Tribunal du travail, 17 juillet 2025, Monsieur ca.E c/ La société anonyme monégasque dénommée I.N
Abstract🔗
Licenciement - Faute grave (oui) - Violation de l'obligation d'exclusivité - Licenciement abusif (non) - Légalité de la mise en œuvre de la procédure de licenciement durant un arrêt maladie (oui)
Résumé🔗
Le Tribunal du Travail retient que la faute grave, fondant le licenciement du salarié demandeur est caractérisée et constate que le licenciement n'a pas été mis en œuvre de manière abusive. L'employeur reprochait à son salarié son activité au sein de la SARL ZG, société concurrente (dont il détient des parts sociales), durant le temps de la relation contractuelle de travail.
Caractérisant non seulement une violation de l'obligation d'exclusivité, l'activité du demandeur pour la SARL ZG, telle que constatée par le Tribunal, apparait constitutive d'un manquement à son obligation de loyauté à l'égard de l'employeur, tant au regard de l'objet social de cette société, que de la confusion, entretenue de fait, entre son activité pour la société employeur et pour la SARL ZG. L'employeur faisait également grief au demandeur à qui incombait la responsabilité du marketing, de ne pas avoir procédé au lancement du produit ZF dans les règles de l'art. La faute n'est pas retenue. La mise sur le marché d'un nouveau produit est par essence délicate, cette période apparaissant peu compatible avec la réalisation immédiate d'objectifs chiffrés précis, l'efficacité du lancement ne se mesurant qu'à l'issue d'un certain délai. Les autres fautes reprochées concernant l'absence d'augmentation de 3 % du prix de vente de ZG auprès des pharmacies et les notes de frais ne sont pas retenues non plus.
Sur les circonstances du licenciement, il est retenu que la mise en œuvre du licenciement du salarié ne revêt aucun caractère abusif. La lettre de licenciement ne comporte aucun terme vexatoire, ni aucune invective. Si le licenciement a été mis en œuvre durant le temps de l'arrêt maladie du salarié, aucune disposition ne privait pour autant l'employeur de la possibilité de mettre en œuvre la procédure durant cette période, si ce n'est pour des motifs tirés de ladite maladie, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce. La découverte des agissements du salarié et de son implication dans une société concurrente justifiait que la procédure de licenciement soit initiée, sans attendre une éventuelle reprise du travail, dans un délai indéterminé.
Le salarié est débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires. Il est condamné à rembourser des frais professionnels indûment perçus pour la somme de la somme de 1 761,52 euros. L'employeur est débouté du surplus de ses demandes.
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 17 JUILLET 2025
N° 64-2015/2016
En la cause de :
- Monsieur ca.E, né le jma à Paris (France), de nationalité française, demeurant x1 à Monaco ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
- La société anonyme monégasque dénommée I.N, dont le siège social se situe x2 à Monaco ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Ludiwine AUBERT, avocat en ce même barreau ;
d'autre part ;
Visa🔗
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance de Monsieur ca.E, en date du 3 février 2016, reçue le 4 février 2016 et enregistrée sous le numéro 64-2015/2016 ;
Vu le procès-verbal de non-conciliation en date du 22 février 2016, et les convocations à comparaître par-devant le bureau de jugement du Tribunal du travail du 14 avril 2016 ;
Vu la requête introductive d'instance de la SAM I.N en date du 30 mai 2016, reçue le 1er juin 2016 et enregistrée sous le numéro 1-2016/2017 ;
Vu le procès-verbal de non-conciliation en date du 20 juin 2016, et les convocations à comparaître par-devant le Bureau de jugement du Tribunal du travail du 6 octobre 2016 ;
Vu le jugement avant-dire-droit au fond en date du 15 octobre 2020, ayant ordonné la jonction des deux instances, sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente de la décision définitive à intervenir dans la procédure pénale diligentée par la SAM I.N à l'encontre de Monsieur ca.E sur plainte avec constitution de partie civile, ordonné le retrait de la procédure du rang des affaires en cours et dit qu'elle sera rappelée à la première audience utile, à la demande de l'une quelconque des parties ou d'office par le Tribunal, dès qu'une décision définitive aura été rendue, et réservé les dépens ;
Vu le jugement avant-dire-droit au fond en date du 24 mars 2022, ayant ordonné un sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente de la décision définitive à intervenir sur la procédure pénale ;
Vu le courrier du greffe en date du 12 septembre 2023 portant information aux parties de la remise au rôle de l'affaire aux fins de mise au point de l'état de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de reprise d'instance de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom Monsieur ca.E, en date du 12 octobre 2023 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom Monsieur ca.E, en date du 16 janvier 2025 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de la SAM I.N, en date du 13 février 2025 ;
Après l'audience publique du 6 mai 2025, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, l'affaire a été mise en délibéré pour être rendue, sans opposition des parties par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail le 17 juillet 2025, ces dernières en ayant été avisées par Monsieur le Président ;
Vu les pièces du dossier ;
Motifs🔗
Par contrat à durée indéterminée en date du 31 décembre 2014, Monsieur ca.E a été embauché par la société anonyme monégasque I.N, avec reprise d'ancienneté au 1er avril 2008, en qualité de « Exécutive vice-président marketing membre du comité de Direction », catégorie cadre, niveau 9, coefficient 700 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique française, avec un salaire mensuel brut de 9.000 euros.
Par courrier en date du 13 novembre 2015, Monsieur ca.E a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour faute grave, assorti d'une mise à pied conservatoire.
En arrêt maladie depuis le 12 octobre 2015, Monsieur ca.E ne s'est pas présenté audit entretien. Convoqué à un nouvel entretien prévu le 25 novembre 2025, Monsieur ca.E a écrit à l'employeur le 23 novembre 2015 pour l'informer de son impossibilité de se présenter à l'entretien, compte tenu de la prolongation de son arrêt maladie.
La procédure de licenciement a été poursuivie par l'employeur qui, par courrier en date du 3 décembre 2015, a licencié Monsieur ca.E pour faute grave, et lui a remis, pour solde de tout compte, le 11 décembre 2015, la somme de 12.613,05 euros se décomposant comme suit :
* 1.890,16 euros de charges salariales,
* 10.722,89 euros brut (289,37 euros de maintien de salaire pour maladie du 1er au 4 décembre 2015 et 10.433,52 euros d'indemnités de congés payés pour 24 jours),
Par requête en date du 3 février 2016, reçue au greffe le 4 février 2016, Monsieur ca.E a saisi le Tribunal du travail, en conciliation, à l'effet d'obtenir le paiement des sommes suivantes :
* 28.257,15 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 113.028,60 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 21.600 euros à titre d'indemnité de congédiement,
* 150.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif en réparation des préjudices de toute nature que son licenciement lui a occasionnés,
* 500.000 euros à titre de perte de chance de la prime de fidélité,
Et ce outre intérêts au taux légal à compter de la tentative de conciliation.
À l'audience de conciliation en date du 22 février 2016, la SAM I.N a sollicité le règlement de la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 99.698,77 euros à titre de pénalités contractuelles en raison de la violation de la clause de non-concurrence.
Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
Par requête en date du 30 mai 2016, reçue au greffe le 1er juin 2016, la SAM I.N a saisi le Tribunal du travail, en conciliation, à l'effet d'obtenir le paiement de la somme de 5.730.000 euros de dommages et intérêts au titre de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail, de la somme de 4.636,46 euros en remboursement de frais professionnels indûment versés à Monsieur ca.E. Elle a en outre sollicité la jonction des instances, l'exécution provisoire du jugement à intervenir, les frais et dépens (mémoire) et le bénéfice des intérêts au taux légal sur l'ensemble des sommes à compter de la requête.
Aucune conciliation n'étant intervenue, le dossier a été renvoyé devant le bureau de jugement.
Par jugement avant-dire-droit en date du 15 octobre 2020, le Tribunal du travail a ordonné la jonction des deux instances susvisées, qui procèdent d'un même contrat de travail, et a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente de la décision à intervenir dans la procédure pénale engagée par la SAM I.N à l'encontre de Monsieur ca.E sur plainte avec constitution de partie civile, pour des faits susceptibles de constituer les infractions d'escroquerie aux notes de frais, de vol de fichiers informatiques et de révélation de secret de fabrique.
Par conclusions de reprise d'instance déposées le 4 octobre 2021, Monsieur ca.E a sollicité une reprise d'instance à l'effet d'obtenir le maintien du sursis à statuer et ce pour éviter tout problème de prescription.
Constatant que le sort réservé par les juridictions pénales à la plainte déposée à l'encontre de Monsieur ca.E conditionnait, au moins pour partie, l'issue de la procédure en contestation de la validité et de la légitimité de la rupture du contrat de travail introduite par Monsieur ca.E, le Tribunal du travail a, par jugement avant-dire-droit en date du 24 mars 2022, sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente de la décision définitive à intervenir dans cette procédure pénale.
Par jugement du Tribunal correctionnel en date du 28 juin 2022, Monsieur ca.E a été relaxé de l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés. En outre, Monsieur s.U et la SAM I.N ont été reçus en leurs constitutions de parties civiles mais ont été déboutés de leurs demandes.
Ces dernières dispositions ont été confirmées par arrêt définitif de la Cour d'appel en date du 3 avril 2023, laquelle a considéré qu'aucune faute civile n'était démontrée à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite.
Une décision définitive ayant été rendue sur la procédure pénale, tant sur les dispositions pénales que sur les dispositions civiles, Monsieur ca.E, représenté par Maître Christophe BALLERIO, a déposé, le 12 octobre 2023, des conclusions aux fins de reprise d'instance.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 16 janvier 2025, Monsieur ca.E sollicite :
À titre liminaire et principal,
- juger que les pièces adverses numéros 27, 28, 33, 35, 37, 42, 45, 50, 51, 52, 54, 58, 59, 60, 61, 62, 65, 73, 74, 101, 102, 103, 104, 113 à 116, 143, 146, 154, 155, 158 et 161 sont irrecevables pour avoir été obtenues en violation du principe de loyauté de la preuve,
- juger que les pièces adverses numéros 27, 28, 37, 42, 50, 51, 52, 58, 59, 60, 61, 62, 101, 102, 103, 104, 126, 127, 128, 131 et 133 sont irrecevables pour ne pas être accompagnées d'une traduction en langue française,
En conséquence, les écarter des débats,
- juger que les demandes de la SAM I.N à hauteur des sommes de 4.947.580 euros, 293.654 euros, 20.000 euros et 150.000 euros sont irrecevables pour ne pas avoir été soumises au préliminaire de conciliation,
- juger que le Tribunal est saisi uniquement de la demande de la SAM I.N à hauteur des demandes de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts, 99.698,77 euros à titre de pénalités contractuelles en raison de la violation de la clause de non-concurrence et 4.636,46 euros à titre de remboursement des frais professionnels prétendument indument versés à Monsieur ca.E,
- débouter la SAM I.N de l'ensemble de ses demandes,
- déclarer Monsieur ca.E parfaitement recevable en ses demandes et l'y déclarer bien fondé,
- juger que Monsieur ca.E n'a commis aucune faute dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail,
- juger que le motif du licenciement de Monsieur ca.E n'est pas valable,
- juger que le licenciement de Monsieur ca.E du 3 décembre 2015 a été mis en oeuvre de manière brutale, vexatoire, avec une précipitation et une légèreté blâmable,
- juger que le licenciement de Monsieur ca.E revêt un caractère abusif,
En conséquence,
- condamner la SAM I.N à lui payer :
* 28.257,15 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 113.028,60 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 21.600 euros à titre d'indemnité de congédiement,
* 150.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif en réparation des préjudices de toute nature que son licenciement lui a occasionnés,
* 500.000 euros à titre de perte de chance de la prime de fidélité,
* outre intérêts au taux légal pour l'ensemble de ces demandes à compter de la date de la tentative de conciliation, soit le 22 février 2016,
- condamner la SAM I.N à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,
À titre liminaire et secondaire,
- juger que les demandes de la SAM I.N, contenues dans ses conclusions, à hauteur des sommes de 4.947.580 euros, 250.000 euros, 293.654 euros, 20.000 euros, 6.319,74 euros, 99.698,77 euros et 150.000 euros, dont le total est de 5.661.234 euros, ne correspondent pas à la demande soumise devant le bureau de conciliation et sont irrecevables,
En conséquence, juger le cas échéant que le Tribunal ne peut être saisi que des demandes à hauteur de 4.636,46 euros au titre du remboursement des frais professionnels,
En tout état de cause, rejeter toutes demandes, fins et conclusions de la SAM I.N,
- condamner la SAM I.N à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la SAM I.N à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,
- condamner la SAM I.N aux entiers dépens distraits au profit de Maître Christophe BALLERIO, sous sa due affirmation,
Par conclusions récapitulatives du 16 janvier 2025 et à l'audience de plaidoirie, Monsieur ca.E expose notamment :
• que la société I.N a pour activité principale la mise au point, la distribution et la vente de compléments alimentaires, de produits cosmétiques et de dispositifs médicaux contenant du pollen, avec pour produit phare le Z, lequel représente 95 % du chiffre d'affaires de la société en 2015, et dont le but vise à soulager les bouffées de chaleur et d'autres inconvénients liés à la ménopause,
• qu'en 2005, il a créé au Luxembourg la société ZA, qui détenait l'essentiel de la SARL ZI, société de droit monégasque créée en 2007, devenue en 2010 la SAM I.N, l'ensemble des éléments produits démontrant qu'il est le fondateur de la société I.N,
• que le 25 novembre 2008, Monsieur s.U est entré au capital de la société I.N, à hauteur de 59 %, et en a pris la cogérance,
• que le 29 décembre 2014, les époux E ont cédé leurs parts sociales,
• qu'un contrat de travail lui a alors été établi, afin de continuer de contribuer à la croissance de la société, le protocole de cession d'actions mentionnant l'importance de son rôle pour la société,
• que les missions définies à ce contrat de travail tiennent à son expertise et aux besoins de l'entreprise, eu égard à ses connaissances, à son expérience dans le marketing international de produits de santé, mais également à son réseau relationnel,
• que ces circonstances ont justifié l'insertion d'une prime de fidélité dans le contrat de travail,
• qu'à partir du début de l'année 2015, le management de la société a changé, Monsieur a.A ayant été embauché aux fonctions de vice-président marketing qu'il exerçait,
• qu'il a été victime d'un véritable harcèlement moral, Monsieur s.U ayant remis en cause son travail et son intégrité, et ce jusqu'à son effondrement et à son arrêt de travail, à compter du 12 octobre 2015,
• que cette situation s'est poursuivie jusqu'à son licenciement,
• que durant son arrêt de travail, la SAM I.N a souhaité modifier son poste, pour le faire passer d'executive vice-président marketing à directeur des ventes France, avant que la procédure de licenciement ne soit engagée à son encontre
• que les fautes qui lui sont reprochées sont totalement infondées, dans la mesure où il s'est pleinement consacré au développement de la société, contribuant ainsi au niveau qu'elle a désormais atteint,
• que les pièces dont la recevabilité est contestée ont été obtenues de manière déloyale, une distinction devant être faite avec les documents et courriels personnels,
• que Monsieur s.U s'est approprié, sous un prétexte fallacieux, des documents relatifs à la société ZG, se trouvant dans son armoire personnelle, société créée avant l'établissement de son contrat de travail, dont son employeur avait connaissance et dont l'activité ne caractérise aucune violation de la clause de non-concurrence,
• qu'à la simple lecture desdits documents, Monsieur s.U savait qu'ils ne concernaient aucunement la SAM I.N, l'atteinte portée à sa vie privée étant disproportionnée par rapport au but poursuivi,
• que ses courriels personnels, effacés à l'occasion de la restitution de son ordinateur, ont unilatéralement été récupérés par la partie adverse, violant ainsi délibérément le droit au respect de sa vie privée et au secret des correspondances, lesquels s'étendent au lieu de travail,
• que la SAM I.N s'est en réalité livrée à un contrôle de surveillance des données, sans déclaration préalable auprès de la Commission de contrôle des informations nominatives, allant jusqu'à récupérer des données effacées, sans autorisation judiciaire, et à réaliser des recherches sans lien avec la SAM I.N,
• qu'à l'exception de ses demandes de condamnation aux sommes de 250.000 euros et de 99.698,77 euros, les demandes formées par la SAM I.N sont irrecevables, faute d'avoir été soumises au préliminaire obligatoire de conciliation,
• que la demande de remboursement des frais professionnels ne saurait quant à elle excéder le montant initialement réclamé de 4.636,46 euros, le montant en question ayant été modifié dans les écritures ultérieures de la SAM I.N,
• que la demande formée au titre de l'effacement de 11.000 fichiers de la SAM I.N ne saurait prospérer dès lors que les données extraites de son ordinateur étaient personnelles, que la société défenderesse n'apporte pas la preuve de ce que des fichiers lui appartenant ont été supprimés, que la consistance et la nature des fichiers en question n'est pas davantage établie, que l'ordinateur a été rendu avec les données de I.N et que le préjudice allégué n'est aucunement établi, tant en son principe qu'en son quantum,
• qu'aucune violation de la clause de non-concurrence n'est établie, dès lors que Monsieur s.U, qui était parfaitement au fait de ses autres activités, a proposé de signer avec la société ZG un contrat de licence de marque portant sur le complément alimentaire ZD,
• qu'au vu des fonctions exercées par Monsieur ca.E, il a été convenu qu'il ne serait pas soumis à un horaire déterminé, démontrant ainsi l'absence de frontière avec le temps personnel, qu'il ne saurait dès lors lui être reproché d'avoir adressé des mails personnels depuis son ordinateur professionnel,
• qu'aucune confusion ne peut être entretenue entre la société ZG et la dénomination ZI, sur laquelle la SAM I.N ne dispose plus d'aucun droit,
• que la société ZG n'a jamais exercé aucune activité concurrente de la SAM I.N, dans la mesure où elle n'a jamais produit ni commercialisé de produits à base d'extraits de pollens,
• qu'outre le produit ZD, dont les droits d'exploitation ont lui été concédés par la SAM I.N, la SARL ZG commercialise les produits dermatologiques ZE, qui ne contiennent aucun extrait de pollen, dont les fonctions diffèrent totalement des produits commercialisés par la SAM I.N, et dont les marchés diffèrent également, la SAM I.N n'hésitant pas à se contredire en évoquant des produits « complémentaires »,
• qu'ainsi, l'activité réelle de la SARL ZG n'est aucunement concurrente de la société I.N,
• que la demande formée au titre de la perte de chance de ne pas avoir conclu le contrat de distribution exclusive des produits ZE est infondée dès lors qu'il ne lui appartenait pas de proposer la commercialisation de ce produit à son employeur, dans la mesure où il ne répondait ni à la politique commerciale, ni à l'objet social de celui-ci, et qu'en tout état de cause, ce produit a bien été proposé à son employeur qui a refusé de le commercialiser,
• qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée dans le cadre du lancement du produit ZF au sujet duquel il s'est contenté de suivre les directives peu judicieuses de Monsieur s.U, aucun résultat n'étant de surcroit garanti au stade du lancement d'un produit, les demandes adverses se fondant uniquement sur des prévisions, le bilan commercial, qui ne peut, quant à lui, être effectué qu'ultérieurement, à l'issue d'une année de commercialisation, n'étant pas communiqué,
• qu'il ne saurait être responsable de l'absence d'augmentation de 3 % des prix sur le produit ZG, cette question ne relevant pas de ses attributions,
• que les pièces communiquées ne démontrent pas que certaines notes de frais auraient été réglées deux fois et qu'en tout état de cause, il n'a jamais sciemment sollicité à deux reprises le remboursement d'une même note de frais, situation qui ne pourrait relever que d'une erreur,
• que la demande formée en réparation de tous préjudices de la société I.N, et notamment de son préjudice d'image, n'est aucunement fondée,
• que durant son arrêt de travail, la SAM I.N a souhaité modifier son poste, pour le faire passer d'executive vice-président marketing à directeur des ventes France, avant que la procédure de licenciement ne soit engagée à son encontre,
• qu'il n'a commis aucune faute dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, tant au titre de la clause de non-concurrence, qu'au titre de l'obligation de fidélité et d'exclusivité, les attestations adverses devant être considérées avec la plus grande prudence eu égard au lien de subordination ou de dépendance économique de leurs auteurs avec la SAM I.N,
• qu'aucune faute professionnelle ne saurait par ailleurs lui être reprochée au titre de l'échec du lancement de ZF, de la modification des objectifs et primes des délégués médicaux, de l'absence d'augmentation de 3 % des prix de ZG auprès des pharmacies, ou encore des problèmes liés au remboursement de ses frais professionnels,
• qu'il a au contraire toujours agi dans les intérêts de la SAM I.N, ainsi qu'en attestent les nombreux professionnels ayant travaillé avec lui,
• que Monsieur s.U a en réalité fait régner une ambiance de travail dégradée au sein de l'entreprise, poussant ainsi les salariés qui n'étaient pas licenciés à démissionner,
• qu'en l'absence de faute grave, ses demandes d'indemnisation apparaissent pleinement justifiées, notamment au titre de l'indemnité liée à la perte de chance de percevoir la prime de fidélité initialement convenue, qu'au titre de sa demande pour licenciement abusif, qui lui a causé un grave préjudice moral, attesté tant par les professionnels de santé mentale qui l'ont suivi que ses proches,
• qu'à l'exception de la décision non définitive rendue le 7 avril 2022 par le Tribunal de première instance, l'ensemble des juridictions pénales saisies par la partie adverse, ont rejeté les demandes présentées par la SAM I.N,
• que ces décisions, aujourd'hui définitives, ont autorité de chose jugée sur le civil,
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives en date du 13 février 2025, la SAM I.N formule les demandes suivantes :
- rejeter l'irrecevabilité fondée sur l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 des demandes de la SAM I.N soulevée par Monsieur ca.E,
- déclarer recevables les demandes de la SAM I.N formulées au titre de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail devant le bureau de conciliation du 20 juin 2016,
- déclarer recevables toutes les pièces versées aux débats par la SAM I.N,
Vu le contrat de travail de Monsieur ca.E,
- dire et juger que par ses agissements, Monsieur ca.E a violé ses obligations d'exclusivité, de loyauté et de fidélité à l'égard de la société I.N,
- dire et juger que les agissements de Monsieur ca.E sont constitutifs d'une faute grave justifiant son licenciement,
Par conséquent,
- débouter Monsieur ca.E de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la société I.N,
À titre subsidiaire,
- dire et juger que les montants auxquels Monsieur ca.E peut prétendre ne sauraient excéder :
* 28.257,15 euros à titre d'indemnité de préavis correspondant à 3 mois de rémunération,
* 113.028,60 euros de majoration contractuelle de l'indemnité de licenciement,
- débouter Monsieur ca.E de toutes demandes plus amples ou contraires,
- dire et juger que par ses agissements, Monsieur ca.E a engagé sa responsabilité vis-à-vis de son employeur, auquel il a causé un préjudice indemnisable,
Par conséquent,
- prendre acte de l'erreur matérielle affectant les calculs,
- condamner Monsieur ca.E à payer à la société I.N les sommes de :
* 4.947.580 euros à titre de perte de chance du contrat de distribution exclusive des produits ZE,
* 250.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la destruction de 11.000 fichiers de la société I.N,
* 293.654 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'échec du lancement du produit ZF,
* 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'augmentation de 3 % des prix sur le produit ZG auprès des pharmacies,
* 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de tous préjudices de la société I.N et notamment de son préjudice d'image,
- condamner Monsieur ca.E à payer à la SAM I.N la somme de 6.319,74 euros au titre des remboursements de frais professionnels,
- constater la violation par Monsieur ca.E de son obligation contractuelle de non-concurrence,
En conséquence,
- condamner Monsieur ca.E à lui payer la somme de 99.698,77 euros au titre de la pénalité contractuelle,
En tout état de cause,
- condamner Monsieur ca.E à lui payer la somme de 25.000 euros en application des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile,
- condamner Monsieur ca.E aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
La SAM I.N fait notamment valoir :
• que Monsieur ca.E n'est nullement le fondateur de la SARL ZI, dont il ne détenait aucune part sociale, son intervention étant circonscrite à une aide officieuse apportée à son épouse, laquelle était en réalité l'unique gérante de cette société,
• que le 3 décembre 2008, Monsieur s.U a dans un premier temps acquis, auprès de la société ZA, 599 parts des 1000 parts composant le capital de la SARL ZI, avant d'acquérir, fin 2014, les 400 parts restantes auprès de Madame c.E, la SARL ZI ayant entre temps changé de dénomination en 2010, pour devenir la SAM I.N,
• que Monsieur ca.E qui bénéficiait initialement d'un contrat de travail établi le 1er avril 2008 en qualité de « responsable marketing », a été promu, à compter du 1er juillet 2010, en qualité de « Directeur Général en charge des Ventes et du Marketing »,
• que compte tenu de la cession des parts de Madame c.E et afin d'associer Monsieur ca.E à l'obligation de non-concurrence relative à cette cession, Madame c.E a cédé 200 parts à son époux, le 22 décembre 2014, avant que Monsieur s.U n'acquière, le 29 décembre 2014, la totalité des parts restantes, détenues par le couple E,
• que Monsieur ca.E s'est vu proposer, le 1er septembre 2015, un poste de « directeur des ventes France », sans impact sur sa rémunération, contrat que celui-ci a accepté le 6 octobre 2015,
• qu'au vu de l'absence de Monsieur ca.E à compter du 12 octobre 2015, elle a effectué, à compter du 23 octobre 2015, un suivi des correspondances professionnelles de l'intéressé, lequel a révélé la réception de nombreux courriels étrangers à l'activité de la SAM I.N, susceptibles de se rapporter à des activités concurrentes, notamment aux activités de la société ZG,
• qu'au vu de la gravité des faits découverts, et nonobstant l'arrêt de travail de Monsieur ca.E, qui ne s'est présenté à aucun des deux entretiens préalables auxquels il était convoqué, son licenciement pour faute grave lui a notifié le 3 décembre 2015,
• que privée des fichiers et courriels sur lesquels Monsieur ca.E travaillait, elle a eu recours aux services d'une entreprise spécialisée, afin de tenter de récupérer le contenu de l'ordinateur professionnel de son salarié, dont seuls les courriels ont pu être récupérés en partie,
• que ces courriels mettent en exergue l'entreprise déloyale, malhonnête et concurrente à laquelle s'est adonné Monsieur ca.E, au détriment de son employeur,
• que sa propre saisine du Tribunal du travail, intervenue le 30 mai 2016, fait suite au résultat des investigations complémentaires qu'elle a menées, révélant une activité concurrente de son salarié, et dont elle n'avait pas connaissance antérieurement, au moment de l'introduction de la demande primitive,
• que les demandes élevées à cette occasion ont fait l'objet du préliminaire de conciliation du 20 juin 2016, demandes élevées avant que le Tribunal ne se prononce sur la demande initiale,
• que le différentiel du montant de ses demandes doit s'analyser en une erreur matérielle, sans conséquence sur la recevabilité de celles-ci,
• que les pièces versées, extraites de l'ordinateur de Monsieur ca.E, sont parfaitement recevables, dès lors qu'elles proviennent de l'ordinateur professionnel et de la messagerie professionnelle de son salarié, sans qu'aucun élément ne permette de les identifier comme personnelles, précision étant faite que l'ordinateur a été restitué vide et que le contenu des courriels en question avait trait à l'activité professionnelle de Monsieur ca.E,
• que le volume des courriels adressés par Monsieur ca.E au titre de son activité concurrente démontre le caractère abusif de l'usage dudit ordinateur professionnel,
• que les documents trouvés dans le bureau de Monsieur ca.E n'étaient pas davantage identifiés comme personnels, notamment les statuts de la SARL ZG et la demande associée d'autorisation d'exercer en Principauté, lesquels caractérisent une violation de la clause d'exclusivité du contrat de travail et de la clause de non-concurrence du protocole de cession,
• que si Monsieur s.U connaissait l'existence de la société ZG comme la société de la fille de Monsieur ca.E, il ignorait en revanche qu'il s'agissait de la nouvelle société de Monsieur ca.E, montée selon un schéma identique à ZI,
• que la pièce n° 73, se rapportant à un fichier de pharmacies clientes de la SAM I.N, est le fruit du démarchage de son réseau de commerciaux, mentionnant une clientèle cible et présentant de ce fait une valeur marchande certaine,
• que l'activité de la SAM I.N n'est nullement circonscrite aux seuls produits contenant du pollen,
• qu'outre l'obligation générale de loyauté et de fidélité liant tout salarié, Monsieur ca.E était tout spécifiquement soumis à une obligation de confidentialité stipulée à l'article 9 de son contrat de travail, ainsi qu'à une obligation d'exclusivité stipulée à l'article 10,
• que la SARL ZG, exerçant une activité directement concurrente de I.N, a été constituée par Monsieur ca.E à l'insu de son employeur, six mois avant la cession des actions de I.N,
• que cette société, qui reproduit l'objet social de la SARL ZI, devenue la SAM I.N, utilise abusivement le slogan de I.N ainsi que le même logo, créant ainsi une confusion dans l'esprit des prestataires, fournisseurs et clients,
• que Monsieur ca.E a utilisé ses outils de travail, les moyens mis à sa disposition et une grande partie de son temps de travail pour développer cette société concurrente, caractérisant ainsi une faute grave,
• que les agissements de Monsieur ca.E s'inscrivent dans une volonté préméditée de tromper son employeur, laissant croire que la société ZG avait été créée par sa fille, ainsi qu'en témoigne le contrat de licence signé pour la commercialisation du produit ZD, alors qu'il détenait en réalité les parts sociale de la SARL ZG avec son épouse,
• que Monsieur ca.E a volontairement entretenu une confusion entre ZI, devenue I.N, et ZG, tant à travers le logo, le slogan, la charte graphique de celle-ci, qu'à travers ses fonctions, son expérience et ses connaissances, n'hésitant pas à installer sa fille sur le stand de I.N, à l'occasion d'un congrès tenu le 14 mai 2015, pour lui permettre de promouvoir le produit ZD, à négocier un contrat de distribution exclusive du produit ZE pour la société ZG, au point de susciter un questionnement de son interlocuteur sur l'identité de la société contractante, ou encore à associer sa fille, et la société ZG, dont il utilisait indifféremment l'adresse mail, à des échanges pourtant liés à ses fonctions chez I.N, ces circonstances caractérisant la violation de l'obligation de non-concurrence,
• que l'effacement volontaire du contenu de l'ordinateur portable de Monsieur ca.E s'inscrit dans sa volonté de dissimuler toute preuve de ses agissements déloyaux,
• que Monsieur ca.E n'a jamais présenté le projet de commercialisation des produits ZE à son employeur, alors que ceux-ci entraient dans sa gamme de produits dédiés à l'intimité de la femme et que ses fonctions l'obligeaient à démarcher de nouveaux produits,
• qu'aux termes d'une étude ZE qu'il a lui-même réalisée, Monsieur ca.E présente les produits Z comme directement concurrents des produits ZG,
• qu'il a utilisé ses fonctions et les avantages associés, dont les fichiers gynéco ZH appartenant à son employeur, pour promouvoir ses intérêts personnels,
• que les allégations de Monsieur ca.E relativement à la politique commerciale de la SAM I.N sont totalement infondés, I.N commercialisant non seulement ses propres produits, mais également des produits appartenant à d'autres sociétés,
• que les produits DEUMEVAN sont, à l'instar de ceux de I.N, des « dispositifs médicaux », entrant dans le champ de l'engagement de non-concurrence liant Monsieur ca.E, lequel a privé son employeur d'un chiffre d'affaires qu'il aurait facilement pu réaliser en le rajoutant à sa gamme, correspondant à une marge nette de 4.947.580 euros en dix ans, sur la base d'un réseau de onze visiteurs médicaux,
• que Monsieur ca.E a détourné d'autres fournisseurs vers ZG, au détriment de son employeur,
• que des anomalies ont été constatées dans les plannings de Monsieur ca.E, démontrant qu'il a travaillé, durant ses heures de travail effectif, pour la société ZG, alors qu'il est tenu à une obligation d'exclusivité,
• que Monsieur ca.E a détourné des fichiers et listings lui appartenant, développés par le truchement de la société ZH, en violation de l'obligation de confidentialité, ces agissements étant d'ailleurs reconnus par l'intéressé,
• qu'ainsi, Monsieur ca.E a permis à la société ZG, de vendre des produits concurrents, tout en s'adressant directement aux clients de son employeur,
• qu'en outre, l'échec du lancement du nouveau produit ZF est également imputable aux négligences de Monsieur ca.E, qui a proposé un lancement régional, faute de préparation suffisante pour un lancement national, alors que la responsabilité marketing lui était confiée,
• que l'absence d'augmentation du prix de vente de ZG est également imputable à son salarié, auquel il appartenait de veiller à la répercussion du tarif décidé par son employeur, auprès des grossistes et pharmacies, cette situation occasionnant un grave préjudice,
• que Monsieur ca.E a sollicité le paiement de 6.319,74 euros de frais professionnels injustifiés,
• que l'activité concurrente déloyale exercée par son salarié, conjuguée aux fautes professionnelles commises justifient pleinement le licenciement pour faute grave et la demande de dommages et intérêts,
• que le prix de cession offert aux époux E, au titre de leurs parts du capital social de I.N, tenait compte de l'engagement ferme de Monsieur ca.E d'accompagner Monsieur s.U dans la transmission de la société, en acceptant une clause de non-concurrence, la prime de fidélité stipulée au contrat de travail étant pareillement liée à ces conditions d'exclusivité, de loyauté et de non-concurrence,
• qu'aucune pièce ne vient étayer l'affirmation d'un quelconque harcèlement moral dont aurait été victime Monsieur ca.E,
• que le recrutement de Monsieur a.A, pour le développement à l'international, s'inscrit dans le contexte de la croissance de la société, et dans la volonté de centrer l'activité de Monsieur ca.E sur le marché français, afin d'en développer pleinement le potentiel,
• que la suppression des fichiers présents sur l'ordinateur de Monsieur ca.E, représentant neuf ans de travail et d'archives, lui crée un préjudice d'autant plus important que tous les fichiers n'ont pu être récupérés ;
L'affaire a été mise en délibéré au 17 juillet 2025.
SUR CE,
I) Sur les pièces communiquées par la SAM I.N, dont la recevabilité est contestée
1) Sur la pièce n° 33 produite par la SAM I.N
L'employeur a procédé à l'ouverture d'une armoire se trouvant dans le bureau de Monsieur ca.E, et a fait procéder, le 16 novembre 2015, à un constat destiné à établir le contenu des dossiers trouvés dans ladite armoire (pièce n° 33 de la SAM I.N).
Il est constant que l'armoire ouverte par l'employeur n'était pas fermée à clef et qu'elle ne comportait aucune indication de nature à établir son caractère personnel ou celui des dossiers qui s'y trouvaient. Aussi, en l'absence de tels éléments, les dossiers en question, présents sur le lieu de travail de Monsieur ca.E, étaient présumés se rattacher à son activité professionnelle. L'employeur était dès lors fondé à y accéder, sans que les circonstances ou les motifs de cette consultation, et plus particulièrement le délai écoulé depuis le début de l'arrêt de travail du salarié, ne puissent y faire obstacle.
Il n'y a donc pas lieu de rejeter cette pièce.
2) Sur les pièces numéros 35, 45, 50, 51, 54, 58, 59, 60, 61, 62, 65, 73, 74, 101, 102, 103, 104, 113 à 116, 143, 146, 154, 155, 158 et 161 communiquées par la SAM I.N
Monsieur ca.E a procédé, le 11 décembre 2015, à la restitution de son ordinateur professionnel, et ce dans la continuité de la notification de son licenciement. La SAM I.N a ensuite fait procéder à une expertise privée de cet ordinateur, dont le rapport est produit en pièce n° 56 de la SAM I.N. Cette exploitation a notamment abouti à la récupération de 5.698 courriels préalablement effacés par Monsieur ca.E.
Il est constant que cette investigation informatique a été engagée à la seule initiative de l'employeur, sans que Monsieur ca.E n'en ait préalablement été avisé et sans que le principe du contradictoire n'ait été respecté à son égard. Contrairement aux affirmations de l'employeur, il n'est pas établi que l'ordinateur en question ait été restitué vide de toutes données, l'attestation établie le 11 décembre 2015 démontrant le contraire (pièce n° 55 de la SAM I.N), étant observé qu'aucune démarche préalable à ces opérations informatiques n'a été engagée auprès de Monsieur ca.E, au sujet des données contenues et effacées de son ordinateur.
La pièce n° 56 produite par la SAM I.N correspond au rapport de cette recherche de fichiers pourtant effacés, des mots clefs spécifiques ayant en outre été utilisés dans le cadre de cette recherche (ZA, ZI, ZE, j.J, a.C et Allergon). Les autres pièces susvisées, dont la recevabilité est contestée, ont été obtenue grâce à l'exploitation litigieuse de l'ordinateur de Monsieur ca.E.
Le secret des correspondances, qui constitue une liberté fondamentale, attachée au respect de la vie privée, interdit aux employeurs d'accéder aux messages personnels des salariés, fussent-ils présents sur le disque dur de l'ordinateur de l'entreprise.
En l'espèce, en l'absence de toute disposition de nature à réglementer l'usage de la messagerie professionnelle au sein de l'entreprise ou, plus généralement, l'usage de l'ordinateur mis à sa disposition par l'employeur, Monsieur ca.E était légitimement fondé à utiliser ce matériel à des fins personnelles et extra-professionnelles, et ce d'autant plus qu'il occupait un statut particulier au sein de la société, tant eu égard à l'historique de celle-ci qu'au regard de ses fonctions, n'impliquant aucun horaire de travail fixe, l'ordinateur ayant en outre vocation à l'accompagner dans ses déplacements et à son domicile. Des messages et fichiers à caractère personnel pouvaient en conséquence régulièrement se trouver sur l'ordinateur mis à sa disposition.
Citant la jurisprudence du pays voisin, l'employeur souligne à juste titre que les courriels envoyés ou reçus par le salarié et figurant, sans signe distinctif de nature à les classer comme personnels, sur la messagerie mise à sa disposition par l'employeur, constituent des moyens de preuve licite.
En l'espèce, si les courriels litigieux ne comportent certes aucune mention de nature à les identifier comme personnels, ceux-ci ont en réalité été exhumés de l'ordinateur de Monsieur ca.E, qui les avait effacés. Or, plus qu'un fichier ou une dénomination particulière, l'effacement démontre le caractère éminemment personnel des données en question, qui n'avaient aucunement vocation à être remises et consultées par l'employeur, la volonté du salarié ne faisant à cet égard aucun doute.
L'employeur fait ainsi fi de ces circonstances et de l'effacement préalable des données produites. La jurisprudence invoquée apparait inopérante dès lors que le procédé employé par la SAM I.N traduit en réalité une rare déloyauté dans l'administration de la preuve, sans que le but poursuivi ne justifie une telle atteinte à la vie privée du salarié, placé devant le fait accompli, sans que son consentement n'ait été recueilli préalablement aux investigations informatiques engagées par l'employeur.
Les pièces numéros 35, 45, 50, 51, 54, 58, 59, 60, 61, 62, 65, 73, 74, 101, 102, 103, 104, 113 à 116, 143, 146, 154, 155, 158 et 161 produites par la SAM I.N seront par conséquent écartées des débats.
3. Sur les pièces numéros 27, 28, 37, 42, 52, 126, 127, 128, 131 et 133 communiquées par la SAM I.N
Les pièces versées aux débats par la SAM I.N sous les numéros 27, 28, 37, 42, 52, 126, 128, 131 et 133, rédigées en langue anglaise, ne sont pas accompagnées d'une traduction en langue française. Or, le français étant, aux termes de l'article 8 de la Constitution du 17 décembre 1962, la langue officielle de l'État, il y a lieu d'écarter ces pièces des débats.
II) Sur la recevabilité des demandes formées par la SAM I.N :
Sur l'irrecevabilité tirée du défaut de préliminaire de conciliation
L'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, portant création d'un Tribunal du travail dispose notamment : « qu'un Tribunal du travail est institué pour terminer par voie de conciliation :
- Les différends qui peuvent s'élever à l'occasion du contrat de travail entre les employeurs et leurs représentants, d'une part, les salariés et les apprentis qu'ils emploient de l'autre ;
- Les différends nés entre salariés à l'occasion du travail, à l'exception, toutefois, des actions en dommages et intérêts motivées par des accidents dont le salarié aurait été victime.
Le Tribunal du travail juge, dans les conditions de compétence déterminées par le chapitre VI de la présente loi, les différends à l'égard desquels la conciliation a été sans effet. ».
En application de de ces dispositions, une demande non soumise à la tentative préalable de conciliation doit être déclarée irrecevable.
En l'espèce, Monsieur ca.E a saisi le bureau de conciliation le 3 février 2016. À l'occasion de l'audience de conciliation du 22 février 2016, la SAM I.N a formulé deux demandes reconventionnelles, en paiement de la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts, et en paiement de la somme de 99.698,77 euros à titre de pénalités contractuelles pour violation de la clause de non-concurrence.
Si les demandes en paiement des sommes de 4.947.580 euros, 293.654 euros, 20.000 euros et 6.319,74 euros n'ont pas été formulées à cette occasion, elles procèdent néanmoins d'une requête introductive d'instance initiée le 30 mai 2016 par la SAM I.N, soumise, le 20 juin 2016, au préliminaire obligatoire de conciliation, la jonction des deux instances ayant été ordonnée le 15 octobre 2020.
Aussi, le moyen tiré de l'absence de préliminaire de conciliation relativement à ces demandes ne saurait prospérer.
2. Sur l'irrecevabilité tirée de la violation du principe de l'unicité de l'instance
L'article n° 59 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 dispose que : « toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent avoir fait l'objet d'une seule instance, à peine d'être déclarées non recevables, à moins que le demandeur ne justifie que les causes des demandes nouvelles ne sont nées à son profit ou n'ont été connues de lui que postérieurement à l'introduction de la demande primitive.
Sont toutefois recevables les nouveaux chefs de demandes tant que le tribunal du travail ne se sera pas prononcé en premier ou en dernier ressort sur les chefs de la demande primitive ; il ordonnera la jonction des instances et se prononcera sur elles par un seul et même jugement. ».
En l'espèce, en sollicitant le paiement des sommes susvisées de 4.947.580 euros, 293.654 euros, 20.000 euros et 6.319,74 euros, la SAM I.N invoque en premier lieu des demandes nouvelles dont les causes ne sont apparues que postérieurement à la saisine initiale du bureau de conciliation, du fait de la découverte tardive des agissements selon elle frauduleux de son salarié.
En outre, ces demandes nouvelles sont intervenues avant même que le Tribunal du travail ne se prononce sur la demande primitive.
Aussi, aucune cause d'irrecevabilité ne saurait être encourue de ce chef.
3. Sur l'irrecevabilité tirée du différentiel du montant des demandes
La demande relative au remboursement de frais professionnels s'élevait initialement à la somme de 4.636,46 euros, pour être ensuite portée à la somme de 6.319,74 euros dans les écritures ultérieures de la SAM I.N, laquelle évoque à cet égard une possible erreur matérielle.
Cette question touche au fond, le Tribunal n'étant pas lié par le quantum de la demande, hormis par la limite tenant à ne pas statuer ultra-petita. En tout état de cause, il ne s'agit pas d'une cause d'irrecevabilité.
Les demandes formées par la SAM I.N seront dès lors toutes déclarées recevables.
III) Sur la contestation du licenciement de Monsieur ca.E
Aux termes de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une des parties. Lorsque la rupture est à l'initiative de l'employeur, elle peut résulter d'un motif inhérent à la personne du salarié ou d'un motif personnel.
Le licenciement pour faute est inhérent à la personne du salarié.
En l'espèce, par courrier du 3 décembre 2015, la SAM I.N a notifié à Monsieur ca.E son licenciement pour faute grave. Cette lettre, qui fixe les termes du litige, évoque les motifs suivants :
« Suite à la découverte de faits de nature à justifier votre licenciement pour faute grave, nous vous avions convoqué à un premier entretien préalable qui devait se tenir le vendredi 20 novembre 2015.
Le même jour, vous nous informiez qu'étant en arrêt de travail pour maladie, vous étiez dans l'impossibilité de vous rendre audit entretien. Souhaitant vivement vous entendre sur les faits graves qui vous sont reprochés et compte tenu de votre ancienneté au sein de la société, nous avons décidé de vous convoquer à un second entretien préalable fixé le 25 novembre 2015.
Une nouvelle fois, vous avez décidé de ne pas vous présenter en invoquant votre arrêt de travail pour maladie et vous avez à nouveau demandé un report de l'entretien. Pourtant, nous n'avions pas manqué de vous convoquer durant les heures de sorties habituelles autorisées (entre 16 h 00 et 18 h 00) et alors que vos différents arrêts font état de sorties autorisées « libres ».
Comme nous vous l'avions indiqué dans notre courrier du 25 novembre 2015, au vu de la gravité des faits que nous avons découverts et qui vous sont reprochés, nous ne pouvions attendre le terme éventuel de votre arrêt de travail fixé au plus tôt au 03 janvier 2016 pour prendre une décision quant à l'avenir de nos relations contractuelles de travail.
Dans ce contexte, et ne pouvant plus repousser indéfiniment notre décision, nous vous adressons la présente notification de licenciement pour faute grave et vous rappelons ci-dessous les motifs qui nous imposent cette décision.
1- Sur la violation manifeste de vos obligations d'exclusivité, de loyauté et de fidélité
Pour mémoire et à simple titre d'information, la SAM I.N a été initialement constituée sous la dénomination sociale ZI et en la forme d'une société à responsabilité limitée, par acte sous seing privé daté du 23 août 2007 et enregistré le 29 août 2007.
Le siège social de la société était situé 25 boulevard de Belgique.
Vous ne déteniez aucune part sociale de ladite SARL ZI et n'interveniez aux intérêts de cette société que de manière officieuse. Vous nous aviez alors indiqué que pour des raisons fiscales, car vous ne bénéficiez pas, en tant que ressortissant français, du statut fiscal avantageux de votre épouse, ressortissante allemande.
Ce n'est que le 1er avril 2008 que vous avez été embauché par contrat à durée indéterminée par la SARL ZI. Vous y exerciez alors les fonctions de responsable marketing.
La SARL ZI a été gérée et administrée depuis sa création et jusqu'au 11 mars 2009 par votre épouse, Madame c.E, née NEUHAUS, de nationalité allemande.
Au cours de l'année 2009, la société ZI a connu une profonde transformation de son capital social. Monsieur s.U a intégré le capital social de la SARL et est devenue co-gérant et associé majoritaire de celle-ci. Le siège social de la société a été transféré dans des locaux d'entreprise situés à Fontvieille et la SARL fut transformée en société anonyme monégasque (SAM).
Dans l'intervalle, vous demeuriez salarié de la SARL ZI puis de la SAM ZI qui deviendra dans le courant de l'année 2010 la SAM I.N.
Le capital de la SAM I.N, d'un total de 1.000 actions, était réparti comme suit :
- 599 actions détenues par Monsieur s.U,
- 200 actions détenues par Madame c.E,
- 200 actions détenues par Vous-même,
- 1 action détenue par Monsieur s.U.
Le 29 décembre 2014, vous, ainsi que votre épouse, cédiez vos 400 actions de la SAM I.N à Monsieur s.U. À titre purement informatif, ce protocole de cession contient un engagement de fidélité ainsi qu'une obligation de non-concurrence mis à votre charge ainsi qu'à celle de votre épouse.
Vos fonctions de salarié cadre de direction marketing et ventes au sein de la SAM I.N n'ont pas été modifiées et vous avez continué d'exercer vos obligations professionnelles au nom et pour le compte de notre société.
Le 1er septembre 2015, nous vous proposions une modification de vos fonctions et le poste de directeur des ventes France, sans impact sur votre rémunération. Vous acceptiez les termes de votre nouveau contrat de travail et, le 06 octobre 2015, une demande de modification de votre contrat de travail était déposée auprès du service de l'emploi pour acter les changements intervenus dans votre situation.
À compter du 12 octobre 2015, vous vous êtes trouvé en arrêt de travail pour maladie.
Nous avons donc été dans l'obligation de nous organiser au mieux durant votre absence, compte-tenu des fonctions indispensables que vous exercez au sein de notre société.
Dans ce contexte et comme nous vous l'indiquions par courriel, à compter du 23 octobre 2015, nous avons effectué le suivi de vos correspondances électroniques professionnelles entrantes (correspondances exclusivement reçues sur vos adresses professionnelles : m1 et m2. com et non signalées comme « Personnel / Personnelle »).
Durant votre absence, nous avons constaté qu'environ les deux tiers des courriels reçus durant votre absence sont des courriels à caractère non professionnels.
Plus problématique que ces messages ayant un caractère non professionnel nous avons pris connaissance de messages vous étant adressés et qui bien qu'ayant un caractère professionnel, ne correspondent à aucun de nos dossiers.
Nous avons ainsi découvert que vous étiez destinataire de correspondances également adressées à Madame a.C, votre fille, que nous pensions être la représentante légale de la société à responsabilité limitée ZG comme vous nous l'aviez indiqué.
Nous avions connaissance de l'existence de cette société puisque le 11 novembre 2014, vous nous avez fait signer un contrat de licence de marque à titre gracieux pour une durée de 5 ans avec cette société ZG, représentée par votre fille, pour commercialiser nos produits ZD. A cette époque, vous nous aviez indiqué que votre fille avait créé la société ZG et qu'elle souhaitait développer cette marque que nous ne souhaitions plus promouvoir dans l'immédiat.
En totale et parfaite confiance, nous avions donc accepté cette « donation » mais n'avions alors procédé à aucune recherche avancée sur la société ZG et un contrat de licence de marque été signé entre la SAM I.N et la SARL ZG, sans plus de détails, le 11 novembre 2014.
Ainsi, si nous connaissions l'existence de la société ZG depuis le mois de novembre 2014, nous pensions en toute bonne foi qu'il s'agissait d'une SARL créée et détenue par Madame a.C qui ne visait qu'à la seule exploitation de notre marque ZD comme vous n'aviez pas manqué de nous l'indiquer lors de la signature du contrat de licence de marque.
Nous avons donc été surpris que vous soyez destinataire de courriels concernant la société ZG et d'autres marques pouvant faire concurrence à I.N ces autres marques concernent des produits dédiés à l'intimité de la femme, tout comme certains de nos produits. Nous avons donc décidé d'effectuer des recherches supplémentaires sur cette société, son activité et vos intérêts.
Nous avons pu mettre en lumière les éléments suivants :
- la SARL ZG a été créée aux termes de plusieurs actes sous seing privé et datés des mois de mai et juin 2014,
- le siège social est sis 74 boulevard d'Italie à Monaco, lieu de votre domicile conjugal,
- l'objet social est strictement identique à celui de notre SARL ZI devenue la SAM I.N,
- cette société est détenue à 99 % par votre épouse, Madame c.E et à 1 % par vous-même,
- la demande d'autorisation d'exercice d'une activité en Principauté de Monaco date du 11 juin 2014. Elle est signée et datée par soins et comporte vos coordonnées téléphoniques 06.09.13.20.09 ainsi que votre adresse personnelle : 74 boulevard d'Italie et l'adresse e-mail suivante : m3. com,
- vous avez également fait l'acquisition du nom de domaine « ZG. com » en octobre 2014, soit 2 mois avant la signature du protocole de cession d'actions que vous déteniez chez I.N.
Nous ne vous cachons pas quel a pu être notre désarroi quant à cette découverte.
Vous avez constitué une société strictement identique et directement concurrente à la nôtre alors que vous étiez salarié et associé d'ZI et ce, de façon préméditée, six mois avant la cession de la totalité de vos actions.
Pire, vous nous avez menti sur vos intentions en prenant le soin de nous laisser croire que cette structure ne vous appartenait pas mais avait été créée par votre fille. Le contrat de licence de marque dans sa rédaction atteste parfaitement de la supercherie. Le soussigné « SARL ZG » est libellé comme suit :
« SARL ZG Immatriculée au Registre du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le numéro xxx Représentée par Madame a.C dûment habilitée à cet effet ».
À aucun moment il ne laisse apparaitre le nom et la qualité du gérant de la société qui n'est autre que votre épouse, il ne mentionne même pas l'adresse du siège social qui aurait très certainement attiré notre attention au moment de la signature.
Vous avez même entretenu la confusion entre les deux structures en usant d'un nom quasi identique et en reprenant la consonance « WA ». Nous vous rappelons en outre que la marque ZI appartient à notre Société.
Vous avez donc prémédité depuis le début cet acte parfaitement déloyal en vous substituant à votre fille pour parfaire votre plan.
S'agissant de la violation de votre obligation de fidélité issue de votre contrat de travail : vous n'avez pas hésité à prendre une participation au sein d'une société portant quasiment le même nom que celle que vous aviez cédée quelques mois plus tard et qui est devenue I.N.
En mars 2015, vous êtes même allé jusqu'à copier le logo d'ZI et emprunter la même police de caractère, la même charte graphique ainsi que notre ancien slogan « Architecte de votre santé ».
Vous n'avez pas hésité non plus à entretenir la confusion entre les deux sociétés en usant de vos fonctions de cadre de direction chargé du marketing et ventes, de vos connaissances du marché pharmaceutique, des produits liés à la protection intime de la femme, de notre base de données clients et fournisseurs, de notre politique commerciale de prix, etc… au profit de la société ZG.
En poursuivant nos recherches, nous avons également découvert que vous travailliez également pour le compte d'ZG, violant ainsi votre obligation d'exclusivité :
• le 14 mars 2015, durant le congrès Preuve et Pratique qui se déroulait à Paris, suite à vos directives, vous avez imposé la présence de votre fille sur notre stand I.N. Celle-ci y faisait la promotion du produit ZD et avait même installé une bannière à cet effet avec la référence directe à la société ZG,
• nous nous sommes aperçus que la société ZG commercialisait également les produits ZE. Cette gamme de produits spécialisée dans l'intimité de la femme peut directement concurrencer notre offre commerciale Z puisqu'il s'agit d'une gamme dédiée à l'intimité de la femme et qu'elle est également prescrite par les mêmes prescripteurs que nos produits !
Vos relations commerciales avec la société allemande k.L ont été d'ailleurs confirmées par les correspondances électroniques échangées entre Monsieur j.J, Directeur Général (« General Manager ») de la société allemande k.L, fabriquant des produits ZE, Madame a.C, votre fille, et vous-même, correspondances électroniques que vous recevez sur votre adresse e-mail « Zpharma. com ».
Vous avez d'ailleurs rencontré Monsieur j.J en personne…
Nous avons également découvert que vous travailliez sur des nouveaux produits concernant la marque ZE, que vous aviez constitué tout un dossier sur cette nouvelle gamme.
• En outre, I.N aurait pu parfaitement commercialiser les produits ZE étant donné qu'ils entrent parfaitement dans notre gamme de produits et que vous étiez chargé de trouver de nouveaux produits pour le compte de notre société compte tenu que nos visiteurs médicaux n'ont pas suffisamment de produits à promouvoir.
Or, vous ne nous avez jamais présenté le projet.
Bien au contraire, vous avez développé ce projet avec votre propre société ZG sans jamais en informer votre employeur.
• Vous êtes même allé jusqu'à contacter notre société de logistique/facturation ZH et à négocier en direct et pour le compte de la société ZG l'ouverture d'un compte chez eux.
En agissant de la sorte, vous avez violé une nouvelle fois de manière flagrante vos obligations de fidélité et d'exclusivité.
Nous avons constaté par ailleurs un certain nombre d'anomalies dans vos plannings qui nous démontrent que vous avez également travaillé durant vos heures de travail effectif pour le compte de la société ZG et non pour votre employeur I.N alors pourtant que vous êtes tenu à une obligation d'exclusivité.
À simple titre d'exemple et pour les plus récents :
* Votre déplacement sur Paris du 23 au 25 septembre 2015 Salon Genesis :
Vous notez dans nos plannings de déplacement que vous vous trouvez en déplacement sur Paris à compter du mercredi 23 septembre 2015. Or, après vérification, vous avez réservé et pris votre vol « aller » (Nice -> Paris) le jeudi 24 septembre 2015. Vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail le 23 septembre 2015 et pour autant, vous n'avez ni pris l'avion ce même jour pour vous rendre à Paris sur le salon en question, ni même posé un jour de congé payé. Nous nous interrogeons, dès lors, sur votre emploi du temps durant toute cette journée puisque vous n'avez pas travaillé à notre profit en tout cas...
* Votre déplacement sur Tarbes du 30 septembre au 02 octobre 2015 :
Le congrès ZL devait se dérouler à Tarbes du jeudi 1er au samedi 03 octobre 2015. Vous êtes parti de Nice le mercredi 30 septembre à 09 h 55 pour arriver sur Paris à 11 h 20, puis à 16 h 20 de Paris pour une arrivée à Tarbes à 17 h 25. Là encore, nous nous interrogeons d'une part, sur la nécessité de partir le 30 septembre 2015 alors que le congrès ne commence que le 1e octobre et que votre présence la veille n'est pas indispensable ni même requise puisque nos stands sont préparés et gérés par une équipe déjà sur place. Et d'autre part, sur votre emploi du temps à Paris. Compte-tenu que vous y avez fait escale pendant près de 05 heures et que vous n'avez pas travaillé pour notre compte durant toute cette journée. Il convient de préciser qu'il existe des vols Air France avec des correspondances beaucoup plus courtes.
* Votre déplacement sur Aix-en-Provence du 09 octobre 2015 sans autorisation :
Le 09 octobre 2015, alors que vous n'aviez pas posé de jour de congé et que nous ne vous avions pas autorisé à vous absenter, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail sans justifier d'aucune absence d'ordre médicale. Vous ne vous êtes d'ailleurs jamais justifié sur votre emploi du temps de cette journée.
Pour résumer, le fait d'avoir créé la société ZG directement concurrente à la société ZI, d'avoir prémédité cet acte de déloyauté en signant quelques mois plus tard un protocole de cession d'actions assorti d'une obligation de fidélité et d'une clause de non-concurrence, d'être resté salarié de la société ZI et de travailler en parallèle, durant vos heures de travail pour la société ZG, constituent une violation caractérisée et intentionnelle de vos obligations contractuelles notamment celles de fidélité, de loyauté et d'exclusivité.
Cette violation constitue une faute grave justifiant votre licenciement immédiat.
Outre la grave violation de vos obligations contractuelles de façon intentionnelle et préméditée, nous avons constaté d'autres manquements ayant un lien direct ou indirect avec la violation de vos obligations ci-dessus énoncées.
2- Sur les autres motifs accessoires à cette violation intentionnelle et manifeste de vos obligations de loyauté, de fidélité et d'exclusivité et en découlant
Vos agissements ont également eu de graves répercussions sur la qualité de votre travail au sein de notre société, ce qui nous a également occasionné un préjudice extrêmement important.
• Sur l'échec total du lancement de notre nouveau produit ZF et la modification sans notre autorisation des objectifs et primes des délégués médicaux
Vous aviez pour mission principale le lancement de notre nouveau produit ZF. Ce lancement devait débuter lors de la semaine de séminaire organisée du 24 au 27 août 2015.
Il est apparu que ce lancement n'a pas été réalisé dans les règles de l'art et les conséquences commerciales s'en font sentir encore aujourd'hui.
Notre chef de réseau nous a ainsi rapporté les graves anomalies suivantes :
- l'absence de fiches posologiques ZF pour le démarquage en tant que nouveau produit auprès des médecins,
- la quantité d'échantillons reçus insuffisante pour les démarchages auprès des médecins et pour assurer tous les congrès,
- l'absence de mise en place marketing et notamment de kakemono pour assurer les congrès,
- pire, l'absence des contre-indications sur les fiches gamme médecin, pharmacie et congrès et notamment l'absence de mention de la contre-indication du produit ZF pour les patientes sous anticoagulants.
Le lancement de ZF se trouvait sous votre responsabilité.
Compte tenu de votre ancienneté et de votre expérience dans le milieu pharmaceutique, ça n'était pas votre premier lancement et vous étiez rompu à l'exercice.
Or, vous avez manqué à l'ensemble de vos obligations professionnelles et les conséquences auraient pu être dramatiques tant sur le plan humain que sur le plan commercial.
Le 08 octobre 2015 au soir, nous vous écrivions un courriel en ce sens, en vous indiquant notre profond mécontentement. Le vendredi 09 octobre 2015, vous ne vous présentiez pas à votre poste et étiez absent de notre société sans notre autorisation, et le lundi 12 octobre 2015 à votre retour, vous présentiez un arrêt de travail pour maladie. Nous n'osons y voir un quelconque lien...
En parallèle du lancement de notre produit ZF, le 27 juillet 2015, les objectifs commerciaux avaient été définis comme suit :
- 9.300 unités pour ZF.
Avec des primes plafonnées pour les visiteurs médicaux à 6.950,00 euros pour chaque objectif tenu.
Cependant, suite au lancement désastreux de notre produit ZF, sans nous consulter et sans solliciter notre autorisation, vous avez redéfini ces objectifs ainsi que le versement de ces deux primes en déterminant un objectif global de 91.000 unités pour les deux produits pour le versement d'une prime globale de 13.600,00 euros (prime multipliée par 2) !
Notre préjudice commercial est énorme.
Pire, c'est notre propre chef de réseau, qui doit réaliser les objectifs commerciaux, qui nous a informés de cette situation et qui, face à l'aberration de la situation, a pris sur elle d'augmenter les objectifs commerciaux à tenir, passant de 91.000 unités à 94.000 unités car selon elle, ces chiffres étaient parfaitement atteignables.
• Sur l'absence d'augmentation de 3 % de nos prix de vente de ZG auprès des pharmacies
En juillet 2015, nous avions décidé d'augmenter le tarif de notre gamme ZG de 3 %. Cette augmentation devait être effectuée sur nos prix grossistes mais également sur nos prix pharmacies.
Compte tenu de vos responsabilités, il vous appartenait de mettre en place l'augmentation de nos tarifs auprès de l'ensemble de nos partenaires et d'en informer notre société de logistique/facturation.
Or, vous n'avez pas transmis la totalité des informations.
Notre société de logistique/facturation vient de nous informer que cette augmentation de tarif a bien été réalisée auprès de nos grossistes mais à aucun moment auprès de nos pharmacies.
Ainsi, depuis le mois de septembre 2015, nous annonçons à nos pharmacies partenaires que nous avons augmenté nos tarifs alors que notre facturation n'en tient pas compte.
Cette situation nous a occasionné un grave préjudice :
- Sur le plan commercial, nous annonçons à nos distributeurs une hausse de prix qui n'est pas forcément bien perçues auprès d'eux, ce qui ne favorise pas nos échanges commerciaux mais nous ne bénéficions pas de façon effective de cette hausse des tarifs vu que notre société de facturation n'en a pas été informée.
- Sur le plan financier, l'absence d'augmentation de 3 % de nos prix sur le produit ZG, gamme phare de notre marque, depuis septembre 2015 nous a fait perdre environ 20.000,00 euros de chiffre d'affaires et de résultat.
• Sur les problèmes fiés à vos remboursements de frais professionnels
Notre société prend en charge les remboursements de vos factures de téléphone mobile dont le numéro est le 06.09.13.20.09. Vous n'avez pas hésité à nous demander le remboursement de vos appels téléphoniques passés depuis les États-Unis alors que vous vous y trouviez en congés payés, d'un montant de 86,79 euros en juillet et 327,68 euros en août 2015.
Vous nous avez également soumis à deux reprises le remboursement d'une même note de frais d'un montant de 684,00 euros. Nous vous avions remboursé ces frais en août 2015. Vous semblez avoir oublié ce remboursement et vous nous avez demandé une seconde fois le remboursement de cette somme en octobre 2015.
S'agissant de la dégradation très nette de votre travail, deux explications apparaissent :
- soit vous avez volontairement mis en échec le lancement de notre nouveau produit ZF en raison de votre activité avec la société ZG, directement concurrente à la nôtre. Mais nous ne voulons pas penser que ce puisse être la réalité et ne voulons pas vous prêter plus d'intentions malicieuses que celles déjà évoquées jusqu'alors.
- soit votre activité avec la société ZG vous accapare le plus clair de votre temps et vous rende distrait au point de commettre des erreurs ou des étourderies alors que vous auriez dû vous concentrer exclusivement sur vos obligations contractuelles avec notre société I.N. Ce serait la raison pour laquelle la qualité de votre travail s'est nettement détériorée depuis quelques mois. Par ailleurs, les zones d'ombre sur vos plannings de ces dernières semaines viennent attester du fait que vous ne vous consacrez pas uniquement et exclusivement à l'activité de la société I.N.
En conséquence de l'ensemble des éléments qui précèdent, nous vous confirmons par la présente votre licenciement pour faute grave, privatif de l'indemnité légale de congédiement, de la majoration de l'indemnité de licenciement égale à 12 mois de rémunération prévue par l'article 11 de votre contrat de travail ainsi que de l'indemnité compensatrice de préavis. Toutefois, l'indemnité compensatrice au titre de vos congés payés vous reste due.
Nous vous rappelons que vous avez été placé en mise à pied à titre conservatoire en parallèle de la présente procédure de licenciement. Par conséquent, toute cette période ne vous sera pas rémunérée sous réserve du versement des indemnités journalières par les caisses sociales monégasques.
Votre contrat de travail étant rompu avant le 31 décembre 2019, la prime contractuelle de fidélité prévue par l'article 11 ne vous est pas due. ».
Il convient dès lors de déterminer si les griefs invoqués par l'employeur et reprochés à Monsieur ca.E constituaient des fautes susceptibles d'entrainer un licenciement, la charge de la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués incombant à l'employeur.
1) Sur la validité du motif du licenciement
Constitue une faute grave tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
• Sur l'activité de Monsieur ca.E au sein de la société ZG
Le contrat de travail établi le 31 décembre 2014 entre la SAM I.N et Monsieur ca.E comporte une obligation d'exclusivité (article 10) dont il ressort que « sauf accord écrit de la société I.N, Monsieur ca.E s'engage à n'exercer aucune activité professionnelle complémentaire à celle qu'il exerce dans le cadre du présent contrat (sauf l'activité de loueur meublé professionnel) », en outre, ce même contrat comporte une obligation de non-concurrence (article 12) stipulant notamment que : « compte tenu de la nature des fonctions exercées, Monsieur ca.E s'interdit, en cas de résiliation du présent contrat pour quelque cause que ce soit :
• d'exercer, de manière directe ou indirecte, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, à titre gratuit ou non, occasionnellement ou habituellement, une activité concurrente de celle exercée par la société I.N (telle que cette activité est définie ci-après) notamment en qualité de dirigeant, mandataire, intermédiaire, consultant, salarié, associé et/ou actionnaire sans que cette liste puisse être exhaustive,
• l'activité concurrente est l'activité actuellement exercée par la société I.N, à savoir « la fabrication et la commercialisation de dispositifs médicaux, produits cosmétiques, compléments alimentaires, produits pharmaceutiques, dédiés à la santé et contenant des extraits de pollen, quel que soit leur statut réglementaire en fonction de la législation »,
• de s'intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit à une entreprise ou à une activité de cet ordre,
• toute prise de participation, directe ou indirecte, ou tout mandat social et plus généralement toute activité rémunérée ou non, dans toute entreprises nouvelles ou existantes ayant une activité concurrente de celle exercée par la société I.N.
Cette interdiction de non-concurrence est applicable pendant une durée de 3 ans à compter de la cessation effective des fonctions de Monsieur ca.E au sein de la société I.N et couvre le territoire suivant : Monaco, France, Allemagne, Autriche, Espagne, Portugal, Royaume Uni, Belgique, Suède, Pologne, USA, Canada, Brésil, Russie, Australie, Japon, Chine, Italie, Suisse, Hongrie, Hollande, Inde, Mexique, Turquie, Singapore, Norvège, Finlande, Danemark et Serbie.
En contrepartie de cette interdiction, et pendant toute la durée de celle-ci, Monsieur ca.E percevra une indemnité mensuelle brute égale à 9.000 euros.
En cas de non-respect de la clause de non-concurrence par Monsieur ca.E, l'indemnité susvisée cesse d'être due et il sera automatiquement redevable à l'égard de la société I.N d'une pénalité fixée dès à présent et forfaitairement au montant de la rémunération brute perçue au cours des douze derniers mois de présence dans la société I.N, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure d'avoir à cesser l'activité concurrentielle ».
Il en ressort qu'aucune violation de la clause de non-concurrence ne peut en l'occurrence être invoquée à l'encontre de Monsieur ca.E, pour le temps de la relation de travail, cette clause n'ayant vocation à s'appliquer qu'à compter de la résiliation du contrat de travail. Les griefs invoqués par la SAM I.N, relatifs à l'activité de Monsieur ca.E au sein de la SARL ZG, durant le temps de la relation contractuelle de travail, doivent en revanche être examinés à la lumière de la clause d'exclusivité, et plus généralement des obligations de loyauté et de fidélité auxquelles est lié le salarié.
En l'espèce, il est constant qu'au moment de la signature du contrat de travail, en décembre 2014, Monsieur ca.E détenait avec son épouse des parts sociales de la SARL ZG. Si la SAM I.N reconnait avoir été avisée de l'existence de cette société, aucun élément ne laisse apparaître qu'elle connaissait l'identité des détenteurs du capital social de celle-ci, la fille de Monsieur ca.E, Madame a.C, ayant été présentée comme l'interlocutrice exclusive de cette société dans les relations qu'elle a entretenues avec la SAM I.N, notamment quant à l'obtention de la licence de distribution du produit ZD.
En l'état des pièces versées aux débats, l'implication de Monsieur ca.E au sein de cette société n'était pas connue de la SAM I.N lors de l'établissement de la relation de travail, étant observé que si l'obligation d'exclusivité comporte très explicitement un tempérament relatif à l'activité de loueur meublé professionnel, elle ne comporte en revanche aucune dérogation relative à une autre activité professionnelle complémentaire.
Plus encore, l'obligation d'exclusivité dont s'agit n'est pas circonscrite au seul domaine d'intervention et d'activité de la SAM I.N mais, d'une manière générale, à toute activité professionnelle complémentaire. La forme de cette activité, salariée ou non, n'est pas davantage précisée. Les parties ont donc entendu lui conférer une acception particulièrement large.
Au regard de ces circonstances, la seule activité, même bénévole, de Monsieur ca.E pour la SARL ZG, dont il détenait des parts sociales et dont il bénéficiait à ce titre des résultats, en parallèle de son activité au sein de la SAM I.N, apparait problématique au regard de l'obligation contractuelle d'exclusivité, et ce indépendamment du débat relatif à l'effectivité de la concurrence entre ces deux sociétés.
Si l'activité que Monsieur ca.E reconnait avoir exercée pour la SARL ZG apparait ainsi, et par nature, incompatible avec l'obligation d'exclusivité, il ressort en outre de la comparaison de l'objet social de ces deux sociétés, que celles-ci déploient leurs activités dans des champs pour partie similaires et se recoupant largement. Ainsi, l'objet social de la SARL ZG vise « concernant les compléments alimentaires : l'acquisition, la mise au point, le dépôt, la cession ou l'exploitation de tous brevets, marques, licences, procédés techniques, la recherche et la conclusion de contrat de commercialisation exclusive ou non, la réalisation d'études de marché, analyse et définition de stratégie commerciale, la réalisation de campagne de lancement, de promotion et de communication, la réalisation de tout document promotionnel, le négoce, la représentation, la commission de produits, fournitures et matériels dans l'activité ci-dessus, et généralement toutes opérations de quelque nature que ce soit se rattachant à l'objet social ci-dessus » avec une extension, en octobre 2015 « concernant les produits cosmétiques, l'achat, la distribution en gros et au détail, exclusivement au moyen de communication à distance et l'exportation » tandis que l'objet social de la SAM I.N vise « la possession, en qualité de titulaire d'autorisations de mise sur le marché de médicaments humains et/ou vétérinaires, l'exploitation de ces autorisations de mise sur le marché et les opérations afférentes étant confiées dans un cadre contractuel à un établissement pharmaceutique autorisé, la mise sur le marché, la fabrication, la mise en oeuvre d'investigations cliniques de dispositifs médicaux, l'achat et la vente de tous compléments alimentaires, dispositifs médicaux et produits cosmétiques, la conclusion de contrats de commercialisation, la réalisation d'études de marché, d'analyse et de définition de stratégies commerciales et la réalisation de campagnes de lancement, promotion et de communication concernant les produits ci-dessus, l'acquisition de licences, procédés, know how, dossiers scientifiques et marques de fabrique, ainsi que leur cession ou leur apport de toutes sociétés ayant un objet social similaire et d'une façon générale toutes opérations commerciales, industrielles, financières, mobilières ou immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet ci-dessus et susceptibles d'en faciliter l'extension ou le développement ».
Aussi, par-delà le débat relatif à la concurrence effective de ces sociétés dans les faits, Monsieur ca.E produisant à cet égard des éléments, et notamment des attestations, démontrant que les produits commercialisés par les deux sociétés, durant le temps de la relation de travail, n'avaient pas les mêmes objectifs médicaux, et ne pouvaient de ce fait être considérés comme concurrents, il n'en demeure pas moins que le salarié a contribué professionnellement à l'activité d'une société concurrente, au regard du seul objet social de celle-ci, caractérisant ainsi, outre la violation de l'obligation d'exclusivité, un manquement à l'obligation de loyauté à l'égard de son employeur, et ce d'autant plus que les activités réelles de la société en question sont par nature évolutives, à la condition de demeurer dans les limites de l'objet social de celle-ci.
À ce titre, si en novembre 2014, la SAM I.N a consenti à la SARL ZG un contrat de licence de la marque ZD, à titre gratuit et pour une durée de cinq ans, aucun élément n'indique que l'employeur était avisé de ce qu'il traitait en réalité avec une société détenue par son salarié, dont la fille, Madame a.C, apparaissait seule à l'acte (pièce n° 30 de la SAM I.N).
Monsieur ca.E a par la suite associé la société ZG au stand de son employeur, pour la présentation du produit ZD, à l'occasion du congrès Preuves et Pratiques tenu à Paris le 14 mars 2015 sur le stand de I.N (pièces numéros 46, 47 et 47 bis de la SAM I.N), cette situation entrainant de fait une confusion, notamment à l'égard des professionnels de santé, sans qu'aucun élément n'atteste de ce que Monsieur s.U ait donné son accord à une organisation aussi singulière, et ce d'autant que l'organisation du marketing relève très explicitement des attributions de Monsieur ca.E (article 3 du contrat de travail). La présence fréquente de Monsieur ca.E sur le stand de ZE (ZG), attestée par Madame W, à la faveur d'un congrès organisé à Tarbes du 1er au 3 octobre 2015, a participé à la même confusion entre les deux sociétés (pièce n° 48 de la SAM I.N). D'une manière générale, disposant d'une importante expertise dans le marché pharmaceutique, Monsieur ca.E a ainsi fait bénéficier la SARL ZG de ses compétences, de ses connaissances techniques et plus généralement de son réseau (pièce n° 64 de la SAM I.N), et ce quand bien même aucune concurrence ne se serait déployée en pratique entre ces sociétés.
À ce titre, s'il ne peut être tiré argument des courriels effacés de l'ordinateur de Monsieur ca.E, lesquels ont été écartés des débats, il résulte en revanche du transfert des courriels professionnels de Monsieur ca.E, reçus sur l'adresse m1, consécutifs à son arrêt de travail (pièces numéros 49 et 125 de la SAM I.N), que Madame a.C, qui n'exerçait pourtant aucune fonction au sein de la SAM I.N, et qui n'agissait ainsi que dans les intérêts de la SARL ZG, était associée à certains échanges de Monsieur ca.E, avec des interlocuteurs professionnels de I.N, notamment quant à l'organisation de salons professionnels, ces circonstances apparaissant de nature à induire une confusion dans l'esprit des tiers entre les sociétés I.N et ZG.
La conclusion d'un contrat de distribution exclusive des produits ZE entre la société WR et la SARL ZG pose pareillement difficulté au regard de l'obligation d'exclusivité, dès lors que c'est en sa qualité de salarié de la SAM I.N que Monsieur ca.E était en contact avec la société WR, via Monsieur j.J, et qu'un contrat de distribution exclusive a ensuite été signé par celle-ci avec la SARL ZG, par son truchement. Indépendamment du débat relatif à l'existence d'une éventuelle faute de Monsieur ca.E concernant la conclusion de ce contrat, cette double qualité apparaissait de nature à entretenir un flou vis-à-vis des tiers et caractérise en tout état de cause une violation de l'obligation d'exclusivité, Monsieur ca.E ayant ainsi oeuvré à l'activité de la SARL ZG, dans laquelle il avait des intérêts personnels.
En revanche, au vu des pièces produites, il n'est pas établi que la SARL ZG ait copié le logo ou le slogan de la SAM I.N, anciennement dénommée ZI, les pièces 38 et 39 de la SAM I.N ne concernant aucunement la SARL ZG. En outre, la seule utilisation du préfixe « WA », lequel n'était au demeurant, et de longue date, plus utilisé par la société I.N, n'apparaissait pas de nature à induire une confusion entre ces deux sociétés.
Ainsi, caractérisant non seulement une violation de l'obligation d'exclusivité, l'activité de Monsieur ca.E pour la SARL ZG, apparait également constitutive d'un manquement à son obligation de loyauté à l'égard de l'employeur, tant au regard de l'objet social de cette société, que de la confusion, entretenue de fait, entre son activité pour la SAM I.N et pour la SARL ZG.
• Sur l'effacement des données de l'ordinateur de Monsieur ca.E
Invoqué dans les conclusions de l'employeur comme une faute grave justifiant le licenciement, l'effacement de données sur l'ordinateur de Monsieur ca.E est intervenu le 8 décembre 2015 préalablement à la restitution de l'ordinateur professionnel mis à sa disposition par la SAM I.N, mais postérieurement à la notification du licenciement. Aussi, ce grief, qui ne figure pas parmi les motifs du licenciement notifié par lettre du 3 décembre 2015, ne peut être invoqué à ce titre par l'employeur et devra exclusivement être examiné au regard des demandes indemnitaires élevées par la SAM I.N à l'encontre de son salarié.
• Sur l'échec du lancement du produit ZFdu produit ZF
La SAM I.N fait grief à Monsieur ca.E, à qui incombait la responsabilité du marketing, de ne pas avoir procédé au lancement du produit ZF dans les règles de l'art.
Le 27 février 2015, Monsieur ca.E a écrit à Monsieur s.U que le lancement de ZF constituait la priorité (pièce n° 52 de Monsieur ca.E). Il précise : « nous avons redéfini le positionnement : unique, efficace, excellente tolérance, non-hormonal, prise en charge des troubles du climatère et de la santé de l'os […].
L'ADV et le module de formation sera prêt pour la formation des 2 VM PACA qui seront ici avec Thierry en formation de mercredi à vendredi prochain.
Nous devrions avoir les boîtes disponibles en Phie fin Mars.
Je prévois le lancement national fin Août ce qui nous aura permis de confirmer l'intérêt des prescripteurs, d'évaluer le taux de substitution versus Z classic, d'évaluer la prise de part de marché compte tenu du caractère unique de Z ostéo versus concurrence, de faire évoluer si nécessaire les outils promotionnels.
Une formation du call center est prévue.
Le référencement Moviante/grossistes est prévu.
Un faxing sera effectué vers les Phies et Grossistes.
Nous effectuerons les mêmes actions fin août, y compris la formation du reste des VM.
Je travaille déjà sur les articles/Posters/communication dans les congrès majeurs français entre septembre et décembre ».
Il en ressort qu'un lancement national de ZF a été prévu pour fin août 2015, à l'issue d'un lancement régional, entre mars et août 2015. À cet égard, Madame l.O (pièce n° 21 de Monsieur ca.E), qui occupait des fonction de chef de gamme, indique avoir « reçu la consigne impérative, de la part de la présidence, de ne pas réaliser le lancement lors du séminaire de mai 2015, à Porquerolles, avec le réseau Promothéra, au niveau national. Le pré-lancement dans la région PACA, de mars à août 2015, a eu pour effet de diluer les moyens et les efforts, contribuant à réduire l'efficacité du lancement, et ce concomitamment avec l'absence d'un chef de réseau. ».
Le lancement de ZF, par étapes et à l'issue d'une phase préalable d'observation, a ainsi été validé par la direction. L'esprit de ce lancement traduit une prudence, qui ne caractérise pas, en tant que telle, un manquement de Monsieur ca.E, d'autant que cette période a également souffert du licenciement de Monsieur t.V, lequel occupait des fonctions de chef de réseau via le prestataire ZH, puis de la démission de Madame l.O, mi-août 2015, départs qui ne pouvaient que déstabiliser l'organisation du marketing. Les licenciements successifs et rapprochés intervenus au sein de l'entreprise, également évoqués par Madame a.B (pièce n° 28 de Monsieur ca.E), sont décrits comme ayant contribué à une perte d'informations professionnelles importantes et à une désorganisation dont il peut être considéré qu'elles ont joué un rôle essentiel dans les difficultés décrites par la nouvelle chef de réseau, Madame W (pièce n° 85 de la SAM I.N).
D'une manière générale, la mise sur le marché d'un nouveau produit est par essence délicate, cette période apparaissant peu compatible avec la réalisation immédiate d'objectifs chiffrés précis, l'efficacité du lancement ne se mesurant qu'à l'issue d'un certain délai.
À cet égard, le 27 juillet 2015, Madame l.O a établi une proposition d'objectifs, adressée à Monsieur s.U, et en copie à Monsieur ca.E, cependant que cette proposition n'avait aucune valeur contractuelle et contraignante (pièce n° 91 de la SAM I.N). Madame l.O précise en outre que Monsieur s.U lui a demandé « expressément de référer directement et exclusivement à lui, sans plus passer par son supérieur hiérarchique, Monsieur ca.E, pour toute validation », cette consigne, qui lui a été formulée lors du 3ème trimestre 2015 (pièce n° 21 de Monsieur ca.E), explique que Monsieur s.U ait été le destinataire principal desdits objectifs et traduit en tout état de cause une certaine défiance à l'égard de Monsieur ca.E. Cette mainmise de Monsieur s.U est également attestée par Madame a.B, qui précise que Monsieur s.U ne voulait pas produire la quantité d'échantillons de ZF demandée par Monsieur ca.E, en raison du coût financier supplémentaire, aucune production ne pouvant se faire sans l'autorisation de Monsieur s.U. La SAM I.N est donc particulièrement malvenue de reprocher à Monsieur ca.E l'insuffisance du nombre d'échantillons produits.
Par ailleurs, les griefs touchant aux mentions devant figurer sur les notices du produit, à supposer qu'ils fussent avérés, ne relevaient pas de la compétence de Monsieur ca.E, en charge du marketing, mais du département réglementaire.
La SAM I.N ne s'explique pas davantage sur ce que signifiait pour elle un lancement dans les « règles de l'art ». En outre, les résultats commerciaux de ZF pour les exercices ultérieurs ne sont pas produits, s'agissant pourtant d'un élément déterminant du succès ou de l'échec de la mise sur le marché.
Il en ressort qu'aucune faute de Monsieur ca.E n'est démontrée, en lien avec le lancement de ZF.
• Sur l'absence d'augmentation de 3 % du prix de vente de ZG auprès des pharmacies
La SAM I.N reproche à Monsieur ca.E de ne pas avoir répercuté, auprès des pharmacies, l'augmentation de 3 % du tarif de la gamme ZG, décidée en juillet 2015.
Cependant, c'est à tort que la SAM I.N soutient que Monsieur ca.E occupait alors des fonctions de directeur des ventes, en charge de la mise en place de l'augmentation des tarifs auprès de l'ensemble des partenaires, cette mission ne lui étant pas dévolue par le contrat de travail alors en vigueur (article 3 du contrat établi le 31 décembre 2014), le poste de « directeur des ventes France » n'ayant été créé qu'à compter du 1er septembre 2015.
Madame l.O précise à cet égard que suite à la proposition d'augmentation de 3 % du prix de Z, ces nouveaux prix, validés par Monsieur s.U, ont été transmis avant son départ de la société, tant au call center (pièce n° 94 de la SAM I.N : courriel de Madame l.O en date du 22 juillet 2015) qu'au réseau Promothéa (pièce n° 21 de Monsieur ca.E).
Aucun manquement ne sera dès lors retenu de ce chef.
• Sur le remboursement des frais professionnels
Dans la lettre de licenciement, l'employeur évoque un problème lié au remboursement de frais professionnels.
Il est en premier lieu fait état du remboursement de factures téléphoniques se rapportant à des appels passés depuis les États-Unis, alors que Monsieur ca.E était en congés, en juillet et en août 2015. Il doit à cet égard être rappelé que Monsieur ca.E occupait des fonctions importantes au sein de la SAM I.N, impliquant une importante autonomie, ainsi que le rappelle l'article 5 du contrat de travail, qu'il n'était à ce titre assujetti à aucun horaire de travail précis et que ses fonctions impliquaient par nature une disponibilité importante, rendant poreuse la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle, ces mêmes circonstances entourant l'usage de l'ordinateur mis à sa disposition par l'employeur
Monsieur ca.E pouvait de ce fait être fondé à passer des appels téléphoniques professionnels alors même qu'il était occupé à des activités personnelles ou qu'il se trouvait en congés, sans que la demande de remboursement de factures téléphoniques, d'un montant au demeurant raisonnable (86,79 euros et 327,68 euros), ne caractérise pour autant une faute de sa part, l'employeur n'ayant d'ailleurs élevé aucune critique au moment de la remise desdites factures.
Par ailleurs, dans la lettre de licenciement, l'employeur mentionne que Monsieur ca.E a présenté, pour la deuxième fois, une note de frais qui lui avait pourtant déjà été remboursée, en août 2015, à hauteur de 684 euros.
Aux termes d'une attestation établie le 15 mars 2016, (pièce n° 37 de Monsieur ca.E), Madame s.T, qui a exercé des fonctions de comptable pour la SAM I.N, fait état de l'absence de toute difficulté dans les notes de frais de Monsieur ca.E. Si cette attestation n'apparait pas pertinente dès lors que Madame s.T a cessé ses fonctions en octobre 2022, bien avant l'établissement de la note de frais litigieuse, il n'en demeure pas moins qu'il en ressort que Monsieur ca.E n'apparaissait pas coutumier de telles anomalies. Aussi, à la supposer avérée, la deuxième présentation d'une même note de frais s'apparente comme une erreur, que son assistante, Madame a.B, reconnait avoir possiblement pu commettre (pièce n° 76 de Monsieur ca.E). Elle ne saurait donc caractériser une faute de nature à justifier le licenciement, cette note n'ayant de surcroit pas été remboursée une deuxième fois (pièce n° 5 de Monsieur ca.E).
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S'il résulte de l'examen des griefs reprochés à Monsieur ca.E que les fautes invoquées à son encontre ne sont pas toutes fondées, l'activité parallèle de Monsieur ca.E pour la SARL ZG et la violation corrélative de l'obligation d'exclusivité figurant à son contrat de travail, revêt en revanche, à elle seule, une gravité telle qu'elle justifiait une rupture immédiate de la relation de travail, caractérisant une faute grave, notamment au regard des fonctions exercées par Monsieur ca.E, de son niveau de responsabilité au sein de l'entreprise et des circonstances ayant présidé à son embauche, liées à l'accompagnement et au transfert de compétence corrélatif à la cession du capital social de la SAM I.N, pour les qualités de « fondateur » de Monsieur ca.E, lequel est présenté dans ce même acte comme un « homme-clef de la société, de par ses fonctions de directeur général en charge du marketing, de son relationnel avec les principaux leaders mondiaux du secteur de la gynécologie et de par ses connaissances primordiales en matière scientifique et technique des produits sur lesquels il est le seul à détenir des informations » (pièce n° 122 de Monsieur ca.E, page 3), contexte que rappelle également le préambule de son contrat de travail.
2) Sur les conséquences de la faute grave
En conséquence de la faute grave retenue à son encontre, Monsieur ca.E sera débouté de l'ensemble de ses demandes formées au titre de la rupture du contrat de travail, les indemnités de préavis, de licenciement et de congédiement ne lui étant pas dues.
À cet égard, si la SAM I.N s'est contractuellement engagée à ne pas procéder à son licenciement pendant une durée de cinq ans à compter du contrat de travail, et ce en vertu de l'article 11 dudit contrat, la qualification de faute grave fait non seulement perdre à Monsieur ca.E le bénéfice de ces dispositions, mais également la majoration contractuelle des indemnités de rupture, qui ne lui sont pas acquises.
Par ailleurs, une prime de fidélité d'une montant de 500.000 euros a été stipulée au contrat. Cette prime n'est due que « si le contrat de travail est toujours en vigueur à la date du 31 décembre 2019 ». La rupture antérieure du contrat de travail, consécutive au licenciement pour faute grave, a pour effet d'exclure Monsieur ca.E du bénéfice de cette prime, au titre de laquelle il ne pourra être indemnisé pour perte de chance, le motif du licenciement, à l'origine de cette exclusion, apparaissant parfaitement valable.
3) Sur les circonstances du licenciement
En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.
Constitue un licenciement abusif celui prononcé pour un faux motif, avec intention de nuire ou mis en oeuvre avec brutalité, précipitation, légèreté blâmable ou de manière vexatoire.
En l'espèce, si plusieurs motifs du licenciement n'apparaissent pas fondés, le premier d'entre eux, à savoir la violation de l'obligation d'exclusivité et le manquement corrélatif de Monsieur ca.E à son obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur, en lien avec son implication et ses activités pour la SARL ZG, est pleinement caractérisé. Dans ces circonstances, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente pas, en elle-même, un caractère fautif.
La lettre de licenciement, précédemment rappelée, ne comporte aucun terme vexatoire, ni aucune invective.
De plus, si le licenciement a été mis en oeuvre durant le temps de l'arrêt maladie de Monsieur ca.E, aucune disposition ne privait pour autant l'employeur de la possibilité de mettre en oeuvre la procédure durant cette période, si ce n'est pour des motifs tirés de ladite maladie, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce. La découverte des agissements de Monsieur ca.E et de son implication dans une société concurrente justifiait dès lors que la procédure de licenciement soit initiée, sans attendre une éventuelle reprise du travail, dans un délai par nature indéterminé. Les agissements en question ayant été découverts durant le temps de l'arrêt de travail de Monsieur ca.E, l'employeur ne pouvait par définition en faire état antérieurement.
Il peut certes être fait grief à l'employeur de ne pas avoir évoqué précédemment d'autres reproches faits à son salarié, lesquels n'ont été élevés pour la première fois qu'à l'occasion de son licenciement, mais il doit être relevé que ces autres manquements n'ont pas été retenus comme fondés et donc susceptibles de justifier le licenciement. Leur évocation, certes brutale, à la faveur de la procédure de licenciement apparait dès lors inopérante, et ne saurait ainsi caractériser un licenciement abusif.
Il en est de même concernant les fichiers effacés et extraits de l'ordinateur de Monsieur ca.E, lesquels ont non seulement été écartés des débats, mais également exclus des motifs du licenciement, pour avoir été obtenus ultérieurement par l'employeur, de surcroit en violation du principe de loyauté dans l'administration de la preuve.
Au vu de ces éléments, la mise en oeuvre du licenciement de Monsieur ca.E ne revêt aucun caractère abusif.
IV) Sur les demandes formées par la SAM I.N
1.Sur la demande au titre de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires concernant le contrat de distribution exclusive des produits ZE
Constatant que la SARL ZG commercialisait les produits ZE, la SAM I.N sollicite une indemnisation au titre de la perte de chance de ne pas avoir conclu un contrat de distribution de ces produits, dédiés à l'intimité de la femme. Plus précisément, elle fait valoir que Monsieur ca.E ne lui a jamais proposé la commercialisation de ces produits, dont elle affirme qu'ils entraient dans sa gamme, l'intéressé ayant en réalité oeuvré pour la seule SARL ZG.
À cet égard, le contrat de travail établi le 31 décembre 2014 précise, au titre des missions dévolues à Monsieur ca.E (article 3), que lui incombe notamment « le conseil sur le développement de nouveaux produits, l'acquisition et / ou vente de licences, le co-développement de produits ». En revanche, la conclusion de contrats de distribution de produits appartenant à des sociétés tierces n'est pas mentionnée.
Cette clause du contrat de travail s'inscrit en conformité avec la politique commerciale de la SAM I.N, explicitée par Monsieur ca.E, impliquant la commercialisation de produits dont seule la société détenait la propriété commerciale, et si possible industrielle, à savoir des produits brevetés ou protégés, dont elle pouvait s'assurer la commercialisation exclusive.
Or, il ressort de l'attestation établie le 14 décembre 2016, par Monsieur j.J, directeur général de k.L, fabriquant des produits ZE (pièces numéros 87 et 87 bis de Monsieur ca.E), que la distribution de ces produits a été proposée à I.N en 2014.
Il précise que la SAM I.N a décliné cette offre de distribution, dans la mesure où elle ne souhaitait pas seulement être un distributeur, mais qu'elle souhaitait acquérir la licence du produit et la marque déposée ZE, ce qui n'était pas l'objectif de KAYMOGYN.
Il indique avoir ensuite contacté ZG, qui était d'accord pour servir de distributeur seulement.
Au vu de ces éléments, et sans préjudice du débat relatif au marché ciblé par ce produit et à la pertinence de son intégration dans la gamme de I.N, la conclusion d'un contrat de distribution entre la SAM I.N et la société KAYMOGYN apparaissait des plus improbables, la SAM I.N n'ayant jamais entendu commercialiser ce produit, dans des conditions s'inscrivant en rupture avec sa politique commerciale, marquée par la volonté de maîtriser la propriété dudit produit et de s'assurer de la maîtrise commerciale de celui-ci, en lien avec une singularité forte.
La SAM I.N est donc particulièrement malvenue à invoquer un manquement de Monsieur ca.E, lequel a de surcroit agi en conformité avec les missions imparties à son contrat de travail, ne visant que l'acquisition de licences et en aucun cas la prospection et la signature de simples contrats de distribution, cependant que les agissements en question caractérisent une violation avérée de l'obligation d'exclusivité.
La SAM I.N sera par conséquent déboutée de ses demandes relatives à la perte de chance de marge relative au contrat de distribution des produits ZE.
2. Sur la destruction de fichiers informatiques
S'il est constant que Monsieur ca.E a effacé des fichiers de l'ordinateur professionnel qu'il a restitué à son employeur, il n'en demeure pas moins que l'ordinateur en question n'a pas été restitué vide de toutes données et qu'il a uniquement été purgé de données qui, du fait de leur effacement, devaient être considérées comme personnelles.
À cet égard, Madame D, responsable juridique de la SAM I.N atteste de ce qu'il y avait bien dans l'ordinateur, lors de sa remise par l'épouse de Monsieur ca.E, le 11 décembre 2015, des données Z, sans qu'elle ne puisse dire si l'ordinateur en question contenait toutes les données Z (pièce n° 135 de la SAM I.N).
La SAM I.N défaille à rapporter la preuve, qui lui incombe, de la destruction de fichiers lui appartenant et, plus encore, d'un quelconque préjudice lié à la destruction de fichiers au sujet desquels elle ne donne aucune information précise.
Elle sera par conséquent déboutée de sa demande formée de ce chef.
3. Sur le préjudice tiré de l'absence d'augmentation de 3 % du prix de ZG
Aucune faute ne pouvant être retenue de ce chef à l'encontre de Monsieur ca.E, la SAM I.N sera déboutée de sa demande.
4. Sur le préjudice lié à l'échec du lancement de ZF
Le lancement de ZF ne révélant aucune faute de Monsieur ca.E, la SAM I.N sera pareillement déboutée de sa demande formée de ce chef.
5. Sur la demande en paiement de la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices de toutes natures
Les préjudices de toutes natures évoqués par la SAM I.N concernent le temps passé par Monsieur s.U à l'effet de :
« - récupérer les milliers de fichiers effacés par Monsieur ca.E de son ordinateur professionnel,
• collecter et organiser les informations ainsi récupérées,
• préparer sa défense dans le cadre de la présente procédure en collaboration permanente avec son conseil,
• assumer des honoraires d'avocat afin d'assurer la défense de ses intérêts,
• assumer les frais de traduction des pièces qu'il verse aux débats dans le cadre de la présente procédure, pour la plupart en langue anglaise.».
Or, ces demandes relèvent pour partie des frais irrépétibles et pour partie des dépens, des demandes étant par ailleurs élevées à ce titre. Elles ne pourront dès lors prospérer sous couvert d'une demande à caractère général en paiement de dommages et intérêts.
Par ailleurs, la SAM I.N invoque une atteinte à son image et à sa notoriété, liée aux témoignages produits par Monsieur ca.E.
Les pièces en question s'inscrivent dans la défense de Monsieur ca.E et ne caractérisent aucune faute de l'intéressé, les témoignages produits ayant été rédigés de la main et sous la responsabilité exclusive de leurs auteurs, anciens salariés ou partenaires commerciaux de la SAM I.N, sans qu'aucune atteinte à l'image de I.N n'en résulte, sauf à considérer que la contradiction apportée à la SAM I.N par son ex-salarié constitue par essence une faute génératrice d'un préjudice.
La SAM I.N sera par conséquent déboutée de cette demande.
6. Sur les remboursements des frais professionnels
Outre les griefs élevés dans la lettre du licenciement, au titre du remboursement de frais professionnels, la SAM I.N évoque de nombreux problèmes liés au remboursement de frais professionnels, constatés à la faveur de l'examen de l'ensemble des notes de frais présentées par Monsieur ca.E, depuis décembre 2014.
Il est notamment soutenu qu'à la faveur de certains des déplacements en question, Monsieur ca.E se serait livré à des activités extra-professionnelles, à des rendez-vous personnels ou en lien avec ses activités pour la SARL ZG.
Il doit néanmoins être relevé que les notes de frais litigieuses ont régulièrement été accompagnées de justificatifs (pièce n° 142 de la SAM I.N) et que l'employeur n'a élevé aucune difficulté de ce chef lors de la procédure de licenciement, ni antérieurement.
En outre, si le remboursement de factures établies en francs suisses a été réclamé en euros, l'employeur ne produit néanmoins aucun élément de nature à établir le taux de change effectivement applicable au moment de la présentation des notes de frais en question, son service de comptabilité n'ayant pas davantage relevé ce point.
Par ailleurs, à supposer que Monsieur ca.E ait effectivement profité de certains déplacements pour des occupations ou rendez-vous à caractère personnel, ce qui n'apparait nullement établi en l'état du rejet des courriels personnels produits par l'employeur, il n'en demeure pas moins qu'un déplacement professionnel n'exclut pas, pour autant, la possibilité pour le salarié de se livrer également, et accessoirement, à des occupations personnelles durant le temps de ce déplacement, plus encore au vu de l'importante autonomie dévolue au salarié, liée à la nature de ses responsabilités, n'impliquant aucun horaire déterminé.
Il ressort de l'audition de Monsieur ca.E par le juge d'instruction, dans le cadre de la procédure pénale engagée à son encontre par la SAM I.N (pièce n° 184 de la SAM I.N), que l'intéressé reconnait plusieurs erreurs tenant aux notes de frais pour les périodes du 26 janvier 2015 au 1er février 2015 (406,59 euros), du 2 mars au 8 mars 2015 (311 euros + 355,88 euros), du 16 mars 2015 au 22 mars 2015 (231,79 euros) et du 13 avril 2015 au 19 avril 2015 (456,26 euros) correspondant à des doubles remboursements, dont le caractère intentionnel n'a en définitive pas été retenu par les juridictions pénales.
Si la SAM I.N ne justifie pas des versements s'y rapportant, Monsieur ca.E ne conteste néanmoins pas avoir perçu les sommes litigieuses. Il sera par conséquent condamné à payer à ce titre la somme de 1.761,52 euros à la SAM I.N.
7. Sur la pénalité contractuelle pour violation de l'obligation de non- concurrence
L'obligation de non-concurrence et la pénalité contractuelle associée, stipulées à l'article 12 du contrat de travail, n'ont vocation à entrer en oeuvre qu'en cas de résiliation du contrat, pour quelque cause que ce soit. La cessation du contrat de travail consécutive au licenciement de Monsieur ca.E emporte par conséquent application de l'obligation de non-concurrence.
À ce titre, Monsieur ca.E avait interdiction d'exercer, de manière directe ou indirecte, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, à titre gratuit ou non, occasionnellement ou habituellement, une activité concurrente de celle exercée par la société Z notamment en qualité d'associé et/ou d'actionnaire, l'activité concurrente étant très précisément définie comme «la fabrication et la commercialisation de dispositifs médicaux, produits cosmétiques, compléments alimentaires, produits pharmaceutiques, dédiés à la santé et contenant des extraits de pollen, quel que soit leur statut réglementaire en fonction de la législation.».
Il en résulte que l'utilisation de pollen dans les produits en question apparait déterminante de la mise en oeuvre de l'obligation contractuelle de non-concurrence visée au contrat de travail, laquelle se distingue significativement de l'objet social de la SAM I.N, précédemment mentionné, qui ne comporte pas une telle restriction quant aux produits fabriqués et commercialisés par la société.
Or, à l'appui de sa demande, la SAM I.N invoque non seulement des agissements de Monsieur ca.E contemporains de la relation de travail, et donc contractuellement exclus de la clause de non-concurrence, sans établir que l'activité en question, déployée consécutivement à la rupture du contrat, répondait pour autant à la définition de l'activité concurrente précédemment explicitée, notamment quant à l'emploi d'extraits de pollen, étant observé qu'il est constant que les produits ZD et ZE, commercialisés par la SARL ZG, ne contiennent pas de tels extraits de pollen. La SAM I.N défaille par conséquent à rapporter la preuve qui lui incombe.
La demande formée à ce titre par la SAM I.N sera par conséquent rejetée.
V) Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Monsieur ca.E
L'article 1229 du Code civil dispose que «Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.».
Il est de principe jurisprudentiel que l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.
En l'espèce, il n'est pas démontré que la SAM I.N a agi de mauvaise foi dans le cadre de la présente procédure, et ce d'autant que la faute grave de son salarié a été retenue, ainsi qu'une partie de ses demandes en paiement.
Monsieur ca.E sera donc débouté de la demande formée à ce titre.
VI) Sur les frais irrépétibles et les dépens
Chacune des parties succombant partiellement, elles conserveront la charge de leurs propres dépens, y compris ceux réservés par jugements avant-dire-droit des 15 octobre 2020 et 24 mars 2022. Ces mêmes circonstances justifient l'absence de toute condamnation au titre des frais irrépétibles.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Écarte des débats les pièces numéros 35, 45, 50, 51, 54, 58, 59, 60, 61, 62, 65, 73, 74, 101, 102, 103, 104, 113 à 116, 143, 146, 154, 155, 158 et 161 produites par la SAM I.N, pour avoir été obtenues en violation du principe de loyauté dans l'administration de la preuve ;
Écarte des débats les pièces numéros 27, 28, 37, 42, 52, 126, 128, 131 et 133 produites par la SAM I.N, pour défaut de traduction en langue française ;
Déclare recevables l'intégralité des demandes formées par la SAM I.N, en ce compris les demandes en paiement des sommes de 4.947.580 euros, 293.654 euros, 20.000 euros et 150.000 euros,
Dit que la faute grave, fondant le licenciement de Monsieur ca.E, est caractérisée ;
Constate que le licenciement n'a pas été mis en oeuvre de manière abusive ;
Déboute Monsieur ca.E de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;
Condamne Monsieur ca.E à payer à la SAM I.N la somme de 1.761,52 euros (mille sept cent soixante et un euros et cinquante-deux centimes) en remboursement des frais professionnels indûment perçus ;
Déboute la SAM I.N du surplus de ses demandes ;
Déboute Monsieur ca.E de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Déboute Monsieur ca.E du surplus de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens, y compris ceux réservés par jugements avant-dire-droit des 15 octobre 2020 et 24 mars 2022 ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Patrice FEY, Juge au Tribunal de première instance, faisant fonction de Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs d.G et j.K, membres employeurs, Messieurs m.Q et p.R, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le dix-sept juillet deux mille vingt-cinq.