sa défense au fond par un avocat, et qu'elle privait de son pourvoi en cassation l'accusé qui ne se constitue pas prisonnier.

La problématique du défaut criminel revêt une importance particulière au regard du droit au procès équitable. Celui-ci implique le droit d'avoir un accès concret et effectif à un tribunal, lequel n'est pas absolu et peut faire l'objet de limitations. Celles-ci ne doivent toutefois pas porter atteinte à la substance même du droit protégé et être proportionné au but légitime poursuivi.

La déchéance du pourvoi en cassation frappant le condamné qui n'a pas déféré au mandat d'arrêt décerné contre lui constitue une sanction disproportionnée, qui rompt le juste équilibre qui doit exister entre le souci d'assurer l'exécution des décisions de justice et le droit d'accès au juge.

Ainsi la Cour de Strasbourg a-t-elle pu juger, notamment dans l'arrêt KROMBACH c/ France du 13 février 2001, contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme toute disposition qui édicterait une interdiction absolue de représenter le contumax. Or, tel serait le cas de toute procédure – dite de « purge de contumace » – qui impliquerait que l'accusé doive se constituer prisonnier pour pouvoir être jugé conformément aux prescriptions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les articles 524 à 527 projetés, fixant cette procédure spéciale, poursuivent le dessein de remplir les exigences ainsi dégagées.

Il convient de préciser que, par parallélisme de forme avec la procédure applicable devant le tribunal correctionnel, et plus précisément l'article 377 du Code de procédure pénale, le contumax peut se faire représenter par un avocat-défenseur ou un avocat du Barreau de Monaco.

L'article 526 nouveau appelle une attention particulière, en ce qu'il est consacré à la question de la purge du défaut criminel. Cette purge résulte de la représentation volontaire ou de l'arrestation du mis en cause dans le délai de prescription de la peine. Sans autres formalités légales, la seule survenance de ce fait matériel anéantit rétroactivement la condamnation, ainsi que tous les effets qu'elle a produits, et toutes les procédures diligentées à l'encontre du fugitif. Il sera dès lors procédé à de nouveaux débats, conformément à la procédure ordinaire, ce qui infèrera – de manière contradictoire – une nouvelle décision. Il convient de préciser, sur la portée de cet anéantissement, que celui-ci est total : toutes les parties de la condamnation tombent, fussent-elles favorables à l'accusé, par exemple lorsque certaines d'entre elles auraient écarté les circonstances aggravantes.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Article 1er🔗

Sont insérés à la suite de l'article 47 du Code de procédure pénale les articles 47-1 à 47-10 ainsi rédigés :

« Article 47-1 : Toute personne contre qui il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit peut, pour les nécessités de l'enquête, être gardée à vue par un officier de police judiciaire. Elle peut être soumise à une fouille à corps.

La garde à vue emporte, pendant toute sa durée, le maintien de cette personne à la disposition de l'officier de police judiciaire.

Article 47-2 : La garde à vue est aussitôt portée à la connaissance du procureur général qui peut y mettre fin à tout moment.

Le procureur général peut visiter ou se faire présenter la personne placée en garde à vue. Il peut désigner un médecin pour l'examiner. Il doit désigner un médecin pour procéder à des investigations corporelles internes sur la personne gardée à vue, dès lors que ces investigations sont indispensables pour les nécessités de l'enquête.

Article 47-3 : La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre heures.

Toutefois, cette mesure peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures.

Dans ce cas, le procureur général doit requérir l'approbation de la prolongation de la garde à vue par le juge des libertés, en joignant à ses réquisitions tous documents utiles.

Le juge des libertés est un magistrat du siège désigné par le président du tribunal de première instance, qui peut établir un tableau de roulement à cet effet.

Il statue par ordonnance motivée immédiatement exécutoire.

Sa décision doit être notifiée à la personne gardée à vue avant l'expiration des premières vingt-quatre heures du placement en garde à vue.

Une nouvelle prolongation de quarante-huit heures peut être autorisée dans les mêmes conditions, lorsque l'enquête concerne, soit le blanchiment du produit d'une infraction, prévu et réprimé par les articles 218 à 218-3 et 219 du Code pénal, soit une infraction à la législation sur les stupéfiants, soit les infractions contre la sûreté de l'Etat prévues et réprimées par les articles 50 à 71 du Code pénal, ainsi que toute infraction à laquelle la loi déclare applicable le présent alinéa.

Article 47-4 : En lui notifiant la garde à vue, l'officier de police judiciaire fait connaître à la personne concernée les droits qui lui sont reconnus par les articles 47-5 à 47-8. A cette fin, il lui remet copie des dits articles, au besoin en les faisant traduire dans une langue qu'elle comprend.

Procès-verbal de l'accomplissement de cette formalité est signé par l'officier de police judiciaire et l'intéressé. Si ce dernier ne sait ou ne veut signer, il en est fait mention au procès-verbal.

L'officier de police judiciaire met aussitôt l'intéressé en état de faire usage de ses droits.

Article 47-5 : Toute personne gardée à vue est immédiatement avisée par l'officier de police judiciaire des faits objet de l'enquête et sur lesquels elle a à s'expliquer.

Le deuxième alinéa de l'article 47-4 reçoit application.

Article 47-6 : La personne placée en garde à vue a le droit de faire prévenir aussitôt par téléphone de la mesure dont elle est l'objet, un de ses proches ou son employeur.

Si l'officier de police judiciaire estime que cette communication est de nature à nuire à l'enquête, il en réfère au procureur général qui décide s'il y a lieu, ou non, de faire droit à cette demande.

Le deuxième alinéa de l'article 47-4 reçoit application.

Article 47-7 : La personne placée en garde à vue a le droit, à sa demande ou à celle d'une personne qu'elle a pu faire prévenir selon l'article précédent, d'être examinée par un médecin désigné par le Procureur Général ou l'officier de police judiciaire. En cas de prolongation, elle a le droit d'être examinée une seconde fois.

A tout moment, le procureur général ou l'officier de police judiciaire peut d'office désigner un médecin pour examiner la personne gardée à vue.

En l'absence de demande de la personne gardée à vue, du procureur général ou de l'officier de police judiciaire, un examen médical est de droit si un membre de la famille le demande ; le médecin est désigné par le procureur général ou l'officier de police judiciaire.

Le médecin examine sans délai la personne gardée à vue. Le certificat par lequel il doit notamment, se prononcer sur la compatibilité de l'état de santé avec la mesure de garde à vue est versé au dossier.

Dans l'attente de l'arrivée du médecin, l'audition de l'intéressé est poursuivie, la demande d'examen ne pouvant avoir pour effet de suspendre la procédure.

Le deuxième alinéa de l'article 47-4 reçoit application.

Article 47-8 : Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat qui est informé de la nature et de la date présumée de l'infraction. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier. A l'issue de l'entretien qui doit pouvoir se dérouler dans des conditions garantissant la confidentialité et qui ne peut excéder trente minutes, l'avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.

Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, et dès le début de celle-ci, la personne peut également demander à s'entretenir avec un avocat, dans les conditions et selon les modalités prévues à l'alinéa précédent.

Article 47-9 : L'officier de police judiciaire doit mentionner sur le procès-verbal d'audition de toute personne gardée à vue :

  • 1°) La date et l'heure du début de la garde à vue, et le cas échéant de son renouvellement ;

  • 2°) La date et l'heure auxquelles est intervenue la notification des droits prévue par le premier alinéa de l'article 47-4 ;

  • 3°) La date et l'heure où la personne en garde à vue a fait usage des droits énoncés aux articles 47-5 à 47-8 ;

  • 4°) La durée des auditions auxquelles elle a été soumise et des repos qui ont séparé ces auditions, ainsi que les heures auxquelles elle a pu s'alimenter ;

  • 5°) La date et l'heure de sa remise en liberté ou de sa conduite devant le procureur général.

Les mentions doivent être spécialement émargées par la personne gardée à vue. En cas de refus de signature, il en est fait mention par l'officier de police judiciaire.

Article 47-10 : Si la personne placée en garde à vue ne comprend ni ne parle la langue française, les notifications et auditions prévues aux articles précédents doivent avoir lieu dans une langue qu'elle comprend.

Un interprète est, si besoin est, requis par l'officier de police judiciaire.

Si la personne placée en garde à vue est atteinte de surdité et qu'elle ne sait ni lire ni écrire, elle doit être assistée par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec les sourds. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité. »

Article 2🔗

Sont insérés, à la suite de l'article 106 du Code de procédure pénale les articles 106-1 à 106-12 ainsi rédigés :

« Article 106-1 : Lorsque les nécessités de l'information l'exigent, le juge d'instruction peut, par ordonnance motivée, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par voie de télécommunications ou de communications électroniques, en cas de crime ou de délit passible d'une peine égale ou supérieure à un an.

Les opérations prescrites en vertu du précédent alinéa sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction.

Article 106-2 : Les opérations prescrites en vertu de l'article 106-1, lorsqu'elles visent une personne tenue au secret professionnel et pouvant refuser de témoigner, ne peuvent être ordonnées que dans les cas suivants :

  • s'il existe des indices graves et concordants rendant vraisemblable sa participation, comme auteur ou complice, à l'infraction dont le juge d'instruction est saisi ;

  • si des faits déterminés laissent présumer qu'une personne à l'encontre de laquelle existent de tels indices utilise ou fait utiliser la ligne de télécommunication ou de communication électronique de la personne tenue au secret professionnel.

Article 106-3 : La commission rogatoire spéciale donnée à l'officier de police judiciaire pour effectuer les opérations prescrites en vertu de l'article 106-1 doit, sans préjudice des dispositions de l'article 87, indiquer :

  • 1°) les éléments propres à la cause et les motifs pour lesquels la mesure est ordonnée ;

  • 2°) la personne, le moyen de communication ou le lieu soumis à la surveillance ;

  • 3°) les éléments d'identification de la liaison interceptée dont dispose le juge ;

  • 4°) la période pendant laquelle la surveillance peut être pratiquée dans la limite prévue à l'article 106-4.

Article 106-4 : Les opérations prescrites en vertu de l'article 106-1 ne peuvent excéder deux mois à compter de sa mise en oeuvre. Elle peuvent être renouvelées dans les mêmes conditions de forme et de durée.

Article 106-5 : En vue de procéder à l'installation d'un dispositif d'interception, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui peut requérir tout agent qualifié d'un exploitant de réseau ou d'un fournisseur de services de télécommunications ou d'accès à Internet.

Il peut ordonner à toute personne ayant des connaissances particulières du système de télécommunication ou de communication électronique, objet de la mesure de surveillance, y compris les moyens permettant de protéger ou de crypter des données numérisées, de fournir des informations sur le fonctionnement dudit système et sur la manière d'accéder au contenu des données et communications dans une forme compréhensible.

Toute personne qui, du chef de sa fonction ou de sa mission, a connaissance d'une opération prescrite en vertu de l'article 106-1 ou y prête son concours est tenue de garder le secret. Toute violation du secret est punie conformément à l'article 308 du Code pénal.

Toute personne qui refuse, sans motif légitime, de prêter son concours technique aux réquisitions prescrites en vertu du présent article est punie de l'amende prévue au chiffre 1 de l'article 26 du code pénal.

Article 106-6 : Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui dresse procès-verbal de chacune des opérations d'interception et d'enregistrement. Ce procès-verbal mentionne la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée.

Article 106-7 : Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui transcrit la correspondance utile à la manifestation de la vérité. Il en est dressé procès-verbal. Cette transcription est versée au dossier.

Les correspondances sont, le cas échéant, traduites en français avec l'assistance d'un interprète requis à cette fin.

Article 106-8 : Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en ait été informé par le juge d'instruction.

Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet du bâtonnier ou de son domicile sans qu'un membre du Conseil de l'ordre en ait été informé par le juge d'instruction.

Aucune interception ne peut avoir lieu sur la ligne d'un Conseiller national sans que le président du Conseil national en ait été informé par le juge d'instruction.

Aucune interception ne peut avoir lieu sur la ligne du Président du Conseil national sans que le vice-président du Conseil national en ait été informé par le juge d'instruction.

Article 106-9 : Si la surveillance fournit des informations relevant du secret professionnel auquel s'applique le droit de refuser de témoigner, les documents relatifs à ces informations doivent être immédiatement détruits.

Article 106-10 : Les enregistrements et documents portant transcription sont détruits, à la diligence du procureur général, à l'expiration du délai de prescription de l'action publique.

Il est dressé procès-verbal de l'opération de destruction.

Toute personne écoutée peut demander à la juridiction d'instruction ou à la juridiction ayant statué en dernier lieu, la suppression des éléments la concernant et qui ne sont pas nécessaires à la manifestation de la vérité.

Article 106-11 : Les formalités prévues aux articles 106-1 à 106-10 sont prescrites à peine de nullité. »

Article 3🔗

La Section VII du titre VI du Livre I du Code de procédure pénale est remplacée par les dispositions suivantes :

« SECTION VII

DU CONTROLE JUDICIAIRE ET DE LA DETENTION PROVISOIRE

Article 180 : L'inculpé, présumé innocent, reste libre.

Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, le juge d'instruction peut ordonner son placement sous contrôle judiciaire. Si cette mesure apparaît insuffisante au regard de ces objectifs, le juge d'instruction peut, à titre exceptionnel, le placer en détention provisoire.

Le juge d'instruction statue après avoir recueilli les réquisitions du procureur général.

SOUS-SECTION I

DU CONTROLE JUDICIAIRE

Article 181 : L'inculpé est placé sous contrôle judiciaire par une ordonnance du juge d'instruction qui peut être prise à tout moment de l'instruction.

Article 182 : Le contrôle judiciaire peut être ordonné si l'inculpé encourt une peine d'emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave.

Le juge d'instruction astreint l'inculpé à une ou plusieurs des obligations énumérées ci-après :

  • 1°) ne pas sortir des limites territoriales de la Principauté ;

  • 2°) informer le juge d'instruction de tout déplacement ;

  • 3°) ne s'absenter de son domicile ou de sa résidence qu'aux conditions et pour les motifs fixés par le juge d'instruction ;

  • 4°) se présenter périodiquement aux services ou autorités désignés par le juge d'instruction ;

  • 5°) remettre au greffe général tous documents justificatifs d'identité et notamment le passeport, en échange d'un récépissé ;

  • 6°) s'abstenir de conduire tous les véhicules ou certains véhicules et, le cas échéant, remettre au greffe général son permis de conduire ; le juge d'instruction pourra cependant permettre à l'inculpé de faire usage de son permis de conduire pour l'exercice de son activité professionnelle ;

  • 7°) s'abstenir de rencontrer certaines personnes désignées par le juge d'instruction, ainsi que d'entrer en relation avec elles de quelque façon que ce soit ou de fréquenter certains lieux ;

  • 8°) s'abstenir d'exercer toute activité professionnelle ou sociale en relation avec le comportement infractionnel ;

  • 9°) se soumettre à des mesures d'examen, de traitement ou de soins ;

  • 10°) répondre aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée désignée par le juge d'instruction ;

  • 11°) ne pas émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ;

  • 12°) ne pas détenir ou porter une arme et, le cas échéant, remettre au greffe contre récépissé les armes dont il est détenteur ;

  • 13°) justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les aliments qu'il a été condamné à payer par décision judiciaire ;

  • 14°) fournir un cautionnement dans les conditions fixées aux articles suivants.

Ces mesures sont prescrites par ordonnance du juge d'instruction susceptible d'appel.

Article 183 : Le cautionnement, dont le montant est fixé par le juge compte tenu des ressources et des charges de l'inculpé, est fourni en espèces appartenant soit à l'inculpé, soit à un tiers, ou en valeurs agréées par le juge. Le juge d'instruction précise également le délai du versement et ses modalités.

Le cautionnement peut aussi consister dans la constitution d'une sûreté reconnue suffisante ou la soumission d'une caution solvable.

Toute contestation relative au cautionnement est vidée, sur requête, en chambre du conseil de la cour d'appel.

Article 184 : Le cautionnement garantit :

  • 1°) la représentation de l'inculpé à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement, ainsi que, le cas échéant, l'exécution des autres obligations qui lui ont été imposées ;

  • 2°) le paiement dans l'ordre suivant : d'abord, les frais engagés par la partie publique ; ensuite, ceux avancés par la partie civile, la réparation des dommages causés par l'infraction; enfin, les amendes.

L'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire détermine la somme affectée à chacune des deux parties du cautionnement.

Article 185 : Les obligations que garantit la première partie du cautionnement cessent si l'inculpé se présente à tous les actes pour lesquels sa présence est requise. La première partie du cautionnement est acquise au Trésor, dès l'instant que l'inculpé, sans motif légitime, ne s'est pas présenté à tous les actes de la procédure ou pour l'exécution de la condamnation. Néanmoins, en cas de renvoi des poursuites, d'absolution ou d'acquittement, la décision peut ordonner la restitution de cette partie du cautionnement.

Article 186 : En cas d'acquittement, d'absolution ou de renvoi des poursuites, la seconde partie du cautionnement est restituée. En cas de condamnation, elle est affectée aux frais et à l'amende suivant l'ordre énoncé à l'article 184, 2°. Le surplus, s'il échet, est restitué.

Article 187 : Le juge d'instruction peut, à tout moment, imposer à la personne placée sous contrôle judiciaire une ou plusieurs obligations nouvelles, supprimer tout ou partie des obligations initialement imposées, modifier une ou plusieurs de ses obligations ou accorder une dispense occasionnelle ou temporaire pour certaines d'entre elles.

Article 188 : Le juge d'instruction peut ordonner la mainlevée du contrôle judiciaire à tout moment, soit d'office, soit sur les réquisitions du procureur général, soit sur la demande de la personne qui fait l'objet de la mesure, après avis du procureur général.

Dans ce dernier cas, le juge d'instruction statue dans un délai de cinq jours, par ordonnance motivée. Faute par le juge d'avoir statué dans ce délai, la personne placée sous contrôle judiciaire peut saisir directement de sa demande la chambre du conseil de la cour d'appel qui, sur les réquisitions du procureur général, se prononce dans les vingt jours.

Article 189 : Si l'inculpé se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le juge d'instruction peut le placer en détention provisoire, quelle que soit la peine d'emprisonnement encourue.

SOUS-SECTION II

DE LA DETENTION PROVISOIRE

§ 1

DU PLACEMENT EN DETENTION PROVISOIRE

Article 190 : Hors le cas de l'article 189, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que dans deux cas :

  • 1°) lorsque l'inculpé encourt une peine criminelle ;

  • 2°) lorsque l'inculpé encourt une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à un an d'emprisonnement.

Article 191 : La détention provisoire peut être ordonnée ou prolongée lorsqu'elle est l'unique moyen :

  • 1°) de conserver les preuves ou les indices matériels ou d'empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes, soit une concertation frauduleuse entre les inculpés et les complices ;

  • 2°) de protéger l'inculpé, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;

  • 3°) de mettre un terme au trouble causé à l'ordre public en raison de la gravité de l'infraction, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice causé.

Article 192 : La personne placée en détention provisoire doit être immédiatement libérée dès que les conditions prévues aux articles 190 et 191 ne sont plus remplies.

Article 193 : La détention provisoire est prescrite par une ordonnance motivée comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire et le motif de la détention.

Cette ordonnance est notifiée verbalement à la personne concernée qui en reçoit copie intégrale contre émargement au dossier de la procédure. Elle est informée qu'elle peut en relever appel au plus tard le deuxième jour suivant la décision de placement en détention. En ce cas, la chambre du conseil de la cour d'appel statue au plus tard le troisième jour ouvrable après l'appel, l'inculpé et s'il y a lieu son conseil étant convoqués sans délai. L'exercice de cette voie de recours n'a pas d'effet suspensif.

Article 194 : La durée de la détention provisoire doit être raisonnable au regard de la gravité des faits et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité.

En matière correctionnelle, la détention provisoire ne peut excéder quatre mois. Toutefois, si le maintien en détention paraît nécessaire, le juge d'instruction peut la prolonger pour une période d'égale durée, renouvelable.

En matière criminelle, la détention provisoire ne peut excéder un an. A l'expiration de ce délai, le juge d'instruction peut prolonger la détention pour une période de six mois, renouvelable.

Le juge d'instruction prolonge la détention provisoire par ordonnance motivée, rendue après réquisitions du procureur général. Les ordonnances sur le maintien en détention sont notifiées à l'inculpé et à son conseil. Elles sont susceptibles d'appel. L'exercice de cette voie de recours n'a pas d'effet suspensif.

Article 195 : Les inculpés en état de détention provisoire sont, à moins d'impossibilité, isolés les uns des autres.

Ils peuvent recevoir et adresser de la correspondance écrite, sauf si le juge d'instruction l'interdit. Toutefois, ils ont la faculté d'écrire, sous pli fermé, à ce juge et à leur conseil.

Le juge d'instruction peut exceptionnellement, par ordonnance spéciale et motivée, prononcer à l'égard de l'inculpé une interdiction de communiquer. Cette interdiction ne doit pas excéder une durée de huit jours ; si les circonstances l'exigent, elle peut être renouvelée par le juge d'instruction, une seule fois, pour une période égale. L'inculpé peut interjeter appel de la décision du juge d'instruction portant ou renouvelant l'interdiction de communiquer. L'appel ne suspend pas l'exécution et il sera jugé, dans le moindre délai, par la chambre du conseil de la cour d'appel, hors la présence des parties, sur des mémoires et documents produits.

Sous réserve des dispositions précédentes, toute personne placée en détention provisoire peut, avec l'autorisation du juge d'instruction, recevoir des visites.

Article 196 : L'inculpé détenu provisoirement est soumis, pour tout ce qui n'est pas prévu par les articles du présent code, au règlement général du service pénitentiaire.

§ 2

DE LA DEMANDE DE MISE EN LIBERTE

Article 197 : Le juge d'instruction peut, après avis du procureur général, ordonner d'office la mise en liberté de l'inculpé.

Le procureur général peut aussi, à tout moment, requérir la mise en liberté de l'inculpé. Le juge d'instruction statue dans le délai de trois jours après ces réquisitions.

L'inculpé peut, à toute période de sa détention, demander sa mise en liberté.

Article 198 : Il est statué sur les demandes de mise en liberté par le juge d'instruction et, après dessaisissement de ce magistrat, par la juridiction d'instruction ou de jugement saisie de l'affaire.

La chambre du conseil de la cour d'appel est compétente pour statuer sur une demande de mise en liberté lorsque, par suite des circonstances, aucune autre juridiction ne peut en connaître.

Article 199 : Le juge d'instruction communique au procureur général, en vue d'obtenir ses réquisitions, les demandes de mise en liberté formulées par l'inculpé. Il statue sur ces demandes dans les dix jours de leur réception.

En l'absence de décision du juge d'instruction dans ce délai, la chambre du conseil de la cour d'appel peut être saisie sur simple requête.

La chambre du conseil, saisie soit comme juridiction d'appel, soit directement, et les juridictions de jugement statuent dans le même délai sur les demandes de mise en liberté, après communication au procureur général, l'inculpé ou son conseil entendu ou dûment appelé.

Article 200 : La mise en liberté peut être assortie d'une ou plusieurs mesures de contrôle visées à l'article 182.

Si la mise en liberté est subordonnée à l'obligation de fournir un cautionnement, l'inculpé non domicilié doit, avant d'être remis en liberté, élire domicile dans la Principauté.

Article 201 : Après la mise en liberté, si l'inculpé tenu de comparaître ne se présente pas, ou si des circonstances nouvelles et graves rendent sa détention nécessaire, le juge d'instruction, la chambre du conseil ou la juridiction de jugement saisie, suivant les cas, peut décerner un nouveau mandat d'arrêt.

Lorsque la liberté a été accordée par la chambre du conseil de la cour d'appel, le nouveau mandat ne peut être délivré que sur l'avis conforme de cette juridiction.

§ 3

DE L'INDEMNISATION EN RAISON D'UNE DETENTION PROVISOIRE

Article 202 : Une indemnité doit être accordée, en réparation de son préjudice, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire pour des faits ayant par la suite abouti, à son égard, à une décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive. Une telle indemnité peut également être allouée dans le cas où les faits ayant justifié la détention provisoire ont ultérieurement donné lieu à une décision de non-lieu devenue définitive.

Article 202-1 : La requête en indemnité est portée devant une commission d'indemnisation présidée par le premier président de la cour de révision ou le conseiller qu'il désigne à cet effet. Elle est en outre composée :

  • 1°) du premier président de la cour d'appel ou du conseiller qu'il désigne à cet effet ;

  • 2°) du président du tribunal de première instance ou du juge qu'il désigne à cet effet ;

  • 3°) d'un conseiller d'Etat désigné par le président du conseil d'Etat.

Ne peuvent être désignés pour siéger les magistrats qui ont pris part à la procédure close par le prononcé de la décision judiciaire sur le fondement de laquelle la commission d'indemnisation est saisie. Lorsque, pour ce motif, aucun des magistrats des juridictions mentionnées au précédent alinéa ne peut être désigné, le président de la juridiction concernée procède à la désignation d'un magistrat honoraire ou d'un ancien bâtonnier de l'ordre des avocats-défenseurs et avocats de Monaco n'ayant jamais eu à intervenir dans la procédure en cause.

Le greffe de la commission d'indemnisation est assuré par le greffier en chef.

Article 202-2 : La commission d'indemnisation est, à peine d'irrecevabilité, saisie dans les six mois suivant lesquels la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement est devenue définitive. La requête introductive de l'instance est signée par un avocat-défenseur et déposée au greffe général contre récépissé.

Elle est transmise au procureur général qui conclut en réponse dans les deux mois. Le demandeur puis le procureur général disposent alors chacun respectivement d'un nouveau délai d'un mois pour conclure. Au terme de ces échanges, le greffier en chef dresse procès-verbal de clôture de la procédure. Il transmet sans délai ce procès-verbal au président de la commission.

La notification aux parties des requêtes et conclusions est assurée par le greffier en chef contre récépissé.

Article 202-3 : Au vu du procés-verbal de clôture, le président de la commission d'indemnisation désigne un membre de la juridiction aux fins d'établir un rapport puis fixe la date de l'audience.

Les audiences de la commission sont publiques sauf si, à la requête du demandeur ou du procureur général, son président autorise le huis clos. Après le rapport, sont entendus le conseil du demandeur en sa plaidoirie puis le procureur général en ses réquisitions.

Le président de la commission assure la police des audiences et dirige les débats.

Les débats terminés, la commission délibère hors la présence du procureur général, du demandeur, de son conseil et du greffier en chef. La voix du président est prépondérante en cas de partage.

Article 202-4 : Les décisions de la commission d'indemnisation sont motivées, signées par les membres de la commission qui les ont rendues et lues en audience.

La commission d'indemnisation statue en dernier ressort.

L'indemnité allouée est à la charge du Trésor. »

Article 4🔗

Le titre I du Livre VI du Code de procédure pénale est remplacé par les dispositions suivantes :

« TITRE I

DU DEFAUT CRIMINEL

Article 524 : L'accusé absent, sans excuse valable à l'ouverture de l'audience, est jugé par défaut.

Toutefois, le tribunal peut décider de renvoyer l'affaire à une session ultérieure, après avoir décerné mandat d'arrêt contre l'accusé si un tel mandat n'a pas déjà été décerné.

Nul n'est recevable à déclarer qu'il fait défaut, dès lors qu'il est présent au début de l'audience.

Article 525 : Le tribunal examine l'affaire et statue sur l'accusation sans l'assistance des jurés, sauf si sont présents d'autres accusés jugés simultanément lors des débats ou si l'absence de l'accusé a été constatée après le commencement des débats.

En présence d'un avocat-défenseur ou d'un avocat pour représenter l'accusé et assurer la défense de ses intérêts, la procédure se déroule conformément aux articles 290 à 367, à l'exception des dispositions relatives à l'interrogatoire ou à la présence de l'accusé. En l'absence d'avocat, le tribunal statue après avoir entendu la partie civile ou son avocat et les réquisitions du ministère public.

En cas de condamnation à une peine ferme privative de liberté, le tribunal décerne mandat d'arrêt contre l'accusé, sauf si celui-ci a déjà été décerné.

Article 526 : Si l'accusé condamné par défaut se constitue prisonnier ou s'il est arrêté avant que la peine soit éteinte par prescription, l'arrêt du tribunal criminel est non avenu dans toutes ses dispositions. Il est alors procédé à un nouvel examen de son affaire par le tribunal criminel conformément aux articles 273 et suivants.

L'accusé demeure détenu jusqu'à sa comparution devant le tribunal criminel.

Article 527 : Les dispositions du présent titre sont applicables aux personnes renvoyées pour délits connexes. Le Tribunal peut toutefois, sur réquisitoire du Ministère public et après avoir entendu les observations des parties, ordonner la disjonction de la procédure les concernant. Ces personnes sont alors considérées comme renvoyées devant le tribunal correctionnel et peuvent y être jugées par défaut. »

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