Projet de loi n° 747 modifiant et complétant la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux
Exposé des motifs🔗
La loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux a, pendant des années, prouvé son efficacité quant à ses principes directeurs.
Aussi, le présent projet de loi en étend le champ d'application tout en y apportant des modifications mineures.
La loi n° 490 octroie aux commerçants et industriels un droit au renouvellement du bail portant sur les locaux dans lesquels s'exerce leur activité.
Les artisans sont exclus du bénéfice de cette loi alors même qu'ils ont investi dans l'aménagement de leur local, qu'ils ont attiré une clientèle attachée tant à un emplacement qu'à la qualité de leurs produits, de leurs services ou aux prix pratiqués.
Au sens du présent projet, l'artisan peut se distinguer du commerçant et de l'industriel en ce que son activité de production, transformation, réparation, ou de prestations de services provient principalement de son travail physique et non d'une spéculation sur des marchandises ou sur une main-d'œuvre salariée. Ainsi, l'entreprise artisanale est, par nature, de dimension modeste, soit une dizaine de salariés tout au plus. Par ailleurs, il se différencie du travailleur à domicile par l'indépendance de son activité au regard des donneurs d'ordre ou clients.
En étendant le bénéfice de la loi aux artisans au même titre qu'aux commerçants et industriels, le présent projet favorise le maintien et le développement des métiers de l'artisanat en les mettant à l'abri des aléas du droit des loyers à usage d'habitation et professionnels, sans pour autant les assimiler à des professions commerciales. En effet, la condition de l'existence d'un fonds de commerce disparaît au profit de celle de l'exploitation d'un fonds lequel peut être civil ou commercial.
En outre, pour obvier aux difficultés que rencontrent les commerçants, industriels et artisans, il apparaît nécessaire d'assurer une plus grande stabilité des loyers par une modification de l'article 21 lequel permet une révision annuelle du prix de location en cours de bail basée sur la variation de la valeur locative, telle qu'elle résulte de l'application de l'article 6, consécutivement à une modification soit des conditions économiques générales de la Principauté, soit des conditions particulières affectant le fonds.
Dès lors, la période minimale entre chaque révision est portée à trois ans afin de permettre aux preneurs de prévoir leurs charges d'exploitation à moyen terme et d'éviter de trop fréquentes procédures.
Le présent projet s'attache également, sans remettre en cause le huis clos qui entoure la procédure devant la commission arbitrale, à remédier à l'absence de publicité des décisions de la commission qui nuit à la défense des parties par la méconnaissance de la jurisprudence de cette juridiction.
Conséquemment, en supprimant à l'article 5 in fine de la loi toute référence aux « jugements rendus en chambre du conseil », les éditeurs et professionnels pourront, conformément au droit commun, organiser comme ils l'entendent la publicité des décisions.
La dernière modification consiste en la mise à jour des listes sur lesquelles sont désignées les juges assesseurs laquelle n'interviendra désormais que tous les trois ans, à l'effet de faciliter le fonctionnement de cette juridiction.
Dans un souci d'équité, des artisans figureront désormais sur cette liste au même titre que les commerçants et les industriels.
Par dérogation aux règles du droit commun, et afin d'éviter des expulsions précipitées, les résiliations et refus de renouvellement de baux portant sur des locaux loués à des artisans pour l'exercice de leur exploitation seront nuls, s'ils sont intervenus dans les six mois précédant la publication de la loi dont s'agit.
Dès lors, sauf inexécution grave de leurs obligations locatives, les artisans expulsés pendant cette période pourront obtenir leur réintégration dans les locaux ou, le cas échéant, une indemnité d'éviction.
Sous le bénéfice des observations générales qui précèdent, le présent projet contient les dispositions suivantes :
L'article 1er modifie l'intitulé de la loi pour l'adapter à l'extension du bénéfice de cette dernière aux artisans par l'article 2.
L'article 3 modifie l'article 5 en vue d'assurer une mise à jour triennale des listes arrêtées par le Ministre d'Etat pour la composition de la commission arbitrale et y ajoute un dernier alinéa autorisant la publication, à l'initiative du président de la commission, d'extraits expurgés des décisions de cette juridiction.
L'article 6 modifie l'article 21 afin d'autoriser la révision du prix de location en cours de bail non pas chaque année mais après une période de trois ans.
Les articles 2, 5 et 8 substituent le mot «fonds» aux termes «fonds de commerce».
L'article 7 qui, à l'instar de l'article 4, établit l'harmonisation de l'article 27 eu égard à la modification de l'article premier de la loi, prévoit, comme actuellement, l'exclusion du bénéfice des dispositions légales du loueur en garni lorsque son exploitation ne revêt pas une nature commerciale.
L'article 9 rend nuls toute résiliation et tout refus de renouvellement de bail d'un local artisanal dans les six mois précédant la publication de la loi nouvelle.
L'article 10, qui constitue également une disposition transitoire, prévoit que la période d'exploitation antérieure à l'intervention de la loi est prise en compte pour ouvrir droit au bénéfice de la protection légale.
Tel est l'objet du présent projet de loi.
Dispositif🔗
Article premier🔗
L'intitulé de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux est ainsi modifié :
« Loi concernant les baux à usage commercial, industriel et artisanal. »
Article 2🔗
L'article 1er de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux est ainsi modifié :
« Article 1er.- Le renouvellement des baux à loyers des locaux et immeubles où s'exploite un fonds depuis au moins trois ans consécutifs, en vertu d'une ou plusieurs conventions écrites ou verbales, que ce fonds appartienne à un commerçant, un industriel ou un artisan, est régi par les dispositions ci-après.
Ces dispositions s'appliquent également aux locaux accessoires dépendant dudit fonds s'ils appartiennent au même propriétaire à la condition qu'ils soient nécessaires à l'exploitation artisanale, commerciale ou industrielle, et, s'ils appartiennent à un autre propriétaire, à la condition que la location qui concerne ces locaux accessoires ait été faite en vue de l'utilisation jointe que leur destinait le preneur et que cette destination ait été connue du bailleur au moment de la location. »
Article 3🔗
L'article 5 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux est ainsi modifié :
« Article 5.- Lorsqu'il résulte de la tentative de conciliation que le bailleur consent en principe au renouvellement et que le différend porte sur le prix, la durée, les conditions accessoires ou sur l'ensemble de ces éléments, ou lorsque le défaut du propriétaire a été constaté par une ordonnance devenue définitive, le président fixe la date à laquelle les parties seront convoquées devant une commission arbitrale composée de cinq membres, savoir :
Le président du tribunal de première instance ou le magistrat délégué par lui ;
Deux propriétaires et deux locataires commerçants, industriels ou artisans désignés, en qualité de juges assesseurs, par le président, sur une liste de quinze propriétaires et de quinze locataires arrêtée tous les trois ans par le Ministre d'Etat.
Les règles fixées à l'article précédent sont applicables à la convocation et à la comparution des parties devant la commission arbitrale.
Avant de siéger, les juges assesseurs prêtent serment de remplir fidèlement la mission qui leur est confiée et de garder le secret des délibérations.
Les juges assesseurs peuvent être récusés quand ils ont un intérêt personnel à la contestation ou s'ils sont parents ou alliés d'une des parties.
La partie qui veut récuser un juge assesseur est tenue de former la récusation avant tout débat et d'en exposer les motifs dans une déclaration qu'elle remet, revêtue de sa signature, au greffier.
Il est statué sommairement et sans délai par le président de la commission, qui prononce également sur les causes d'empêchement que les juges assesseurs proposent.
Les magistrats peuvent être récusés conformément aux dispositions des articles 393 et suivants du Code de procédure civile.
Les débats ont lieu en chambre du conseil ».
Article 4🔗
Les articles 17 et 17-1 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux sont ainsi modifiés :
« Article 17.- Lorsqu'il établit que l'immeuble menace ruine ou est en état d'insalubrité constatée et alors même que le bail n'est pas expiré, le propriétaire peut reprendre les locaux sans être astreint au paiement de l'indemnité prévue à l'article 9 ; il ne peut toutefois effectuer cette reprise qu'au terme d'un préavis de six mois notifié au locataire par acte extrajudiciaire.
Le locataire évincé bénéficie d'un droit de priorité pour la location de nouveaux locaux commerciaux, industriels ou artisanaux qui seraient aménagés dans l'immeuble reconstruit. Dans ce cas, à défaut d'accord amiable, les conditions de cette location sont déterminées conformément aux dispositions du titre I, chapitre II de la présente loi.
Pour bénéficier du droit de priorité, le locataire devra, en quittant les lieux, ou, au plus tard dans les trois mois qui suivent, notifier au propriétaire, par acte extrajudiciaire, qu'il demande que les dispositions de l'alinéa précédent lui soient appliquées ; il est tenu de faire élection de domicile à Monaco.
Le propriétaire ou ses ayants droit doivent, avant de louer les nouveaux locaux commerciaux, industriels ou artisanaux, aviser, de la même manière, le bénéficiaire du droit de priorité, à son domicile élu, qu'ils sont prêts à lui consentir le bail afférent à ces locaux ; ils doivent mentionner les conditions et le prix de ce bail.
L'intéressé dispose d'un délai de trois mois pour, dans la même forme, notifier au propriétaire son acceptation ou, en cas de contestation sur les conditions ou le prix du bail, saisir par déclaration faite au Greffe général la commission arbitrale qui statue conformément aux dispositions des articles 5 et suivants. Passé ce délai, le propriétaire peut disposer des locaux ; le présent délai et sa conséquence doivent être, à peine de nullité, indiqués dans la notification du propriétaire visée ci-dessus.
Article 17-1.- Dans les cas visés à l'article précédent, les travaux de démolition en vue de la reconstruction doivent être commencés dans les trois mois du départ du dernier occupant commerçant, industriel ou artisanal.
Lorsque les travaux n'ont pas été commencés dans ce délai et normalement poursuivis, et à moins que le retard ne soit justifié, le locataire évincé peut demander, en contrepartie de la perte du droit de priorité, à bénéficier des dispositions de l'article 20 ci-après. »
Article 5🔗
L'article 25 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux est ainsi modifié :
« Article 25.- Les dispositions de la présente loi s'appliquent aux baux de terrains nus sur lesquels, avec le consentement du propriétaire, le preneur a, en cours de location, édifié des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, nécessaires à l'exploitation de son fonds. »
Article 6🔗
L'article 21 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux est ainsi modifié :
« Article 21.- Quelle que soit la date du bail écrit ou verbal, intervenu ou à intervenir, nonobstant toute convention contraire et quelles que soient les conditions dans lesquelles le prix a été fixé, celui-ci peut être modifié, tant en hausse qu'en baisse, à la demande d'une partie lorsqu'elle peut justifier que le prix payé ne correspond plus à la valeur locative, telle qu'elle résulte de l'application des dispositions de l'article 6, par suite d'une modification :
soit dans les conditions économiques générales de la principauté ;
soit dans les conditions particulières affectant le fonds.
Cette demande de révision n'est recevable que s'il s'est écoulé trois années au moins depuis la date à laquelle a pris cours le prix précédemment fixé.
Elle est introduite par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire, contenant obligatoirement l'énonciation des motifs allégués pour justifier la révision du prix, ainsi que l'indication du nouveau prix proposé. »
Article 7🔗
L'article 27 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux est ainsi modifié :
« Article 27.- Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables aux loueurs en garni, sauf si l'exploitation en meublé présente, par son affectation, tous les caractères d'un fonds de commerce. »
Article 8🔗
L'article 32 bis de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux est ainsi modifié :
« Article 32 bis.- Est nulle et de nul effet, toute clause qui aurait pour objet d'interdire au preneur de céder son bail à son successeur dans l'exploitation du fonds.
En cas de cession à titre onéreux du bail en cours ou renouvelé par application des dispositions de la présente loi, comme aussi en cas de cession à titre onéreux du fonds exploité dans les locaux du propriétaire, que cette cession comprenne la totalité ou partie seulement des éléments corporels ou incorporels, il est accordé audit propriétaire un droit de préemption.
Toutefois, ce droit de préemption ne peut être exercé :
1°- Au cas où la cession du fonds ne comprend pas le droit au bail ; dans ce cas, le bail en cours ou renouvelé est considéré comme résilié de plein droit et les locaux sont rendus au propriétaire un mois après la date de ladite cession ;
2°- Au cas où le fonds fait l'objet d'un apport à une société commercial ;
3°- Au cas où la cession est faite aux enchères ;
4°- Au cas où la cession est consentie à titre gratuit ou onéreux aux descendants en ligne directe du propriétaire du fonds à son conjoint, à ses collatéraux privilégiés, à ses ascendants en ligne directe ou aux mêmes ascendants de son conjoint.
Lorsque le fonds cédé comprend plusieurs succursales ou est exploité dans plusieurs locaux, le propriétaire ne peut exercer le droit de préemption que sur l'ensemble du fonds.
La priorité pour l'exercice de ce droit est accordée d'abord au propriétaire du local où le fonds principal est exploité ; ensuite, et aux cas de candidatures multiples, sauf accords de concurrents, à l'établissement le plus important.
Pour permettre au propriétaire l'exercice du droit de préemption, l'occupant doit faire connaître au bénéficiaire de ce droit, par lettre recommandée avec accusé de réception, dix jours au moins avant la date envisagée pour la cession, le prix et les conditions demandés, ainsi que les modalités projetées de la vente.
Sauf les cas où il est fait échec au droit de préemption, cette communication vaut offre de vente, aux prix et conditions qui y sont contenus, à laquelle sont applicables les dispositions de l'article 1432 du code civil, alinéas 1 et 3.
Le bénéficiaire du droit de préemption dispose d'un délai de dix jours pour faire connaître dans les mêmes formes, au vendeur, son acceptation ou son refus d'acheter aux prix et charges communiqués ; son silence équivaut à un refus.
Dans le cas de refus, la vente réalisée au profit d'un tiers doit être faite et consentie aux prix et conditions imposés sous peine de nullité ; cette nullité sera prononcée par le tribunal sur simple demande du bénéficiaire de la préemption, et la juridiction qui prononce la sentence doit déclarer ce bénéficiaire acquéreur du fonds aux prix et conditions énoncés dans l'acte frappé de nullité.
En tout état de cause, le propriétaire est autorisé à prendre connaissance de l'acte de vente chez le notaire rédacteur ou à l'administration de l'enregistrement. Il doit, à peine de forclusion, introduire la demande en annulation dans le délai d'opposition prévu par l'ordonnance du 23 juin 1907 sur la vente des fonds de commerce, modifiée par la loi n° 88 du 3 janvier 1925. »
Article 9🔗
Tout refus de renouvellement ou toute résiliation anticipée d'un bail écrit ou verbal portant sur un local où s'exploite une activité artisanale dans les conditions prévues à l'article 1er modifié de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, effectués pendant les six mois précédant la publication de la présente loi, est nul et de nul effet.
Ceux qui en contravention avec les dispositions qui précèdent ont été expulsés pendant la période visée à l'alinéa 1 peuvent réclamer leur réintégration dans les locaux anciennement loués, ou à défaut, l'indemnité d'éviction prévue à l'article 9 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948.
Article 10🔗
Pour l'application de l'article 2 ci-dessus, la durée d'exploitation de l'activité artisanale est celle de son exploitation effective même avant la publication de la présente loi.