Projet de loi n° 768 complétant les dispositions du Code de procédure civile relatives à l'indisponibilité temporaire et aux saisies-arrêts

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Exposé des motifs🔗

La loi n° 1.174 du 13 décembre 1994 a profondément modifié les règles relatives aux saisies-conservatoires et aux modes d'exécution des décisions de justice, regroupées dans le Titre II « De l'indisponibilité temporaire et des saisies-arrêts », du Livre IV du Code de procédure civile, lequel concerne, d'une façon plus générale « L'exécution forcée des jugements et actes ».

Parmi un certain nombre d'innovations majeures, la loi n° 1.174 a introduit dans notre droit processuel la notion d'indisponibilité temporaire – dont le régime juridique est défini par les articles 487 à 489 du chapitre I, du titre II, du livre IV du Code de procédure civile – qu'il convient de distinguer de la notion de saisie-arrêt – chapitre II du même code.

Les articles 487 et 490 auxquels le précédent renvoie, prévoient que l'indisponibilité dont sont frappés les actifs du débiteur saisi, soit par l'effet d'une indisponibilité temporaire, soit par celui d'une saisie-arrêt à l'initiative d'un créancier, concerne « les sommes dues à son débiteur et les rentes, valeurs ou autres biens mobiliers à lui appartenant ». L'indisponibilité peut donc porter sur tous meubles, corporels ou incorporels.

Dans la pratique, les créanciers saisissants recherchent le plus souvent à atteindre les actifs détenus par les débiteurs sous forme de dépôts d'argent entre les mains de tiers et plus particulièrement d'établissements bancaires. Cette évolution correspond à un souci d'efficacité et elle résulte de l'évolution des patrimoines, essentiellement constitués aujourd'hui de valeurs mobilières et de monnaie sous forme scripturale. La saisie de compte et, plus exactement, la saisie du solde disponible en compte, est ainsi devenue, au fil du temps, la technique la plus utilisée de toutes les saisies, qu'elle soit effectuée en vertu d'un titre exécutoire ou non.

Cette dernière catégorie de voie d'exécution a été complétée par la loi n° 1.174 qui a introduit la notion de saisie-arrêt attributive sur des sommes d'argent, laquelle emporte, précisément, attribution, au profit du créancier saisissant, « à concurrence du montant de sa créance indiqué dans l'exploit, des sommes disponibles dues par le tiers saisi au débiteur saisi. Elle rend le tiers saisi personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite des sommes qu'il détient » (article 495, 1er alinéa, du Code de procédure civile, sous les conditions précisées aux articles 496 à 499 du même code).

La complexité du fonctionnement d'un compte bancaire impose cette évidence : le solde apparent au moment de la saisie, n'est pas nécessairement représentatif de la quantité de monnaie scripturale dont le débiteur titulaire du compte peut disposer puisque des opérations en cours, non encore comptabilisées, en affectent le montant, à l'insu même du dépositaire des fonds.

La notion de somme disponible au sens de l'article 495 du Code de procédure civile doit donc être précisée afin d'équilibrer les divers intérêts en présence, ceux du saisissant, ceux de la partie saisie, les droits des co-contractants de celle-ci – tireurs d'effets de commerce, bénéficiaires de chèques ou de virements, etc. – et les obligations propres du dépositaire des capitaux.

Il est proposé d'ajouter au chapitre II du livre IV du Code de procédure civile un article 494-1 spécifiquement consacré aux saisies-arrêts pratiquées entre les mains d'un établissement bancaire ou habilité à tenir des comptes de dépôt. Sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail de la procédure qui est explicitée par le dispositif lui même, l'économie de l'article 494-1 peut se résumer ainsi : A partir de l'acte de saisie-arrêt, le banquier peut procéder, sur le compte du débiteur saisi, aux contre-passations des écritures de débit ou de crédit, pour des opérations définies par le nouvel article 494-1, pendant toute la durée de la saisie.

A cette fin, le banquier inscrit au débit ou au crédit du compte du débiteur saisi les opérations antérieures qui en affectent le solde constaté provisoirement lors de la délivrance du procès-verbal de saisie. La prise en compte de ces opérations n'a pas pour effet de reporter l'efficacité juridique de la saisie. Il en résulte que les saisies ultérieures, même émanant de créanciers privilégiés ou d'un jugement d'ouverture d'une procédure collective du débiteur saisi, ne peuvent pas remettre en cause la saisie-arrêt pratiquée entre les mains d'un établissement bancaire.

Le texte prévoit également la possibilité d'isoler sur un compte les sommes représentatives de la saisie afin de permettre le fonctionnement normal des relations bancaires entre le banquier dépositaire et son client. Il est, par ailleurs, rappelé qu'aux termes mêmes de l'article 487 du Code de procédure civile, la saisie-arrêt ne peut porter que sur un bien appartenant au débiteur au jour de la saisie, ce qui exclut du champ de la saisie toute créance, future ou postérieure à la saisie, du débiteur saisi sur le tiers saisi.

Les dispositions nouvelles sont étendues aux saisies-arrêts faites en vertu d'un titre exécutoire, par un article 499-1 nouveau.

Cependant, puisque la saisie emporte, dans ce cas, le transfert de la propriété des sommes saisies au profit du saisissant, il est indispensable de prévoir le blocage des fonds pendant la période au cours de laquelle le banquier pourra procéder, sur le compte du débiteur saisi, aux contre-passations des écritures mentionnées à l'article 494-1.

Ce délai est fixé à quarante jours pour tenir compte de la très forte implication internationale de l'activité des établissements de crédit monégasques ; ce n'est donc qu'à l'issue de ce délai que le banquier tiers saisi pourra déférer au commandement de payer délivré en application de l'article 598 par le créancier saisissant, à défaut de contestation du saisi dans un délai de quinze jours après réception de l'exploit de saisie.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Article 1er🔗

Il est inséré au chapitre II « Des saisies », du titre II, du livre IV du Code de procédure civile, un article 494-1 ainsi rédigé :

« Article 494-1.– Lorsque la saisie-arrêt est pratiquée entre les mains d'une banque ou de tout autre établissement habilité à tenir des comptes de dépôt, et que les avoirs détenus par ceux-ci sont formés en tout ou en partie par des sommes d'argent, l'établissement est tenu d'en déclarer le montant au jour de la saisie.

Le solde des sommes peut être affecté pendant toute la durée de la saisie, à l'avantage ou au préjudice du saisissant, par les opérations suivantes, dès lors qu'il est prouvé que leur date est antérieure à la saisie :

  • a) au crédit : les remises faites antérieurement, en vue de leur encaissement, de chèques ou d'effets de commerce, non encore portés au compte ;

  • b) au débit :

    • a. l'imputation des chèques remis à l'encaissement portés au crédit du compte antérieurement à la saisie et revenus impayés ;

    • b. les retraits par billetterie et les paiements par carte ;

    • c. la contre-passation des effets de commerce et billets à ordre remis à l'escompte antérieurement à la saisie et non payés à leur présentation ou à leur échéance, postérieure à la saisie.

Le teneur de compte adresse à l'huissier ayant procédé à la saisie et sur demande de celui-ci, une déclaration complémentaire qui énonce les rectifications et modifications apportées à la déclaration initiale.

Si les avoirs du débiteur dans les livres du dépositaire sont d'un montant suffisant pour garantir les causes de la saisie, l'établissement peut ouvrir dans ses livres un compte crédité du montant de la saisie, en vue de garantir celle-ci ; ce compte est isolé des autres comptes du débiteur, même en cas de convention d'unité de compte.

Les autres comptes, débités du montant de la saisie, reprennent un fonctionnement normal. La signification ultérieure de toute autre voie d'exécution ou de toute autre mesure de prélèvement, pendant la durée de la saisie, ne peut porter que sur les autres comptes. »

ARTICLE II.– Il est ajouté au Code de procédure civile un article 499-1 ainsi rédigé :

« Article 499-1.– L'attribution des sommes saisies arrêtées porte sur le solde dégagé, après la prise en compte des opérations mentionnées audit article, à l'issue d'un délai d'indisponibilité des avoirs en compte d'une durée de quarante jours. ».

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