Tribunal du travail, 12 juin 2023, Madame A. c/ La société anonyme monégasque dénommée B.
Abstract🔗
Exceptions – Recevabilité (oui)
Conditions de travail – Exécution – Bonne foi – Harcèlement moral (non)
Sanction disciplinaire – Conditions – Sanction justifiée (oui)
Licenciement – Inaptitude – Conditions
Résumé🔗
La B. soutient que la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et conditions de travail abusives de Madame A. serait irrecevable pour ne pas être précise et détaillée. En l'espèce, l'objet de la demande, seule condition exigée par l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, est bien indiqué, en sorte que la demande est recevable.
Madame A. sollicite l'irrecevabilité de la demande de la B. au titre des frais irrépétibles. Si, en application de l'article 1er de la loi n° 446, le Bureau de Jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, l'article 55 dispose que le Tribunal du travail connaît de toutes les demandes reconventionnelles. Or, en application de l'article 382 du Code de procédure civile, la demande reconventionnelle est celle qui notamment forme une défense contre la demande principale. Dès lors, la demande au titre des frais irrépétibles, qui forme une défense à la demande principale, est recevable en tout état de cause.
L'employeur est tenu à une exécution de bonne foi du contrat de travail. Le salarié qui prétend qu'il aurait été victime d'agissements fautifs ou de harcèlement doit le prouver. À compter de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017, le harcèlement moral au travail se définit comme « le fait de soumettre, sciemment et par quelque moyen que ce soit, dans le cadre d'une relation de travail, une personne à des actions ou omissions répétées ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte à sa dignité ou se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ». Auparavant, le fait de soumettre un salarié à de mauvaises conditions de travail était sanctionné sous l'angle du non-respect de la bonne foi contractuelle. À l'issue de l'étude des éléments de l'espèce, il n'apparaît pas que Madame A. ait été victime des faits qu'elle dénonce. Il peut d'ailleurs être rappelé que cette analyse correspond aux conclusions du rapport d'instruction du signalement pour harcèlement, enquête certes réalisée auprès de salariés liés par un lien de subordination avec l'employeur mais dont la probité ne peut être remise en cause de ce seul fait sans aucun élément probant.
Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour son comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail, saisi de la contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée par rapport à la faute commise. En l'espèce, par décision du 7 août 2019, Madame A. a fait l'objet d'une mise à pied d'un jour avec privation de salaire. Suite au recours de la salariée, la commission paritaire du personnel confirmait, le 24 septembre 2019, la sanction prononcée, par 6 voix pour, 3 voix contre et 1 abstention. Le cumul d'erreurs objectives (reconnues par la salariée comme l'atteste les déclarations du délégué syndical la représentant lors de la commission paritaire) et la perturbation du bon fonctionnement de l'entreprise (déploré par trois salariés dont la probité ne peut être remise en question sans aucun élément de preuve) constituaient bien une insuffisance fautive comme l'a justement apprécié l'employeur. Concernant la sanction prononcée, elle s'apprécie au regard de la gravité de la faute, mais également des antécédents disciplinaires. Or, Madame A. avait fait l'objet d'un blâme quelques mois auparavant. Dès lors, le prononcé d'une sanction aggravée suite à la réitération d'un comportement fautif était justifié. Concernant la forme, Madame A. reproche à son employeur d'avoir conduit la procédure disciplinaire alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail. Il est en effet établi que, tant lors de l'entretien préalable, que lors de la commission paritaire, Madame A. était en arrêt et a formulé plusieurs demandes de report, rejetées par son employeur. À la lecture des courriers adressés par le syndicat du personnel de la B. et le délégué syndical ayant assisté la salariée au cours de la procédure, il est reproché un non-respect des dispositions statutaires (statut du personnel de la B.). Or, ce document n'est pas communiqué. Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'il y ait eu violation desdites dispositions. Concernant les dispositions de l'article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, qui prévoit la suspension du contrat de travail pendant une durée limitée à six mois en cas de maladie ou d'accident, il n'a pour objet que de suspendre toutes les décisions qui pourraient avoir trait à la maladie du salarié. Ainsi, un licenciement causé par la maladie est prohibé. Or, en l'espèce, la sanction n'est pas liée à la maladie de Madame A., mais causée par le comportement fautif au cours de la relation de travail. Dans ces conditions, le pouvoir disciplinaire de l'employeur n'était pas suspendu et aucune faute n'a été commise. Concernant le respect des droits de la défense, Madame A. a été mise en mesure de se défendre et d'être représentée, ce qu'elle a d'ailleurs fait, et aucune faute n'a ainsi été commise. La sanction disciplinaire étant régulière en la forme, justifiée et proportionnée au fond, il n'y a pas lieu de l'annuler.
Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est non valable lorsque l'inaptitude est causée par le comportement fautif de l'employeur, notamment s'il a commis un harcèlement à l'encontre de son salarié.
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 12 JUIN 2023
En la cause de Madame A., demeurant x1 à MONACO ;
Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée B. (B.), dont le siège social se situe x2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
Visa🔗
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 20 janvier 2021, reçue le 25 janvier 2021 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 65-2020/2021 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 9 février 2021 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Madame A., en date 15 décembre 2022 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Sophie MARQUET, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. B. (B.), en date du 16 mars 2023 ;
Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice, pour Madame A., et Maître Sophie MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour la S. A. M. B. (B.), en leurs plaidoiries à l'audience du 6 avril 2023 ;
Vu les pièces du dossier ;
Motifs🔗
Madame A. a été embauchée par la société anonyme monégasque B. (ci-après B.) le 1er février 1999 en qualité d'Employée de bureau. Elle était en dernier lieu Agent commercial.
Elle était licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement par courrier du 28 novembre 2019.
Madame A. a saisi le Tribunal du travail par requête reçue le 25 janvier 2021 afin d'obtenir :
100 euros pour annulation de mise à pied du 7 août 2019,
1.500 euros de dommages et intérêts pour sanction abusive,
20.000 euros d'indemnité de licenciement (avant déduction de l'indemnité de congédiement),
85.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et conditions de travail abusives,
dire que le licenciement ne repose pas sur un motif valable, le tout avec intérêts au taux légal et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.
Par conclusions récapitulatives du 15 décembre 2022 et à l'audience de plaidoirie, Madame A. ramène ses demandes à 83 euros d'indemnité de licenciement. Elle fait valoir pour l'essentiel que :
la demande de dommages et intérêts est claire et recevable,
suite à des pressions grandissantes pendant plusieurs mois, Madame A. était placée en arrêt de travail en 2017,
elle était déclarée apte à la reprise à mi-temps thérapeutique le 5 septembre 2018, puis apte à temps plein le 5 octobre 2018 après presqu'un an d'absence,
elle subissait alors un harcèlement, constitué de sanctions injustifiées,
elle subissait une mise à pied le 7 août 2019 dont elle conteste le bienfondé,
elle était convoquée à un entretien préalable à sanction disciplinaire alors qu'elle était en arrêt de travail,
elle se voyait opposer un refus à sa demande de report,
la sanction est disproportionnée et abusive au regard des faits reprochés, le dépassement de son horaire de travail de 30 minutes deux jours consécutifs,
elle s'inscrivait dans un contexte d'acharnement, de nombreuses fautes sans gravité lui étant reprochées depuis des semaines,
l'employeur s'est focalisé sur une période d'un mois alors que Madame A. n'avait jamais fait l'objet de remarques en 20 ans de carrière,
cette sanction abusive a causé un préjudice à Madame A., dont l'employeur connaissait la fragilité psychologique,
lorsque l'inaptitude résulte directement de l'attitude de l'employeur, le licenciement ne repose pas sur un motif valable,
Madame A. a subi durant de longs mois un harcèlement,
elle a signalé les faits selon la procédure en vigueur, en saisissant le référent harcèlement le 7 octobre 2019, dénonçant des faits circonstanciés ayant débutés en 2015,
elle subissait des comportements répétés de pressions, de dénigrements et d'humiliations,
l'enquête a été menée auprès d'agents toujours en fonction qui n'ont aucun intérêt à aller contrer leur hiérarchie,
or, une retraitée témoigne de ce qu'elle subissait,
la dureté des échanges écrits démontrent la réalité des échanges verbaux,
en outre, le harcèlement moral est à l'origine de troubles psychologiques qui expliquent le comportement de Madame A.,
Madame A. subit un lourd préjudice, elle a retrouvé un emploi moins rémunérateur depuis quelques mois,
la demande de la B. au titre des frais irrépétibles est irrecevable pour ne pas avoir été soumise au préliminaire de conciliation,
elle est en outre disproportionnée et irrespectueuse.
Par conclusions récapitulatives du 16 mars 2023, la B. soulève l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts de Madame A. et sollicite le débouté de l'intégralité de ses demandes outre sa condamnation à 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
la demande globale et imprécise de Madame A. est irrecevable pour ne pas répondre à l'obligation de précision de son objet,
la mise à pied disciplinaire du 7 août 2019 de Madame A. est bien fondée,
les 27 et 28 mai 2018 elle était restée à son poste au-delà de l'horaire collectif alors que sa charge de travail ne le justifiait pas,
elle n'apportait pas de justification,
son attention était alors attirée sur son insuffisance chronique de production, couplé à des erreurs grossières,
dans les jours suivants Madame A. accumulait de nouvelles erreurs,
c'est dans ce contexte qu'elle était convoquée le 19 juillet 2019 à un entretien préalable à une éventuelle sanction,
le 24 juillet des salariés de la B. dénonçaient le comportement fautif de Madame A.,
Madame A. ne s'est pas présentée ni faite représenter à l'entretien préalable,
il était décidé d'une mise à pied d'un jour à titre de sanction du fait de l'insuffisance fautive répétée de la salariée,
un ensemble d'erreurs grossières était reproché à la salariée, et non uniquement un dépassement horaire,
aucune disposition n'interdit une convocation à entretien pendant un arrêt de travail alors que les manquements sont avérés,
la Commission de discipline a validé la sanction,
Madame A. n'a subi aucun harcèlement,
elle reconnaissait elle-même ses carences,
le blâme du 26 novembre 2018 était justifié et n'est d'ailleurs pas contesté,
l'enquête diligentée suite à la dénonciation de Madame A. a conclu à l'absence de harcèlement,
la salariée ne rapporte la preuve d'aucune action ou omission fautive,
l'élément moral n'est pas démontré, l'employeur ayant au contraire fait preuve de bienveillance tout au long de la relation de travail,
le témoignage d'une ancienne salariée est imprécis,
le quantum des dommages et intérêts sollicité n'est nullement justifié,
aucune distinction n'est faite entre les deux préjudices allégués,
le licenciement est valable au regard de l'inaptitude définitive à tout poste et de l'impossibilité de reclassement,
Madame A. a perçu une indemnité de congédiement représentant 6,08 mois de salaire et n'a dès lors pas droit à une indemnité de licenciement,
la procédure de licenciement a été respectée et la salariée a été intégralement remplie de ses droits,
Madame A. ne justifie pas de sa situation professionnelle, n'étant plus inscrite au Service de l'Emploi depuis le 6 juin 2021,
la demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles est recevable en tout état de cause,
aucune explication n'est fournie quant à la nécessité à ce que l'exécution provisoire soit ordonnée.
SUR CE,
Sur les exceptions d'irrecevabilité
La B. soutient que la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et conditions de travail abusives de Madame A. serait irrecevable pour ne pas être précise et détaillée.
En l'espèce, l'objet de la demande, seule condition exigée par l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, est bien indiqué, en sorte que la demande est recevable.
Madame A. sollicite l'irrecevabilité de la demande de la B. au titre des frais irrépétibles. Si, en application de l'article 1er de la loi n° 446, le Bureau de Jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, l'article 55 dispose que le Tribunal du travail connaît de toutes les demandes reconventionnelles. Or, en application de l'article 382 du Code de procédure civile, la demande reconventionnelle est celle qui notamment forme une défense contre la demande principale. Dès lors, la demande au titre des frais irrépétibles, qui forme une défense à la demande principale, est recevable en tout état de cause.
Sur les conditions de travail
L'employeur est tenu à une exécution de bonne foi du contrat de travail. Le salarié qui prétend qu'il aurait été victime d'agissements fautifs ou de harcèlement doit le prouver. À compter de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017, le harcèlement moral au travail se définit comme « le fait de soumettre, sciemment et par quelque moyen que ce soit, dans le cadre d'une relation de travail, une personne à des actions ou omissions répétées ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte à sa dignité ou se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale » . Auparavant, le fait de soumettre un salarié à de mauvaises conditions de travail était sanctionné sous l'angle du non-respect de la bonne foi contractuelle.
Aux termes d'un signalement harcèlement du 7 octobre 2019, Madame A. déplore les faits suivants :
des pressions depuis 2015,
la distribution et le commentaire de statistiques humiliantes jusqu'en novembre 2018,
des reproches injustifiés,
une humiliation devant la clientèle le 17 novembre 2017, ayant déclenché un burn-out et une inaptitude temporaire jusqu'au 5 septembre 2018,
la mise en place de nouveaux objectifs à atteindre dans un bref délai lors d'un entretien la veille de la reprise,
un entretien pénible quatre jours après,
une surcharge de travail,
un mail humiliant dès le 10 octobre 2018,
des remarques régulières désobligeantes du responsable pôle accueil,
une accusation injuste de dissimulation en novembre 2018 ayant donné lieu à un blâme disproportionné,
des immixtions dans sa vie privée, dans le but de l'intimider et de lui nuire,
l'absence de réaménagement de poste,
un entretien individuel annuel le 8 janvier 2019 éprouvant et déstabilisant,
le maintien de l'intérimaire en doublon à son poste marquant un manque de confiance et une volonté de remplacement définitif,
des propositions de démission moyennant indemnités décroissantes au fil des mois,
des reproches d'accomplir des dépassements horaires par conscience professionnelle,
la remise en main propre d'un courrier faisant état de griefs injustes, disproportionnés voire faux,
un acharnement pendant l'arrêt maladie débuté le 16 juillet 2019,
une convocation à entretien préalable à sanction disciplinaire avec refus de report.
L'analyse des pièces du dossier permet de retracer la chronologie suivante :
Des statistiques ont été diffusées par la hiérarchie jusqu'en 2018, avant que ce procédé ne cesse à la demande des salariés. Au-delà de la réalité matérielle de ce fait reconnu par l'employeur, aucun élément ne vient accréditer la thèse de Madame A. selon laquelle elle aurait été visée spécifiquement lors de ces diffusions. Par ailleurs, aucun élément médical ne conforte le fait que ses conditions de travail se seraient alors détériorées ni que sa santé se serait dégradée en lien avec cet événement.
En novembre 2017, il est établi que la hiérarchie de Madame A. lui a reproché de ne pas s'adresser à un client en anglais, alors qu'elle avait été formée pour le faire. Sans qu'il ne soit besoin de déterminer si la décision de la salariée de poursuivre l'échange en français était pertinente ou non, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas prouvé que la remarque lui ait été faite en public et qu'il y ait eu humiliation.
Il est établi que, la veille de sa reprise à temps complet, Madame A. a eu un entretien avec sa hiérarchie. Néanmoins, rien ne démontre que des objectifs inatteignables lui aient été astreints, ce d'autant que le compte rendu du 10 octobre, suite à entretien du 9, n'en fait pas état.
En effet, le chef du service relations clientèle lui indiquait alors :
« nous avons noté vos demandes de tolérance et d'aide afin de retrouver vos automatismes qui vous font encore défaut, suite à une absence que vous estimez assez longue pour retrouver immédiatement la totale maîtrise des fondamentaux de votre poste. ».
« en réponse, nous avons réitéré notre proposition de solliciter votre hiérarchie à tout moment opportun. Nous sommes convaincus qu'un gain en confiance et en autonomie vous permettront de réduire rapidement ce besoin d'assistance et d'accompagnement. ».
« nous vous avons par ailleurs proposé de prendre l'attache des R. H afin de trouver des formations qui pourraient contribuer à votre épanouissement professionnel. ».
« enfin, nous avons rappelé nos attentes sur les deux points fondamentaux que sont l'équité (nous avons bien noté sur ce sujet que vous avez demandé à ce que Pierre vous donne une charge de travail équivalente à celle de vos collègues) et la satisfaction client (avec une prise en charge et un délai de traitement des demandes efficaces). À vos interrogations sur le détail de vos tâches, nous vous avons invité à relire votre fiche de description d'emploi qui est représentative des attentes que nous avons. ».
« nous comptons sur vous pour vous remettre à niveau d'ici l'entretien annuel qui sera l'occasion de faire un premier bilan sur votre reprise d'activité ».
Ainsi, aucun objectif inatteignable n'est évoqué, les attentes d'équité et de satisfaction client étant le minimum qu'un employeur puisse exiger de son salarié. Par ailleurs, le délai de remise à niveau n'était pas déraisonnable, l'évaluation annuelle ayant eu lieu en janvier (et non pas un mois après la reprise).
Les objectifs analysés lors de l'évaluation annuelle étaient les suivants :
être opérationnelle sur l'ensemble des process et du métier d'agent commercial,
être capable de renseigner les clients sur toutes les offres commerciales,
être capable de traiter les demandes reçues sur B. Contact,
être capable de renseigner et assister les clients sur l'AEL et Mynexio,
ce qui ne constitue ni des objectifs inatteignables ni des objectifs nouveaux pour un agent commercial, en poste dans la société depuis 1999. Il convient par ailleurs de souligner que Madame A. n'a apporté aucune contradiction à ce mail, ni sur la teneur des échanges entre elle et sa hiérarchie, ni sur les attentes dont son employeur lui a fait part.
Si l'employeur a reconnu une « maladresse » dans la formalisation d'un entretien de reprise quelques jours après un autre entretien physique (4 puis 9 octobre 2018), ce fait unique doit être couplé à d'autres actions ou omissions pour répondre à la définition du harcèlement, dont l'élément constitutif est la répétition.
Le 26 novembre 2018, Madame A. va faire l'objet d'un blâme. Il s'inscrit dans le cadre d'une erreur de caisse commise le 24 octobre 2018, découverte le 6 novembre, et ayant fait l'objet d'investigations. Contrairement à ce que Madame A. soutient, le blâme n'est pas lié à l'erreur de caisse, mais à la dégradation de la relation de confiance liée au fait que l'erreur n'avait pas été déclarée et que les explications sur cette dissimulation n'avaient pas été satisfaisantes.
En effet, aucun élément ne confirme la version de Madame A. selon laquelle elle aurait signalé son erreur à sa hiérarchie. Au contraire, les échanges entre la Direction de la B. et la banque le 8 novembre démontrent que l'erreur venait d'être découverte et n'avait pas été signalée préalablement. Ainsi, la réaction de l'employeur était légitime et ne peut nullement s'analyser en un comportement harcelant.
Le 8 janvier 2019, Madame A. faisait l'objet d'un entretien annuel d'évaluation. Il en ressortait un niveau de satisfaction relativement faible avec 12 compétences sur 19 « à améliorer » et 2 objectifs sur 4 « non traité ».
Madame A. commentait les évaluations de la manière suivante : « J'ai été absente du service pendant 9 mois (…). À mon retour d'abord à mi-temps thérapeutique pendant 1 mois puis à temps complet j'ai dû à la demande de mon chef de service intégrer en très peu de temps les nouveaux " process " avec une réalisation pour novembre tout en étant affectée à toutes les tâches de l'accueil : réception du public et intervenant extérieur à renseigner et diriger vers les services concernés. Dans le même temps mon poste a consisté à : traitement des mails des abonnés et des nouvelles demandes, contrat, modification contrat, paiements, tenue de la caisse (…). Je précise que concernant les espèces, je dois moi-même les déposer à la banque à 5 mn à pieds, les espèces encaissées représentant des sommes importantes (…). Pour répondre à l'entente d'initiative : pour optimiser le travail de chacun et éviter la perte de temps des doublons dans le traitement des mails, il serait utile de centraliser au niveau du chef de service le dispatching des mails vers chaque agent ce qui permettra également une répartition des tâches équitables entre les différents agents ».
En synthèse, elle indiquait « J'acte l'attente de ma hiérarchie et faire mon possible pour y répondre. À ce jour une nouvelle définition et organisation des postes de travail se profile et qui devrait éclaircir les tâches pour me permettre de les effectuer dans de bonnes conditions. Je l'espère. Avec cette organisation je souhaite pouvoir désormais compter sur l'aide, et avec des directives claires et précises de mon responsable ».
Or, aucune promesse de nouvelle organisation ne lui a alors été faite, les évaluateurs pointant ses « fragilités professionnelles », l'absence de changement de ses fonctions depuis vingt ans et l'aide apportée. Il était rappelé que les directives étaient décrites dans sa fiche de poste. Au sujet de l'organisation temporaire pour les trois mois suivants, il était fait référence à l'allégement de sa charge de travail grâce à la conservation d'un renfort d'effectif.
Le maintien de cette intérimaire faisait d'ailleurs ultérieurement l'objet de vives contestations de Madame A., relayées par le syndicat du personnel de la B., et ce en contradiction totale avec les demandes d'aide et d'allégement de travail sollicitées. En effet, en maintenant une intérimaire pour seconder Madame A. d'octobre 2018 à mars 2019, l'employeur a entendu les demandes de la salariée et y a apporté une réponse adaptée. Madame A. ne pouvait dès lors reprocher à l'employeur une quelconque responsabilité dans un mal-être et des contre-performances alors qu'il n'avait fait que répondre à ses demandes et tenter de la soutenir.
Au cours des mois de mai et juin 2019, Madame A. va faire l'objet de plusieurs demandes de correction ou d'explications suite à des remontées clients :
le 29 mai elle justifiait ses dépassements horaires des 27 et 28 mai à la demande de sa hiérarchie,
le 3 juin, il lui était reproché d'avoir sollicité de la documentation inutile auprès d'un client et d'avoir traité la demande dans un délai déraisonnable,
le 6 juin, une réclamation client lui était envoyée, après sa hiérarchie, pour qu'elle communique des éléments,
le 11 juin, il lui était reproché d'avoir communiqué la procédure de recréation de mot de passe à une banque au lieu du client concerné par l'abonnement.
La lecture de ces échanges ne fait apparaître aucune invective ni aucun terme vexatoire. Quant au fait d'avoir fait remonter une des erreurs de la salariée à la hiérarchie avant de ne la saisir pour explication, il ne peut s'analyser en du harcèlement, l'information à la hiérarchie étant purement factuelle et la remontée n'ayant aucun caractère systématique.
À l'issue de ces différents échanges, Madame A. se voyait remettre un courrier de rappel à l'ordre le 13 juin 2019 listant les difficultés suivantes :
des dépassements horaires incohérents avec le nombre de transactions,
un volume de travail globalement très faible,
des allégations répétées de surcharge de travail infondées,
une insuffisance chronique,
des erreurs grossières.
Un tableau de relevé d'activité faisant apparaître un nombre d'actions clientèle, de programmation d'interventions techniques et d'encaissements très inférieur à la moyenne du service était joint. Madame A. ne contestait pas les termes de son courrier. Ce n'est qu'en octobre 2019, dans le cadre du signalement, qu'elle contestera, d'une part, la réalité de son volume de travail et, d'autre part, la gravité des erreurs. Or, concernant les erreurs, elles ressortent des différents échanges de mails. Quant à la question du volume d'activité, Madame A. n'apporte strictement aucun élément confirmant les chiffres qu'elle avance.
Dans les jours suivants le courrier de rappel à l'ordre, Madame A. recevait des e-mails de rappel des procédures suite à :
une erreur sur le titulaire de la ligne le 17 juin,
une erreur d'adresse le 19 juin,
une erreur de moment de facturation le 5 juillet,
une demande de documentation inutile le 8 juillet.
Par ailleurs, il était signalé à la hiérarchie qu'une erreur sur la caisse de Madame A. avait été décelée le 5 juillet.
Aucun de ces échanges n'était discourtois ou agressifs et Madame A. ne contestait pas les remarques qui lui étaient adressées.
Ainsi, l'arrêt de travail prescrit à compter du 16 juillet 2019 et s'inscrivant selon son médecin dans le cadre d'un trouble dépressif majeur chronique évoluant depuis deux ans que Madame A. lie à un harcèlement professionnel intense ne trouve pas sa cause dans des actions ou omissions répétées que son employeur lui aurait fait subir.
En effet, il ne ressort pas des éléments aux débats que Madame A. ait été mise sous pression, humiliée ou harcelée, l'employeur s'étant contenté d'exercer son pouvoir de direction en demandant à la salariée de corriger ses erreurs et en la rappelant à l'ordre sur son volume de travail.
En outre, au soutien de la thèse du harcèlement, Madame A. produit l'attestation d'une ancienne salariée, dont la lecture ne permet pas de témoigner de faits précis et circonstanciés. Les deux épisodes relatés ne sont pas datés. L'un est en outre contradictoire, Madame C. indiquant qu'elle était au téléphone avec Madame A. et qu'elles ont été interrompues et interpellées devant le client à plusieurs reprises, ce qu'elle n'a pu personnellement constater puisqu'elle n'était pas présente aux côtés de Madame A., raison de l'appel téléphonique. Enfin, le soutien que le syndicat du personnel de la B. lui a apporté ne témoigne pas de la réalité d'un harcèlement, mais simplement d'un support psychologique dans le rôle qui lui est dévolu.
Quant aux propositions de règlement amiable de la situation, elles ne sont pas en soi constitutives d'une faute de l'employeur, qui ne peut être présumé harceler un salarié par le simple fait de lui proposer une rupture transactionnelle. Or, les affirmations de Madame A. selon lesquelles elle aurait subi des pressions afin d'accepter cette proposition ne sont corroborées par aucun élément.
À l'issue de l'étude de l'ensemble des éléments, il n'apparaît pas que Madame A. ait été victime des faits qu'elle dénonce. Il peut d'ailleurs être rappelé que cette analyse correspond aux conclusions du rapport d'instruction du signalement pour harcèlement, enquête certes réalisée auprès de salariés liés par un lien de subordination avec l'employeur mais dont la probité ne peut être remise en cause de ce seul fait sans aucun élément probant.
Sur la sanction disciplinaire
Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour son comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail, saisi de la contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée par rapport à la faute commise.
En l'espèce, par décision du 7 août 2019, Madame A. a fait l'objet d'une mise à pied d'un jour avec privation de salaire aux motifs que :
« nous ne pouvons que confirmer les faits qui vous sont reprochés à savoir, tels qu'en attestent les relevés d'activité et les remarques de votre hiérarchie intervenus depuis le 13 juin dernier, la persistance d'une insuffisance chronique de production ainsi que des erreurs grossières dans le traitement des dossiers, et ce alors que tous les moyens vous ont été donnés à la foi en temps et en formation pour accomplir correctement vos tâches professionnelles.
L'ensemble de ces éléments, constitutifs d'une négligence fautive, se répercute directement sur la satisfaction de notre clientèle et perturbe l'organisation du Service, vos collègues étant directement impactés par l'accroissement de leur charge de travail afin de palier vos insuffisances. Aussi, ils amènent de nouveau à nous interroger sur l'usage de votre temps de travail quotidien.
Compte tenu de la persistance de ces faits, préjudiciables au bon fonctionnement de l'entreprise, nous sommes amenés à vous sanctionner. ».
Suite au recours de la salariée, la commission paritaire du personnel confirmait, le 24 septembre 2019, la sanction prononcée, par 6 voix pour, 3 voix contre et 1 abstention.
Concernant le fond, comme précédemment analysé, suite à différentes erreurs et un constat de volume de travail insuffisant, non contestés par la salariée, elle avait fait l'objet d'un rappel à l'ordre le 13 juin 2019.
Postérieurement, il lui était reproché cinq nouvelles erreurs entre le 17 juin et le 8 juillet. L'employeur décidait alors de la convoquer à un entretien disciplinaire, par courrier du 19 juillet pour le 5 août, indiquant que, malgré le rappel à l'ordre, des erreurs persistaient.
Au cours de la procédure disciplinaire, trois salariés adressaient à l'employeur un courrier faisant état de doléances à l'encontre de Madame A., libellés ainsi :
« nous visons par son comportement, une situation qui nous empêche de réaliser correctement notre travail individuel et où tous les efforts collectifs afin de faire évoluer le pôle et apporter plus de services aux clients sont discrédités en interne comme en externe »,
« nous sommes contraints au quotidien de récupérer sa charge de travail, rattraper ses erreurs, combler ses absences et en conséquence réorganiser notre service »,
« nous avons pleinement conscience qu'il y a des moments dans la vie plus difficile que d'autres mais son manque d'implication, d'écoute et de respect à notre encontre, son incapacité à respecter les règles, son incompréhension, perturbent le bon fonctionnement et la cohésion du service ».
Ainsi, le cumul d'erreurs objectives (reconnues par la salariée comme l'atteste les déclarations du délégué syndical la représentant lors de la commission paritaire) et la perturbation du bon fonctionnement de l'entreprise (déploré par trois salariés dont la probité ne peut être remise en question sans aucun élément de preuve) constituaient bien une insuffisance fautive comme l'a justement apprécié l'employeur.
Concernant la sanction prononcée, elle s'apprécie au regard de la gravité de la faute, mais également des antécédents disciplinaires. Or, Madame A. avait fait l'objet d'un blâme quelques mois auparavant. Dès lors, le prononcé d'une sanction aggravée suite à la réitération d'un comportement fautif était justifié.
Concernant la forme, Madame A. reproche à son employeur d'avoir conduit la procédure disciplinaire alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail. Il est en effet établi que, tant lors de l'entretien préalable, que lors de la commission paritaire, Madame A. était en arrêt et a formulé plusieurs demandes de report, rejetées par son employeur.
À la lecture des courriers adressés par le syndicat du personnel de la B. et le délégué syndical ayant assisté la salariée au cours de la procédure, il est reproché un non-respect des dispositions statutaires (statut du personnel de la B.). Or, ce document n'est pas communiqué.
Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'il y ait eu violation desdites dispositions.
Concernant les dispositions de l'article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, qui prévoit la suspension du contrat de travail pendant une durée limitée à six mois en cas de maladie ou d'accident, il n'a pour objet que de suspendre toutes les décisions qui pourraient avoir trait à la maladie du salarié. Ainsi, un licenciement causé par la maladie est prohibé. Or, en l'espèce, la sanction n'est pas liée à la maladie de Madame A., mais causée par le comportement fautif au cours de la
relation de travail. Dans ces conditions, le pouvoir disciplinaire de l'employeur n'était pas suspendu et aucune faute n'a été commise.
Concernant le respect des droits de la défense, Madame A. a été mise en mesure de se défendre et d'être représentée, ce qu'elle a d'ailleurs fait, et aucune faute n'a ainsi été commise.
La sanction disciplinaire étant régulière en la forme, justifiée et proportionnée au fond, il n'y a pas lieu de l'annuler. La demande de dommages et intérêts sera en conséquence rejetée.
Pour ces raisons, elle ne peut s'analyser en un harcèlement que l'employeur aurait commis au cours de la période d'arrêt maladie de la salariée. En outre, comme en atteste les pièces médicales, la dégradation de l'état de santé de Madame A. préexistait à cette situation et le lien de causalité ne pourrait être établi.
Sur le licenciement
Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est non valable lorsque l'inaptitude est causée par le comportement fautif de l'employeur, notamment s'il a commis un harcèlement à l'encontre de son salarié.
Or, en l'espèce, il n'est établi aucun comportement harcelant ou soumission à de mauvaises conditions de travail en sorte que le licenciement (fondé sur une impossibilité de reclassement non contestée) est valable.
En conséquence Madame A. sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Sur les autres demandes
Madame A. succombant, elle sera condamnée aux entiers dépens.
Il convient en outre de la condamner à verser à la B. une somme qu'il est équitable de fixer à 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Rejette la demande d'irrecevabilité de la B. (B.) au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et conditions de travail abusives de Madame A. ;
Rejette la demande d'irrecevabilité de la demande de la société anonyme monégasque B. (B.) au titre des frais irrépétibles ;
Rejette l'intégralité des demandes de Madame A. ;
Condamne Madame A. aux entiers dépens ;
Condamne Madame A. à verser à la B. (B.) la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre des frais irrépétibles ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Bernard HERNANDEZ et Jean-Sébastien FIORUCCI, membres employeurs, Messieurs Hubert DUPONT-SONNEVILLE et Benjamin NOVARETTI, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le douze juin deux mille vingt-trois.