Projet de loi n° 809 relative au congé de paternité accordé aux salariés
Exposé des motifs🔗
Les questions familiales et sociales requièrent l'attention particulière des autorités publiques à qui il appartient de créer un environnement toujours plus favorable à la naissance de nouvelles vies étant souligné que la place et le rôle du père, dans et pour la famille, sont d'une importance unique et irremplaçable. L'instauration du congé de paternité dans la Principauté contribue à l'évidence à la réalisation de cet objectif.
De fait, dans le temps qui suit la naissance, l'enfant aussi bien que la mère ont besoin de la présence effective du père. Cette présence s'avère en effet primordiale, tant sur le plan affectif pour tous les membres de la famille, que sur celui d'une aide concrète à apporter à la mère dans une période physiquement et psychologiquement éprouvante pour elle. De fait, le rôle du père aux côtés de la mère est essentiel à l'accueil et à la prise en charge du nouveau-né tout comme à la mise en place de la nouvelle organisation du foyer qu'implique l'arrivée de ce dernier.
Il convient de préciser que le congé de paternité doit être distingué du congé parental, lequel, destiné à assurer l'éducation d'un enfant en bas âge, est en général d'une durée importante et s'adresse aussi bien à la mère qu'au père. Le congé de paternité constitue quant à lui un congé de naissance spécifique accordé seulement au père juste après ou durant les premiers mois suivant la naissance.
Or, si l'existence du congé de maternité est ancienne et bien établie, il n'en est pas de même pour le congé de paternité, notamment du fait de l'absence de raisons physiologiques pour le justifier. Encore convient-il de relever qu'en Suisse, les femmes ne bénéficient d'un congé de maternité que depuis le 1er juillet 2005, conséquemment au référendum du 26 septembre 2004 sur l'assurance maternité.
De fait, son introduction dans les législations des différents Etats européens est récente, les pays nordiques étant souvent précurseurs en ces domaines. C'est essentiellement depuis la fin des années 1990 qu'ont été créés de tels congés, lesquels sont parfois venus s'ajouter au congé déjà existant de quelques jours accordé lors de la naissance d'un enfant.
Tel est par exemple le cas en France où au congé de naissance de trois jours a été adjoint un véritable congé de paternité de onze jours (dix-huit jours en cas de naissances multiples) par la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Ce mouvement législatif en Europe est essentiellement conduit dans une optique d'égalité entre hommes et femmes, dans le but de parvenir à une véritable parité parentale. Il fait d'ailleurs suite à la recommandation du Conseil Européen du 31 mars 1992 concernant la garde des enfants, dans laquelle il est demandé aux Etats membres de l'Union Européenne de « promouvoir et d'encourager […] une participation accrue des hommes, afin d'assurer un partage plus égal des responsabilités parentales entre les hommes et les femmes ». Par ailleurs, la directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, encourage les Etats membres à prévoir de tels congés de paternité.
Ainsi, en novembre 2003 la situation était la suivante :
Allemagne, Autriche et Irlande : absence de congé de paternité légal ; toutefois, un à trois jours peuvent être accordés dans le cadre d'accords collectifs ; en Irlande, trois jours de congés payés sont habituellement accordés par l'employeur au moment de la naissance ;
Italie, Pologne et Slovaquie : droit ouvert dans de rares situations (le père peut bénéficier du congé de maternité à la place de la mère dans des situations bien particulières) ;
Espagne, Grèce, Luxembourg et Pays-Bas : congé de paternité de deux jours ; en Espagne une partie du congé de maternité peut être transféré au père dans certaines hypothèses ;
Hongrie et Portugal : congé de paternité de cinq jours ;
Belgique et Suède : congé de paternité de dix jours ;
Danemark, France et Royaume-Uni: congé de paternité de deux semaines ; en France, trois semaines en cas de naissances multiples ;
Finlande : 18 jours, susceptibles d'être prolongés de douze jours lorsque le père prend aussi une partie du congé parental ;
Norvège : le congé de paternité n'existe pas en tant que tel mais est intégré au congé parental de cinquante-deux semaines, dont quatre semaines sont réservées au père ; le père peut prendre au maximum quarante-trois semaines, dont trente-trois payées intégralement ; si la mère n'exerce pas d'activité professionnelle, le père peut prendre trente-huit semaines, dont vingt-huit payées intégralement ;
Slovénie : congé de paternité de quinze jours rémunérés, à prendre pendant le congé de maternité, soixante-quinze jours supplémentaires non rémunérés pouvant être pris jusqu'aux huit ans de l'enfant, ce qui porte le total à quatre-vingt-dix jours.
Par ailleurs, si la durée varie d'un Etat à l'autre, il en est de même en ce qui concerne la rémunération, laquelle est versée, selon les cas, soit par l'employeur, soit par l'assurance-maladie. Ainsi, en novembre 2003, les taux de rémunération étaient les suivants :
Espagne, Grèce, Luxembourg, Pays-Bas, Hongrie et Portugal : dans ces Etats où le congé de paternité est limité à quelques jours, le salaire est intégralement maintenu et est le plus souvent à la charge de l'employeur ;
Belgique : le salaire est intégralement maintenu pendant les trois premiers jours et est versé par l'employeur ; au-delà, la rémunération est de 82% du salaire, plafonnée et versée par l'assurance-maladie ;
Suède : la rémunération est de 80% et plafonnée ;
Danemark : la rémunération est de 90% et est plafonnée ;
France : le salaire est intégralement maintenu pendant les trois premiers jours et est versé par l'employeur ; au-delà, la rémunération est intégrale, mais plafonnée et versée par l'assurance maladie ;
Royaume-Uni : la rémunération est de £ 100 par semaine ou de 90% des revenus s'ils sont inférieurs à cette somme ;
Finlande : le taux est dégressif en fonction des revenus, de l'ordre de 100 à 50 % de ces derniers ;
Slovénie : le salaire, pris en charge par l'Etat, est intégralement versé les quinze premiers jours, mais les soixante-quinze jours suivants ne sont pas rémunérés.
Le présent projet de loi, qui tend à introduire, dans notre droit du travail et notre législation sociale, le congé de paternité s'inscrit donc dans la mouvance législative générale de ces Etats européens. Il s'agit plus particulièrement d'instaurer un droit des pères à bénéficier d'un congé légal à la naissance de leur enfant, distinct de l'autorisation d'absence exceptionnelle de deux jours qui leur était jusqu'à présent seule reconnue par la convention collective nationale du travail.
Mais ce projet trouve plus particulièrement son origine dans la proposition de loi n° 169, adoptée par le Conseil National lors de la séance publique du 27 mai 2004.
En réponse, par lettre ministérielle du 24 novembre 2004, il était indiqué à la présidence de l'Assemblée que le Gouvernement Princier considérait qu'une suite favorable devait être réservée à cette proposition, sous réserve de quelques adaptations juridiques et techniques respectant l'esprit du texte mais précisant certaines des modalités d'application, et que, dans ces conditions, un projet de loi serait, en application de l'article 67 de la Constitution, déposé dans un délai d'un an à compter du 27 novembre 2004.
Pour être complet au sujet des travaux préparatoires du présent projet, il importe de signaler que sa teneur a été soumise à l'examen des Comités des Caisses Sociales.
Ce texte s'inscrit par ailleurs dans le droit fil de la loi n° 1.271 du 3 juillet 2003 relative au congé d'adoption accordé aux salariés, lequel bénéficie aux deux parents adoptifs.
Cumulée avec la durée du congé exceptionnel de naissance, la période de congé instituée par le présent projet de loi permettra aux pères qui le souhaitent de disposer de deux semaines auprès de leur enfant, lors de sa naissance ou dans les premiers mois suivant cette naissance.
Cette durée permettra au père de soutenir moralement et d'aider matériellement son épouse afin de la libérer de la surcharge de travail inhérente à l'arrivée du nourrisson dans une période où la fatigue liée à la fin de la grossesse et à l'accouchement se fait particulièrement sentir et se cumule souvent au « baby blues ». Ce congé permettra également de satisfaire le désir de beaucoup de pères d'assister aux premiers jours de leur nourrisson.
Cette mesure est à l'évidence très attendue et le congé de paternité connaîtra selon toute vraisemblance dans la Principauté le même succès que dans le pays voisin où, alors que le Gouvernement prévoyait que 40% des pères prendraient le congé de paternité la première année de son instauration, en 2002, ils furent environ les deux tiers.
Du reste, il est patent de constater qu'actuellement, à défaut de l'existence d'un tel congé, nombre de pères prennent au moment de la naissance de leur enfant, en sus de l'autorisation d'absence exceptionnelle de deux jours, des congés décomptés sur leur quota de congés annuels.
A titre de comparaison, il peut être relevé que les taux de recours au congé de paternité sont de 95 à 100% aux Pays-Bas, 73% en Suède (2000), 59% au Danemark, 65 % en France (2003), 63% au Royaume-Uni (2003), 66% en Finlande (2002), 85% en Norvège (2001, taux congé parental et de paternité confondu) et 90% en Slovénie (2002).
Toutes les études s'accordent par ailleurs à montrer que dans les Etats où le congé de paternité s'accompagne du versement d'indemnités qui compensent la perte de salaire, de nombreux pères le prennent.
Par souci de parité et afin de ne pas alourdir les charges pesant sur l'employeur, le congé de paternité sera rémunéré au moyen du versement de prestations sociales par les Caisses Sociales selon les mêmes modalités que le congé de maternité, soit actuellement 90% du salaire mensuel moyen brut du salarié concerné.
Il peut être relevé que les Caisses Sociales ont évalué le coût de cette mesure à un montant de plus de 930.000,00 euros par an, sur la base des chiffres de l'année 2003 d'un peu moins de mille naissances annuelles. Par rapport aux salaires taxés en 2002-2003, cette dépense supplémentaire représenterait 0,10 point de cotisation.
Si le présent projet de loi ne traite que des pères salariés du secteur privé, deux autres projets de loi prévoient d'instituer le congé de paternité pour les fonctionnaires de l'Etat et de la Commune, lesquels sont régis par des textes spécifiques. En outre, et en accord avec le souhait formulé par le Conseil National, le bénéfice de cette avancée sociale sera étendu à l'ensemble de la population active, notamment aux agents de l'Etat et de la Commune, ainsi qu'au personnel hospitalier.
Sous le bénéfice de ces observations d'ordre général, le présent projet de loi appelle les commentaires particuliers ci-après.
----------
Le projet de loi comprend quatorze articles voués à l'introduction du congé de paternité dans notre droit du travail, dont deux tendent du reste à modifier la législation sociale de manière à permettre l'indemnisation dudit congé par les Caisses Sociales.
L'article premier pose le principe du droit du père salarié à bénéficier d'un congé à la suite de la naissance de son enfant, dans les conditions prévues par la loi.
Si la paternité est présumée dans le cadre du mariage, ainsi que le prévoit le Code civil aux articles 215 et suivants, le salarié devra en revanche la justifier dans les autres cas.
La durée du congé de paternité est définie à l'article 2. Celle-ci est ainsi fixée à douze jours calendaires consécutifs en cas de naissance simple, ou à dix-neuf jours calendaires consécutifs en cas de naissances multiples ou si le foyer a déjà plusieurs enfants à charge.
Il en résulte que les samedis, dimanches et jours fériés doivent être compris dans la durée du congé de paternité et que la période totale de prise de ce congé ne peut être fractionnée dans le temps. Les jours pris devant en effet être « consécutifs », ce afin de ne pas désorganiser le fonctionnement de l'entreprise employant le salarié.
Les pères pourront ainsi bénéficier, selon le cas, de deux ou trois semaines de temps libre auprès de leur épouse et de leur (ou de leurs) enfant(s) puisque, à l'instar de la pratique retenue dans le pays voisin, le congé de paternité peut être notamment cumulé avec l'autorisation d'absence exceptionnelle de deux jours pour la naissance d'un enfant prévu à l'article 5 de l'avenant n° 18 du 13 mai 1981 à la convention collective nationale du travail (cf. arrêté ministériel n° 81-554 du 26 octobre 1981 relatif à la généralisation de l'avenant n° 18 du 13 mai 1981 à la convention collective nationale du travail sur la mensualisation). Ce congé peut également être cumulé avec toute autre période de congé dont bénéficie, le cas échéant, conventionnellement le salarié à l'occasion d'une naissance, ainsi bien entendu qu'avec un congé décompté sur le quota de congés annuels.
Il doit de surcroît être précisé que tout comme dans le pays voisin, cette durée ne constitue qu'un maxima, le salarié conservant la faculté de prendre un congé d'une durée inférieure. Cette souplesse peut s'avérer appréciable pour quelques salariés, dans certains cas particuliers.
Par ailleurs, l'article 3 précise que pour pouvoir bénéficier du congé de paternité, le père salarié est tenu de justifier de la naissance auprès de son employeur, ce qui pourra se faire en pratique par la production d'une copie du livret de famille ou d'un extrait d'acte de naissance.
L'article 4 pose le principe du début de la prise du congé de paternité dans les quatre mois qui suivent la naissance de l'enfant.
Selon toute vraisemblance, la plupart des salariés prendront leur congé de paternité au moment de la naissance de leur enfant, à la suite de l'autorisation d'absence exceptionnelle de deux jours précitée, période qui apparaît comme la plus adéquate puisque c'est à ce moment que la mère a le plus besoin d'être soutenue. Toutefois, le délai de quatre mois susvisé autorise une certaine flexibilité aux pères dans le choix de leur date de départ, qu'ils pourraient être amenés à vouloir reporter pour des motifs d'organisation professionnelle ou pour attendre les vacances scolaires pour s'occuper des autres enfants, notamment dans le cas d'une famille nombreuse. Les parents disposent ainsi d'une certaine souplesse pour déterminer la période de prise du congé de paternité qui leur convient le mieux.
Comme pour le congé de maternité, la période de prise du congé de paternité peut en outre être prorogée en cas d'hospitalisation de l'enfant, à la condition que cette hospitalisation débute au cours de la période de quatre mois susvisée. Le cas de figure le plus classique concerne l'hospitalisation de l'enfant à sa naissance.
Cette prorogation s'applique également en cas de décès de la mère pendant la période de son congé postnatal, afin de permettre au père de cumuler son droit à congé avec la durée résiduelle du congé postnatal dont il pourra désormais bénéficier en lieu et place de la mère en application de l'article 8.
L'article 5 précise que le congé de paternité entraîne la suspension du contrat de travail du salarié et ne peut constituer en lui-même un motif de licenciement, suivant en cela le régime applicable tant au congé de maternité qu'au congé d'adoption.
En outre, si l'accord de l'employeur n'a pas à être recherché, cet article impose au salarié de le prévenir, au moins deux semaines avant, de la date à laquelle il entend prendre son congé de paternité et de la date de son retour. Il peut être noté que ce délai pour informer l'employeur est réduit de moitié par rapport au délai d'un mois prévu en matière de congé d'adoption, ainsi que par comparaison à celui prévu dans le pays voisin, ce toujours dans le même souci de préserver une certaine flexibilité au bénéfice des pères.
L'employeur est averti des dates de prise du congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Afin d'éviter que ce formalisme ne contraigne le salarié à un départ en congé prématuré, compte tenu notamment de l'incertitude qui entoure la date de l'accouchement, le dernier alinéa prévoit que le bénéfice du congé est reporté de plein droit postérieurement à la naissance, pour le cas où celle-ci n'aurait pas encore eu lieu à la date initialement prévue de départ en congé. Ce congé débute alors à l'expiration des jours d'autorisation d'absence exceptionnelle dont bénéficie, le cas échéant, le salarié au titre de tout accord ou convention collective applicable.
De même, les troisième et quatrième alinéas envisagent le cas inverse, à savoir celui où la naissance surviendrait prématurément, afin de permettre au salarié qui souhaitait prendre son congé de paternité immédiatement après la naissance de le faire sans que la durée du préavis lui soit opposable.
Dans un souci de parité, l'article 6 accorde au père salarié la même protection en matière de licenciement que celle dont dispose, d'une part, la femme salariée en cas de grossesse ou de maternité en vertu des articles premier et 2 de la loi n° 870 du 17 juillet 1969 relative au travail des femmes salariées en cas de grossesse ou de maternité, d'autre part, le salarié, homme ou femme, en cas d'adoption en vertu de l'article 5 de la loi n° 1.271 du 3 juillet 2003 relative au congé d'adoption accordé aux salariés.
L'article 7 consacre l'assimilation de la durée du congé de paternité à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Cette disposition, qui est plus favorable que le régime français, permet d'aligner le traitement du congé de paternité sur celui du congé de maternité et du congé d'adoption, sans que cette mesure ne paraisse de nature à générer un surcoût notable pour les entreprises, compte tenu de la durée relativement courte du congé de paternité.
Dans ce même souci de parité, une assimilation identique est faite concernant la détermination de la durée des congés payés annuels, assimilation qui est en effet prévue pour le congé de maternité par l'article 3 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 fixant le régime des congés payés annuels.
L'article 8 introduit une innovation majeure dans notre droit positif en prévoyant la faculté du père de bénéficier du congé postnatal en lieu et place de la mère, en cas de décès de cette dernière postérieurement à l'accouchement.
Il ne concerne donc pas le congé de paternité en tant que tel mais consacre le droit du père à se substituer à la mère dans l'hypothèse, fort heureusement marginale, où celle-ci disparaîtrait. Ainsi, le père est mis à même d'accomplir les tâches parentales qui s'imposent dans les premiers mois qui suivent la naissance de l'enfant, dans un cadre légal prédéfini et protecteur des intérêts de la famille. Compte tenu du caractère par définition brutal du décès et du choc psychologique lié aux circonstances de la prise de ce congé, aucun formalisme particulier n'est requis vis-à-vis de l'employeur en dehors d'une information écrite.
Le principe posé est celui d'une subrogation du père dans les droits de la mère tirés de la loi n° 870 du 17 juillet 1969 relative au travail des femmes salariées en cas de grossesse ou de maternité, s'agissant en particulier du bénéfice de la protection légale contre le licenciement mais également, à titre d'exemple, du droit à la priorité de réembauchage prévu à l'article 7 de la loi précitée en cas de non-reprise par le père de son travail à l'issue du congé postnatal, après épuisement le cas échéant de son droit à congé de paternité dans les conditions de l'article 5.
Toujours dans le même souci de parité qui a gouverné la rédaction du présent projet de loi, l'article 9 dispose que, dans les cas où le licenciement d'un père salarié est déclaré nul en application de ce texte, les effets de ce licenciement sont réputés n'avoir jamais existé et que l'employeur est alors tenu de verser les salaires dus, tout comme en cas de grossesse, de maternité ou d'adoption (cf. article 8-2 de la loi n° 870 et article 9 de la loi n° 1.271).
De même, l'article 10 reproduit les dispositions des articles 9 de la loi n° 870 et 10 de la loi n° 1.271 en prévoyant des sanctions pénales identiques à celles fixées dans ces textes en matière de congé de maternité ou d'adoption, de manière à dissuader les employeurs de contrevenir aux dispositions légales relatives au congé de paternité et d'éviter de la sorte les entraves à la prise de ce congé tout comme les licenciements en méconnaissance de l'article 6.
Des peines d'amende sanctionnent ainsi les infractions que l'inspecteur du travail est habilité à constater concurremment avec les officiers de police judiciaire.
Le principe de la rémunération du congé de paternité est posé par l'article 11. Cette rémunération s'opérera dans les mêmes conditions que pour le congé de maternité.
Dès lors, l'employeur n'est pas tenu de rémunérer le salarié qui bénéficie d'un congé de paternité, sauf dispositions conventionnelles contraires. Des prestations seront en effet versées par la Caisse de Compensation des Services Sociaux au même titre que celles servies par ladite caisse en cas de maternité.
Les modalités d'application de cet article seront déterminées par une ordonnance souveraine, laquelle reprendra notamment les dispositions définies pour les prestations prévues en cas de maternité prescrites par l'Ordonnance Souveraine n° 4.739 du 22 juin 1971 fixant le régime des prestations dues aux salariés, en vertu de l'Ordonnance-loi n° 397 du 27 septembre 1944, en cas de maladie, accident, maternité, invalidité et décès.
Dans un souci de parité, seront ainsi versées au père salarié pendant la durée de son congé de paternité des indemnités journalières dont les modalités de calcul seront fixées de façon identique aux indemnités servies aux mères durant leur congé de maternité. Le taux applicable sera ainsi notamment le même.
Les indemnités dues en cas de congé de paternité ne seront pas cumulables avec des indemnités journalières servies au titre de la maladie ou de la législation sur les accidents du travail.
Par ailleurs, il sera également prévu que, dans le cas considéré à l'article 8 du présent projet de loi, l'indemnisation du père se fera au taux de l'indemnité journalière du congé maternité actuellement prévue à l'article 65 de l'Ordonnance Souveraine n° 4.739 du 22 juin 1971, sur la base de son propre salaire de référence.
De manière à éviter toute ambiguïté, l'article 12 prévoit que la loi sera créatrice de droits du fait des naissances survenant à compter de la date de son opposabilité définie par l'article 69 de la Constitution, à savoir au lendemain de sa publication au Journal de Monaco.
L'article 13 affirme quant à lui le caractère d'ordre public des dispositions projetées, avec pour conséquence qu'il ne sera pas possible de faire obstacle conventionnellement à l'exercice par le père salarié des nouveaux droits qui lui sont reconnus. Cette prescription se retrouve également dans des termes identiques dans les textes législatifs relatifs au congé de maternité (article 8-1 de la loi n° 870) et au congé d'adoption (article 8 de la loi n° 1.271).
L'article 14 enfin édicte la disposition abrogative usuelle.
Tel est l'objet du présent projet de loi.
Dispositif🔗
Article premier🔗
A l'occasion de la naissance de son enfant, le père occupant un emploi salarié dans la Principauté peut, après avoir justifié de sa qualité, bénéficier d'un congé de paternité dans les conditions prévues par la présente loi.
Article 2🔗
Le congé de paternité est d'une durée de douze jours calendaires consécutifs en cas de naissance simple, ou de dix-neuf jours calendaires consécutifs en cas de naissances multiples ou si le foyer a déjà au moins deux enfants à charge.
Ce congé peut être pris en totalité ou en partie seulement.
Article 3🔗
Le père salarié est tenu de justifier auprès de l'employeur de la naissance de l'enfant. A défaut, il ne peut bénéficier du congé de paternité.
Article 4🔗
Le congé de paternité doit débuter dans les quatre mois qui suivent la naissance de l'enfant.
Toutefois, en cas d'hospitalisation de l'enfant débutant au cours de la période de quatre mois visée au premier alinéa, la période durant laquelle le salarié est admis à bénéficier du congé de paternité est prorogée jusqu'à quatre mois suivant la fin de l'hospitalisation.
En cas de décès de la mère avant que le père ait bénéficié du congé de paternité, le délai de quatre mois visé au premier alinéa ne commence à courir, le cas échéant, qu'à compter de la fin du congé dont bénéficie le père en vertu de l'article 8, s'il entend faire usage de son droit à congé au titre de l'article précité.
Article 5🔗
L'interruption du travail pendant le congé légal de paternité suspend le contrat de travail pendant la période correspondante et ne peut être une cause de rupture du contrat.
Le salarié qui entend bénéficier du congé de paternité doit en aviser son employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au moins deux semaines avant la date à laquelle il entend prendre son congé, en précisant la durée de la période de congé dont il entend bénéficier.
Toutefois, dans le cas où la naissance survient avant la date médicalement présumée de l'accouchement et alors que la date de début du congé de paternité était prévue immédiatement après l'accouchement ou après le terme de la période d'autorisation d'absence exceptionnelle dont bénéficie conventionnellement le salarié, le congé peut être pris immédiatement après l'accouchement ou, le cas échéant, à compter du premier jour suivant le terme de ladite période. Le salarié est cependant tenu d'aviser son employeur de la prise prématurée de ce congé, dont la durée reste celle précisée dans le préavis visé au précédent alinéa.
De même, si la naissance survient plus de deux semaines avant la date médicalement présumée de l'accouchement et alors que le salarié n'a pas encore avisé son employeur de son intention de bénéficier d'un congé de paternité, ledit salarié est dispensé du délai de préavis visé au deuxième alinéa s'il souhaite prendre son congé immédiatement après l'accouchement, ou à compter du premier jour suivant le terme de la période d'autorisation d'absence exceptionnelle dont il bénéficie conventionnellement. Il demeure cependant tenu d'aviser son employeur de la prise de ce congé et de sa durée.
Lorsque la naissance est postérieure à la date médicalement présumée de l'accouchement et à celle prévue pour le départ en congé, le bénéfice du congé de paternité est reporté de plein droit postérieurement à la naissance. Il débute immédiatement après l'accouchement ou à compter du premier jour suivant le terme de la période d'autorisation d'absence exceptionnelle dont bénéficie conventionnellement le salarié.
Article 6🔗
L'employeur ne peut résilier le contrat de travail du salarié à compter de la date de notification visée à l'article 5 et jusqu'au terme d'une période de quatre semaines suivant le congé de paternité.
Toutefois, l'employeur peut résilier le contrat du salarié pendant la période visée au précédent alinéa s'il peut justifier soit d'une faute grave et indépendante de la prise du congé de paternité ou de la naissance elle-même, soit de la cessation ou de la réduction de l'activité de l'entreprise.
Le licenciement effectué pour l'une des causes mentionnées au précédent alinéa et le non-renouvellement du contrat de travail à durée déterminée du salarié arrivé à échéance, pendant la période du congé de paternité, ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l'expiration de cette période, sont préalablement soumis à l'examen de la commission de débauchage et de licenciement instituée par l'article 8 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté.
En tout état de cause, la résiliation du contrat de travail par l'employeur ne peut prendre effet ou être notifiée pendant la période du congé de paternité.
Article 7🔗
Pendant la durée légale du congé de paternité, le salarié conserve ses droits d'ancienneté dans l'entreprise.
Cette période est assimilée à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés annuels.
Article 8🔗
Lors du décès de la mère au cours de la période de congé postnatal définie aux articles 5 et 5-1 de la loi n° 870 du 17 juillet 1969 relative au travail des femmes salariées en cas de grossesse ou de maternité, le père a le droit de suspendre son contrat de travail pour la période du congé restant à courir.
Le salarié qui exerce ce droit doit aviser son employeur de son absence et préciser la date à laquelle il entend mettre fin à la suspension de son contrat de travail.
Le père salarié bénéficie alors de la protection contre le licenciement instituée à l'article premier de la loi n° 870 du 17 juillet 1969 et, plus généralement, de l'ensemble des droits reconnus à la mère en vertu de la loi précitée et des ordonnances prises pour son application.
Article 9🔗
Lorsque, par application des dispositions de la présente loi, le licenciement est nul, l'employeur est tenu de verser, indépendamment de tous autres dommages et intérêts, le montant du salaire que le salarié aurait perçu pendant la période couverte par la nullité.
Article 10🔗
Est puni de l'amende prévue au chiffre 1 de l'article 26 du Code pénal l'employeur qui contrevient aux dispositions de la présente loi. En cas de récidive dans le délai de cinq ans, la peine d'amende est portée au double.
Les infractions à la présente loi sont constatées par l'inspecteur du travail.
Article 11🔗
Le congé de paternité ouvre droit au versement d'indemnités journalières calculées selon des modalités identiques à celles des indemnités journalières de repos versées à la mère en cas de congé de maternité.
Article 12🔗
Les dispositions de la présente loi sont applicables du fait des naissances survenant à compter du lendemain de sa publication au Journal de Monaco.
Article 13🔗
Toute convention contraire aux dispositions de la présente loi est nulle de plein droit.
Article 14🔗
Toutes dispositions contraires à la présente loi sont et demeurent abrogées.