Tribunal du travail, 12 mai 2023, Monsieur j. dA. c/ La société anonyme monégasque dénommée B.

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Abstract🔗

Salaire – Principe d'égalité de traitement – Conditions – Discrimination (non)

Contrat de travail – Astreintes – Qualification (non)

Père de famille – Congé supplémentaire – Défaillance probatoire (oui)

Salarié – Maladie – Délai de carence – Discrimination (non)

Résumé🔗

Monsieur j. dA. employé au sein de la B. en qualité de Caissier Cage au sein du Casino du C. se plaint d'une discrimination salariale relativement à la rémunération des caissiers du Casino de D. Il fonde sa demande sur le principe d'égalité de traitement, applicable tant en vertu de l'article 2-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, que de l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques fait à New York le 16 décembre 1966 et rendu exécutoire en Principauté de Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 13.330 du 12 février 1998. En application du principe « à travail égal, salaire égal », l'employeur est tenu d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés de son entreprise qui, placés dans des conditions identiques, accomplissent un même travail ou un travail de valeur égale. Conformément aux dispositions de l'article 1162 du Code civil, il incombe ainsi au salarié, qui invoque une atteinte à ce principe, de présenter au Juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, à charge pour l'employeur, si la disparité alléguée apparaît suffisamment caractérisée, d'établir que cette différence est justifiée par des éléments objectifs. En l'espèce, il n'est pas contesté qu'il existe une différence de rémunération entre les caissiers C. et du E. Casino d'une part et ceux exerçant au sein du Casino de D. d'autre part. Il convient dès lors d'apprécier si l'employeur rapporte la preuve, qui lui incombe, de ce que la disparité de traitement est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination. En l'espèce, le niveau de responsabilité et d'engagement entre les caissiers du Casino de D. et ceux du C. est ainsi différent. Les caissiers du C. n'ont ni pouvoir de décision, ni latitude d'appréciation. Dans ces conditions, l'employeur, qui rémunère plus les salariés disposant d'un pouvoir de décision seul, engageant la société dans une proportion bien plus importante, justifie la disparité qu'il opère. La demande de Monsieur j. dA. au titre de l'inégalité de traitement sera en conséquence rejetée.

Aux termes de l'article 1er de la loi n° 677 du 2 décembre 1959, la durée légale du temps de travail est fixée à 39 heures par semaine. Parallèlement, le salarié peut être soumis à des périodes d'astreinte. Elles se définissent comme des périodes pendant lesquelles le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. Dans la mesure où le salarié peut, lorsqu'il est dans l'attente d'une demande d'intervention éventuelle, vaquer librement à des occupations personnelles, les temps d'astreinte ne constituent pas du temps de travail effectif et ne sont pas rémunérés comme tel. Aux termes de la Convention Collective Générale des Salariés B. hors-jeux de table ne relevant pas de la Convention Collective de l'Hôtellerie, la durée du travail est conventionnellement fixée à 39 heures par semaines civiles. Un régime d'astreinte est institué. Monsieur j. dA. soutient accomplir des périodes d'astreinte et n'avoir jamais été rémunéré conformément aux dispositions de la Convention Collective. Aux termes de l'article 7.6 de la procédure Cage « Casino C. », applicable à tous les caissiers, « le caissier de disposition prévu sera appelé pour pallier cette absence. Il est rappelé que le caissier de disposition doit être joignable ½ h avant et ½ h après le début de chaque service pour pouvoir se rendre à la caisse dans les meilleurs délais ». Préalablement, il doit être constaté que ces dispositions diffèrent de celles prévues au titre des astreintes par la Convention Collective. En effet, la procédure particulière de « caissier de disposition » n'implique qu'une disponibilité temporaire (avant et après le service dans un créneau d'une demi-heure), alors que l'astreinte institue une obligation générale de disponibilité tout au long de sa période et une obligation de se rendre au service dans un délai de deux heures. Cette organisation du temps de travail effectif est d'ailleurs confirmée par le fait qu'en cas de non présentation suite à une demande de l'employeur lors d'une journée « de disposition », l'absence soit considérée comme injustifiée et donne lieu à non-paiement du salaire. Les journées « de disposition » correspondant à du temps de travail effectif, la demande de Monsieur j. dA. au titre du paiement d'astreintes sera en conséquence rejetée.

Monsieur j. dA. sur le fondement de la discrimination salariale, revendique le droit à congé payé supplémentaire en sa qualité de père de famille. Aux termes de l'article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 « Les mères de familles salariées ou apprenties bénéficient, pour chaque enfant à charge, d'un jour ouvrable de congé supplémentaire, sans que ce congé ne puisse excéder cinq jours (...) . Est réputé enfant à charge, l'enfant qui vit au foyer s'il est âgé de moins de seize ans au 30 avril de l'année en cours ». Monsieur j. dA. sur lequel la charge de la preuve de sa revendication repose, ne justifie ni être père de famille, ni d'un enfant vivant au foyer, ni âgé de moins de seize ans au 30 avril des années de sa demande. Dans ces conditions, il sera débouté de sa demande.

Monsieur j. dA. sur le fondement du principe d'égalité de traitement précédemment rappelé, revendique le droit à absence de jour de carence en cas d'absence maladie. Si la règle d'égalité de traitement s'applique à tous les avantages dont bénéficient les salariés, encore faut-il qu'ils soient placés dans une situation identique. Or, en l'espèce, il n'y a rien de commun entre les cadres du personnel hôtelier et les caissiers. En outre, la discrimination s'apprécie dans sa globalité. Extraire un avantage spécifique, sans analyser si, de manière générale au regard des différences de statuts et de Conventions Collectives, les salariés des caisses ne bénéficient pas de conditions de travail par ailleurs globalement plus avantageuses que celles du personnel hôtelier, ne permet pas de déterminer la réalité d'une discrimination. Enfin, les dispositions contestées par le salarié relèvent de la libre négociation collective. Dans ces conditions, la demande de Monsieur j. dA. afin de bénéficier d'une absence de délai de carence en cas de maladie sera rejetée.


TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 12 MAI 2023

En la cause de Monsieur j. dA., demeurant x1 à BEAUSOLEIL (06240) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Ludiwine AUBERT, avocat en ce même barreau ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B., dont le siège social se situe x2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

Visa🔗

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 5 avril 2018, reçue le 9 avril 2018 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 73-2017/2018 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 12 juin 2018 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur j. dA. en date du 6 février 2023 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. B. en date du 10 novembre 2022 ;

Après avoir entendu Maître Ludiwine AUBERT, avocat au barreau de Nice, substituant Maître Delphine FRAHI, avocat en ce même barreau, pour Monsieur j. dA. et Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour la S.A.M. B. en leurs plaidoiries à l'audience du 23 février 2023 ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs🔗

Monsieur j. dA. a été embauché en qualité de Caissier par la société anonyme monégasque B. (ci-après B.) le 2 juillet 1984. Il exerce son activité au sein du Casino C. Il a été promu Caissier Cage au 1er trimestre 2016.

Il est soumis à la Convention Collective Générale des Salariés B. hors-jeux de table, ne relevant pas de la Convention Collective de l'Hôtellerie.

S'estimant victime d'une disparité de salaire avec les Caissiers S.F.E., ainsi que d'autres discriminations, Monsieur j. dA. a saisi le Tribunal du travail par requête reçue le 9 avril 2018 afin d'obtenir :

1/ Sur l'exécution du contrat de travail

  • dire et juger que le contrat de travail n'a pas été exécuté de bonne foi,

  • qualifier d'astreintes tous les temps où le salarié est tenu de demeurer à la disposition de l'employeur, et ce quel que soit la dénomination utilisée sur les fiches de planning,

  • ordonner le paiement de ces astreintes conformément aux dispositions de la Convention Collective Générale des Salariés B. hors-jeux de table ne relevant pas de la Convention Collective de l'Hôtellerie,

  • constater l'inégalité de traitement salarial et la violation par la B. du principe « à travail égal, salaire égal »,

  • ordonner pour l'avenir l'alignement salarial au salaire minimum versé aux salariés du Casino D. en vertu dudit principe,

  • accorder au père de famille le bénéfice des dispositions de l'article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, qui accorde un jour ouvrable de congé supplémentaire par an pour chaque enfant à charge, en vertu du principe de non-discrimination en matière salariale visé notamment à l'article 2.1 de la loi n° 739,

  • dire et juger qu'il existe une inégalité de traitement en matière de jour de carence en cas de maladie entre Monsieur j. dA. Cadre de statut B. et les Cadres de statut Hôtelier et ordonner pour l'avenir l'alignement sur le régime des cadres de statut hôtelier,

  • ordonner une expertise avant-dire-droit aux fins de chiffrer, rétroactivement et dans les limites de la prescription quinquennale les rappels de salaire, d'accessoires et tous les droits y afférents (cotisations retraite, ancienneté...) résultant de la violation dudit principe,

  • désigner tel expert-comptable qu'il plaira aux fins de conduire les opérations d'expertise, avec possibilité de s'adjoindre tout sapiteur de son choix aux fins de :

  • se faire communiquer par les parties tous les documents et pièces qu'il estimera nécessaires et utiles, et notamment tous les bulletins de paie délivrés par la B. à un employé exerçant les mêmes fonctions que Monsieur j. dA. au Casino D.

  • déterminer le montant de la rémunération et des accessoires de celle-ci (salaire minimum - indemnités de congés payés - indemnités journalières maladie - heures supplémentaires - cotisations retraites - etc.) que Monsieur j. dA. a effectivement perçus de son employeur durant la période non prescrite allant de mai 2016 à la date de la présente saisine,

  • déterminer le montant de la rémunération et des accessoires de celle-ci (salaire minimum - indemnités de congés payés - indemnités journalières maladie - heures supplémentaires - cotisations retraites - etc.) auxquelles Monsieur j. dA. est en droit de prétendre au cours de la même période, sur la base du salaire minimum garanti versé par la B. aux employés exerçant les mêmes fonctions au sein du Casino D.

  • fixer, compte tenu des rémunérations et accessoires ci-dessus énumérées effectivement versées à Monsieur j. dA. par la B., le montant des sommes dues à ce dernier par son employeur,

  • déterminer le montant de l'indemnité compensatrice de congés dus à Monsieur j. dA. au titre de sa qualité de « père de famille »,

  • de manière générale de faire toutes les observations utiles à la solution du présent litige,

  • dire et juger que préalablement au dépôt du rapport d'expertise, l'expert devra adresser un pré-rapport aux parties, lesquelles, dans les quatre semaines de la réception, lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport définitif ; instruire le cas échéant les dires des parties, fournir tous renseignements et avis techniques utiles en rapport avec les chefs de mission ci-dessus,

  • accorder, à titre provisionnel et au titre des rappels de salaire sur l'alignement salarial, la somme d'ores et déjà chiffrée dans la présente saisine :

Condamner l'employeur au paiement de :

  • rappels de salaire au titre des astreintes : 8.613 euros brut,

  • à titre de provision sur les rappels de salaire : 41.251 euros brut,

  • indemnité compensatrice de congés payés : 1.272,20 euros brut,

  • dommages et intérêts : 10.000 euros brut,

2/ Autres demandes

  • régularisation de l'ensemble des bulletins de salaire,

  • régularisation de la situation auprès de l'ensemble des Organismes Sociaux,

  • exécution provisoire du jugement à intervenir,

  • frais et dépens (pour mémoire),

  • intérêts au taux légal sur l'ensemble des sommes à compter des présentes.

À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par conclusions récapitulatives du 6 février 2023, Monsieur j. dA. sollicite de :

  • ordonner une expertise avant-dire-droit aux fins de chiffrer, rétroactivement et dans la limite de la prescription quinquennale les rappels de salaire, d'accessoires et tous les droits y afférents (cotisations retraite, ancienneté...) résultant de la violation dudit principe, de non-discrimination et du non-paiement des astreintes,

  • désigner tel expert-comptable qu'il plaira aux fins de conduire les opérations d'expertise, avec possibilité de s'adjoindre tout sapiteur de son choix aux fins de :

  • se faire communiquer par les parties tous les documents et pièces qu'il estimera nécessaires et utiles, et notamment tous les bulletins de paie délivrés par la B. à un employé exerçant les mêmes fonctions que Monsieur j. dA. au Casino D.

  • déterminer le montant de la rémunération et des accessoires de celle-ci (salaire minimum - indemnités de congés payés - indemnités journalières maladie - heures supplémentaires - cotisations retraites - etc.) que Monsieur j. dA. a effectivement perçus de son employeur durant la période non prescrite allant de mai 2016 à la date de la présente saisine,

  • déterminer le montant de la rémunération et des accessoires de celle-ci (salaire minimum - indemnités de congés payés - indemnités journalières maladie - heures supplémentaires - cotisations retraites - etc.) auxquelles Monsieur j. dA. est en droit de prétendre au cours de la même période, sur la base du salaire minimum garanti versé par la B. aux employés exerçant les mêmes fonctions au sein du Casino D.

  • fixer, compte tenu des rémunérations et accessoires ci-dessus énumérées effectivement versées à Monsieur j. dA. par la B., le montant des sommes dues à ce dernier par son employeur,

  • déterminer le montant de l'indemnité compensatrice de congés dus à Monsieur j. dA. au titre de sa qualité de « père de famille »,

  • de manière générale de faire toutes les observations utiles à la solution du présent litige,

  • dire et juger que préalablement au dépôt du rapport d'expertise, l'expert devra adresser un pré-rapport aux parties, lesquelles, dans les quatre semaines de la réception, lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport définitif ; instruire le cas échéant les dires des parties, fournir tous renseignements et avis techniques utiles en rapport avec les chefs de mission ci-dessus,

Dans l'attente des résultats de la mission d'expertise

  • accorder dès à présent et à titre provisionnel au titre des rappels de salaire sur les différents chefs de demande allégués, les sommes suivantes :

  • rappels de salaire au titre des astreintes : 8.613 euros brut,

  • à titre de provision sur les rappels de salaire : 41.251 euros brut,

  • indemnité compensatrice de congés payés : 1.272,20 euros brut,

  • condamner la B. au paiement de ces sommes,

  • dire et juger que la B. a fait preuve d'une mauvaise foi manifeste et d'une résistance abusive,

  • condamner la B. à payer à Monsieur j. dA. la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts,

  • condamner la B. à payer à Monsieur j. dA. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

  • prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

  • dire et juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation,

  • réserver les dépens.

Il fait valoir pour l'essentiel que :

Sur l'inégalité de traitement salarial

  • les textes internationaux et nationaux prévoient la rémunération égale d'un travail identique,

  • la disparité de traitement n'est justifiée que si elle repose sur des éléments objectifs,

  • Monsieur j. dA. exerce un travail a minima identique, égal ou de valeur égale aux caissiers S.F.E. du Casino, mais perçoit une rémunération moindre,

  • le salaire indiciaire correspondant à l'emploi et aux fonctions de Monsieur j. dA. est au niveau 19 de la Convention Collective Générale des Salariés B. hors-jeux de table ne relevant pas de la Convention Collective de l'Hôtellerie sous l'intitulé « caissier Cage US »,

  • or, les « caissiers S.F.E. » au Casino se voient accorder le niveau 26, soit un salaire brut mensuel de 557 euros brut de plus que Monsieur j. dA.

  • aucun élément tangible n'explique cette différence de traitement, qui s'analyse en une discrimination,

  • les explications de la B. ne sont pas probantes,

  • celle selon laquelle les « caissiers S.F.E. » exerceraient des fonctions au nom de la Société Financière et d'Encaissement, société tierce, nécessitent la production d'éléments permettant de vérifier comment un salarié de la B. pourrait se voir déléguer des fonctions au nom et pour le compte d'une autre société,

  • la B. ne démontre en outre pas en quoi les fonctions de « caissiers S.F.E. » présenteraient des spécificités,

  • elle ne prouve pas que les « caissiers S.F.E. » accomplissent des missions de gestion de compte, toutes les autorisations de découvert étant gérées par le Directeur de la S.F.E., indépendamment du lieu de l'établissement,

  • tous les caissiers sont en outre à même d'accorder des remises commerciales,

  • les « caissiers S.F.E. » n'ont pas plus de pouvoir de décision que les caissiers du Casino C.

  • ils ne sont ni en charge du marketing, ni du compliance,

  • la B. ne rapporte pas la preuve des tâches supplémentaires prétendument assumées par les « caissiers S.F.E. »,

  • les fiches de poste produites par la B. ne sont pas opposables à Monsieur j. dA. n'étant ni datées ni signées,

  • la procédure « Cage Casino C. » démontre que Monsieur j. dA. accomplit des fonctions de front-office mais également de back-office,

  • les caissiers « Cage C. » ne sont nullement sous la direction et le contrôle des « caissiers S.F.E. » du Casino mais rendent compte au Directeur et à l'adjoint de la S.F.E. Casino,

  • outre leurs tâches opérationnelles, ils managent et remplacent les caissiers contrôleurs,

  • l'ensemble des caissiers est soumis à la même hiérarchie et aux mêmes directives,

  • ils utilisent des procédures et outils similaires,

  • les postes sont permutables, certains collègues étant affectés à la caisse S.F.E. du Casino sans formation,

  • Monsieur j. dA. est en droit de prétendre à un salaire de 3.509 euros, coefficient 26,

  • cela correspond au salaire de base initial, qui doit être redécomposé,

  • l'attribution d'un coefficient inférieur générant un manque à gagner mensuel s'est répercutée sur le calcul des primes et autres droits,

  • elle l'a privé de ses droits en matière d'ancienneté, de cotisations retraite, etc...,

  • la complexité à faire chiffrer le manque à gagner impose le recours à un expert,

Sur le non-paiement des astreintes

  • Monsieur j. dA. est soumis à un régime d'astreinte, de jour ou de nuit, aux termes de la Convention Collective, qui en fixe la rémunération,

  • le personnel d'astreinte doit demeurer joignable et à proximité et est appelé lorsqu'un remplacement doit être effectué,

  • en cas d'absence imprévue d'un salarié, ce sont bien ses collègues d'astreinte qui sont sollicités,

  • Monsieur j. dA. n'a jamais perçu la moindre rémunération pour les 117 astreintes qu'il a réalisées depuis 2015,

  • le montant provisionnel est à parfaire par expertise au regard des plannings d'astreintes établis depuis l'introduction de la cause en justice,

Sur l'octroi d'un congé supplémentaire au père de famille

  • l'article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 octroie un jour de congé supplémentaire par an et par enfant à charge aux mères de famille,

  • le principe de non-discrimination impose que ce jour de congé supplémentaire soit accordé indifféremment au père ou mère selon celui qui a la charge de cet enfant,

  • ce principe de non-discrimination est inscrit dans l'ordonnancement juridique aux termes de la Constitution et des engagements internationaux,

  • la loi viole le principe de non-discrimination lié au sexe, le critère d'octroi du jour de congé étant la qualité de femme,

  • elle viole en outre le principe de non-discrimination en matière salariale, les congés payés constituant des éléments de rémunération,

  • les pères ont la charge de leurs enfants dès lors qu'ils résident habituellement chez lui et qu'il en assure la charge d'entretien et d'éducation,

  • Monsieur j. dA. étant père d'un enfant né en 2003, il est en droit d'obtenir l'attribution d'un jour de congé payé supplémentaire par an, soit cinq jours sur cinq ans,

Sur l'égalité de traitement des jours de carence en cas de maladie

  • les cadres du statut hôtelier ne subissent aucun délai de carence en cas de maladie ou d'accident du travail ou de trajet,

  • cette disposition favorable n'est pas appliquée aux cadres du statut B., qui sont indemnisés par le fonds social qui n'indemnise pas le 1er jour de maladie et limite l'indemnisation à hauteur de 110 euros par jour pour les 2ème et 3ème jours,

  • cette différence de traitement est discriminatoire et nullement justifiée,

Sur les dommages et intérêts

  • en privant le salarié de sa véritable rémunération, la B. a manqué à son obligation de bonne foi,

  • la violation du principe à travail égal, salaire égal justifie à elle seule l'octroi de dommages et intérêts,

  • la B. a résisté à accorder au salarié ses droits, malgré ses multiples demandes,

Sur les autres demandes

  • Monsieur j. dA. a assumé des frais de procédure importants qui doivent être pris en charge par la B.,

  • l'exécution provisoire est nécessaire afin de lui permettre de retrouver un niveau de vie correct.

Par conclusions récapitulatives du 10 novembre 2022, la B. sollicite de :

  • dire et juger que le demandeur n'établit pas qu'il serait victime d'une discrimination salariale,

  • dire et juger que la B. n'a pas violé le principe « à travail égal, salaire égal »,

  • dire et juger que la demande de rappels de salaire à titre d'astreinte est mal fondée,

  • dire et juger que la demande d'attribution de jour de congé payé supplémentaire par enfant à charge ne saurait prospérer, et qu'en tout état de cause, la B. ne saurait être condamnée rétroactivement de ce fait,

  • dire et juger qu'il n'existe pas de différence de traitement injustifiée entre les Cadres dits HBS et les Cadres Jeux de la B.,

  • dire et juger que la B. n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de travail du demandeur,

  • débouter le demandeur de toutes ses fins, demandes et conclusions,

  • condamner le demandeur à verser à la B. la somme de 4.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

  • condamner Monsieur j. dA. aux entiers dépens de l'instance ainsi que tous frais et accessoires, tels que frais de greffe et d'enregistrement, frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traduction éventuels, dont distraction au profit de sous son affirmation de droit.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

Sur l'égalité de salaire

  • la rémunération égale n'est assurée qu'entre les employés de l'entreprise qui, placés dans des conditions identiques, accomplissent un même travail ou un travail de valeur égale,

  • il appartient au salarié qui se prétend victime d'une atteinte à ce principe de présenter au Juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération,

  • il doit apporter des éléments précis et concrets de nature à établir que le travail qu'il accomplit est égal ou de valeur égale à celui qu'effectue un collègue clairement désigné disposant d'un niveau de connaissances professionnelles, de qualification et de responsabilité comparables au sien,

  • les fonctions de caissier dit S.F.E. au Casino de D. recoupent des périmètres et responsabilités différents des fonctions de Monsieur j. dA.

  • les caissiers Cage n'ont aucun pouvoir de décision, de gestion ou de contrôle,

  • s'ils interviennent auprès des clients S.F.E. qui se présentent à leur guichet, ils n'interviennent pas sur la gestion de leurs comptes (négociation pour les autorisations de crédits, remise etc...),

  • les caissiers S.F.E. ont quant à eux comme mission principale le contrôle et la gestion des comptes clients,

  • ils sont les seuls à pouvoir accorder des extensions de crédit,

  • ils font le lien avec le service Back-Office avec toutes les procédures de conformité « compliance » et de vigilance « due diligence »,

  • ils procèdent au suivi de la procédure « KYC »,

  • ils pilotent la gestion des comptes clients,

  • les missions limitées de back-office exercées par les caissiers Cage le sont sous la supervision des caissiers S.F.E. et de leur hiérarchie,

  • la vision arithmétique du nombre de tâches accomplies ne répond pas à la définition du travail égal ou de valeur égale,

  • les accès aux différents logiciels S.F.E. ne sont pas les mêmes entre les caissiers S.F.E. et les caissiers Cage,

  • les caissiers Cage ayant pu exercer les fonctions de caissiers S.F.E. ont pu constater l'absence de similitudes entre les fonctions,

  • le salarié ne se compare à aucun caissier S.F.E. nommément désigné, de sorte qu'aucun examen individualisé de sa situation, condition requise en la matière, ne peut être fait,

  • il ne communique aucun élément permettant une comparaison de rémunération,

  • la prise en compte d'un salaire indiciaire ne peut être une référence valable,

  • en effet, c'est la totalité de la rémunération qu'il convient de prendre en compte et non seulement une partie de celle-ci comparée à une partie de la rémunération des autres salariés exerçant des fonctions identiques,

  • il convient par ailleurs de tenir compte des spécificités de chaque salarié quant à son expérience, ses qualifications, etc...,

  • le salarié n'explique pas la méthode de calcul lui ayant permis de fixer la somme qu'il réclame, rendant impossible la vérification du bien-fondé de sa demande,

  • la demande de désignation d'un expert n'a pour but que de pallier sa carence dans l'administration de la preuve,

Sur les astreintes

  • Monsieur j. dA. ne produit aucune pièce démontrant l'existence des astreintes qu'il revendique,

  • il n'existe pas d'astreinte au sein du service des Caisses,

  • les jours de repos dispos ne sont pas des astreintes,

  • il s'agit de jours de travail au cours desquels les salariés sont dispensés de se rendre sur leur lieu de travail,

  • ils sont alors autorisés à rester chez eux dans la mesure où l'effectif présent en salle est suffisant à assurer le fonctionnement de l'établissement, mais ils auraient dû se trouver à leur poste,

  • en cas d'absence d'un salarié, il est demandé à un salarié en disponibilité d'assurer son remplacement, non au titre d'une sujétion supplémentaire, mais dans le cadre de l'exécution normale de son contrat de travail, sur son temps de travail rémunéré,

  • ils concernent les salariés qui n'effectuent pas 39 heures hebdomadaires sur les quatre jours travaillés mais qui sont néanmoins payés sur la base d'un horaire à temps plein, outre les majorations éventuelles,

  • les plannings démontrent qu'aucun salarié ne réalise 39 heures hebdomadaires,

Sur le congé supplémentaire père de famille

  • la B. se conforme à l'article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956,

  • il n'appartient pas à l'employeur, pas plus qu'au Tribunal du travail, de juger de la constitutionnalité et de la conventionalité des lois,

  • la B. applique en toute bonne foi la loi,

  • elle ne saurait être tenue à un quelque rattrapage de droit ou de salaire sur ce point,

Sur les jours de carence en cas de maladie

  • l'inégalité de traitement alléguée n'est pas liée avec la rémunération perçue en contrepartie des fonctions exercées,

  • la comparaison opérée par le salarié n'est pas pertinente,

  • compte tenu de la disparité des postes afférents aux activités de jeux et d'hôtellerie, il est apparu nécessaire d'adapter les situations contractuelles et conventionnelles des salariés,

  • il n'est pas de la responsabilité de l'employeur de pallier la carence des syndicats représentants les cadres des jeux qui n'ont pas entendu négocier le même type d'accord que ceux représentants les cadres de l'hôtellerie,

Sur les autres demandes

  • les demandes du salarié étant infondées il n'y a pas lieu à allocation de dommages et intérêts,

  • il ne justifie pas de sa demande au titre des frais irrépétibles,

  • la B. a en revanche dû exposer des frais de défense de ses intérêts.

SUR CE,

Sur l'égalité de traitement

Monsieur j. dA. employé au sein de la B. en qualité de Caissier Cage au sein du Casino C. se plaint d'une discrimination salariale relativement à la rémunération des Caissiers du Casino de D.

Il fonde sa demande sur le principe d'égalité de traitement, applicable tant en vertu de l'article 2-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, que de l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques fait à New York le 16 décembre 1966 et rendu exécutoire en Principauté de Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 13.330 du 12 février 1998.

En application du principe « à travail égal, salaire égal », l'employeur est tenu d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés de son entreprise qui, placés dans des conditions identiques, accomplissent un même travail ou un travail de valeur égale.

Conformément aux dispositions de l'article 1162 du Code civil, il incombe ainsi au salarié, qui invoque une atteinte à ce principe, de présenter au Juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, à charge pour l'employeur, si la disparité alléguée apparaît suffisamment caractérisée, d'établir que cette différence est justifiée par des éléments objectifs.

En l'espèce, il n'est pas contesté qu'il existe une différence de rémunération entre les caissiers C. et du E. Casino d'une part et ceux exerçant au sein du Casino de D. d'autre part.

Elle est corroborée par l'octroi d'une rémunération plus importante aux caissiers C. lors de leur transfert comme caissiers du Casino.

Par ailleurs, les salariés comparés sont tous caissiers et recoupés dans l'organisation de la B. sous le vocable « S.F.E. ». Ils peuvent être amenés à évoluer au sein du E. Casino et du Casino C. d'une part et au sein du Casino de D. d'autre part sans conditions d'ancienneté ou de formation particulière, comme le démontre le transfert de Monsieur d. F.

Il convient dès lors d'apprécier si l'employeur rapporte la preuve, qui lui incombe, de ce que la disparité de traitement est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.

Dans ces conditions, la demande de production de pièces justificatives est sans objet, la B. s'exposant aux conséquences de sa défaillance.

En l'absence de fiches de poste, il peut être reporté à la procédure Cage Casino C. afin de déterminer les missions des caissiers.

Ils relèvent de l'autorité du Chef de service de la caisse et, en son absence, du Chef de Département des caisses S.F.E. et du Directeur de la S.F.E.

Ils ont pour missions générales :

  • la vérification des cash, change, alimentation en billets,

  • la responsabilité des coffres, jetons, devises et recettes,

  • la préparation de la remise de chèques,

  • l'enregistrement des chèques,

  • la préparation des dépôts d'espèces,

  • la gestion des opérations avec les tables.

Sur la caisse VIP, ils ont également des missions spécifiques.

Cette caisse concerne les clients S.F.E. qui disposent d'une facilité (autorisation d'avance) auprès de la caisse, ceux qui ont effectué un dépôt ou virement et les clients d'importance désireux de procéder à un tirage sur carte bancaire plus discret sur la caisse VIP.

Les diverses opérations consistent aux paiements d'avances, encaissements de remboursement ou de dépôt, tirages sur carte bancaire ainsi que toutes opération en plaques, jetons et espèces liées à cette caisse. La procédure d'enregistrement des nouveaux clients est également prévue, avec transmission au Chef de Département pour vérification des risques cachés.

Au sujet plus particulièrement des avances, elles concernent les clients bénéficiant d'autorisation. Le caissier peut être amené à gérer d'éventuels dépassements d'autorisation sous certaines conditions :

  • lorsque le cas s'est déjà présenté sans que cela n'ait généré de problème particulier, dans une limite de 5.000 euros, sur validation du responsable de caisse,

  • s'il s'agit également, d'un nouveau cas de dépassement, il doit interroger au préalable le responsable de caisse, voire le Chef de Département ou le Directeur de la S.F.E.

La lecture des différents mails produits par le demandeur permet de confirmer que les caissiers C. ont accompli les tâches suivantes :

  • remises de chèques,

  • ordres de virements,

  • création de comptes clients,

  • gestion des bons de remise clients dont la liste avait été adressée par le responsable de la Caisse C.

Aux termes de sa correspondance du 22 décembre 2016, la B. a listé un certain nombre de tâches qui ne seraient accomplies que par les Caissiers du Casino de D. et qui justifieraient une différence de rémunération.

Il s'agissait :

  • du paiement de commissions, remises, honoraires d'avocats, remboursement de billets, cadeaux,

  • du montage des dossiers clients,

  • de la gestion de la clientèle aisée,

  • de la négociation des gros crédits,

  • de la collaboration avec la Direction Générale et la Direction des Services Juridiques pour la comptabilité et le marketing,

  • des enquêtes clients.

La B. ne produit aucun justificatif de la réalité et l'effectivité de l'accomplissement de telles missions par les caissiers affectés au Casino de D. Elle procède par voie d'affirmation sans apporter de fiche de poste, de procédures, circulaires, consignes remises aux caissiers du Casino de D. ni même d'éléments matérialisant leurs tâches.

Dans le cadre de ses écritures, la B. soutient que les caissiers du Casino de D. auraient des responsabilités plus importantes, au titre desquelles :

  • la gestion des comptes clients (négociation pour les autorisations de crédit, remise...),

  • l'octroi d'extension de crédit,

  • le lien avec le service Back-Office pour les procédures de conformité et de vigilance,

  • le suivi de la procédure « KYC »,

  • des accès différents au logiciel.

La seule différence d'accès informatique, en outre démontrée pour une période postérieure à l'introduction du litige, ne démontre pas l'accomplissement de travaux différents et en tout état de cause ne justifiant pas de la même rémunération.

Les affirmations de la B. relativement à la gestion générale des comptes clients, tant sur le volet financier (négociation) que sur le volet « compliance », ne sont soutenues par aucune pièce et il n'est nullement démontré la réalité de l'accomplissement de ces tâches par les caissiers du Casino de D.

En revanche, il ressort du procès-verbal du Conseil d'Administration du 20 novembre 2014, que les caissiers S.F.E. du Casino peuvent accorder des extensions de crédit jusqu'à 25 %, avec un maximum de 10.000 euros, voire de 20.000 euros si une extension avait déjà été accordée par un supérieur.

Tel que déjà indiqué, il ressort de leur procédure que les caissiers du Casino C. ne disposent pas d'une telle responsabilité. Ils ne peuvent en effet accorder une extension que de 5.000 euros et uniquement si cela a déjà été autorisé par le passé et avec l'accord de leur responsable de caisse. En cas de nouveau cas de dépassement ils doivent en toute hypothèse interroger le responsable de caisse voir directement la hiérarchie de la S.F.E. Par ailleurs, aux termes du point 9.5 de la procédure Cage, pour les clients bénéficiant d'autorisation d'avances, ils se contentent de vérifier le montant de ladite autorisation, sans pouvoir l'accorder eux-mêmes.

Dès lors, seuls les caissiers du Casino de D. ont la possibilité d'accorder une extension de crédit jusqu'à 20.000 euros, sans contrôle hiérarchique.

Monsieur j. dA. qui prétend qu'il disposait de la faculté d'accorder des extensions de crédit avant que le conflit ne naisse avec la B. n'apporte strictement aucun élément permettant de le démontrer. Il ne démontre pas davantage avoir eu une latitude dans la prise de décision et ne pas avoir eu à respecter la procédure, limitant l'engagement à 5.000 euros sous la supervision de son responsable.

Le niveau de responsabilité et d'engagement entre les caissiers du Casino de D. et ceux C. est ainsi différent. Les caissiers C. n'ont ni pouvoir de décision, ni latitude d'appréciation. Dans ces conditions, l'employeur, qui rémunère plus les salariés disposant d'un pouvoir de décision seul, engageant la société dans une proportion bien plus importante, justifie la disparité qu'il opère.

La demande de Monsieur j. dA. au titre de l'inégalité de traitement sera en conséquence rejetée.

Sur les astreintes

Aux termes de l'article 1er de la loi n° 677 du 2 décembre 1959, la durée légale du temps de travail est fixée à 39 heures par semaine.

Parallèlement, le salarié peut être soumis à des périodes d'astreinte. Elles se définissent comme des périodes pendant lesquelles le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. Dans la mesure où le salarié peut, lorsqu'il est dans l'attente d'une demande d'intervention éventuelle, vaquer librement à des occupations personnelles, les temps d'astreinte ne constituent pas du temps de travail effectif et ne sont pas rémunérés comme tel.

Aux termes de la Convention Collective Générale des Salariés B. hors-jeux de table ne relevant pas de la Convention Collective de l'Hôtellerie, la durée du travail est conventionnellement fixée à 39 heures par semaines civiles.

Un régime d'astreinte est institué selon les modalités suivantes :

  • « Lorsque la continuité du service ou la sécurité nécessitent soit le recours à des interventions d'urgence ou à des travaux de dépannage en dehors des heures normales de travail, soit au remplacement des salariés absents, des services dits « d'astreinte » pourront être mis en place sur décision de la Direction Générale.

  • Est considérée comme astreinte toute période de temps où le salarié, cadre ou non cadre, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise.

  • Les personnels d'astreinte, employés, agents de maîtrise et cadres peuvent vaquer librement à leurs obligations personnelles mais doivent rester disponibles pour intervenir (...) sur le lieu de travail, lorsqu'il s'agit de procéder au remplacement d'un salarié absent, dans un délai de deux heures après sollicitation de leur hiérarchie.

  • L'astreinte organisée pour procéder au remplacement d'un salarié absent est indemnisée à hauteur de 30 euros brut pour la tranche horaire 8 h / 20 h, 40 euros brut pour la tranche horaire 20 h / 8 h.

  • Seules les interventions réalisées pendant le temps d'astreinte sont constitutives de temps de travail effectif. Elles sont rémunérées conformément à la loi. Les heures supplémentaires éventuellement décomptées et validées sont payées ou récupérées, les montants forfaitaires d'indemnisation prévus aux alinéas précédents, restant dus. ».

Monsieur j. dA. soutient accomplir des périodes d'astreinte et n'avoir jamais été rémunéré conformément aux dispositions de la Convention Collective.

Aux termes de l'article 7.6 de la procédure Cage « Casino C. », applicable à tous les caissiers, « le caissier de disposition prévu sera appelé pour pallier cette absence. Il est rappelé que le caissier de disposition doit être joignable ½ h avant et ½ h après le début de chaque service pour pouvoir se rendre à la caisse dans les meilleurs délais ».

Préalablement, il doit être constaté que ces dispositions diffèrent de celles prévues au titre des astreintes par la Convention Collective. En effet, la procédure particulière de « caissier de disposition » n'implique qu'une disponibilité temporaire (avant et après le service dans un créneau d'une demi-heure), alors que l'astreinte institue une obligation générale de disponibilité tout au long de sa période et une obligation de se rendre au service dans un délai de deux heures.

Néanmoins, il convient d'établir si cette procédure de « disposition » correspond également à une astreinte, qui aurait été fixée par l'employeur par conditions particulières hors Convention Collective et ouvrirait droit au paiement d'une rémunération forfaitaire.

Au regard des plannings produits, il apparaît l'organisation d'un roulement des caissiers afin que certains d'entre eux soient « de disposition » certaines semaines.

La lecture des pointages horaires de Monsieur j. dA. fait ressortir que ses horaires de travail sont bien en deçà du contingent de 39 heures hebdomadaires. Or, il est bien rémunéré sur la base de 39 heures.

Ainsi, la journée « de disposition » correspond au reliquat d'heures non effectuées, c'est-à-dire à du temps de travail effectif, pour lesquelles l'employeur ne sollicite pas qu'il se présente effectivement sur le lieu de travail tout au long de sa vacation, mais exige simplement qu'il puisse se rendre disponible au besoin.

Cette organisation du temps de travail effectif est d'ailleurs confirmée par le fait qu'en cas de non-présentation suite à une demande de l'employeur lors d'une journée « de disposition », l'absence soit considérée comme injustifiée et donne lieu à non-paiement du salaire.

Les journées « de disposition » correspondant à du temps de travail effectif, la demande de Monsieur j. dA. au titre du paiement d'astreintes sera en conséquence rejetée.

Sur le congé supplémentaire

Monsieur j. dA. sur le fondement de la discrimination salariale, revendique le droit à congé payé supplémentaire en sa qualité de père de famille.

Aux termes de l'article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 « Les mères de familles salariées ou apprenties bénéficient, pour chaque enfant à charge, d'un jour ouvrable de congé supplémentaire, sans que ce congé ne puisse excéder cinq jours (...). Est réputé enfant à charge, l'enfant qui vit au foyer s'il est âgé de moins de seize ans au 30 avril de l'année en cours ».

Monsieur j. dA. sur lequel la charge de la preuve de sa revendication repose, ne justifie ni être père de famille, ni d'un enfant vivant au foyer, ni âgé de moins de seize ans au 30 avril des années de sa demande.

Dans ces conditions, il sera débouté de sa demande.

Sur le statut en matière de maladie

Monsieur j. dA. sur le fondement du principe d'égalité de traitement précédemment rappelé, revendique le droit à absence de jour de carence en cas d'absence maladie.

Il invoque l'accord dont bénéficient les cadres du personnel hôtelier de la B.

Si la règle d'égalité de traitement s'applique à tous les avantages dont bénéficient les salariés, encore faut-il qu'ils soient placés dans une situation identique.

Or, en l'espèce, il n'y a rien de commun entre les cadres du personnel hôtelier et les caissiers.

Ainsi, Monsieur j. dA. n'apporte aucun élément de comparaison concernant la situation de travail des employés hôteliers (nature du travail, horaires, sujétions...). Il ne démontre pas non plus qu'il exercerait un travail égal ou de valeur égale aux leurs.

En outre, la discrimination s'apprécie dans sa globalité. Extraire un avantage spécifique, sans analyser si, de manière générale au regard des différences de statuts et de Conventions Collectives, les salariés des caisses ne bénéficient pas de conditions de travail par ailleurs globalement plus avantageuses que celles du personnel hôtelier, ne permet pas de déterminer la réalité d'une discrimination.

Enfin, les dispositions contestées par le salarié relèvent de la libre négociation collective.

Dans ces conditions, la demande de Monsieur j. dA. afin de bénéficier d'une absence de délai de carence en cas de maladie sera rejetée.

Sur les autres demandes

La B. n'ayant commis aucune faute dans l'exécution du contrat de travail, la demande de dommages et intérêts de Monsieur j. dA. sera rejetée.

Monsieur j. dA. succombant, il sera condamné aux entiers dépens.

Compte tenu de son caractère inéquitable, la demande de la B. au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette l'intégralité des demandes de Monsieur j. dA. ;

Condamne Monsieur j. dA. aux entiers dépens ;

Rejette la demande de la société anonyme monégasque B. au titre des frais irrépétibles ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jean-Pierre DESCHAMPS et Didier MARTINI, membres employeurs, Messieurs Rino ALZETTA et Bruno AUGÉ, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le douze mai deux mille vingt-trois.

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