Tribunal du travail, 21 mars 2025, Monsieur f.E c/ La société anonyme monégasque dénommée L et la société par actions simplifiée de droit français dénommée J

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TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 21 MARS 2025

N° 6-2023/2024

En la cause de :

  • Monsieur f.E, né le jma à Menton (06 - France), de nationalité française, demeurant x2 ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah CAMINITI-ROLLAND, avocat près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat ;

d'une part ;

Contre :

  • La société anonyme monégasque dénommée L, dont le siège social se situe x3 à Monaco ;

  • La société par actions simplifiée de droit français dénommée J, dont le siège social est fixé au x1 (France), partie intervenante volontaire, ladite société venant aux droits et obligations de la SAM L, suite à la dissolution anticipée sans liquidation de cette dernière et de la transmission universelle de son patrimoine au profit de la SAS J, intervenues en date du 27 juin 2024 ;

Défenderesses, ayant toutes deux élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituée et plaidant par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la même Cour ;

d'autre part ;

Visa🔗

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 28 juin 2023, reçue le 30 juin 2023 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 6-2023/2024 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le bureau de jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 10 octobre 2023 ;

Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Sarah CAMINITI-ROLLAND, avocat au nom de Monsieur f.E, en date du 20 janvier 2025 déposées le 21 janvier 2025 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur aux noms de la SAM L et de la SAS J, en date 16 janvier 2025 ;

À l'audience publique du 23 janvier 2025, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, l'affaire était mise en délibéré pour être rendue le 21 mars 2025, sans opposition des parties par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, ces derniers en ayant été avisées par Madame le Président ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs🔗

Monsieur f.E a été embauché par contrat à durée indéterminée en qualité de responsable emballage à compter du 6 janvier 2014 par la SAM L, devenue la SAS J. Il était en dernier lieu responsable administratif des achats. Il a été licencié pour faute grave par courrier du 17 mars 2023.

Par requête déposée le 30 juin 2023, Monsieur f.E a attrait la SAM L devant le bureau de conciliation du Tribunal du travail afin d'obtenir :

  • • 20.186,89 euros à titre de l'indemnité de licenciement,

  • • 1.396,32 euros à titre du remboursement de la mise à pied conservatoire,

  • • 9.175,86 euros à titre du paiement des deux mois de préavis,

  • • 70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

  • • 6.000 euros au titre des frais irrépétibles,

  • • les entiers dépens,

  • • l'exécution provisoire pour l'ensemble de la décision à intervenir.

À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le bureau de jugement.

Par conclusions considérées comme récapitulatives déposées le 21 janvier 2025, Monsieur f.E sollicite, avant-dire-droit, de déclarer irrecevable et d'écarter des débats la pièce intitulée « Courriel de f.E (f.E@gmail. com) à g.F g@rem. mc envoyé le vendredi 11 mars 2022 20 : 17 et sa pièce jointe vente 2021 ». Il réclame en outre les intérêts sur les sommes sollicitées à compter de la convocation devant le bureau de conciliation.

Il fait valoir pour l'essentiel que :

  • • la pièce n° 9 fondant la mesure de licenciement est une succession de transferts de courriels dont le courriel initial aurait prétendument été envoyé par ses soins,

  • • or, les conditions d'établissement et de conservation du courriel du 11 mars 2022 ne sont pas de nature à en garantir l'intégrité,

  • • outre les possibles modifications des courriels précédents lors de chaque transfert, il est impossible de vérifier que la pièce qui aurait été transmise dans le premier courriel correspond à celle jointe dans le dernier courriel,

  • • la transmission du courrier litigieux initial n'est pas retraçable,

  • • la lecture des transferts révèle des incohérences, notamment au niveau des langages employés,

  • • l'employeur doit permettre l'identification certaine de l'auteur et justifier que l'écrit a été établi et conservé dans des conditions garantissant son intégrité, ce qu'il ne fait pas,

  • • la procédure de licenciement a été brutale et sa mise en œuvre blâmable,

  • • l'employeur doit justifier du sérieux avec lequel la procédure a été mise en œuvre en raison de l'impact d'une telle mesure unilatérale,

  • • il doit mettre le salarié en position de se défendre sur les faits reprochés,

  • • il n'a disposé que d'un délai de cinq jours, incluant un week-end, pour préparer l'entretien préalable pour lequel il était convoqué sans qu'il ne soit mentionné la faute reprochée,

  • • lors dudit entretien il s'est vu opposer, de manière très vague et évasive, l'existence d'un courriel dont il aurait été l'auteur,

  • • il n'a pu se défendre utilement puisqu'aucun détail ne lui a été donné jusqu'à la réception de la notification du licenciement, ce qui caractérise la brutalité de la mesure,

  • • de surcroit il n'a pas été informé de la possibilité de venir assister à l'entretien,

  • • si la pièce n° 9 venait à être écartée des débats, faute pour l'employeur de justifier de la correspondance alléguée et de la manière dont elle est entrée en sa possession, l'employeur n'apporte pas la preuve de l'existence d'une faute grave,

  • • en tout état de cause, l'employeur ne procède que par voie d'affirmation quant au défaut de loyauté reproché,

  • • la société à laquelle le courriel litigieux aurait été envoyé fait partie d'un même groupe de sorte qu'aucune concurrence ne joue entre eux,

  • • c'est d'ailleurs à l'occasion d'un processus d'archivage de cette entreprise que l'employeur aurait pris connaissance de la prétendue existence de ce courriel, ce qui démontre qu'elles font partie du même groupe,

  • • elles possèdent le même investisseur depuis 2017 et 2020, soit bien antérieurement au prétendu envoi du courriel litigieux,

  • • le destinataire du prétendu courriel litigieux est le fondateur de la SAM L et il n'exploitait au moment de l'envoi allégué aucune activité concurrente,

  • • conscient de la faiblesse de son argumentation l'employeur tente dorénavant de faire croire que le caractère concurrentiel de l'activité de Monsieur g.F ne revêt aucune importance,

  • • elle se rabat sur sa personnalité en alléguant sans le démontrer qu'il avait pour projet de lui nuire,

  • • bien qu'il ait découvert ce prétendu courriel un an après son envoi, l'employeur n'allègue ni ne démontre l'existence du préjudice qui lui aurait été causé,

  • • il est en effet permis de se demander en quoi des informations relatives aux quantités de parfums vendus et à leurs prix d'achat pour l'année écoulée antérieure pourraient apporter un quelconque avantage à un tiers,

  • • enfin, la mention relative à la discrétion ne révèle aucune intention de nuire mais démontre le souhait de l'expéditeur qu'une certaine réserve demeure quant à l'aide apportée par le fondateur de la société afin d'optimiser le travail et prendre conseil,

  • • en l'absence de motif valable, il doit percevoir les indemnités de rupture,

  • • outre le préjudice moral et l'atteinte portée à sa réputation, ce licenciement brutal l'a placé dans une situation économique très difficile.

Par conclusions récapitulatives du 16 janvier 2025, la SAS J, venant aux droits et obligations de la SAM L sollicite du Tribunal de donner acte à la SAM L que la société J intervient en ses lieu et place à la présente instance et sollicite le débouté des demandes de Monsieur f.E et les entiers dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

  • • Monsieur f.E remet en cause la recevabilité de tout courriel dans une procédure judiciaire en ce qu'il ne permettrait pas d'en assurer une inviolabilité,

  • • or, les chaînes de courriels ont toujours été acceptées par les juridictions sauf à établir une éventuelle fraude ou manœuvre de la partie la produisant,

  • • il sème le doute alors qu'il ne conteste pas avoir adressé ce courriel, qu'il ne s'inscrit pas en faux, qu'il ne demande pas la nomination d'un expert informatique et qu'il ne fait pas témoigner Monsieur g.F,

  • • les différences de langue s'expliquent par la présentation différente des boîtes Outlook et Gmail lorsqu'elles sont configurées en français,

  • • elle a obtenu ce courriel lors d'une opération d'archivage des messageries professionnelles organisées au cours du dernier trimestre 2022, Monsieur g.F ayant répondu à ce courriel en mettant en copie une autre personne de la société, Madame n.K,

  • • elle est la dernière destinataire du courriel de Monsieur f.E, puis elle l'a transféré à la demande de la direction suite à sa découverte,

  • • en cas de doute, le Tribunal peut nommer un expert judiciaire,

  • • au fond, le motif de violation du devoir de loyauté est caractérisé,

  • • le salarié a écrit depuis son adresse e-mail personnelle à Monsieur g.F qui, depuis la cession de ses parts en 2018 n'occupe aucun rôle au sein de la société,

  • • parallèlement, il avait intégré la société BB dont l'activité principale était la création de sa propre gamme de parfums,

  • • il déclarait à qui voulait l'entendre qu'il comptait créer une société concurrente,

  • • c'est dans ce contexte que Monsieur f.E lui a adressé un courriel contenant un document extrêmement confidentiel : un fichier interne de la liste des références produits, les quantités vendues pour l'année 2021 et leurs prix d'achat et donc les marges afférentes,

  • • conscient de ses actes, Monsieur f.E lui demandait d'ailleurs toute discrétion,

  • • ce comportement est d'autant plus grave que Monsieur f.E occupait un poste de responsable,

  • • le caractère concurrentiel ou non de la société de Monsieur g.F est sans importance, seule sa volonté de nuire à l'employeur important,

  • • d'ailleurs, les sociétés L et BB ne sont détenues par le même fonds d'investissement que postérieurement à l'envoi du courriel,

  • • en outre un investisseur commun entre deux sociétés n'enlève en rien le caractère concurrentiel,

  • • en tout état de cause Monsieur f.E ne pouvait communiquer un document confidentiel à un tiers sans violer, de facto, son obligation de loyauté,

  • • il ne peut éluder ses obligations en prétextant une aide apportée par un partenaire,

  • • il n'explique pas les raisons de cet envoi depuis son adresse personnelle et pourquoi il compte sur la discrétion de son interlocuteur,

  • • Monsieur f.E a volontairement détourné un document de manière occulte,

  • • cet envoi n'a été révélé que par un concours de circonstances et un manque de prudence de son interlocuteur,

  • • il est impossible de déterminer combien d'autres documents ont été détournés,

  • • le licenciement n'a pas été mis en œuvre de manière brutale ou avec légèreté blâmable,

  • • l'employeur n'a aucune obligation de tenir un entretien préalable,

  • • la procédure n'est enfermée dans aucun délai et l'assistance pendant l'entretien n'est pas prévue par la loi,

  • • Monsieur f.E a parfaitement compris le motif de son licenciement et ne conteste pas avoir adressé ce courriel,

  • • sa position sur l'absence de caractère confidentiel est inaudible et par les précautions qu'il a lui-même prises pour que la société n'ait pas connaissance de cet envoi,

  • • en outre, sa demande de dommages et intérêts sans établir la matérialité et le quantum du préjudice est tout simplement irrecevable,

  • • de plus fort, il ne justifie pas de sa situation professionnelle, ce qui s'explique sans doute par le fait qu'il a créé une société à Monaco avec un ancien collègue et lancé un parfum.

SUR CE,

  • Sur l'intervention volontaire de la société par actions simplifiée de droit français dénommée J

En application des dispositions de l'article 383 du Code de procédure civile, quiconque aura intérêt dans une instance suivie entre d'autres personnes aura le droit d'y intervenir.

En l'espèce, il est justifié de la dissolution anticipée sans liquidation de la SAM L et de la transmission universelle de son patrimoine au profit de la SAS J.

Au vu de ces éléments, il convient de recevoir cette dernière en son intervention volontaire et de mettre hors de cause la SAM L.

  • Sur la recevabilité de l'écrit électronique

Aux termes de l'article 1163-1 du Code civil « L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre et avec la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. ».

En l'espèce, l'écrit litigieux est une chaîne d'e-mail. La première condition, celle de l'identification de la personne dont il émane, ne pose pas de difficultés. Les noms complets des quatre personnes qui ont successivement été concernées par l'échange apparaissant, cela ne laisse pas de doute quant à la possibilité de leur identification.

Concernant les conditions d'établissement et de conservation de l'écrit, les adresses électroniques des différents protagonistes de la chaîne sont clairement indiquées. Cela permet dès lors à l'une quelconque des personnes concernées qui nierait être l'auteur du message ou qui contesterait son contenu de vérifier l'intégrité de ce qui est présenté en justice.

Or, Monsieur f.E ne nie pas être l'auteur de l'écrit, ni ne conteste son contenu. Dans son courrier du 20 avril il s'offusque d'une prétendue violation du secret des correspondances, alors que l'employeur n'a jamais consulté sa boîte mail personnelle. Dans ses conclusions il ne conteste jamais être l'auteur du mail litigieux et ne remet pas en cause son contenu, se contentant d'affirmer que son intégrité ne serait pas garantie. Or, en l'absence de dénégation et d'éléments justifiant qu'une vérification des conditions de validité de l'écrit soit opérée, il n'y a pas lieu de vérifier si l'écrit a été établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. En effet, Monsieur f.E ayant les moyens de le faire, puisqu'il émanerait de sa boîte mail personnelle, ne justifie de rien.

En outre, à supposer qu'une telle dénégation ait eu lieu, la conséquence ne serait pas l'irrecevabilité de la pièce, mais la mise en œuvre de vérifications quant à l'intégrité de l'écrit, notamment par le biais d'un constat d'huissier ou d'une expertise. À ce sujet, il est intéressant de noter qu'alors que l'employeur propose qu'une expertise soit ordonnée pour permettre de conforter l'intégrité de sa pièce, Monsieur f.E se garde bien de le solliciter.

  • Sur le licenciement

Monsieur f.E a été licencié pour faute grave par courrier du 17 mars 2023, dans les termes suivants :

« Le 28 février 2023, nous avons découvert que vous avez transmis le vendredi 11 mars 2022 à l'un des acteurs du secteur de la parfumerie, un fichier confidentiel et à usage exclusivement interne à L, contenant la liste de nos références produits accompagnés des quantités vendues pour l'année 2021 et de leur prix d'achat, permettant ainsi à un acteur de connaître nos pratiques commerciales, ce qui est totalement inadmissible.

De tels agissements caractérisent une violation manifeste de votre devoir de loyauté pourtant intrinsèque à la relation professionnelle qui nous lie dans le cadre de votre contrat de travail, ce qui constitue une faute grave.

Pire, vous avez adressé ce fichier à caractère professionnel et confidentiel depuis votre messagerie personnelle en précisant bien dans le courriel accompagnant votre envoi « voici le tableau des achats, je compte sur ta discrétion », démontrant que vous aviez parfaitement conscience (i) du caractère hautement confidentiel du document professionnel que vous avez communiqué à un tiers à l'entreprise et des secrets qu'il renfermait mais également (ii) du fait que vos agissements étaient passibles de sanctions (tant civiles que pénales).

Cette violation de vos obligations contractuelles est d'autant plus grave que vous faites partie de notre entreprise depuis presque 10 années (embauche au 06 janvier 2014 avec reprise d'ancienneté au 04 janvier 2013) et que vous occupez un poste de Responsable au statut cadre supposant que vous vous comportiez avec droiture et probité, comportement que nous sommes en droit d'attendre de la part de l'un de nos collaborateurs historiques occupant qui plus est des fonctions à responsabilité au sein de notre entreprise.

Malheureusement, vous n'avez pas admis les faits qui vous sont reprochés, même face à l'évidence, et vous prétextez que vous seriez totalement étranger à cet envoi, au motif que tout le monde aurait eu accès à votre ordinateur ( ?!).

Or, le document confidentiel a bien été envoyé depuis votre adresse de messagerie personnelle nécessairement protégée par un identifiant et un mot de passe dont vous seul avez connaissance.

Pour le surplus, le fait que ce message ait été adressé à 20 heures 17, en dehors de vos heures de travail et alors que vous vous trouviez (selon vos dires) avec votre famille ne saurait en aucun cas démontrer que vous ne seriez pas à l'origine de cet envoi, bien au contraire.

Il n'y a donc pas de doute possible quant à l'expéditeur de ce message et les intentions qu'il poursuivait, à savoir, nuire à notre entreprise. ».

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Elle peut résulter d'une violation de l'obligation générale du devoir de loyauté si cette dernière est commise dans des circonstances remettant grandement en cause le lien de confiance vis-à-vis du salarié.

En l'espèce, Monsieur f.E était salarié depuis plus de dix ans et était en dernier lieu responsable administratif des achats, poste à haute responsabilité et à forts enjeux dans le domaine du commerce.

Il a adressé à un tiers à l'entreprise un document contenant des données hautement stratégiques dans des conditions occultes. En effet, au moment des faits, Monsieur g.F n'a aucun lien avec la société L et ne peut qu'être considéré comme un tiers à l'entreprise et ce même s'il avait pu participer à l'origine à sa création. Le tableau qui lui a été adressé recèle des informations relevant du secret des affaires (liste des produits commercialisés, quantités de ventes, prix de vente et d'achat et donc marge). Il n'y a pas de doute sur la pièce jointe puisque le fait que ce soit le tableau des achats est mentionné dans le corps de l'e-mail. Il a été communiqué de manière dissimulée, depuis une adresse personnelle et en dehors des horaires de travail.

En agissant ainsi, Monsieur f.E a démontré une propension à agir de manière dissimulée vis-à-vis de son employeur. Il a en outre mis en danger les données de l'entreprise, qui se trouvent dorénavant sur des serveurs non sécurisés et entre les mains de tiers. Même à supposer qu'il n'y ait aucune intention de nuire à l'employeur et que cet envoi n'ait été réalisé que pour obtenir des conseils de performance dans le cadre de ses fonctions, les agissements inconsidérés de Monsieur f.E étaient d'une gravité telle qu'ils ne permettaient pas la poursuite de la relation contractuelle, même pendant la durée du préavis, l'employeur devant se prémunir de toute nouvelle fuite de documents stratégiques.

Le motif de licenciement est en conséquence valable et les indemnités de rupture ne sont pas dues, ni le salaire pendant la mise à pied conservatoire, légitime au regard de la faute grave retenue.

Concernant le caractère prétendument abusif du licenciement il convient de noter, d'une part, qu'il ne dissimule aucun motif fallacieux ni intention de nuire au salarié et, d'autre part, qu'il a été mis en œuvre dans le respect des droits du salarié. En effet, compte tenu de la gravité des faits qui étaient découverts, il était nécessaire de procéder immédiatement à une mise à pied conservatoire pour garantir la non-reproduction des faits et mettre en place la procédure de licenciement.

Monsieur f.E a pu s'expliquer sur les faits reprochés alors qu'aucune disposition légale ou conventionnelle n'impose la tenue d'un entretien préalable à licenciement. Dans ces conditions, il n'avait ni à solliciter un quelconque délai de prévenance (qui en l'espèce a d'ailleurs existé et a été plus favorable au salarié que la loi), ni à pouvoir être assisté (ce qu'il n'avait d'ailleurs pas demandé). Il a enfin été intégralement rempli de ses droits.

Le licenciement ayant été exempt de tout abus, Monsieur f.E est débouté de l'intégralité de ses demandes.

  • Sur les autres demandes

Monsieur f.E succombant, il est condamné aux entiers dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Reçoit la société par actions simplifiée de droit français dénommée J en son intervention volontaire ;

Met hors de cause la société anonyme monégasque dénommée L ;

Rejette l'intégralité des demandes de Monsieur f.E ;

Condamne Monsieur f.E aux entiers dépens ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs j.H et j.AD, membres employeurs, Messieurs b.AC et s.AD, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le vingt et un mars deux mille vingt-cinq.

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