Projet de loi n° 760 sur le terrorisme

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Exposé des motifs🔗

La lutte contre le terrorisme est devenue l'une des priorités de la lutte internationale contre la criminalité. La commission d'actes terroristes constitue une atteinte particulièrement odieuse et intolérable au respect dû à la personne humaine et aux fondements mêmes de la démocratie. Le terrorisme est en effet une menace pour la population, les structures politiques, économiques ou sociales des Etats. Il représente un trouble grave à l'ordre et à la paix publiques en faisant régner l'intimidation ou la terreur.

De nombreuses démocraties ont adopté une législation spécifique pour réprimer cette forme particulière de criminalité. Le présent projet vise à introduire dans notre droit de nouvelles dispositions afin d'ajouter au Code pénal les incriminations nécessaires à une répression accentuée et adaptée à la lutte contre le terrorisme à laquelle la Principauté entend participer efficacement.

Cet objectif s'articule autour de deux axes principaux. D'une part, les dispositions proposées définissent les nouvelles infractions d'actes terroristes ; d'autre part, elles renforcent la répression d'infractions déjà existantes lorsqu'elles ont été commises dans des circonstances constitutives d'actes terroristes, définis comme des actes ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.

Les infractions antérieurement incriminées font l'objet d'une énumération limitative et les pénalités originairement prévues sont sensiblement aggravées.

Le principe retenu est que, lorsque l'infraction est punie d'une peine criminelle, la peine encourue dans le cadre du terrorisme sera celle immédiatement supérieure dans l'échelle des peines. Ainsi une peine privative de liberté de cinq à dix ans est remplacée par une peine de dix à vingt ans, une peine de dix à vingt ans par la peine de réclusion à perpétuité. Bien évidemment, lorsque la peine prévue est la réclusion à perpétuité, le principe de l'aggravation ne joue pas.

En matière correctionnelle, l'aggravation de la répression se traduit par un doublement de la peine, qu'il s'agisse d'une peine d'emprisonnement ou d'une amende.

Sous le bénéfice de ces considérations générales, les dispositions projetées appellent les observations particulières suivantes :

ARTICLE PREMIER.- Il insère au Livre III du Code pénal un nouveau Titre III intitulé « Du Terrorisme », composé des nouveaux articles 391-1 à 391-10. La numérotation de l'actuel Titre III et des articles qu'il contient est donc modifiée en conséquence.

Les dispositions proposées permettent de définir et d'incriminer les actes constitutifs d'infractions terroristes.

ARTICLE 2.- Il contient les nouveaux articles 391-1 à 391-10.

L'article 391-1 définit en son premier alinéa les éléments caractérisant le terrorisme. Si ces éléments sont réunis lors de la commission de certaines infractions de droit commun, l'infraction initiale est « requalifiée » en acte terroriste.

Cette incrimination aggravée mérite une punition plus sévère et a donc pour conséquence d'augmenter les sanctions originaires, selon les cas, sanctions pécuniaires ou peines privatives de liberté.

L'acte de terrorisme s'entend non seulement d'un acte dirigé contre la Principauté ou d'autres Etats, mais encore contre des organisations internationales. Ces dernières désignent les groupements à vocation permanente, essentiellement composés d'Etats, et constitués par eux sur la base d'une convention généralement multilatérale, dotés d'instances et d'organes propres disposant de compétences d'attributions.

L'article 391-1 prévoit une liste exhaustive des infractions concernées, par renvoi aux articles relatifs aux crimes et délits contre la paix publique, les personnes et les biens répertoriés dans le Code pénal et susceptibles de constituer des actes terroristes.

Les aggravations de peines sont fixées par l'article 391-2.

L'article 391-3 crée une nouvelle infraction d'actes terroristes. Les infractions de fabrication, détention, trafic ou commerce illicite d'armes ou de munitions, ou d'intermédiation, visées à la loi n° 913 du 18 juin 1971 sur les armes et munitions, ainsi que celles prévues par les conventions internationales réglementant le régime des explosifs, les matériels, armes et munitions de guerre, exécutoires dans la Principauté, sont qualifiées d'actes terroristes lorsqu'elles sont commises dans les conditions qui caractérisent le terrorisme définies à l'article 391-1.

Par application des engagements internationaux de la Principauté, les armes et munitions concernent la classification française des armes de la 4ème à la 8ème catégorie, soit les armes de chasse et leurs munitions, les armes blanches, les armes de tir, de foire et de salon, et leurs munitions, les armes historiques, de collection, et leurs munitions.

Les armes de guerre correspondent à la classification française des armes de 1ère à la 3ème catégorie. Elles comprennent également les engins nucléaires et leurs composants, les armes biologiques ou à base de toxines, les armes chimiques ou comportant des produits chimiques.

Eu égard à la gravité des faits, les auteurs de tels actes sont alors punis de la réclusion criminelle à temps.

L'article 391-4 propose d'étendre l'incrimination d'actes terroristes aux cas où est avéré un danger pour la santé des personnes ou la préservation de l'environnement. Cette incrimination vise les personnes qui polluent, à grande échelle, l'environnement terrestre ou marin à des fins terroristes.

L'infraction est sanctionnée par une peine de réclusion criminelle à temps, aggravée en réclusion criminelle à perpétuité, lorsque l'infraction entraîne mort d'homme.

L'article 391-5 incrimine comme actes terroristes les tortures ou actes de barbarie commis dans les conditions définies à l'article 391-1.

La sanction retenue est la peine de réclusion criminelle à temps. Cette pénalité peut être augmentée en réclusion criminelle à perpétuité quand les circonstances s'avèrent d'une extrême gravité :

  • lorsque l'acte terroriste est particulièrement odieux du fait de la personne visée, proche parent, personne très vulnérable comme le mineur de 15 ans, ou personne dépositaire de l'autorité publique ou judiciaire, comme un fonctionnaire ou un magistrat ;

  • lorsque les circonstances dans lesquelles ont été commis les actes terroristes sont particulièrement graves, soit parce qu'il y a eu préméditation, menace, utilisation d'une arme, réunion d'auteurs, soit parce que lesdits actes ont porté atteinte à l'intégrité de la personne entraînant une mutilation, une infirmité, ou une mort accidentelle.

L'article 391-6 propose une nouvelle infraction pénale élargissant la notion de complicité habituellement retenue en incriminant l'aide et l'assistance apportées à l'auteur d'un acte terroriste par la fourniture de logements, ou de tout moyen de subsistance ou d'assistance, sauf les cas d'exonération de poursuites pour les parents proches ou les conjoints.

L'article 391-7 qualifie d'actes terroristes les infractions prévues par l'Ordonnance Souveraine n° 15.655 du 7 février 2003 portant application de divers traités internationaux relatifs à la lutte contre le terrorisme soit, notamment, celles relatives aux actes illicites commis contre des aéronefs, ou les biens et les personnes à bord d'aéronefs, les attaques contre les personnes ou les biens dans les aéroports ; le vol, la détention, le commerce ou la manipulation illicites de matières nucléaires ; le détournement ou la destruction de navire, les attaques contre les personnes à bord, etc…

La commission de tels faits est sanctionnée, en cas de circonstances aggravantes liées au terrorisme, des peines les plus lourdes.

L'article 391-8 permet d'engager la responsabilité pénale des personnes morales et de les condamner à titre principal. La peine encourue est l'amende.

Les articles 391-9 et 391-10 prévoient l'excuse légale des repentis :

  • est exempté de peine, le coupable d'une tentative d'acte terroriste qui empêche la commission de l'acte et permet éventuellement l'identification des coupables, en avertissant les autorités administratives ou judiciaires ;

  • bénéficie d'une exemption de sanction pécuniaire et d'une réduction de la peine privative de liberté, le coupable qui, de la même manière, permet de faire cesser les agissements incriminés, ou d'éviter de causer la mort ou l'infirmité de personnes, et éventuellement aide à l'identification d'autres coupables.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Article premier🔗

Le Titre III du Livre III du Code pénal intitulé « Délits en matière de circulation de véhicules terrestres » devient le Titre IV dudit Livre. Les articles 391-1 et 391-2 du Code pénal sont respectivement numérotés 391-11 et 391-12.

La mention de l'article 391-1 faite au sixième alinéa de l'article 391-12 est remplacée par celle de l'article 391-11.

Article 2🔗

Le Titre III du Livre III du Code pénal est intitulé « Du terrorisme ». Il est rédigé comme suit :

« Titre III

Du terrorisme

Article 391-1 : Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement commises en relation avec une entreprise individuelle ou collective, dirigée soit contre la Principauté de Monaco ou contre tout autre Etat, soit contre une organisation internationale, et sont de nature :

  • soit à menacer leurs structures politiques, économiques ou sociales, à leur porter atteinte ou à les détruire ;

  • soit à troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur,

les infractions suivantes :

  • 1°) Les attentats contre la sûreté intérieure de l'Etat, visés aux articles 56, 57 et 61 ;

  • 2°) Les crimes tendant à troubler l'Etat, visés aux articles 65, 66, 68 et 69 ;

  • 3°) Les crimes et délits contre la paix publique relatifs :

    • aux attroupements et rebellions, visés aux articles 145, 146, 152 à 155, et 161 ;

    • aux violences envers les dépositaires de la puissance publique, de l'autorité et de la force publique, visées aux articles 166 et 167 ;

    • aux atteintes à la sûreté de la circulation sur les chemins de fer, visées aux articles 191 à 193 ;

    • aux destructions ou dégradations relatives aux lignes téléphoniques, télégraphiques et aux télécommunications, visées aux articles 198 à 200, ainsi qu'aux attaques contre les personnes prévues à l'article 201 ;

    • aux associations de malfaiteurs, visées aux articles 209 à 211 ;

    • au blanchiment du produit d'une infraction, visé aux articles 218 à 218-3 ;

  • 4°) Les crimes et délits contre les personnes et les propriétés relatifs :

    • aux homicides volontaires, visés aux articles 220 à 223 et 226 à 228 ;

    • aux menaces, visées aux articles 230 à 232 ;

    • aux coups et blessures volontaires, visés aux articles 236 à 238, et 240 à 249 ;

    • aux attentats aux mœurs, visés aux articles 261 à 263, 265 et 266 ;

    • aux arrestations illégales et séquestrations, visées aux articles 275 à 278 ;

  • 5°) Les crimes et délits contre les propriétés concernant :

    • les vols, visés aux articles 309 à 316, et 325 ;

    • l'extorsion et le chantage, visés à l'article 323 ;

    • le recel, visé aux articles 339 et 340 ;

    • les incendies, destructions, dégradations et dommages, visés aux articles 369 à 377, 380 à 382, 385, 386 et 389 ;

    • les atteintes aux systèmes d'informations, visées aux articles 389-1 à 389-8.

Article 391-2 : Les peines encourues pour les actes de terrorisme définis à l'article 391-1 sont celles prévues pour les infractions visées aux chiffres 1 à 5 dudit article, augmentées ainsi qu'il suit :

  • 1°) Si l'infraction est punie de la réclusion criminelle de dix à vingt ans, la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité ;

  • 2°) Si elle est punie de la réclusion criminelle de cinq à dix ans, la peine encourue est la réclusion criminelle de dix à vingt ans ;

  • 3°) Si elle est punie d'une peine d'emprisonnement correctionnel, le maximum de la peine d'emprisonnement est porté au double et la peine d'amende peut être doublée.

Article 391-3 : Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont accomplies dans les conditions définies à l'article 391-1, les infractions prévues par la loi n° 913 du 18 juin 1971 sur les armes et munitions, ainsi que celles prévues par les conventions internationales rendues exécutoires dans la Principauté de Monaco et relatives au régime des explosifs, des matériels, des armes et des munitions de guerre.

Les auteurs de ces actes terroristes sont punis de la réclusion criminelle de dix à vingt ans.

Article 391-4 : Constitue un acte de terrorisme, lorsqu'il remplit les conditions définies par l'article 391-1, le fait d'introduire ou de répandre sciemment dans l'atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, toute substance ou produit de nature à mettre en péril la santé de l'homme ou des animaux, ou la sauvegarde du milieu naturel.

Les auteurs de cet acte terroriste sont punis de la réclusion criminelle de dix à vingt ans.

Lorsque cet acte a entraîné la mort d'une ou plusieurs personnes, les auteurs sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité.

Article 391-5 : Constitue un acte de terrorisme, lorsqu'il remplit les conditions définies à l'article 391-1, le fait de soumettre une personne à des tortures ou à des actes de barbarie.

Cet acte est passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

Article 391-6 : Constitue un acte de terrorisme, lorsqu'il remplit les conditions définies à l'article 391-1, le fait de fournir à l'auteur ou au complice d'un acte de terrorisme défini aux articles 391-1 à 391-7, un logement, un lieu de retraite, des subsides, des moyens d'existence ou tout autre moyen de se soustraire aux recherches ou à l'arrestation.

Les actes de terrorisme définis au précédent alinéa sont punis de cinq à dix ans d'emprisonnement et de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26 dont le maximum peut être porté au quintuple.

Ne peuvent être poursuivis :

  • 1°) Les parents en ligne directe et leur conjoint, ainsi que les frères et sœurs et leur conjoint, de l'auteur ou du complice de l'acte de terrorisme ;

  • 2°) Le conjoint de cet auteur ou du complice.

Article 391-7 : Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont accomplies dans les conditions fixées par l'article 391-1, les infractions prévues par l'Ordonnance Souveraine n° 15.655 du 7 février 2003 portant application de divers traités internationaux relatifs à la lutte contre le terrorisme.

Les auteurs de ces actes sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité.

Article 391-8 : Toute personne morale, à l'exclusion de l'Etat, de la Commune ou des établissements publics, est pénalement responsable des infractions de terrorisme incriminées aux articles 391-1 à 391-7 commises pour son compte par un de ses représentants ou un de ses organes, sans préjudice de la responsabilité pénale des personnes physiques qui ont commis lesdites infractions.

La peine encourue par la personne morale du fait de ces infractions est la peine d'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26 portée au double.

En outre, le Ministre d'Etat peut par arrêté prononcer le retrait de toute autorisation administrative préalablement accordée.

Article 391-9 : Toute personne qui a tenté de commettre un acte de terrorisme est exemptée de peine si, ayant prévenu l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables.

Article 391-10 : La peine privative de liberté encourue par l'auteur ou le complice d'un acte de terrorisme est réduite de moitié si celui-ci, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, a permis de faire cesser les agissements incriminés ou d'éviter que l'infraction n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables.

Lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, celle-ci est ramenée à vingt ans de réclusion criminelle.

Dans tous les cas, la peine d'amende prévue n'est pas prononcée. »

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