Tribunal du travail, 14 avril 2023, Monsieur v. A. c/ La société à responsabilité limitée B.
Abstract🔗
Contrat de travail - Salaire - Exécution - Heures supplémentaires - Tickets restaurant - Indemnité compensatrice de congés payés - Licenciement - Article 6 de la loi n° 739 - Violation des engagements internationaux (non)
Résumé🔗
Si, pour recevoir application de l'article 11 de la loi n° 739, le salarié doit se trouver dans des conditions de travail identiques que celle de la région de référence, cette disposition légale peut être contournée dans un sens plus favorable au salarié par Convention particulière. Or, en l'espèce, le contrat de travail fait expressément référence, pour la fixation du salaire, aux dispositions d'une Convention Collective Française. Dans ces conditions, les parties qui s'y sont librement soumises doivent strictement en appliquer les stipulations, sans qu'il ne soit besoin de vérifier si les conditions de travail, et notamment l'aménagement du temps du travail, étaient identiques.
Le salarié soutient avoir accompli des heures supplémentaires mais ne produit aucun élément permettant de contredire le décompte d'heures supplémentaires porté sur ses bulletins de salaire, les tableaux établis par ses soins n'ayant aucune valeur probante. Par ailleurs, les heures supplémentaires, pour ouvrir droit à rémunération, doivent avoir été réalisées à la demande de l'employeur. Or, il n'est pas démontré que les quelques échanges de mails qu'il a pu avoir en dehors des heures de bureau l'aient été à la demande de l'employeur. Le salarié, ne démontrant pas avoir accompli des heures supplémentaires à la demande de son employeur qui ne lui auraient pas été rémunérées, sera débouté de sa demande.
Le salarié déplore également ne pas avoir perçu de rémunération au titre d'heures supplémentaires pour la période de préavis dont il avait été dispensé. Il est établi qu'un avantage, lorsqu'il revêt constance et fixité doit bénéficier au salarié pendant son préavis. En l'espèce, la fixité de l'existence d'une heure supplémentaire hebdomadaire est caractérisée par sa rémunération mensuelle tout au long de l'exécution du contrat de travail. Dans ces conditions, le salarié avait droit au règlement d'une heure supplémentaire hebdomadaire du 16 décembre 2019 au 16 mars 2020, soit 13 heures pour treize semaines, au taux horaire de 36,37 euros brut, majoré de 25 %. Par ailleurs, il avait également droit au même règlement pour la période du 1er au 15 décembre 2019, correspondant partiellement à son éviction de la société pendant le déroulé de la procédure de licenciement, soit 2 heures pour deux semaines dans les conditions ci-dessus décrites.
Selon les termes du contrat de travail, le salarié bénéficiait de l'attribution de titres-restaurants « par jour de travail effectué ». N'ayant réalisé aucun jour de travail sur les trois mois de préavis, il ne peut bénéficier de l'attribution de tickets restaurants. La société B. reconnaissant avoir commis une erreur de calcul et devoir cinq tickets restaurants et les parties s'accordant sur le prix de 4,80 euros le ticket restaurant, il convient de fixer la créance du salarié à ce titre à la somme de 24 euros brut, avec intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation.
L'indemnité compensatrice de congés payés aurait dû être calculée au taux horaire conventionnel. Avec ce salaire de base de calcul, il n'est pas démontré que la méthode de calcul de l'indemnité ne serait pas la plus favorable au salarié. En revanche, ce taux contractuel aurait dû conduire à une réévaluation conséquente de l'indemnité compensatrice.
Le salarié soutient que l'absence de motivation du licenciement porterait atteinte à son droit au procès équitable, consacré par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies. Or, un licenciement intervenu sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 739 peut faire l'objet d'une contestation devant les tribunaux. Surtout, si le motif n'est pas énoncé, il est sous-entendu qu'il est légal et inhérent à la personne du salarié. Dès lors, il dispose de la faculté de démontrer qu'un autre motif, soit non inhérent à sa personne (notamment économique), soit illégal (notamment discriminatoire) serait à l'origine de la rupture. En conséquence, l'absence d'énonciation du motif ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales du salarié. En outre, il peut être relevé que le salarié ne soutient en réalité pas que son licenciement soit fallacieux. Il prétend que le licenciement sans énonciation du motif porterait atteinte au droit à réparation intégrale de son préjudice. Or, aucune limitation d'indemnisation n'existe lorsque le licenciement a été mis en œuvre pour un faux motif ou avec intention de nuire. Il en est de même pour l'indemnisation du préjudice moral en cas de licenciement mis en œuvre de manière abusive. Si une limitation de l'indemnisation existe, elle ne concerne que la réparation de l'absence de motif valable. Ce dispositif est similaire à celui du pays voisin, dont l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse est également plafonnée.
Le salarié estime enfin que le principe d'interdiction de privation injuste d'emploi, consacré par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, impliquerait l'obligation de licenciement pour de justes motifs. Or, il s'agit d'une interprétation extensive, cet engagement international s'étant limité à proscrire l'injustice, c'est-à-dire l'abus de droit, reconnu par la législation monégasque dans les notions de motif fallacieux, d'intention de nuire et de mise en œuvre abusive.
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 14 AVRIL 2023
En la cause de Monsieur v. A. , demeurant « X1 », X2 à NICE (06000) ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Nicolas ROCHET, avocat au barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
La société à responsabilité limitée dénommée B., dont le siège social se situe X3 X4 à MONACO ;
Défenderesse, assistée de Monsieur André GARINO, ès-qualités de Syndic de la cessation des paiements de la S.A.R.L. B. demeurant 2 rue de la Lüjerneta à Monaco, désigné par jugement du Tribunal de première instance du 9 juillet 2020, ayant primitivement élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 482 BAJ 21 du 13 avril 2021, en celle de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituée et plaidant par Maître Sophie MARQUET, avocat-défenseur près la même Cour ;
d'autre part ;
Visa🔗
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 1er juillet 2020, reçue le même jour ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 11-2020/2021 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 14 juillet 2020 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur v. A. en date 14 juillet 2022 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur au nom de la S.A.R.L. B. en date du 10 novembre 2022 ;
Après avoir entendu Maître Nicolas ROCHET, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur v. A. et Maître Sophie MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituant Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la même Cour, pour la S.A.R.L. B. en leurs plaidoiries à l'audience du 2 février 2023 ;
Vu les pièces du dossier ;
Motifs🔗
Monsieur v. A. a été embauché par contrat à durée indéterminé en qualité de Directeur Général par la société à responsabilité limitée B. le 26 juillet 2017.
Il a été licencié sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 par lettre du 9 décembre 2019.
Monsieur v. A. a saisi le Tribunal du Travail par requête reçue le 1er juillet 2020 afin d'obtenir :
78.959,86 euros de rappels de salaire, heures supplémentaires inclues, sur la période allant de son embauche au terme de son préavis,
588,74 euros d'heures supplémentaires pendant la durée du préavis,
544 euros d'accessoires du salaire (tickets restaurants),
983,44 euros de rémunération des jours fériés,
8.107,60 euros d'indemnités de congés payés sur les rappels de salaire,
8.030,79 euros d'indemnité de licenciement,
4.509,09 euros d'indemnité compensatrice de congés payés,
20.000 euros de dommages et intérêts.
À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.
Par conclusions récapitulatives du 14 juillet 2022, Monsieur v. A. sollicite :
75.003,46 euros de rappels de salaire, heures supplémentaires incluses, allant de son embauche au terme de son préavis,
588,74 euros d'heures supplémentaires pendant la durée du préavis,
302,40 euros d'accessoires du salaire (tickets restaurants),
619,25 euros de rémunération des jours fériés,
8.046,49 euros d'indemnité de congés payés sur les rappels de salaire,
8.030,79 euros d'indemnité de licenciement,
et subsidiairement 4.963,33 euros,
65 euros d'indemnité compensatrice de congés payés,
20.000 euros de dommages et intérêts,
le tout avec intérêts au taux légal avec anatocisme et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Il faisant valoir, ainsi qu'à l'audience de plaidoirie, pour l'essentiel que :
le salaire minimum était fixé aux termes de son contrat de travail par la Convention Collective Française des Bureaux d'Études Techniques,
il doit être fait application des minimas de la région économique voisine en application de l'article 11 de la loi n° 739,
or, Monsieur v. A. n'était pas rémunéré au taux horaire brut de 36,37 euros, mais à celui de 22,19 euros en dernier lieu,
ses conditions de travail démontrent une très grande flexibilité,
il est fondé à réclamer un complément de salaire sur cette base allant de son embauche au terme de son préavis,
il accomplissait par ailleurs une heure supplémentaire par semaine en raison de l'organisation du temps de travail au sein de la S.A.R.L. B.sur 40 heures hebdomadaires,
des salariés en témoignent,
la fixité du temps de travail implique que l'heure supplémentaire hebdomadaire soit rémunérée même pendant la période de préavis,
Monsieur v. A. n'a pas perçu la contre-valeur des tickets restaurants pendant ses congés payés,
il ne les a pas reçus non plus pendant sa période d'éviction de la société ni pendant son préavis, alors qu'aucune absence injustifiée ne pouvait lui être imputée, et qu'en cas de dispense du préavis le salarié a droit à une indemnité compensatrice calculée sur la base des salaires mais également de tous les avantages,
quatre jours fériés légaux s'étant trouvés sur des jours de repos de Monsieur v. A. en 2018 et 2019, ils doivent être payés,
leur rémunération doit se faire sur la base d'une 40ème heure hebdomadaire et du salaire minimum conventionnel,
l'indemnité compensatrice de congés payés doit être calculée sur la base de la méthode par équivalence et tenir compte de la contre-valeur des tickets restaurants, d'une 40ème heure hebdomadaire et du salaire minimum conventionnel,
l'indemnité de licenciement doit tenir compte de l'ensemble de la rémunération le mois ayant précédé le licenciement, incluant la contre-valeur des tickets-restaurants, la 40ème heure et le salaire minimum conventionnel,
le licenciement a été mis en œuvre avec précipitation et légèreté blâmable,
il a été vexatoire,
Monsieur v. A. n'a pas été intégralement rempli de ses droits, ce qui constitue un comportement fautif,
il n'a pas eu d'entretien préalable,
l'entretien du 4 décembre 2019 ne répond pas à la définition de l'entretien préalable, la décision de licenciement ayant déjà été actée à cette date,
Monsieur v. A. n'a pu anticiper la cessation de ses fonctions,
il a été congédié avec effet immédiat, sans dire au revoir à son équipe ni aviser ses clients et a été contraint de quitter physiquement son bureau sur le champ,
les engagements internationaux de la Principauté de Monaco impliquent que le droit de licencier doit être motivé et sa légitimité subordonnée à l'existence de justes motifs,
la conception monégasque est analogue, tel que cela ressort des débats du Conseil National,
la non-motivation du licenciement porte atteinte au droit au procès équitable, Monsieur v. A. ne pouvant contester le motif d'une décision qui lui porte grief,
la réparation du licenciement n'est pas intégrale, mais limitée à six mois de salaire,
Monsieur v. A. subit une perte de revenus provisoirement arrêtée à 32.000 euros,
il subit un préjudice moral du fait des conditions de rupture de son contrat, de la violation des normes internationales et du non-paiement de ses salaires à la date d'échéance.
Par conclusions récapitulatives du 10 novembre 2022, la S.A.R.L. B. soulève l'irrecevabilité de la demande de paiement de la somme de 12.616,69 euros au titre de l'indemnité de congés payés et le débouté de l'intégralité des demandes de Monsieur v. A.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
les montants minimas de la région économique voisine ne sont applicables qu'aux emplois exercés dans des conditions de travail identiques,
or, les entreprises de référence de la région économique voisine ont une organisation du travail adaptée aux fluctuations d'activité et des aménagements non prévus par la législation monégasque,
le principe de parité s'avère dès lors inapplicable, en l'absence de flexibilité du temps de travail,
Monsieur v. A. ne démontre pas la réalité des heures supplémentaires qu'il revendique,
les généralités relatives aux heures d'accueil de la société n'ont pas de valeur probante sur la situation personnelle du salarié,
au contraire, les bulletins de paie démontrent que les heures supplémentaires effectuées à la demande ou avec l'accord de la Direction étaient rémunérées,
Monsieur v. A. n'en a jamais réclamé le paiement,
si la S.A.R.L. B.reste à devoir quatre jours fériés, ils doivent être calculés sur la base du salaire contractuel,
Monsieur v. A. commet une erreur de chiffrage en y intégrant à tort l'indemnité afférente aux congés payés,
une erreur a été commise sur les tickets restaurants et cinq demeurent dus,
en revanche, ils ne sont pas dus pendant le préavis en l'absence d'activité dans l'entreprise,
le préavis a justement été rémunéré sur la base contractuelle de 39 heures hebdomadaires,
en outre, elle fait doublon, Monsieur v. A. ayant déjà chiffré cette demande dans sa demande globale d'heures supplémentaires,
le salarié n'a pas droit aux tickets restaurants lorsqu'il ne travaille pas, raison pour laquelle ils ne lui ont pas été versés pendant le préavis non exécuté,
le calcul de l'indemnité de licenciement fait par Monsieur v. A. est erroné,
il se fait sur le salaire du mois ayant précédé le licenciement, sur la base de vingt-cinq jours de travail et le salaire contractuel sans heures supplémentaires inexistantes,
la demande au titre des congés payés est irrecevable pour ne pas avoir été soumise au préliminaire de conciliation,
elle est infondée pour prendre en compte les principes de parité de salaire et d'heures supplémentaires inapplicables,
il a en réalité trop perçu la somme de 446,03 euros,
le licenciement sans motif est conforme aux droits fondamentaux,
il ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable et au principe d'égalité des moyens, le salarié pouvant saisir une juridiction de sa contestation et apporter la preuve d'un abus,
le droit au procès équitable n'est applicable qu'au stade de la juridiction, et non pendant la phase de mise en œuvre du licenciement,
il ne porte pas atteinte au principe de réparation intégrale, le salarié étant fondé à obtenir l'indemnisation des préjudices en cas d'abus,
le licenciement a été régulier,
un entretien préalable a eu lieu cinq jours avant le prononcé du licenciement,
la décision n'était alors pas actée,
la dispense de présence n'était pas vexatoire puisqu'il ne s'agissait pas d'une dispense d'exécuter le préavis mais une simple dispense de se présenter au sein de l'entreprise,
l'absence de versement de l'indemnité de licenciement n'est ni volontaire ni fautive, la S.A.R.L. B. s'étant trouvée en grandes difficultés financières, ayant conduit à une déclaration de cessation des paiements,
le préjudice économique n'a pas à être indemnisé en l'absence de motif fallacieux,
en l'état de la procédure collective en cours l'exécution provisoire ne doit pas être prononcée.
SUR CE,
Sur le salaire
Selon contrat de travail du 26 juillet 2017, Monsieur v. A. a été embauché pour une rémunération mensuelle nette de 3.198 euros, soit selon le brut monégasque 3.750 euros, pour une référence mensuelle de 169 heures par mois, exécutée sur 39 heures hebdomadaires sur cinq jours de travail, du lundi ou vendredi.
Aux termes de l'article 1 du contrat de travail « Il est fait référence, dans le présent contrat, uniquement pour la détermination du salaire minimum visé par l'article 11 de la loi n° 739 sur le salaire et la grille de classification, aux dispositions de la Convention Collective Nationale Française des Bureaux d'Études Techniques. Par référence à la Convention Collective Française, le poste du salarié est classé : CADRE, Position 3-3, coefficient 270 ».
Si, pour recevoir application de l'article 11 de la loi n° 739, le salarié doit se trouver dans des conditions de travail identiques que celle de la région de référence, cette disposition légale peut être contournée dans un sens plus favorable au salarié par Convention particulière.
Or, en l'espèce, le contrat de travail fait expressément référence, pour la fixation du salaire, aux dispositions d'une Convention Collective Française. Dans ces conditions, les parties qui s'y sont librement soumises doivent strictement en appliquer les stipulations, sans qu'il ne soit besoin de vérifier si les conditions de travail, et notamment l'aménagement du temps du travail, étaient identiques.
Selon les prétentions non contestées de Monsieur v. A. les avenants nos 43 et 44 du 21 mai 2013 relatifs aux salaires minimaux à la Convention Collective Française des Bureaux d'Études Techniques, stipuleraient un taux horaire de 35,836 euros jusqu'au 31 août 2017, puis de 36,37 euros à compter du 1er septembre 2017, alors qu'il aurait été rémunéré à un taux horaire de 22,18 euros en 2017 et 2018, puis 22,19 euros en 2018 et 2019.
Il convient dès lors de recalculer le salaire. En prenant le salaire brut perçu par Monsieur v. A. du 26 juillet 2017 au 16 mars 2020, divisé par le taux horaire appliqué par l'employeur, multiplié par le taux horaire conventionnel, le salaire contractuel est retrouvé. Il convient ensuite d'en déduire le salaire perçu pour trouver le reliquat auquel il a droit. Selon cette méthode, le reliquat était de 78.962,23 euros. Monsieur v. A. limitant sa demande à la somme de 75.003,46 euros, il convient de fixer sa créance à ce montant, avec intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire s'agissant d'un élément de rémunération.
Sur les heures supplémentaires
Monsieur v. A. soutient avoir accompli un certain nombre d'heures supplémentaires au cours de l'exécution du contrat de travail.
Il prétend avoir travaillé chaque semaine 40 heures, au lieu des 39 heures rémunérées. Il ne se fonde pas uniquement sur les horaires d'ouverture de la société, mais produit trois attestations concordantes d'anciens salariés qui témoignent d'une organisation du temps de travail sur 40 heures hebdomadaires.
Monsieur v. A. a bien été rémunéré chaque mois d'heures supplémentaires de juillet 2017 à novembre 2019 en majorité à hauteur de 4 heures par mois. Ainsi, l'heure supplémentaire hebdomadaire qu'il revendique a bien été rémunérée conformément aux dispositions légales.
Il ne produit aucun élément permettant de contredire le décompte d'heures supplémentaires porté sur ses bulletins de salaire, les tableaux établis par ses soins n'ayant aucune valeur probante.
Par ailleurs, les heures supplémentaires, pour ouvrir droit à rémunération, doivent avoir été réalisées à la demande de l'employeur. Or, il n'est pas démontré que les quelques échanges de mails qu'il a pu avoir en dehors des heures de bureau (18 avril 2018, 27 et 28 avril 2018, 29 et 30 juin 2019, 4 décembre 2019) l'aient été à la demande de l'employeur.
Au titre de sa période de travail effectif Monsieur v. A. ne démontrant pas avoir accompli des heures supplémentaires à la demande de son employeur qui ne lui auraient pas été rémunérées, il sera débouté de sa demande.
Monsieur v. A. déplore également ne pas avoir perçu de rémunération au titre d'heures supplémentaires pour la période de préavis dont il avait été dispensé.
Il est établi qu'un avantage, lorsqu'il revêt constance et fixité doit bénéficier au salarié pendant son préavis. En l'espèce, la fixité de l'existence d'une heure supplémentaire hebdomadaire est caractérisée par sa rémunération mensuelle tout au long de l'exécution du contrat de travail. Dans ces conditions, Monsieur v. A. avait droit au règlement d'une heure supplémentaire hebdomadaire du 16 décembre 2019 au 16 mars 2020, soit 13 heures pour treize semaines, au taux horaire de 36,37 euros brut, majoré de 25 %.
Par ailleurs, il avait également droit au même règlement pour la période du 1er au 15 décembre 2019, correspondant partiellement à son éviction de la société pendant le déroulé de la procédure de licenciement, soit 2 heures pour deux semaines dans les conditions ci-dessus décrites.
Monsieur v. A. a droit à un total de 681,86 euros brut. Il limite sa demande à 588,74 euros brut, somme à laquelle il convient de fixer la créance de Monsieur v. A. avec intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire s'agissant d'un élément de rémunération.
Sur les tickets restaurant
Aux termes de l'article 7 du contrat de travail, le salarié bénéficiait de l'attribution de titres-restaurants « par jour de travail effectué » .
N'ayant réalisé aucun jour de travail sur les trois mois de préavis, il ne peut bénéficier de l'attribution de tickets restaurants, dont il convient de rappeler qu'ils ont pour objet de compenser l'obligation de prise de repas en dehors du domicile, ce qui n'a pas été le cas de Monsieur v. A. en l'espèce.
La société B.reconnaissant avoir commis une erreur de calcul et devoir cinq tickets restaurants et les parties s'accordant sur le prix de 4,80 euros le ticket restaurant, il convient de fixer la créance de Monsieur v. A. à ce titre à la somme de 24 euros brut, avec intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire s'agissant d'un élément de rémunération.
Sur les jours fériés
Les parties s'accordent sur le fait que quatre jours fériés n'ont pas été réglés à Monsieur v. A. Elles sont en désaccord sur le salaire de référence.
Monsieur v. A. intègre à tort à son calcul les congés payés, qui s'ajoutent au calcul global mais ne modifie pas le salaire journalier et l'heure supplémentaire hebdomadaire, qui, n'étant pas journalière, n'entre pas dans le salaire journalier.
Ainsi, pour les quatre jours fériés au salaire contractuel horaire de 36,37 euros brut, Monsieur v. A. avait droit à 983,45 euros brut. Il limite sa demande à la somme 619,25 euros brut, à laquelle il convient de fixer sa créance à l'égard de la société B. avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire s'agissant d'un élément de rémunération.
Sur l'indemnité de congés payés sur les rappels de salaire
Au regard d'un rappel total de salaire de 75.003,46 euros brut, outre 588,74 euros brut d'heures supplémentaires, 24 euros brut de tickets restaurants et 619,25 euros brut au titre des jours fériés, Monsieur v. A. a droit à une indemnité de congés payés sur rappel de salaire de 7.623,55 euros brut, avec intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Sur l'indemnité compensatrice de congés payés
Monsieur v. A. estime que son employeur est redevable d'un reliquat d'indemnité de congés payés.
Concernant la méthode de calcul des droits à congés, Monsieur v. A. prétend que son employeur n'a pas usé de celle la plus favorable comme l'exige la loi et qu'il lui resterait à percevoir la somme de 65 euros.
Or, l'indemnité aurait dû être calculée au taux horaire conventionnel. Avec ce salaire de base de calcul, il n'est pas démontré que la méthode de calcul de l'indemnité ne serait pas la plus favorable au salarié. En revanche, ce taux contractuel aurait dû conduire à une réévaluation conséquente de l'indemnité compensatrice.
Monsieur A.limitant sa demande à la somme de 65 euros brut, il convient de fixer sa créance à ce montant, et ce, avec intérêts au taux légal à compter d la citation devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
La société B.soulève l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'elle n'aurait pas été soumise au préliminaire de conciliation. Or, il avait bien sollicité dans un premier temps la somme de 4.509,09 euros, avant de la ramener à 65 euros brut dans ses conclusions récapitulatives du 14 juillet 2022. En conséquence la demande est recevable.
Sur le licenciement
Si l'employeur dispose, sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, d'un droit autonome et unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié, sans se référer à un motif inhérent à la personne de celui-ci, il ne dispose pas d'un droit discrétionnaire et absolu de rupture du contrat. Ainsi, constitue un licenciement abusif le licenciement fondé sur un faux motif ainsi que celui mis en œuvre de manière abusive.
Sur la violation des engagements internationaux
Monsieur v. A. soutient en premier lieu que l'absence de motivation du licenciement porterait atteinte à son droit au procès équitable, consacré par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies.
Or, un licenciement intervenu sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 739 peut faire l'objet d'une contestation devant les tribunaux.
Surtout, si le motif n'est pas énoncé, il est sous-entendu qu'il est légal et inhérent à la personne du salarié. Dès lors, il dispose de la faculté de démontrer qu'un autre motif, soit non inhérent à sa personne (notamment économique), soit illégal (notamment discriminatoire) serait à l'origine de la rupture.
En conséquence, l'absence d'énonciation du motif ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales de Monsieur v. A.
En outre, il peut être relevé que Monsieur v. A. ne soutient en réalité pas que son licenciement soit fallacieux.
Monsieur v. A. prétend que le licenciement sans énonciation du motif porterait atteinte au droit à réparation intégrale de son préjudice. Or, aucune limitation d'indemnisation n'existe lorsque le licenciement a été mis en œuvre pour un faux motif ou avec intention de nuire. Il en est de même pour l'indemnisation du préjudice moral lorsque le licenciement a été mis en œuvre de manière abusive.
Si une limitation de l'indemnisation existe, elle ne concerne que la réparation de l'absence de motif valable. Ce dispositif est similaire à celui du pays voisin, dont l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse est également plafonnée.
En second lieu, Monsieur v. A. estime que le principe d'interdiction de privation injuste d'emploi, consacré par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, impliquerait l'obligation de licenciement pour de justes motifs. Or, il s'agit d'une interprétation extensive, cet engagement international s'étant limité à proscrire l'injustice, c'est-à-dire l'abus de droit, reconnu par la législation monégasque dans les notions de motif fallacieux, d'intention de nuire et de mise en œuvre abusive.
Sur la mise en œuvre du licenciement
Monsieur v. A. ne soutient pas que son licenciement serait fallacieux, mais conteste les conditions de sa mise en œuvre.
Il appartient au Tribunal de vérifier si le salarié a été intégralement rempli de ses droits et si le licenciement n'a pas été brutal, vexatoire ou mis en œuvre avec légèreté blâmable.
Il a déjà été établi que le salarié n'a pas été intégralement rempli de ses droits.
Il conteste également le montant de son indemnité de licenciement. La société B.reconnaît d'ailleurs ne pas lui avoir versé la somme due.
Concernant la méthode de calcul, le salaire de référence est celui du mois ayant précédé le licenciement. Il s'élevait à la somme de 6.328,20 euros brut, au regard du salaire contractuel et heures supplémentaires déjà incluses, en sorte qu'il n'y a pas lieu d'en ajouter. C'est par ailleurs à juste titre que l'employeur rappelle que le salaire journalier s'obtient en divisant le salaire mensuel par 25 jours, tel que cela ressort de la jurisprudence constante.
Ainsi, Monsieur v. A. a droit à une indemnité de licenciement de 7.846,97 euros, somme à laquelle il convient de fixer la créance de Monsieur v. A. avec intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation.
Concernant les circonstances de mise en œuvre du licenciement, il ressort des échanges des parties que, le 4 décembre 2019, Monsieur v. A. a été reçu en entretien préalable et immédiatement dispensé de présence. Selon attestations d'anciens salariés, à l'issue de l'entretien, le licenciement de Monsieur v. A. a été immédiatement annoncé à l'ensemble du personnel et des instructions afin de couper les moyens de communication ont été données. Or, la lettre de licenciement est datée du 9 décembre et n'avait toujours pas été reçue par le salarié le 15 décembre, le contraignant à relancer son employeur sur son devenir.
Ces circonstances caractérisent une légèreté blâmable de l'employeur qui, alors qu'il avait déjà décidé du licenciement, ne l'a matérialisé que plusieurs jours plus tard, laissant son salarié dans l'incertitude.
Par ailleurs, comme développé ci-dessus, le salarié n'avait pas été intégralement rempli de ses droits. Si la société B.justifie de l'absence d'intention de nuire, s'étant trouvée en état de cessation des paiements depuis le 1er janvier 2019, il n'en demeure pas moins que cela a causé un préjudice au salarié.
Monsieur v. A. étant âgé de 50 ans et disposant de presque un an et demi d'ancienneté, son préjudice moral doit être réparé à hauteur de 3.000 euros de dommages et intérêts, somme à laquelle il convient de fixer la créance de Monsieur v. A. avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
Sur les autres demandes
La société B. succombant il convient de la condamner aux dépens,
La nécessité à ce que l'exécution provisoire soit ordonnée n'étant pas démontrée, il n'y a pas lieu de l'ordonner.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Fixe la créance de Monsieur v. A. à l'égard de la société à responsabilité limitée B. à la somme de 75.003,46 euros (soixante-quinze mille trois euros et quarante-six centimes) au titre des rappels de salaires, avec intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Fixe la créance de Monsieur v. A. à l'égard de la S.A.R.L. B. à la somme de 588,74 euros brut (cinq cent quatre-vingt-huit euros et soixante-quatorze centimes) au titre des heures supplémentaires pendant la durée du préavis, avec intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Fixe la créance de Monsieur v. A. à l'égard de la S.A.R.L. B. à la somme de 24 euros brut (vingt-quatre euros) au titre des tickets restaurants, avec intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Rejette le surplus de la demande ;
Fixe la créance de Monsieur v. A. à l'égard de la S.A.R.L. B. à la somme de 619,25 euros brut (six cent dix-neuf euros et vingt-cinq centimes) au titre des jours fériés, avec intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Fixe la créance de Monsieur v. A. à l'égard de la S.A.R.L. B. à la somme de 7.623,55 euros brut (sept mille six cent vingt-trois euros et cinquante-cinq centimes) au titre des congés payés sur rappel de salaires, avec intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Rejette le surplus de la demande ;
Rejette la demande d'irrecevabilité de la S.A.R.L. B. de la demande d'indemnité compensatrice de congés payés ;
Fixe la créance de Monsieur v. A. à l'égard de la S.A.R.L. B. à la somme de 65 euros brut (soixante-cinq euros) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Dit que le licenciement n'est pas contraire aux engagements internationaux ;
Fixe la créance de Monsieur v. A. à l'égard de la S.A.R.L. B. à la somme de 7.846,97 euros (sept mille huit
cent quarante-six euros et quatre-vingt-dix-sept centimes) au titre de l'indemnité de licenciement, avec
intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation ;
Rejette le surplus de la demande ;
Dit que le licenciement a été mis en œuvre de manière abusive ;
Fixe la créance de Monsieur v. A. à l'égard de la S.A.R.L. B. à la somme de 3.000 euros (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
Dit que le Syndic de la cessation des paiements de la S.A.R.L. B. doit supporter les dépens du présent jugement qui seront employés en frais privilégiés de cessation des paiements.
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Michel GRAMAGLIA et Jean-Sébastien FIORUCCI, membres employeurs, Messieurs Pierre-Franck CRESPI et Hubert DUPONT-SONNEVILLE, membres salariés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le quatorze avril deux mille vingt-trois .