Tribunal du travail, 6 janvier 2023, Madame A. c/ La société anonyme monégasque dénommée B.

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Abstract🔗

Licenciement - Travailleur handicapé - Inaptitude physique - Inaptitude professionnelle définitive - Impossibilité de reclassement - Manquement de l'employeur à son obligation de sécurité (non) - Preuve de la connaissance par l'employeur de l'état de santé de la salariée (non) - Recherche de postes de reclassement - Validité du motif de licenciement (oui) - Circonstances de la mise en œuvre du licenciement conformes à la réglementation

Résumé🔗

La salariée, souffrant d'un état de santé dégradé depuis de nombreuses années et déclarée travail-leur handicapé, ne peut prospérer dans sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. D'une part, si elle indique que le fait que son embauche était soumise à un examen médical démontre la connaissance de son état de santé par son em-ployeur, cette condition suspensive inscrite au contrat de travail n'est pas une preuve de cette con-naissance, mais le simple respect des dispositions légales. D'autre part, elle ne démontre pas que son employeur n'aurait pas respecté les recommandations médicales.

La salariée, déclarée inapte définitivement à son poste par le médecin du travail sans reclassement possible, est déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où d'une part, la validité du motif de licenciement est établi, l'inaptitude de la salariée n'étant pas la conséquence d'une violation de l'obligation de sécurité par l'employeur, et dans la mesure où, d'autre part, conformément à ses obligations, l'employeur a recherché un emploi de reclassement et conclu qu'aucun profil n'était en adéquation avec l'état de santé de celle-ci. Par ailleurs, les circonstances de la mise en œuvre du licenciement ont été con-formes à la réglementation. En effet, suite à la tenue de la commission de licenciement, il a été établi un avis favorable par l'inspection du travail et l'employeur a alors reçu la salariée avant de lui notifier son licenciement en l'état de son inaptitude professionnelle et de l'impossibilité de reclassement.


TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 6 JANVIER 2023

En la cause de Madame A., demeurant X1 à PEILLE (06440) ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Laurent DUVAL, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B., dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas BREZZO, avocat près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat ;

d'autre part ;

Visa🔗

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 9 novembre 2020, reçue le 12 novembre 2020 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 41-2020/2021 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 1er décembre 2020 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Ma-dame A. en date 12 mai 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Thomas BREZZO, avocat au nom de la S.A.M. B. en date du 14 juillet 2022 ;

Après avoir entendu Maître Laurent DUVAL, avocat au barreau de Nice, pour Madame A. et Maître Tho-mas BREZZO, avocat près la Cour d'appel de Monaco, pour la S.A.M. B. en leurs plaidoiries à l'audience du 17 novembre 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs🔗

Madame A. a été embauchée par la société anonyme monégasque B. en qualité de Chauffeur poids lourd à compter du 1er juillet 2016 pour une durée hebdomadaire de 35 heures.

Elle était déclarée inapte à tout travail à partir du 1er janvier 2020 et licenciée par courrier du 17 mars 2020.

Par requête reçue le 12 novembre 2020, Madame A. saisissait le Tribunal du travail en sollicitant :

  • 19.516,80 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

  • 19.516,80 euros de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

  • 3.252,80 euros de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

  • 325,28 euros de congés payés sur préavis,

avec intérêts au taux légal et le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

À l'audience de conciliation, la société anonyme monégasque B. formait une demande reconventionnelle de remboursement de 2.083,49 euros d'indemnité de congédiement indue.

À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par conclusions récapitulatives du 12 mai 2022, Madame A. soulève l'incompétence du Tribunal du travail relativement à la demande reconventionnelle de la S.A.M. B.et sollicite la somme de 3.900 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

  • depuis le 18 juillet 2013 elle avait fait l'objet d'une interdiction d'efforts de soulèvement et de port de charges lourdes,

  • elle bénéficiait d'une reconnaissance en qualité de travailleur handicapé depuis le 9 octobre 2012, renouvelée le 9 octobre 2017,

  • l'employeur ne pouvait ignorer son statut,

  • les prescriptions concernant l'interdiction du port de charges lourdes et la conduite d'un camion en boîte automatique n'ayant pas été respectées elle a été reconnue en maladie professionnelle le 7 septembre 2018,

  • l'employeur n'a pas respecté l'obligation de sécurité lui incombant,

  • dès le mois d'avril 2018 une préconisation d'aménagement de poste avait été formulée,

  • le contrat de travail a continué à être exécuté sans respecter les contre-indications, ce qui a con-duit à une dégradation rapide de l'état de santé de la salariée,

  • Madame A. a dû faire appel aux services de la D.A.S.S. pour imposer l'aménagement de poste et l'octroi d'un camion automatique,

  • après sa déclaration de maladie l'employeur n'en a pas tenu compte et ne lui attribuait que des véhicules vétustes demandant des efforts physiques pourtant contre-indiqués,

  • elle réalisait de nombreux travaux de force (ouverture des portes, utilisation du levier pour change de benne, grattage de benne),

  • Madame A. a par ailleurs fait face de manière très violente à un harcèlement de ses collègues,

  • en laissant perdurer ces agissements l'employeur a failli à ses obligations,

  • le licenciement est irrégulier car il repose sur une cause que l'employeur a généré lui-même,

  • l'inaptitude est le fait de l'employeur qui par le non-respect de la santé de la salariée a aggravé son état,

  • par ailleurs, l'employeur n'a fait aucun effort de reclassement,

  • le Tribunal du travail est incompétent pour statuer sur le recouvrement d'un trop perçu d'indem-nité de congédiement, cette demande ne dérivant pas du contrat de travail,

  • en outre les demandes de la salariée sont étrangères aux demandes de l'employeur en sorte qu'il n'y a pas de lien entre la demande reconventionnelle et la demande principale,

  • subsidiairement, l'exception de compte arrêté prive l'employeur de la possibilité d'en contester la teneur et de le dénoncer,

  • en outre, cette réclamation est une sanction destinée à pénaliser la salariée, l'employeur ayant proposé une indemnité transactionnelle.

Par conclusions récapitulatives du 14 juillet 2022, la S.A.M. B. limite la demande de remboursement de trop perçu d'indemnité de congédiement à la somme de 2.082,87 euros. Elle soutient pour l'essentiel que :

  • la société B. n'a jamais été informée de maladies ou pathologies que Madame A. pouvait avoir préalablement à son embauche,

  • elle n'a pas été informée du statut de travailleur handicapé qui lui avait été reconnu en 2012, sta-tut de droit français qui ne peut être communiqué à l'employeur que par le salarié lui-même, ce que Madame A. n'avait pas fait,

  • lors de la visite obligatoire préalable à l'embauche le 18 juillet 2016, Madame A. a été déclarée apte et aucune recommandation particulière n'a été formulée,

  • elle a été victime d'un accident du travail le 22 mars 2017, occasionnant un arrêt de travail jus-qu'au 2 avril 2017 pour lequel aucune référence à une affection longue durée n'était faite,

  • c'est à l'occasion d'un arrêt de travail du 18 mars 2018 qu'une affection longue durée exonérante était portée pour la première fois à la connaissance de l'employeur,

  • aucune préconisation médicale particulière n'avait été émise concernant la salariée avant le 9 avril 2018,

  • les pièces médicales produites par Madame A. sont antérieures à son embauche et n'ont jamais été communiquées à l'employeur,

  • suite à l'avis d'aptitude avec aménagement, le poste de Madame A. a pu bénéficier d'un camion 8 x 4 automatique conformément aux recommandations du Médecin du Travail,

  • la recommandation d'absence de manutention lourde n'a nécessité aucun aménagement puisque le poste de travail n'impliquait aucun port de telles charges et que le bâchage et le débâchage des bennes se faisaient automatiquement sur le camion mis à la disposition de la salariée,

  • Madame A. qui soutient que l'employeur n'aurait pas respecté les préconisations médicales n'en justifie nullement,

  • elle avait d'ailleurs reconnu que tous les aménagements avaient bien été mis en place lors de la visite médicale du 12 septembre 2019,

  • suite à un nouvel arrêt de travail du 7 septembre 2017 et à l'octroi du statut de travailleur handi-capé, une Convention a été conclue avec la D.A.S.S., qui n'a pu être mise en œuvre qu'en février 2019 lors de la reprise du travail,

  • elle a été à nouveau placée en arrêt de travail le 1er avril 2019 puis placée dans la catégorie des invalides absolument incapables d'exercer quelque activité professionnelle et déclarée inapte défini-tive à tout poste,

  • Madame A. n'a exercé que deux mois au cours de la période où elle avance que la dégradation de son état de santé serait la conséquence du non-respect des préconisations médicales,

  • la durée au cours de laquelle Madame A. a exercé la profession de Chauffeur poids lourd pour le compte de la société B. est relative au regard du fait qu'elle avait exercé cette profession pendant sept ans avant de l'intégrer,

  • la polyarthrite rhumatoïde dont souffre Madame A. a été reconnue comme étant la cause princi-pale de son inaptitude,

  • il a également été relevé que les vibrations basses des engins conduits par Madame A. avaient sans aucun doute contribué à l'aggravation de sa pathologie préexistante et la survenue de sa mala-die professionnelle,

  • or, aucune préconisation médicale relative aux vibrations basses des camions n'a jamais été for-mulée et la conduite n'a jamais été contre-indiquée et ce alors qu'il s'agissait de l'objet même de son poste de travail,

  • Madame A. qui évoque des faits de harcèlement pour la première fois au cours de la procédure est défaillante à démontrer un quelconque agissement qu'elle aurait subi,

  • le témoignage qu'elle produit ne relate aucun fait précis,

  • la société B. malgré les conclusions indiscutables de l'avis du Médecin du Travail, a étudié des possibilités de reclassement,

  • toutes les fonctions de l'entreprise susceptibles d'être proposées à la salariée nécessitaient une condition physique qui n'était pas en adéquation avec son état de santé,

  • en absence de solutions, la société B. a saisi la Commission de Reclassement qui ne s'est pas op-posée au licenciement,

  • le motif du licenciement est en conséquence valable,

  • Madame A. ne démontre ni n'étaye en quoi le motif du licenciement serait illicite et fallacieux,

  • l'employeur a été particulièrement attentif aux revendications de la salariée, même avant que le licenciement ne soit prononcé,

  • elle a été reçue pour pouvoir discuter de ses doléances,

  • la société B. a proposé le versement d'une indemnité complémentaire de 2.000 euros à titre gra-cieux compte tenu des difficultés rencontrées par la salariée,

  • cette proposition n'est aucunement constitutive d'une quelconque reconnaissance de responsabili-té à quelque titre que ce soit,

  • la demande reconventionnelle de remboursement de trop perçu d'indemnité de congédiement est recevable en ce qu'elle découle de l'existence d'un contrat de travail et de la fin d'une relation sala-riée,

  • elle est en outre bien-fondé, l'indemnité de congédiement versée ayant été mal calculée.

SUR CE,

Sur le respect des conditions d'hygiène et de sécurité

L'employeur a l'obligation de prendre toutes mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé des sala-riés de l'entreprise.

En l'espèce, Madame A. souffre d'un état de santé dégradé depuis de nombreuses années, ayant conduit à la reconnaissance par les autorités sanitaires françaises dès 2012 d'un statut de travailleur handicapé et à de nombreuses prescriptions médicales.

Afin de déterminer la responsabilité de l'employeur, il convient de s'attacher à déterminer sa connaissance de l'état de santé de sa salariée. En effet, le pendant du respect du secret médical qui implique que le sala-rié n'a pas l'obligation d'évoquer son état de santé auprès de son employeur est le fait qu'il ne peut alors lui être reproché la non prise en considération d'une situation dont il ne pouvait avoir connaissance.

Madame A. contrairement à ce qu'elle affirme, n'établit aucunement avoir informé son employeur de l'existence d'une reconnaissance de travailleur handicapé en France.

Elle indique par ailleurs que le fait que son embauche était soumise à examen médical démontre cette connaissance.

Or, aux termes de la loi n° 629, la délivrance d'un permis de travail ne peut avoir lieu qu'après avis de la Médecine du Travail. Cet organisme a en effet en charge, en vertu de la loi n° 637, le suivi médical des salariés et notamment la visite initiale devant intervenir préalablement à l'embauche ou au plus tard dans les trois ans.

Dès lors, la condition suspensive inscrite au contrat de travail n'est pas une preuve de la connaissance par l'employeur de l'état de santé de la salariée, mais le simple respect des dispositions légales.

Madame A. va subir un premier arrêt de travail du 22 mars au 2 avril 2017 suite à un accident de la circu-lation du travail, sans aucun lien avec les difficultés de santé à l'origine de ses doléances (contusion jambe droite).

Madame A. va ensuite subir un arrêt de travail du 18 mars 2018 au 8 avril 2018. Selon certificat du 9 avril 2018, il était préconisé l'adaptation de son poste de travail pour éviter les efforts répétés de ses bras. Selon avis du Médecin du Travail du même jour, elle était déclarée apte sans manutention lourde et avec un vé-hicule automatique. Les pièces médicales produites ne permettent pas de déterminer la pathologie dont souffrait Madame A. Néanmoins, tel que cela ressort des autres pièces médicales et notamment du rapport d'expertise du médecin conseil de l'assureur loi, il s'agissait alors d'une polyarthrite rhumatoïde.

Le 7 septembre 2018, Madame A. va à nouveau être placée en arrêt de travail pour une lombosciatique aigüe. Le 15 octobre 2018 le médecin du travail décelait une hernie discale gauche, précisant qu'elle était soumise aux vibrations basses des camions depuis 10 ans.

Le 17 décembre 2018, suite à une demande de Madame A. du 12 septembre 2018, la Direction de l'Action et de l'Aide Sociales reconnaissait le statut de travailleur handicapé en milieu ordinaire pour une durée de cinq ans. Elle concluait alors une convention de placement de travailleur handicapé sur un emploi protégé avec la société B. avec pour recommandations d'aménager le poste par la conduite d'un camion avec boite automatique et absence de manutention lourde et travail de force.

Madame A. sera déclarée apte à reprendre le travail le 1er février 2019, sous réserve du respect des préco-nisations de la Direction de l'Action et de l'Aide Sociales. Elle reprenait le travail le 4 février 2019. Le 1er avril 2019 elle était à nouveau placée en arrêt de travail pour une hernie discale. Elle ne reprendra jamais le travail.

Le 27 décembre 2019, elle était classée dans la catégorie des invalides absolument incapables d'exercer quelque activité professionnelle à effet du 1er janvier 2020. Cet avis était confirmé par le Médecin du Tra-vail.

Madame A. soutient que son employeur n'a pas respecté les recommandations médicales, engendrant une dégradation de son état de santé.

Elle se fonde sur :

  • une mise en demeure du 20 janvier 2020, postérieure à la mise en œuvre du licenciement,

  • une attestation de Monsieur C. ancien salarié, qui indique qu' « ils » n'ont pas tenu compte de sa dispense médicale et « lui ont attribué des camions vétustes », qu'elle était exclue du groupe, insul-tée et dénigrée.

Cette attestation, non circonstanciée, doit être mise en parallèle avec les propres déclarations de Madame A. En effet, lors de l'examen par le médecin conseil de l'assureur-loi, elle avait indiqué que les aménage-ments préconisés par la D.A.S.S. le 17 décembre 2018 (conduite de camion avec boîte automatique et absence de manutention lourde et de travail de force) « ont été mis en place avant le problème d'apparition de sciatique qui serait néanmoins survenu très peu de temps après ».

Il est dès lors établi, d'une part, que la recommandation du médecin du travail du 9 avril 2018 tenant compte de sa polyarthrite a été respectée, d'autre part, que l'hernie discale n'a pas été déclenchée par un non-respect des obligations de l'employeur. Cela confirme d'ailleurs sa propre déclaration au Médecin-Conseil selon laquelle « il n'y a pas eu de facteur déclenchant particulier, notamment pas de port de charges ayant déclenché les douleurs ».

Dans ces conditions, l'attestation de Monsieur C.ne peut emporter la conviction, étant contredite pas les propres propos de Madame A.

Elle va en revanche indiquer qu'après la reprise de février 2019 elle aurait eu à conduire des camions non adaptés à ses différentes douleurs et que les douleurs au dos se seraient réaggravées. Elle ne produit aucun élément corroborant ses dires, qui sont contredits par l'attestation du responsable du planning. Surtout, elle n'émettra aucune réclamation, ni auprès de son employeur, ni auprès du médecin du travail qu'elle rencontrait pourtant le 14 avril 2019.

Madame A. étant défaillante à démontrer que son employeur n'aurait pas respecté les recommanda-tions médicales, elle ne peut prospérer dans sa réclamation et sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité sera rejetée.

Sur le licenciement

Aux termes de la loi n° 1.348 relative au reclassement des salariés déclarés inaptes par le médecin du tra-vail, l'employeur doit procéder au reclassement du salarié sur un autre emploi approprié à ses capacités et, à défaut de reclassement possible, procéder à son licenciement.

En l'espèce, Madame A. a été déclarée inapte définitif à son poste par le médecin du travail le 5 février 2020. Il précisait « son état de santé ne permet aucun reclassement dans son entreprise ou ailleurs ».

Il a déjà été établi que l'inaptitude de la salariée n'était pas la conséquence d'une violation de l'obligation de sécurité par l'employeur.

Conformément à ses obligations, l'employeur a recherché un emploi de reclassement et conclu qu'aucun profil n'était en adéquation avec l'état de santé par courrier adressé à l'Inspection du Travail du 19 février 2020.

Suite à la tenue de la Commission de licenciement, il a été établi un avis favorable. L'employeur a alors reçu Madame A. le 16 mars, avant de lui notifier son licenciement par courrier du 17 mars en l'état de son inaptitude professionnelle et de l'impossibilité de reclassement.

Aucun abus ne ressort d'un tel enchaînement, ni dans la validité du motif de licenciement qui est établi, ni dans les circonstances de sa mise en œuvre qui ont été conformes à la réglementation.

En conséquence, les demandes de Madame A. seront rejetées.

Surabondamment, il doit être rappelé que la convocation suite au courrier de mise en demeure puis la volonté exprimée par l'employeur de négocier avec sa salariée face à ses récriminations ne peuvent être interprétées comme un quelconque aveu d'une quelconque faute.

Sur la demande reconventionnelle

En application de l'article 1er de la loi n° 446, le Bureau de Jugement du Tribunal du travail ne peut con-naître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum.

En l'espèce, la demande de la S.A.M. B. a été soumise au préalable de conciliation.

Concernant le grief relatif au non-respect du contradictoire, qui aurait dû contraindre la défenderesse à avertir la demanderesse de sa demande reconventionnelle avant l'audience de conciliation, il ne ressort d'aucune disposition.

Surtout, les demandes reconventionnelles n'ont pas à être soumises au préliminaire de conciliation en ap-plication de l'article 55 de la loi n° 446. Dès lors, la S.A.M. B. a été au-delà de ses obligations légales en prenant le soin de soumettre sa demande reconventionnelle à la phase de conciliation, alors qu'elle aurait pu la soumettre directement devant le bureau de jugement, phase au cours de laquelle le contradictoire a été plus que respecté entre les parties.

Par ailleurs, aucune disposition de la loi ne limite la compétence du Tribunal aux seules actions volon-taires des salariés et employeurs, mais l'érige pour tous les contentieux s'élevant à l'occasion du contrat de travail.

La demande reconventionnelle de la société B. est en conséquence recevable.

Aux termes de l'article 1er de la loi n° 845, tout salarié licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de congédiement dont le montant mi-nimum ne pourra être inférieur à celui des indemnités de même nature versées dans la région économique voisine, soit un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans.

Au regard d'un salaire mensuel de référence de 1.626,40 euros et d'une ancienneté trois ans et dix mois, Madame A. avait droit à une indemnité de congédiement de 1.557,28 euros. Ayant perçu la somme de 3.640,15 euros, Madame A. sera en conséquence condamnée à rembourser le trop-perçu s'élevant à la somme de 2.082,87 euros.

Madame A. succombant dans l'intégralité de ses demandes elle sera condamnée aux entiers dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette la demande de Madame A. de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Rejette la demande de Madame A. de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Déclare recevable la demande reconventionnelle de la société anonyme monégasque B. ;

Condamne Madame A. à verser la somme de 2.082,87 euros (deux mille quatre-vingt-deux euros et quatre-vingt-sept centimes) à la S.A.M. B. à titre de remboursement de trop-perçu d'indemnité de congédiement ;

Condamne Madame A. aux entiers dépens ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO et Monsieur Régis MEURILLION, membres employeurs, Messieurs Karim TABCHICHE et Bruno AUGÉ, membres salariés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Se-crétaire en Chef, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le six janvier deux mille vingt-trois.

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