Projet de loi n° 777 modifiant la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire, modifiée

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Exposé des motifs🔗

Les dispositions relatives au salaire applicables aux employés du secteur privé de la Principauté sont prévues par la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire, modifiée, ainsi que par l'arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963 fixant les taux minima des salaires, modifié.

L'un des points essentiels de ce dispositif légal tient au principe de la parité, entre Monaco et la région économique voisine, des montants minima des salaires, primes et indemnités de toute nature. Énoncé pour la première fois par un arrêté ministériel en date du 10 juillet 1945, ce principe a été confirmé par la loi du 16 mars 1963 dont l'article 11 énonce notamment :

  • que lesdits montants minima sont fixés par arrêté ministériel ;

  • que ces montants sont « pour des conditions de travail identiques […] au moins égaux » à ceux en vigueur dans les entreprises de référence de la région concernée » ;

  • qu'un taux horaire théorique permet de calculer ces montants.

En France, les lois du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000, dites « lois Aubry », assorties de mesures transitoires, ont fixé à compter du 1er janvier 2002, pour l'ensemble des entreprises, la durée légale du travail à trente-cinq heures par semaine. Ces lois ne sont pas sans incidence importante sur ce dispositif de parité, et plus particulièrement sur la détermination des salaires minima applicables à Monaco.

En effet, hormis pour le salaire minimum interprofessionnel de croissance (S.M.I.C.) dont le niveau devait être obligatoirement maintenu, ces textes législatifs n'imposaient aucune règle d'évolution salariale et renvoyaient à la négociation collective de branche, voire d'entreprise, la détermination des grilles de salaires liée à la réduction du temps de travail.

De ce fait, dans le pays voisin, un grand nombre de situations différentes sont nées et persistent depuis lors en matière de rémunération, ce qui nuit à la lisibilité des références salariales minimales applicables dans la Principauté. Ainsi, constate-t-on que dans certains secteurs où la négociation collective n'a pas encore abouti, seules subsistent des grilles de salaires calculées sur l'ancienne durée légale et n'ayant pas subi de mise à jour depuis plusieurs années. D'autres secteurs connaissent quant à eux des grilles établies pour 35 et 39 heures de travail hebdomadaire. Enfin, dans certaines professions, les seules grilles applicables sont celles calculées en référence à la nouvelle durée légale du travail.

En outre, depuis 1998, plusieurs niveaux de S.M.I.C. coexistent du fait d'un complément différentiel de salaire dénommé « garantie minimale de ressource » dont le montant est arrêté le 1er juillet de chaque année. Ce supplément est destiné à assurer le maintien du pouvoir d'achat des salariés concernés, eu égard à la date du passage à 35 heures de travail hebdomadaire de leur entreprise.

Toutefois, un dispositif présenté à l'automne 2002 et désormais inscrit dans la législation française prévoit, parmi d'autres mesures, afin de clarifier une situation à bien des égards confuse, la disparition progressive de ces garanties minimales à l'effet d'aboutir, au 1er juillet 2005, à un S.M.I.C. horaire unique. La conséquence économique de cette uniformisation consistera en une majoration du taux horaire du S.M.I.C. de l'ordre de 15 à 18 %, suivant le niveau d'inflation.

Par ailleurs, de plus en plus de grilles de salaires minima conventionnelles établies sur la base de la nouvelle durée légale du travail sont aujourd'hui publiées dans le pays voisin. Ainsi par exemple, en février 2003, sur les 131 activités correspondant aux branches professionnelles représentées dans la Principauté, 85 disposaient de références salariales uniques établies sur la base de 35 heures hebdomadaires ou 151,67 heures mensuelles. Ce mouvement va se poursuivre durant les prochains mois et il est raisonnable de présumer qu'au 1er juillet 2005, toutes les références salariales « 35 heures » seront disponibles.

A Monaco, peut se poser la question de l'intérêt d'abandonner le principe de parité avec la région économique voisine pour ce qui est de la fixation des montants minima des salaires, primes et indemnités de toute nature.

Dans ce cas, la suppression de toute référence salariale extérieure imposerait, pour chaque branche professionnelle, la négociation de grilles salariales propres à la Principauté. Une telle tâche serait considérable et constituerait une source inévitable de tensions sociales.

En l'état, ces inconvénients sont écartés dans la mesure où les salaires minima applicables à Monaco résultent des négociations menées dans l'Etat voisin. De fait, le principe de la parité est généralement regardé comme un élément ayant notablement concouru au dynamisme de l'économie monégasque, de même qu'à la préservation de la paix sociale durant plus d'un demi-siècle.

Pour ces motifs, le gouvernement princier considère indispensable le maintien de ce principe et son application est clairement réaffirmée dans le projet de loi.

Cependant, les mesures d'uniformisation précitées des différents S.M.I.C. et l'application stricte de la parité des salaires minima au 1er juillet 2005, entraîneront pour certaines entreprises monégasques une augmentation significative de leur masse salariale. Leur situation financière pourra être mise en péril, notamment dans les secteurs où les salaires réels sont proches des minima de la région économique voisine.

Dans ces conditions, le gouvernement princier estime nécessaire l'instauration d'une « phase transitoire d'organisation », dont le terme est fixé au 30 juin 2005 et durant laquelle le S.M.I.C. et les salaires minima seront simplement augmentés du seul pourcentage de l'inflation.

Cette disposition assurera le maintien du pouvoir d'achat aux salariés ayant les revenus les plus faibles avant la stricte application de la parité à compter du 1er juillet 2005.

En outre, cette phase transitoire permettra aux employeurs de se préparer à l'entrée en vigueur du régime qui prévaudra à compter de l'été 2005, notamment en évaluant la répercussion des majorations des salaires minima sur ceux de l'ensemble des effectifs de leurs entreprises.

Par ailleurs, ce délai apparaît indispensable à la poursuite de la réflexion engagée en ce qui concerne la mise en place d'un dispositif d'allègement des charges sociales sur les bas salaires. Ce dispositif, à finaliser entre le gouvernement et les partenaires sociaux, pourrait ainsi accompagner l'application du principe de la parité des salaires minima.

Sous le bénéfice de ces considérations d'ordre général, le présent projet de loi appelle les observations particulières ci-après :

Le dispositif de la loi projetée comporte deux articles, le premier modifiant l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, modifiée, et le second traitant plus particulièrement de la phase transitoire d'organisation susmentionnée.

S'agissant de l'article premier du projet, il s'attache à clarifier et à préciser certaines dispositions de l'article 11 précité dès lors que celui-ci a fait l'objet, ces dernières années, d'interprétations divergentes.

Des incertitudes ont, en premier lieu, porté sur les termes « pour des conditions de travail identiques » figurant au second alinéa.

Aussi, est-il proposé de les supprimer et d'introduire, au premier alinéa, une référence explicite à des catégories professionnelles comparables tendant à déterminer de manière plus concrète et tangible les salaires minima applicables.

Cette nouvelle rédaction présente l'avantage d'énoncer clairement le principe ainsi que les modalités de comparaison salariale entre la Principauté et la région économique voisine et, partant, de renforcer la cohérence du dispositif légal, grâce au renvoi à la notion de classement professionnel prévue à l'article 11-1.

Face, en second lieu, aux divergences d'interprétation qui ont porté sur la prise en compte, au titre de l'application du principe de parité, des diverses composantes de la rémunération du salarié, la reprise des termes de « salaires, primes, indemnités de toute nature et majorations autres que celles prévues par les dispositions législatives relatives à la durée du travail », permet de réaffirmer que lorsque les sommes versées représentent des minima légaux ou conventionnels applicables dans la région économique voisine, chaque élément de la rémunération du travail doit être chiffré à un montant équivalent à celui pratiqué dans la région de référence.

Ce principe a d'ailleurs bien été confirmé par une jurisprudence récente de la cour de révision.

Pour le reste, les deuxième et troisième alinéas de l'article 11 modifié réitèrent les dispositions existantes sur le calcul du taux horaire théorique qui permet de déterminer les salaires minima horaires applicables dans la Principauté, sans tenir compte des majorations pour heures supplémentaires dans le cas où la durée légale du travail française serait inférieure à celle en vigueur à Monaco.

Le cinquième alinéa de l'article 11 modifié qui n'a reçu aucune application pratique depuis son entrée en vigueur en 1983, est supprimé.

Enfin, une nouvelle disposition consacre légalement le principe de versement de l'indemnité de 5 % prévu à l'article 2 de l'arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963, modifié.

L'article 2 du projet traite de la phase transitoire d'organisation dont l'objectif a été exposé ci-avant.

Il énonce, plus précisément, que les salaires inférieurs au taux horaire théorique sont majorés d'un pourcentage fixé par arrêté ministériel. Il est néanmoins précisé que l'application de ces majorations ne peut emporter obligation, pour l'employeur, de verser un salaire horaire supérieur au taux horaire théorique. Cette dernière disposition est destinée à éviter de pénaliser les employeurs qui auraient déjà, de leur propre initiative, organisé une convergence de leurs salaires vers la future référence applicable au 1er juillet 2005. Leur obligation se limite donc au versement d'une rémunération correspondant audit taux.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Article premier🔗

L'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire, modifiée, est modifié ainsi qu'il suit :

« Sauf les exceptions prévues par la loi, les montants minima des salaires, primes, indemnités de toute nature et majorations autres que celles prévues par les dispositions législatives relatives à la durée du travail ne peuvent être inférieurs à ceux pratiqués dans la région économique voisine en vertu de la réglementation ou de conventions collectives, pour les mêmes professions, commerces ou industries en fonction du classement des salariés dans les diverses catégories professionnelles, dans les conditions fixées par l'article 11-1.

Les montants minima à calculer en fonction de la durée du travail le seront, par application à cette durée, des dispositions qui la réglementent et d'un taux horaire théorique.

Le taux horaire théorique est obtenu en divisant par le nombre d'heures auquel ils correspondent les minima de référence prévus au premier alinéa, déduction faite de leurs majorations pour heures supplémentaires.

Ces montants sont majorés d'une indemnité de 5 % versée dans des conditions définies par arrêté ministériel. »

Article 2🔗

Par dérogation aux dispositions de l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire, modifiée, et jusqu'au 30 juin 2005, les salaires inférieurs au taux horaire théorique sont majorés suivant des modalités fixées par arrêté ministériel.

L'application de ces majorations ne peut toutefois emporter obligation, pour l'employeur, de verser un salaire horaire supérieur au taux horaire théorique.

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