Projet de loi n° 815 relative à l'abaissement du taux légal d'alcoolémie

  • Consulter le PDF

Exposé des motifs🔗

Parce que l'alcool au volant reste un fléau en dépit du durcissement de la législation et des nombreuses et nécessaires campagnes de communication, la lutte contre l'alcoolémie est un élément prépondérant au coeur de la politique de prévention et de sécurité routière.

Cette prégnance se mesure aux dangers liés à la consommation d'alcool, tels qu'ils peuvent ressortir de nombreux travaux, notamment réalisés en France.

Si les effets physiologiques de l'alcool paraissent connus, ils ne cessent pour autant d'être mis en exergue de manière récurrente à l'occasion des diverses études scientifiques et médicales menées à cet égard : rétrécissement du champ visuel, augmentation de la sensibilité à l'éblouissement, altèration de l'appréciation des distances et des largeurs, diminution des réflexes, surestimation des capacités du conducteur et effet euphorisant, etc.

Triste constat commun à l'ensemble des États européens, la corrélation proportionnelle entre le risque d'accident, grave ou mortel, et le taux d'alcoolémie est avérée, et ce à l'appui de données statistiques démontrant toujours plus le danger inhérent à ce phénomène grave.

Ainsi les études récentes menées dans le pays voisin révèlent-elles que dans 85 % des cas d'accidents mortels liés à l'alcool, les responsables étaient des buveurs occasionnels. L'alcool est à l'origine de 34% des accidents mortels toute l'année, et cette proportion s'élève à 45% dans les accidents mortels, impliquant un véhicule seul, sans piéton. L'alcool est impliqué dans la moitié des accidents mortels survenus le week-end et il est la principale cause de 42% des accidents mortels touchant les jeunes de 18 à 24 ans l'été.

À Monaco, la matière est pénalement appréhendée par l' article 391-1 du Code pénal, en vertu duquel est puni d'un emprisonnement d'un à six mois et de l'amende prévue au chiffre 2 de l'article 26 ou de l'une de ces deux peines seulement, « celui qui aura conduit un véhicule alors qu'il se trouvait, même en l'absence de tout signe d'ivresse manifeste, sous l'emprise d'un état alcoolique caractérisé par la présence, soit dans le sang d'un taux d'alcool pur, égal ou supérieur à 0,80 gramme pour mille, soit dans l'air expiré d'un taux d'alcool pur, égal ou supérieur à 0,40 milligramme par litre ».

Pour autant, les études statistiques menées en Principauté montrent que le nombre d'infractions pour conduite en état d'ivresse est en proie à une croissance gravement exponentielle : 72 en 1999, 108 en 2000, 90 en 2001, 127 en 2002, 139 en 2003 et 146 en 2004. Ainsi, depuis 1999, le volume de ces comportements infractionnels a augmenté de 100%.

Aussi est-ce à l'aune de cette hausse des conduites en état d'ivresse que le Gouvernement a lancé une campagne de prévention et de répression, aux fins d'endiguer toute attitude irresponsable sur la route.

Il importe à cet égard de rappeler les impératifs devant configurer l'appréhension pénale de la conduite en état d'ivresse. En l'occurrence, il appert que ces orientations s'articulent autour d'un triple objectif.

L'objectif d'extension de la répression implique d'abaisser le taux d'alcoolémie dont le dépassement entraîne sanction de la personne concernée.

L'objectif de proportionnalité de la répression infère le maintien de la qualification délictuelle de la conduite sous l'empire d'un état alcoolique, ceci au regard de l'importance des enjeux d'une telle qualification, de la politique de sécurité routière, et en application du postulat d'une répression proportionnée à la gravité des comportements infractionnels.

Enfin, l'objectif d'efficience de la répression conduit à considérer le risque que pourrait constituer l'existence de qualifications concurrentes pour un seul et même acte punissable.

À cet égard, le texte projeté marque l'adéquation à ces orientations, pour chacune des prescriptions soulignées. En effet, tout en contribuant à l'accroissement de la répression de l'alcoolémie au volant, le texte projeté tend à respecter la proportionnalité entre la peine et la gravité du comportement ; en outre, le dispositif projeté tend à éviter l'écueil d'une qualification pénale alternative, source d'incertitude pour le justiciable et d'incohérence pour la loi pénale.

Ainsi, l'article 391-1 actuel du Code pénal et l'article 419,12° projeté appréhendent des comportements qui, quoique relevant de la catégorie générique de « conduite en état d'ivresse », se distinguent par leur gravité respective.

  • Le texte projeté conduit à abaisser le taux légal d'alcoolémie en intégrant à l'arsenal répressif une contravention supplémentaire. Ainsi l'article 419 du Code pénal reçoit l'adjonction d'un douzième alinéa, en application duquel ceux qui auront conduit un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, encourront l'amende prévue au chiffre 3 de l'article 29 du Code pénal.

    Il n'est cependant pas dénué d'intérêt de relever que ces dispositions participent d'une logique de gravité de seuil, dans la mesure où la qualification contraventionnelle ne trouvera à s'appliquer que lorsque le taux constaté sera « caractérisé par la présence, soit dans le sang d'un taux d'alcool pur, égal ou supérieur à 0,50 gramme pour mille, soit dans l'air expiré d'un taux d'alcool pur, égal ou supérieur à 0,25 milligramme par litre ».

  • Cependant, si le taux d'alcoolémie est plus élevé, la répression a vocation à suivre cet accroissement de gravité.

Si ce taux est supérieur à 0,80 gramme pour mille, ce comportement opère alors le passage d'une qualification contraventionnelle vers une qualification délictuelle : il y aura alors lieu, en effet, d'appliquer les dispositions de l'actuel article 391-1 du Code pénal, en vertu duquel le conducteur encourt un emprisonnement de un à six mois et/ou l'amende prévue au chiffre 2 de l'article 26 du Code pénal, ces dispositions procédant également d'une gravité de seuil. 5

 

En toute hypothèse, la combinaison de ces différentes dispositions permet une approche différenciée et graduelle de la conduite sous l'empire d'un état alcoolique, graduation permettant une répression accrue, efficiente et proportionnée à la gravité des comportements : bien que participant tous deux à la lutte contre la conduite en état d'ivresse, les articles 391-1 et 419,12° projeté, loin de se contredire et de s'exposer au grief de qualification alternative, reposent sur une différence de gravité.

Dès lors, c'est par conséquent dans le respect de ces préoccupations d'ordre général, conciliant impératifs de sécurité routière et de sécurité juridique, que s'inscrit le texte projeté.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Article unique🔗

Il est ajouté, à l'article 419 du Code pénal, un douzième alinéa ainsi rédigé :

« 12° ceux qui auront conduit un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, caractérisé par la présence, soit dans le sang d'un taux d'alcool pur, égal ou supérieur à 0,50 gramme pour mille, soit dans l'air expiré d'un taux d'alcool pur, égal ou supérieur à 0,25 milligramme par litre ».

  • Consulter le PDF