Tribunal du travail, 7 avril 2023, Madame m. A. c/ Le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble « B. »

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Abstract🔗

Contrat de travail - Rupture - Congé maternité - Abandon de poste - Démission (oui)

Résumé🔗

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Elle peut être orale ou écrite et n'a pas à être acceptée par l'employeur, n'étant soumise à aucun formalisme pour produire ses effets. En l'espèce, la salariée n'a pas repris le travail après la fin de sa période légale de congé maternité, échue au 15 janvier 2020. Elle n'a jamais pris contact avec son employeur, justifié de la fin de son congé maternité ou émis la moindre protestation relativement à ses conditions de travail. Ce n'est qu'après que son employeur l'ait mise en demeure de justifier de sa situation que la salariée a invoqué une impossibilité liée au non-respect des conditions d'hygiène. Or, comme cela est démontré par l'employeur par la production d'un constat d'huissier, le lieu de travail disposait bien d'un point d'eau, de sanitaires et d'un placard vestiaire. Malgré la réponse circonstanciée du syndic, la salariée va refuser de reprendre son travail, tout en exigeant d'être payée. En réalité, celle-ci ne s'est jamais manifestée pour s'enquérir des conditions d'hygiène et a maintenu de fausses affirmations malgré les multiples rappels du Syndic quant au respect de sa santé au travail. La salariée prétend également que son employeur avait manifesté son intention de la licencier depuis des mois en se fondant sur une résolution de l'Assemblée Générale du 23 juillet 2019, obtenue dans des conditions indéterminées. La lecture des échanges permet de constater qu'une décision de licenciement avait été prise le 25 juillet 2018 mais qu'elle n'avait jamais été mise en œuvre. Dès lors, la confirmation de la résolution en ce sens ne vaut pas licenciement, encore moins information de la salariée. Surtout, la teneur des échanges entre les Copropriétaires et le Syndic permet de comprendre qu'il avait été décidé de licencier Mme m. A. après six mois d'absence. Cette modalité de rupture fait référence à l'article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 qui permet le licenciement d'un salarié en cas d'empêchement de plus de six mois en raison de la perturbation du bon fonctionnement de l'entreprise nécessitant le remplacement définitif. Toutefois, en application de la loi n° 870 relative au travail des femmes salariées en cas de grossesse ou de maternité, aucune femme ne peut être licenciée dès lors qu'elle est en état de grossesse et pendant l'intégralité des période de suspension du contrat ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l'expiration de ces périodes. Ainsi, le projet de licenciement de Mme m. A. n'était pas immédiat, mais s'inscrivait dans l'hypothèse où elle se serait trouvée absente plus de six mois à l'expiration de son congé maternité légal, hypothèse qui ne s'est jamais présentée.

En revanche, les agissements de Mme m. A. s'analysent bien comme une volonté claire et manifeste de démissionner. À l'issue de son congé maternité, elle n'a pas repris son poste alors qu'elle en avait l'obligation, n'a pas contacté son employeur et n'a donné de nouvelles que sur sollicitation après plus de deux mois. La salariée (qui avait d'ailleurs perdu son titre de séjour, comme elle l'indiquait pour justifier sa carence à régulariser sa situation administrative) avait en fait déménagé à Gênes sans intention de revenir en Principauté de Monaco. Elle a en outre mis en avant de faux motifs pour justifier à posteriori de ses agissements. La salariée, ayant rompu le contrat de travail au 15 janvier 2020, ne peut prétendre ni au versement de salaires ni à dédommagement de la rupture qui n'est que de son fait. Elle est en conséquence déboutée de l'intégralité de ses demandes.


TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 7 AVRIL 2023

En la cause de Madame m. A., demeurant X1 n° X2 à GÊNES (16146 - Italie) ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Christine DIOP, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

Le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble « B. », dont le siège social se situe X3 à MONACO ;

Défendeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

Visa🔗

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 15 avril 2021, reçue le même jour ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 90-2020/2021 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 8 juin 2021 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur au nom de Madame m. A. en date du 21 juillet 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur au nom du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble « LE B. », en date du 9 juin 2022 ;

Après avoir entendu Maître Christine DIOP, avocat au barreau de Nice, pour Madame m. A. et Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble « LE B. », en leurs plaidoiries à l'audience du 19 janvier 2023 ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs🔗

Madame m. A. a été embauchée par le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble le B. en qualité d'Agent de réception le 3 janvier 2005.

Contestant avoir démissionné, par requête reçue le 15 avril 2021, Madame m. A. saisissait le Tribunal du travail en sollicitant :

  • 7.696 euros au titre des salaires du 15 janvier 2020 au 31 juillet 2020,

  • 2.368 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 236 euros de congés payés y afférents

  • 4.588 euros à titre d'indemnité de congédiement,

  • 15. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par conclusions récapitulatives du 21 juillet 2022, Madame m. A. fait valoir pour l'essentiel que :

  • la demande de reconnaissance du caractère abusif du licenciement s'évince de la demande indemnitaire,

  • la demande de délivrance des bulletins de salaire rectifiés sous astreinte est le corollaire de la demande de paiement des salaires,

  • son licenciement avait été décidé dès le 25 juillet 2018 par l'Assemblée Générale des Copropriétaires,

  • elle a été en congé maladie puis maternité à compter du 14 mars 2019 jusqu'au 14 janvier 2020,

  • elle n'a pas pu reprendre son travail à l'issue, compte tenu de l'absence des conditions d'hygiène requise,

  • elle n'a jamais eu l'intention de démissionner, comme en atteste les multiples courriers adressés à son employeur,

  • les critères de volonté claire et non équivoque ne sont pas réunis,

  • elle n'a pas abandonné son poste,

  • elle n'a appris que le 10 juin 2020 qu'un local sanitaire préexistant avait été aménagé,

  • le refus de la licencier pour des motifs fallacieux afin de faire des économies constitue un abus de l'employeur,

  • il a causé un préjudice important à la salariée qui s'est retrouvée sans salaire, sans travail et sans indemnité,

  • l'exécution provisoire n'est pas incompatible avec la nature et l'ancienneté de l'affaire,

  • les dépens suivront la succombance.

Par conclusions récapitulatives du 9 juin 2022 le Syndicat des Copropriétaires de l'Immeuble le « B. » soulève l'irrecevabilité des demandes de Madame m. A. et subsidiairement son débouté.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

  • les demandes de reconnaissance de l'absence de motif et de l'absence de procédure de licenciement sont irrecevables pour ne pas avoir été soumises au préliminaire de conciliation,

  • les demandes indemnitaires formulées qui ne peuvent être présentées que dans le cadre d'un licenciement sont irrecevables en l'état d'une démission,

  • aucune décision définitive n'avait été prise par la Copropriété quant au licenciement de la salariée et aucune suite n'y a été donnée,

  • le 15 janvier 2020 Madame m. A. ne s'est pas présentée sur son lieu de travail et n'a fourni aucune justification d'absence,

  • elle a été mise en demeure le 12 mars d'avoir à régulariser la situation,

  • ce n'est que le 27 mars qu'elle évoquait de prétendues mauvaises conditions d'hygiène,

  • or cette affirmation est inexacte, les équipements nécessaires existant depuis la construction de l'immeuble,

  • si le déplacement, et d'ailleurs pas la suppression, du vestiaire et des sanitaires avait été envisagé, ce projet avait été abandonné,

  • malgré les demandes de justificatifs d'absence et de confirmation que toutes les règles sanitaires étaient bien respectées Madame m. A. n'a jamais eu l'intention de retourner sur son lieu de travail,

  • en réalité elle demeurait à Gênes depuis bien avant son congé maternité et n'a jamais eu l'intention de reprendre son poste,

  • la démission n'est soumise à aucun formalisme particulier,

  • elle se déduit du comportement de la salariée qui a refusé de se présenter sur son lieu de travail sous un faux prétexte alors qu'elle résidait à près de 200 kilomètres,

  • elle ne peut dès lors prétendre ni au versement de salaire, aucun travail n'ayant été réalisé, ni à aucune indemnité de rupture ou dommages et intérêts,

  • seule Madame m. A. étant redevable d'un préavis, que l'employer s'abstient de réclamer.

SUR CE,

Sur la recevabilité des demandes

Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le Bureau de Conciliation, cette possibilité ne lui est pas ouverte devant le Bureau de Jugement.

Aux termes de l'article 37 de ladite loi la lettre de convocation devant le Bureau de Conciliation doit contenir « l'objet de la demande ».

En l'espèce, Madame m. A. a formé les demandes suivantes :

  • salaires du 15 janvier au 31 juillet 2020,

  • indemnité compensatrice de préavis,

  • indemnité de congédiement,

  • dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la rupture abusive du contrat de travail.

Si, comme il sera développé plus avant ci-dessous, la démission n'est soumise à aucun formalisme, le licenciement non plus pour produire ses effets. Il découle dès lors nécessairement de ses demandes que Madame m. A. estime avoir été licenciée au 31 juillet 2020 de manière non valable et abusive. En conséquence, les demandes formées dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives ne sont pas nouvelles et sont recevables.

Sur la rupture du contrat de travail

Il est établi que le contrat de travail entre Madame m. A. et le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble « LE B. » a été rompu, seule la responsabilité de cette rupture faisant débat entre les parties.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Elle peut être orale ou écrite et n'a pas à être acceptée par l'employeur, n'étant soumise à aucun formalisme pour produire ses effets.

En l'espèce, Madame m. A. n'a pas repris le travail après la fin de sa période légale de congé maternité, échue au 15 janvier 2020 selon les dires des parties.

Elle n'a jamais pris contact avec son employeur, justifié de la fin de son congé maternité ou émis la moindre protestation relativement à ses conditions de travail.

Ce n'est qu'après que son employeur l'ait mise en demeure de justifier de sa situation que Madame m. A. a invoqué une impossibilité liée au non-respect des conditions d'hygiène. Or, comme cela est démontré par l'employeur par la production d'un constat d'Huissier, le lieu de travail disposait bien d'un point d'eau, de sanitaires et d'un placard vestiaire. Malgré la réponse circonstanciée du syndic, Madame m. A. va refuser de reprendre son travail, tout en exigeant d'être payée.

Madame m. A. se fonde, pour maintenir sa légitimité de ne pas reprendre son travail, sur un procès-verbal d'Assemblée Générale des Copropriétaires du 23 juillet 2019 qui avait acté le souhait d'un Copropriétaire de récupérer l'usage d'un lot mis à disposition pour l'hygiène du concierge et la délibération de l'Assemblée d'entreprendre des travaux pour aménager un espace sanitaire. Outre la légitime interrogation du Tribunal sur les conditions dans lesquelles Madame m. A. a pu entrer en possession de ce document, il ne résulte pas de son analyse que la salariée se trouvait privée d'un accès à l'hygiène nécessaire.

En réalité, Madame m. A. ne s'est jamais manifestée pour s'enquérir des conditions d'hygiène et a maintenu de fausses affirmations malgré les multiples rappels du Syndic quant au respect de sa santé au travail.

Madame m. A. prétend également que son employeur avait manifesté son intention de la licencier depuis des mois. Elle se fonde sur une résolution de l'Assemblée Générale du 23 juillet 2019, obtenue dans des conditions indéterminées. La lecture des échanges permet de constater qu'une décision de licenciement avait été prise le 25 juillet 2018 mais qu'elle n'avait jamais été mise en œuvre. Dès lors, la confirmation de la résolution en ce sens ne vaut pas licenciement, encore moins information de la salariée.

Surtout, la teneur des échanges entre les Copropriétaires et le Syndic permet de comprendre qu'il avait été décidé de licencier Madame m. A. après six mois d'absence. Cette modalité de rupture fait référence à l'article 16 de la loi n° 729 qui permet le licenciement d'un salarié en cas d'empêchement de plus de six mois en raison de la perturbation du bon fonctionnement de l'entreprise nécessitant le remplacement définitif. Toutefois, en application de l'article 1er de la loi n° 870 relative au travail des femmes salariées en cas de grossesse ou de maternité, aucune femme ne peut être licenciée dès lors qu'elle est en état de grossesse et pendant l'intégralité des période de suspension du contrat ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l'expiration de ces périodes.

Ainsi, le projet de licenciement de Madame m. A. n'était pas immédiat, mais s'inscrivait dans l'hypothèse où elle se serait trouvée absente plus de six mois à l'expiration de son congé maternité légal, hypothèse qui ne s'est jamais présentée.

En revanche, les agissements de Madame m. A. s'analysent bien comme une volonté claire et manifeste de démissionner. En effet, à l'issue de son congé maternité elle n'a pas repris son poste alors qu'elle en avait l'obligation. Elle n'a jamais contacté son employeur et n'a donné de nouvelles que sur sollicitation plus de deux mois après. Elle avait déménagé à Gênes depuis le 24 mars 2019 et n'a jamais eu l'intention de revenir en Principauté de Monaco. Elle avait d'ailleurs perdu son titre de séjour, comme elle l'indiquait pour justifier sa carence à régulariser sa situation administrative. Elle a mis en avant de faux motifs pour justifier à posteriori de ses agissements.

Madame m. A. ayant rompu le contrat de travail au 15 janvier 2020, elle ne peut prétendre ni au versement de salaires ni à dédommagement de la rupture qui n'est que de son fait. Elle sera en conséquence déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Sur les dépens

Madame m. A. succombant elle sera condamnée aux entiers dépens.

Dispositif🔗

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Déclare recevables les demandes de Madame m.A. ;

Déboute Madame m. A. de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne Madame m. A. aux entiers dépens ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Virginia BUSI et Monsieur Francis GRIFFIN, membres employeurs, Messieurs Fabrizio RIDOLFI et Jean-Pierre MESSY, membres salariés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le sept avril deux mille vingt-trois.

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