Projet de loi n°797 relative l'escroquerie fiscale applicable aux revenus de l'épargne payés sous la forme d'intérêts

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Exposé des motifs🔗

La Principauté de Monaco a procédé en date du…………………à la ratification de l'accord, signé le 7 décembre 2004, avec la communauté européenne visant à prévoir des mesures équivalentes à celles contenues dans la directive du conseil 2003/48/CE du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne payés sous la forme d'intérêts.

Cette directive a pour objet de permettre la taxation effective, dans le pays de résidence d'une personne physique, des revenus de l'épargne qu'elle perçoit dans un autre Etat-membre. A cette fin, est instituée une procédure d'échange automatique d'informations, entre autorités compétentes de chaque Etat membre, relativement aux revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts.

Les mesures équivalentes à celles susmentionnées et contenues dans l'accord signé par la Principauté, comme dans tous les accords conclus par la communauté européenne avec les autres Etats-tiers, sur le même thème, sont les suivantes :

  • l'instauration d'une retenue à la source sur les intérêts des revenus de l'épargne visés dans l'accord, payés dans la Principauté à une personne physique résidente d'un Etat-membre de la communauté européenne, et le reversement des 75 % du montant de cette retenue à l'autorité compétente de l'Etat membre de résidence ;

  • une procédure de communication volontaire d'informations permettant au bénéficiaire effectif d'éviter la retenue à la source en autorisant son agent-payeur à déclarer les paiements d'intérêts à l'autorité compétente de la Principauté, laquelle les transmettra à l'Etat de résidence du bénéficiaire ;

  • la mise en place d'une procédure d'échange d'informations sur demande, entre autorités compétentes, d'abord en cas de délit d'escroquerie fiscale, pour les seuls revenus objets de l'accord et, ultérieurement, pour les délits assimilés aux délits d'escroquerie fiscale ;

  • enfin, une clause de révision, instaurant une procédure de consultation des parties à l'accord afin d'examiner, en tant que de besoin, une modification des dispositions convenues d'un point de vue technique ou au regard des développements internationaux en la matière.

La Principauté s'est ainsi engagée à instaurer dans sa législation, aux fins d'application de l'accord, le délit d'escroquerie fiscale pour les seuls revenus de l'épargne payés sous la forme d'intérêts visés par ledit accord.

En effet, l'article 12 de l'accord stipule que les autorités compétentes des pays membres de la communauté européenne et celles de la Principauté échangent des renseignements sur des faits constitutifs, au sens du droit interne de l'Etat requis, du délit d'escroquerie fiscale. Il convient par conséquent d'introduire ce délit dans notre droit interne et parallèlement de préciser le champ d'application de l'échange d'informations en circonscrivant les renseignements susceptibles de faire l'objet desdits échanges aux seuls éléments constitutifs de l'infraction.

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Sous le bénéfice de ces considérations d'ordre général, les dispositions projetées appellent les observations suivantes.

L'article premier pose le principe de l'infraction d'escroquerie fiscale applicable aux revenus de l'épargne payée sous la forme d'intérêts pour les actes commis sur le territoire monégasque. Il établit le lien entre l'accord international précité et le présent projet de loi. Il en résulte que les échanges d'informations entre les parties audit accord ne pourront concerner que l'infraction telle qu'existant en droit monégasque.

L'article premier est donc le préalable indispensable aux articles 2 à 5 lesquels définissent précisément les incriminations.

A l'égard de ces dispositions, il peut être liminairement précisé que selon le principe général de l'interprétation stricte de la norme pénale, la définition de l'escroquerie fiscale doit s'entendre de façon restrictive. Ainsi, par exemple, la simple omission de déclaration ou la minoration de déclaration ne sont pas constitutifs de l'infraction.

S'agissant en premier lieu de l'article 2, il dispose que le délit est consommé par l'usage d'un document qui n'est pas authentique.

L'infraction est, de ce fait, caractérisée lorsque le bénéficiaire effectif parvient à éviter ou à diminuer sa taxation – ou tente de le faire - en présentant intentionnellement à son agent payeur ou à l'autorité fiscale de son pays de résidence, afin de justifier d'indications erronées, un document faux, falsifié ou inexact quant à son contenu.

Il s'ensuit plus précisément que l'infraction est consommée lors de la remise du titre dont l'irrégularité résulte d'au moins l'une des trois situations suivantes : le document est faux ; le document est falsifié ; le document est inexact. Il est donné une définition précise de chacune de ces trois hypothèses.

Ce délit est consommé dans la Principauté à partir du moment où le bénéficiaire effectif a fait usage de tels documents (faux passeport, fausse carte d'identité, faux certificat de résidence fiscale …) dans le but de se soustraire au prélèvement de la retenue à la source. Par ailleurs, pour l'échange d'informations prévu à l'article 12 de l'accord, le même délit est consommé dès lors que le bénéficiaire effectif se soustrait ou tente de se soustraire à l'imposition, dans son Etat de résidence, de ces mêmes revenus de l'épargne payés sous la forme d'intérêts et qu'il a, à cette fin, remis un titre faux, falsifié ou inexact à son autorité fiscale.

Dès lors, il est apparu nécessaire de définir aux fins de préciser l'élément matériel de l'infraction, la notion de « document ». Tel est l'objet du second alinéa de l'article 2.

Cette notion s'entend de tout titre certifiant l'identité, la nationalité et le domicile de son titulaire ainsi que de tout titre émanant d'un tiers et destiné ou propre à prouver un fait ayant une portée juridique.

Il pourra, par exemple, s'agir de l'usage d'une pièce donnée à l'agent-payeur que le bénéficiaire a falsifié, étant entendu, en tout état de cause, que la déclaration d'impôt elle-même, tout comme ses annexes, ne constituent pas un « document » au sens de la présente disposition.

On retiendra donc de l'article 2 que l'escroquerie est caractérisée lorsque la faute est commise intentionnellement en vue d'induire en erreur l'autorité de taxation ou l'agent payeur.

L'article 3 prévoit que le délit d'escroquerie fiscale est commis par celui qui intentionnellement, au moyen de fausses indications, obtient la restitution de l'imposition due, au titre de la retenue à la source dans la Principauté ou dans son Etat de résidence fiscale.

Cette disposition s'entend d'elle-même et n'appelle pas de commentaire particulier, pas plus que les articles 4 et 5 qui énoncent qu'est passible du délit d'escroquerie fiscale, l'agent-payeur débiteur de l'impôt, qui, soit intentionnellement ne perçoit pas en totalité ou partiellement la retenue à la source prévue par la présente loi, soit la détourne et l'utilise à son profit ou à celui d'un tiers.

Dans chacun de ces cas, lorsque les faits sont avérés, la malversation est effectivement caractérisée et manifeste.

L'article 6, vise à préciser, dans un objectif de sécurité juridique, les conditions dans lesquelles le recel peut, dans ce nouveau contexte infractionnel, être perpétré. Pour ce faire, une infraction spécifique de recel d'escroquerie fiscale est instituée sur la base d'éléments constitutifs légalement définis.

Délit de conséquence, l'acte matériel qui caractérise la commission de l'infraction est nécessairement la réception ou la détention des produits des incriminations nouvellement créées par la présente loi, puisque par ailleurs, l'article 5 réprime le détournement de la retenue à la source.

Le recel n'est consommé que dans l'atteinte d'un objectif, celui de l'appropriation des capitaux d'origine délictueuse. Cette situation concerne tout propriétaire ultérieur des fonds.

La simple tentative n'est pas punissable.

Enfin, comme toute infraction contre le patrimoine, le recel d'escroquerie fiscale comporte l'élément constitutif de l'intentionnalité.

L'article 7 enfin précise la date d'entrée en vigueur du texte.

En effet, selon les termes de l'accord conclu avec l'union européenne, les dispositions de ce dernier et celles de la présente loi devraient être applicables dès lors, d'une part, que la directive du 3 juin 2003 entrera elle-même en vigueur et, d'autre part, que les Etats-tiers et les territoires dépendants et associés appliqueront des mesures équivalentes à ladite directive ou identiques.

Cette entrée en vigueur est fixée au 1er juillet 2005, mais pourrait, en raison des développements internationaux, être retardée.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Article premier🔗

Le délit d'escroquerie fiscale applicable aux revenus de l'épargne sous la forme d'intérêts est, pour l'application de l'accord, conclu à la date du ………… entre la Principauté de Monaco et la communauté européenne, prévoyant des mesures équivalentes à celles de la directive du conseil 2003/48/CE du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, constitué et puni conformément aux dispositions de la présente loi.

Article 2🔗

Quiconque fait usage d'un document faux, falsifié ou inexact quant à son contenu dans le but de se soustraire ou de tenter de se soustraire au paiement total ou partiel de l'imposition des revenus de l'épargne payés sous la forme d'intérêts, au sens de l'accord mentionné à l'article précédent, est puni de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26 du code pénal dont le montant peut être porté au quadruple de l'impôt éludé et d'un emprisonnement de huit jours à deux ans, ou de l'une de ces deux peines seulement.

Constitue un document au sens du précédent alinéa :

  • tout titre délivré par un service administratif qui certifie l'identité, la nationalité et le domicile de son titulaire ;

  • toute attestation d'une autorité compétente de nature à établir la résidence fiscale de la personne concernée ;

  • tout écrit émanant d'un tiers, destiné ou propre à prouver un fait ayant une portée juridique.

Au sens du premier alinéa, est réputé :

  • faux : le document dont son auteur laisse présumer qu'il émane d'une personne physique ou morale qui, en réalité, ne l'a pas établi ;

  • falsifié : le document modifié sans autorisation ou à l'insu de la personne qui l'a établi ;

  • inexact : le document formellement régulier mais dont le contenu comporte des faits juridiques volontairement contraires à la réalité.

Article 3🔗

Quiconque obtient frauduleusement une restitution totale ou partielle de l'imposition sur les revenus de l'épargne, au sens de l'accord mentionné à l'article premier, est puni de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26 du code pénal dont le montant peut être porté au quadruple de la somme indûment perçue et d'un emprisonnement de huit jours à deux mois, ou de l'une de ces deux peines seulement.

Article 4🔗

Quiconque, tenu de percevoir la retenue à la source prévue à l'article 7 de l'accord mentionné à l'article premier, intentionnellement, ne la retient pas ou n'en retient qu'un montant insuffisant est puni de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26 du code pénal.

Article 5🔗

Quiconque, tenu de percevoir la retenue à la source prévue à l'article 7 de l'accord mentionné à l'article premier, détourne intentionnellement à son profit ou au profit d'un tiers, les montants perçus, est puni de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26 du code pénal.

Article 6🔗

Commet le délit de recel d'escroquerie fiscale et est puni de la même peine que l'auteur de l'infraction préalable, quiconque réceptionne ou détient sciemment, en vue de son appropriation, le produit de l'une des infractions mentionnées aux articles 2 à 4.

Article 7🔗

La présente loi entre en vigueur à la date mentionnée au paragraphe 1 de l'article 14 de l'accord mentionné à l'article premier ou à celle de tout acte modifiant ledit article.

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