Tribunal du travail, 30 septembre 2022, Madame A. c/ SAM B.

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Abstract🔗

Licenciement - Régularité de la procédure (oui) - Motif valable (non) - Indemnité de licenciement (oui) - Conséquences du licenciement - Préavis - Mise en œuvre abusive (oui) - Dommages-intérêts (oui)

Résumé🔗

La procédure de licenciement est parfaitement régulière, étant précisé qu'une irrégularité ne pourrait avoir comme conséquence qu'une nullité ou un abus dans la mise en œuvre, mais n'affecterait en rien la validité du motif qui s'apprécie au regard des faits invoqués.

L'employeur, sur lequel la charge de la preuve repose, doit démontrer l'existence des faits reprochés.

L'existence d'un motif valable justifiant le licenciement s'apprécie au jour de celui-ci. Dès lors, même si l'employeur n'est pas lié par le motif énoncé dans la lettre de licenciement et est en droit d'invoquer des griefs non mentionnés lors de la rupture, encore faut-il que ces griefs soient également à l'origine du licenciement.

En l'espèce, la salariée qui prétend au versement d'une indemnité de licenciement de 40.424,16 € ne précise ni la méthode de calcul ni le salaire de référence ni la déduction de l'indemnité de congédiement contractuelle versée. Par ailleurs, elle ne met pas le Tribunal en mesure de procéder au calcul, le bulletin de salaire du mois de mars 2020 faisant apparaître plusieurs mentions « indemnités » pour lesquelles aucune explication n'est donnée. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande.

Si l'article 14 réglemente l'indemnité de congédiement, il a néanmoins posé une exception à la règle générale d'un préavis de 3 mois. En effet, sa formulation claire stipule qu'en cas de dispense de préavis la période de préavis est allongée à 6 mois. La règle spéciale dérogeant à la règle générale, elle doit trouver à s'appliquer au cas d'espèce puisque Madame A. a bien été dispensée d'exécution de son préavis. Elle n'aurait bénéficié d'un préavis limité à trois mois que si elle n'en avait pas été dispensée.

Constitue un licenciement abusif, celui qui révèle un comportement fautif de l'employeur dans l'usage du droit de résiliation unilatérale qui lui est reconnu par la loi, lorsqu'il a agi, pour un faux motif, de manière vexatoire, avec une légèreté blâmable ou une intention de nuire.

En l'espèce, la salariée estime que l'employeur a méconnu le Règlement Intérieur. Le Règlement Intérieur n'ayant pas été approuvé par l'Inspection du Travail, il n'était pas applicable.

La salariée reproche à son employeur d'avoir annoncé son licenciement aux Délégués du Personnel lors d'une réunion du 20 décembre 2019, dans un but vexatoire. Compte tenu des fonctions de direction des ressources humaines de la salariée et des conséquences qu'allait engendrer la rupture de son contrat de travail, il était parfaitement légitime de la part de l'employeur d'informer les Délégués du Personnel de cette mesure.

Il est déjà établi que l'employeur a fait une mauvaise application du contrat de travail et n'a versé que trois mois de préavis au lieu de six, ce qui est constitutif d'un comportement fautif ouvrant droit à indemnisation du préjudice moral subi.

Si le confinement et la désorganisation du service suite au départ de la salariée permettent d'écarter que le retard soit dû à une intention de nuire de l'employeur, il n'en demeure pas moins que la remise trois mois après la fin du préavis fixé par l'employeur à la salariée est une faute. Madame A. qui soutient avoir subi à la fois un préjudice matériel et moral n'apporte aucun élément venant étayer les difficultés financières auxquelles elle aurait été confrontée. En revanche, le préjudice moral d'avoir eu à réclamer, relancer et vérifier la documentation soumise est caractérisé et doit être indemnisé par l'allocation de dommages et intérêts. La salariée a subi un préjudice moral du fait du retard de règlement de son indemnité de non-concurrence qui n'est intervenue que le 16 octobre 2020, après mise en demeure de son Conseil.


Motifs🔗

JUGEMENT DU 30 SEPTEMBRE 2022

En la cause de Madame A., demeurant X1à MONACO ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B. anciennement société anonyme monégasque C., dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Delphine FRAHI avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Yann CONIL, avocat en ce même barreau ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 3 mars 2020, reçue le 4 mars 2020 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 6-2020/2021 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 23 juin 2020 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur au nom de Madame A. en date du 4 juillet 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. B. anciennement S.A.M. C. en date du 9 juin 2022 ;

Après avoir entendu Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Madame A. et Maître Yann CONIL, avocat au barreau de Nice, substituant Maître Delphine FRAHI, avocat en ce même barreau, pour la S.A.M. B. anciennement S.A.M. C. en leurs plaidoiries à l'audience du 7 juillet 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauchée le 17 juin 2013 en qualité de Directrice des Ressources Humaines, puis de Directrice Administratif et Financier par la société anonyme monégasque C. devenue la S.A.M. C. Madame A. a été licenciée par courrier du 17 décembre 2019, pour perte de confiance.

Considérant son licenciement fallacieux, vexatoire, discriminatoire et abusif et ne pas avoir été réglée de l'ensemble des sommes qui lui étaient dues, Madame A. a saisi le Tribunal du travail par requête du 4 mars 2020 afin d'obtenir :

  • 96.248 euros d'indemnité de congédiement,

  • 40.424,16 euros d'indemnité de licenciement,

  • 73.266 euros d'indemnité de préavis,

  • 8.859,11 euros d'indemnité de congés payés y afférents,

  • 41.607,71 euros d'indemnité de congés payés,

  • 6.015,50 euros d'indemnité de prime de fin d'année,

  • 12.216,21 euros de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

  • 10.927,57 euros de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

  • 1.002,58 euros de rappel de salaire sur gratification de 13ème mois,

  • 23.811,45 euros de rappel de salaire sur prime variable de 2019,

  • 11.905,73 euros de rappel de salaire sur prime variable de 2020,

  • 5.552,76 euros de rappel de salaire sur jour férié travaillé,

  • 1.850,69 euros de rappel de frais professionnels avancés,

  • 350.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement fallacieux, vexatoire, discriminatoire et abusif,

le tout avec intérêts au taux légal, outre la remise de la documentation sociale rectifiée sous astreinte de 150 euros par jour de retard et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par conclusions récapitulatives du 4 juillet 2022, Madame A. ramène ses prétentions à :

  • 40.424,16 euros d'indemnité de licenciement,

  • 36.633 euros d'indemnité de préavis,

  • 4.429,56 euros d'indemnité de congés payés y afférents,

  • 575,45 euros d'indemnité de congés payés,

  • 3.007,75 euros d'indemnité de prime de fin d'année,

  • 23.811,45 euros de rappel de salaire sur prime variable de 2019,

  • 11.905,73 euros de rappel de salaire sur prime variable de 2020,

  • 1.850,69 euros de rappel de frais professionnels avancés,

  • 350.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement fallacieux, vexatoire, discriminatoire et abusif,

  • 10.000 euros de frais irrépétibles,

  • les dépens,

le tout avec intérêts au taux légal, outre la remise de la documentation sociale rectifiée sous astreinte de 150 euros par jour de retard et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Elle sollicite en outre le bâtonnement d'une phrase du paragraphe 8 de la page 21 des conclusions adverses du 14 octobre 2021.

Elle soutient pour l'essentiel que :

  • elle a été mise à pied à titre conservatoire le 11 novembre 2019 de manière brutale et inattendue, par lettre antidatée au 8 novembre,

  • elle a été convoquée par courrier du 27 novembre 2019 à un entretien préalable fixé au 4 décembre 2019 et avancé le 3 décembre à la demande de l'employeur,

  • la lettre est à l'entête de la S.A.M. C.et signée par son Administrateur, qui n'a aucun pouvoir pour représenter la S.A.M. C.

  • elle est signée au nom du Président Délégué de la S.A.M. C. par le Président Délégué de la S.A.M. C.

  • celle communiquée par la S.A.M. C. est un faux et ne correspond pas à celle remise à Madame A.

  • la lettre ne mentionnait pas la possibilité de se faire assister par un membre du personnel tel que prescrit par le Règlement Intérieur de la société,

  • le Règlement Intérieur de la S.A.M. C. est applicable au sein de la S.A.M. C. compte tenu du transfert du contrat de travail de l'ensemble des salariés, ainsi que du transfert des Délégués du Personnel, qui ont été informés de l'application dudit règlement lors d'une réunion du 18 juillet 2017,

  • dès la lettre de convocation à l'entretien elle était invitée à remettre l'ensemble de ses outils professionnels,

  • cela démontre que la décision de licenciement était déjà prise et que la tenue de l'entretien n'était qu'un simulacre,

  • l'entretien préalable était mené par les personnes étrangères à la S.A.M. C.

  • ces personnes ne pouvaient représenter l'employeur et ne disposaient d'aucun pouvoir en matière de ressources humaines,

  • au cours de l'entretien, Madame A. n'a pas été assistée par Madame D. sa présence ayant été requise par le Vice-Président du Département Finances du Groupe B.

  • au cours de cet entretien seules des questions lui étaient posées sur la situation de la S.A.M. E. société au sein de laquelle la salariée est actionnaire minoritaire, et de sa filiale tunisienne, la S.A.R.L. F.et sur la procédure de remboursement de frais professionnels,

  • il ne s'agissait pas d'un entretien préalable à un licenciement, mais d'une enquête sur son management,

  • alors qu'il était indiqué à Madame A. qu'elle recevrait un rapport d'audit, il lui était notifié son licenciement,

  • l'article 23 du Règlement Intérieur relatif à la procédure de mise à pied ou de licenciement n'a pas été respecté,

  • aucun grief écrit précis n'a été présenté à la salariée,

  • les Délégués du Personnel n'ont pas été informés préalablement, l'employeur ayant vainement tenté de régulariser la situation postérieurement au licenciement,

  • la lettre de licenciement n'est pas valide, pour être rédigée à l'entête de la S.A.M. C. qui n'était pas l'employeur de la salariée, et signée par un simple Administrateur de la S.A.M. C.ne disposant d'aucune délégation de pouvoir,

  • l'ensemble de ces irrégularités prive le licenciement de validité, ce qui ouvre droit au versement de l'indemnité de licenciement,

  • en outre, le motif de licenciement n'est pas valable,

  • l'audit qui aurait fait apparaître le paiement de dépenses privées n'a jamais été communiqué ni à Madame A. ni même le détail des sommes,

  • près de deux ans après les faits, les factures litigieuses ne sont toujours pas communiquées,

  • en désespoir, l'employeur invoque dorénavant de nouveaux griefs,

  • si l'employeur peut invoquer de nouveaux griefs, il est nécessaire qu'ils aient été à l'origine du licenciement,

  • or, ils ne se rattachent aucunement aux faits visés dans la lettre de licenciement, et n'étaient d'ailleurs pas visés dans l'audit du 19 décembre 2019,

  • ils sont en tout état de cause infondés,

  • le véhicule de fonction dont la valeur serait supérieure à la valeur d'achat autorisée par le contrat de travail n'a pas été acheté, mais loué avec l'autorisation de Monsieur G. pour un montant n'excédant pas le seuil autorisé,

  • les clauses contractuelles modifiées en 2017 ne relèvent d'aucun stratagème et sont identiques à celles dont bénéficiaient d'anciens membres de la Direction disposant de postes et responsabilités similaires,

  • les primes étaient conformes au contrat de travail, qui prévoyait un seul minimum de 15 % en cas d'atteinte des objectifs,

  • elle n'a réalisé aucune activité autre et n'a pas manqué à son obligation de loyauté,

  • elle était Administrateur et associée minoritaire d'une société en relation commerciale avec le groupe C. avec l'autorisation du Groupe B.

  • cette activité ne lui demandait aucun travail,

  • d'autres salariés de l'entreprise étaient également parties prenantes à cette activité et n'ont pas été inquiétés,

  • les fautes de gestion qui lui sont reprochées sont inexistantes et auraient en tout état de cause été découvertes postérieurement au licenciement,

  • Madame A. n'a jamais orchestré un faux licenciement d'une salariée historique, ce qui d'ailleurs aurait dû conduire à un licenciement pour faute grave ce qui n'a pas été le cas,

  • Madame A. a toujours été transparente sur sa gestion et rendait régulièrement des comptes,

  • le licenciement concomitant de Madame A.et du Directeur Général Monsieur G. avait pour objectif une reprise en main de l'entreprise par le Groupe B.et faire main basse sur sa technologie, ses ressources, son savoir-faire et ses résultats bénéficiaires,

  • il permettait également de dissimuler l'alerte qu'ils entendaient porter le 11 novembre 2019, lors du Conseil d'Administration sur des faits délictueux découverts au sein de l'usine tunisienne,

  • il s'agit dès lors d'un licenciement fallacieux, notifié pour couper court à un lancement d'alerte, ce qui représente une mesure discriminatoire,

  • le licenciement a été mis en œuvre de manière brutale et vexatoire,

  • le simple fait que cinq personnes puissent attester avoir été présentes au moment de la mise à pied conservatoire confirme que cela a été fait en public pour jeter le discrédit sur Madame A.

  • en outre, les attestations communiquées sont contradictoires,

  • Madame A. a subi un préjudice important,

  • elle a été particulièrement choquée et n'arrive pas à se remettre,

  • son intégrité professionnelle a été ternie,

  • elle n'a pu retrouver d'emploi équivalent,

  • l'employeur a perduré dans son comportement fautif après la rupture du contrat de travail,

  • il refuse de lui accorder un préavis de six mois, malgré les dispositions claires de l'article 14 de l'avenant n° 2 de son contrat de travail, et l'injonction de l'Inspection du Travail,

  • cette disposition consistait en une simple harmonisation par rapport aux anciens membres de le Direction,

  • d'ailleurs la société C. a fait application de cet avenant en lui versant une indemnité de congédiement de huit mois de salaire,

  • il ne lui a pas versé son chèque-cadeau, ce qui l'a contrainte à le relancer,

  • l'employeur ose d'ailleurs la diffamer en portant atteinte à son honneur en la qualifiant « d'avide » pour avoir porté une demande parfaitement légitime, ce qui nécessite que ces propos soient supprimés par bâtonnement,

  • la documentation de fin de contrat lui a été remise avec plus de trois mois de retard, ce qui lui a occasionné un préjudice dans ses démarches visant à retrouver un emploi,

  • la contrepartie financière de sa non-concurrence lui a été versée tardivement, après mise en demeure de son Conseil,

  • la S.A.M. C. a retenu indûment de la documentation personnelle de Madame A. qu'elle s'était permis de saisir lors d'une perquisition dans son bureau suite à sa mise à pied,

  • Madame A. ayant été licenciée le 17 décembre 2019, elle est en droit de prétendre à l'intégralité de sa rémunération variable pour l'année 2019,

  • en outre, bénéficiant d'un préavis contractuel de 6 mois, elle est en droit de prétendre au paiement de sa prime variable de l'année 2020 au prorata temporis,

  • certains de ses frais professionnels pourtant dûment justifiés n'ont pas été remboursés.

Par conclusions récapitulatives du 9 juin 2022, la société B. (anciennement C. sollicite le débouté de l'intégralité des demandes de Madame A. outre sa condamnation à 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et 10.000 euros de frais irrépétibles.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

  • il a été découvert fortuitement par le Groupe B. que Madame A. avait profité de sa position pour détourner les actifs de son employeur et faire acte de concurrence déloyale aux côtés du Directeur Général,

  • ils ont alors été mis à pied à titre conservatoire dès la découverte de leurs agissements,

  • un audit interne était alors diligenté,

  • suite à l'entretien préalable du 3 décembre 2019 et à la suite de la remise du rapport d'audit, la véracité des fautes reprochées à Madame A. était confirmée et son licenciement fût prononcé,

  • la procédure de licenciement a été parfaitement régulière,

  • si deux versions de la mise à pied existent c'est que le 8 novembre 2019, le Président Délégué de la S.A.M. C. a édité sur papier libre un courrier en urgence en Allemagne, remis en main propre à Madame A. le 11 novembre 2019 et que le 11 novembre 2019, Monsieur H. Administrateur de la C. a signé un courrier de même nature sur le papier entête de la société qu'il envisageait d'adresser à la salariée par courrier,

  • le Président Délégué de la S.A.M. C. est parfaitement habilité à prendre une mesure de mise à pied au sein de la filiale du Groupe,

  • en tout état de cause, la mise à pied conservatoire n'est soumise à aucune formalité particulière et est en conséquence valable,

  • de même, la convocation à un entretien préalable n'est nullement requise et n'a pas à être soumise au moindre formalisme,

  • la remise de ce courrier ne pouvait être faite par son supérieur hiérarchique puisque lui-même était mis à pied le même jour,

  • seul le Directeur Général du Groupe et Administrateur de la société de Monaco était donc légitime à le faire,

  • le Règlement Intérieur de la S.A.M. C. n'était pas applicable à la S.A.M. C.

  • il appartenait à Madame A. d'en établir un au sein de la nouvelle entité, ce qu'elle n'a jamais fait,

  • la formulation de la réunion du personnel du 18 juillet 2017 indiquant « même Règlement Intérieur de C.S.A.M. » est insuffisante pour tirer quelconque conclusion sur la volonté des salariés mais surtout pour rendre applicable ce règlement, à défaut d'avoir été établi conformément aux dispositions légales,

  • en outre, ce Règlement Intérieur ne met aucune obligation d'information à la charge de l'employeur,

  • l'entretien préalable n'est prescrit par aucune disposition légale,

  • un membre dirigeant du Groupe, eu égard à ses fonctions, est parfaitement habilité à y participer,

  • la lettre de licenciement a été signée par la personne la plus habilitée à le faire compte tenu de l'indisponibilité du Directeur Général, un Administrateur de B. Monaco, mais également dirigeant du Groupe,

  • surtout, Madame A. n'a aucunement pu être induite en erreur sur l'identité de la société et la portée de la mesure,

  • le licenciement est fondé sur un motif valable,

  • compte tenu de l'opacité entretenue et du temps limité pour réaliser l'audit, seules certaines dépenses indues ont été évoquées dans la lettre de licenciement, notamment des locations de véhicules, chambres d'hôtels et achats de billets d'avion pour son compte personnel,

  • du fait de ses fonctions Madame A. devait faire preuve de rigueur et d'exemplarité,

  • d'autres agissements ont ensuite été découverts,

  • Madame A. a choisi un véhicule de fonction dépassant le montant autorisé par son contrat de travail,

  • l'autorisation de Monsieur G. n'est nullement exonératoire de responsabilité, puisqu'ils ont agi de concert, ce dernier profitant de l'acquisition dudit véhicule pour souscrire une assurance vie aux frais de la société, ainsi qu'une garantie de valeur à neuf en son nom propre,

  • elle s'est vue attribuer des avantages contractuels injustifiés : augmentation de salaire, véhicule de fonction, prime sur objectifs, mesures très favorables en cas de licenciement,

  • son niveau hiérarchique n'était pas comparable aux autres salariés bénéficiant de tels avantages,

  • Madame A. s'est fait remettre des primes totalement indues tout au long de l'année 2019 sans aucune justification,

  • le contrat de travail stipulait une prime équivalente à 15 % du salaire brut annuel, et non pas minimum,

  • il a été découvert que Madame A. était Administrateur et Actionnaire minoritaire d'une société disposant d'une filiale en Tunisie,

  • la documentation de cette société retrouvée dans son bureau confirme qu'elle travaillait pour cette société durant son temps de travail et avec les moyens mis à sa disposition par son employeur,

  • l'employeur n'a nullement validé qu'elle puisse travailler pour une entreprise tierce sur son temps de travail,

  • surtout cette société s'est livrée à une action de détournement des ressources du Groupe B. alors qu'elle était sous le contrôle de Monsieur G.et que Madame A. bénéficiait d'une délégation de pouvoir,

  • Madame A. n'a pas versé la participation des salariés aux résultats de la société pour l'exercice 2018 et n'a pas reconstitué les capitaux propres dans les délais légaux,

  • enfin, elle a construit de toutes pièces un faux licenciement pour permettre à une salariée de toucher près de 65.000 euros dans le cadre de son solde de tout compte, avant d'être réembauchée peu de temps après,

  • l'ensemble des griefs à l'encontre de Madame A. ont bien été évoqués dans la lettre de licenciement et sont simplement détaillés dans le cadre de la procédure,

  • le licenciement ne dissimule aucun faux motif,

  • la société monégasque faisait partie du Groupe B. depuis 25 ans qui n'a pas été prise de contrôle à la suite des licenciements, une simple harmonisation des sigles ayant eu lieu,

  • Madame A. n'est pas une lanceuse d'alerte,

  • les deux seuls courriers qu'elle produit ne sont pas rédigés par elle, mais par Monsieur G. et sont postérieurs à la mise à pied,

  • la procédure de licenciement a été menée avec tact et discrétion,

  • les Collaborateurs présents lors de la mise à pied n'ont rien entendu ni remarqué de particulier,

  • compte tenu de son niveau de responsabilité et de la nature des faits reprochés il était nécessaire de désactiver l'accès à ses comptes immédiatement dans le cadre d'une mise à pied conservatoire,

  • Madame A.ne justifie pas son préjudice ni sa situation actuelle,

  • contrairement à ce qu'elle affirme, le contrat de travail prévoit bien une durée de préavis de trois mois dans son article 13, l'article 14 ne régissant que le calcul de l'indemnité de congédiement,

  • la désorganisation du service, la crise sanitaire et le confinement ont retardé la remise des documents de fin de contrat,

  • la situation a été régularisée et Madame A. ne justifie d'aucun préjudice,

  • aucune volonté de nuire de l'employeur postérieurement à la rupture du contrat de travail n'est caractérisée,

  • Madame A. n'apporte aucune précision sur les calculs de congés payés,

  • aucune prime n'est due à Madame A. celle-ci venant récompenser le travail du salarié au bénéfice de l'employeur, alors qu'elle a déployé son activité pour détourner les actifs de l'entreprise,

  • aucun usage dans l'entreprise ne prévoit le paiement des primes au prorata temporis en cas de départ,

  • à défaut d'avoir été présente dans l'entreprise à la date du paiement, elle n'est pas fondée à en réclamer le paiement,

  • enfin, elle ne justifie pas avoir atteint ses objectifs,

  • la documentation produite à l'appui de la demande de remboursement de frais professionnels n'est pas probante,

  • la procédure initiée par Madame A. est manifestement abusive et a causé un préjudice à l'employeur,

  • en outre l'équité commande qu'elle soit condamnée aux frais exposés pour se défendre.

SUR CE,

Sur la demande de bâtonnement

Les conclusions récapitulatives du 9 juin 2022 ne comportent pas le terme « avide » considéré comme infamant par Madame A. en sorte qu'il n'y a pas lieu à bâtonnement.

Sur le licenciement

Sur la procédure de licenciement

Madame A. estime que la procédure de licenciement n'a pas été menée par des personnes ayant la qualité de décisionnaires au sein de la société B C. ce qui entacherait le licenciement d'irrégularité et rendrait son motif non valable.

Madame A. a été embauchée, à compter du 17 juin 2013, en qualité de Directrice des Ressources Humaines par la S.A.M. C. représentée par son Directeur Général Monsieur G. Elle était placée sous l'autorité du Directeur Général « voire de toute personne qui pourrait lui être substituée ».

Selon avenant du 30 septembre 2014, elle était nommée Directeur Administratif et Financier, y compris le secteur Ressources Humaines Groupe, à compter du 1er octobre 2014, toujours placée sous l'autorité du Directeur Général « voire de toute personne qui pourrait lui être substituée ».

L'avenant du 20 janvier 2017 ne modifiait pas ces modalités.

À compter du 26 juillet 2017, elle était autorisée à travailler en qualité de Directeur Administratif et Financier de la société C. sans avenant à son contrat de travail.

La société C. était détenue à 100 % par la S.A.M. C. elle-même détenue à 82,75 % par la société I.& Co.

À compter d'une Assemblée Générale du 28 mai 2019, le Conseil d'Administration de la S.A.M. C. était composé de Monsieur J. Président, Messieurs K. et H.et la société I.& Co, représentée par Monsieur L. Administrateurs et Monsieur G. Administrateur Délégué.

Madame A. conteste la validité des courriers de mise à pied conservatoire.

Il convient de préciser que, si elle argue le second de faux, elle n'a introduit aucune action en inscription de faux. Surtout, il est établi que c'est bien celui rédigé en Allemagne le 8 novembre 2019 et signé par Monsieur M. Président Délégué de la S.A.M. C. qui lui a été remis en mains propres le 11 novembre, puisque c'est celui qu'elle produit aux débats. Même si l'entête du courrier n'était pas celui de la C. cela n'a induit aucun doute dans l'esprit de la salariée et partant causé aucun préjudice.

Il ressort de la capture d'écran de son téléphone que le second, daté du 11 novembre 2019 et signé par Monsieur N. Administrateur de la S.A.M. C. lui a été adressé par texto.

Selon extrait e-bis du 26 février 2018, la société C. était administrée par un Président Administrateur Délégué, Monsieur M. et par un Administrateur Délégué, la S.A.M. C. représentée par Monsieur M.

Selon extrait e-bis du 26 février 2018, la S.A.M. C. était administrée par un Président Délégué, Monsieur M. et par deux Administrateurs, Messieurs N.et K.

Du fait de la procédure de mise à pied conservatoire prise à l'encontre du Directeur Général sous l'autorité duquel elle était placée, le Président Administrateur Délégué était légitime à endosser les pouvoirs de l'employeur, notamment celui de sanction. Cela est d'ailleurs conforme aux termes du contrat de travail, qui prévoit que toute personne peut substituer le Directeur Général dans le pouvoir de direction. Un des Administrateurs de la S.A.M. C. Monsieur N. était tout autant légitime, en sorte que les deux courriers de mise à pied conservatoire sont réguliers.

Les courriers de convocation à entretien préalable et la lettre de licenciement sont signés par Monsieur N. Administrateur de la S.A.M. C. Au même titre que le Président, l'Administrateur de la S.A.M. C. pouvait recevoir tout pouvoir de cette dernière pour accomplir les actes de direction au sein de la société C.

La procédure de licenciement est en conséquence parfaitement régulière, étant précisé qu'une irrégularité ne pourrait avoir comme conséquence qu'une nullité ou un abus dans la mise en œuvre, mais n'affecterait en rien la validité du motif qui s'apprécie au regard des faits invoqués.

Concernant les autres irrégularités soulevées par la demanderesse (non-respect du Règlement Intérieur, rupture d'équilibre des forces entre les parties, non énonciation de griefs ...) elles doivent être analysés au titre de la mise en œuvre du licenciement et n'ont aucune incidence sur la validité du motif.

Sur la validité du motif de licenciement

Aux termes du courrier du 17 décembre 2019, Madame A. a été licenciée pour les motifs suivants :

« Le 11 novembre dernier, nous vous avons notifié une mise à pied conservatoire après avoir eu connaissance de faits nous laissant craindre que vous auriez manqué à vos obligations contractuelles.

(...).

Ainsi qu'il vous a été exposé lors de cet entretien, il est apparu lors d'un audit que des frais ont été engagés par vous au nom du Groupe C.

Pour l'année 2019, nous avons établi qu'une somme de 3.116,24 euros a été payée par notre société ou les sociétés du Groupe au titre de dépenses privées, sans remboursement.

Compte tenu de votre position et des fonctions de Directrice Administrative et Financière que vous occupez au sein de notre entreprise, il s'agit là d'un comportement que nous ne pouvons tolérer.

Nous considérons qu'il s'agit d'un motif valable de licenciement.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de mettre un terme à votre contrat de travail qui prendra fin au terme de votre préavis contractuel de trois mois. ».

L'employeur, sur lequel la charge de la preuve repose, doit démontrer l'existence des faits reprochés.

En l'espèce, la défenderesse produit en pièce n° 21 intitulée « extrait rapport d'audit - pages 55 à 66 » ce qui constituerait des dépenses privées engagées par Madame A. sur les comptes des sociétés C. et C. Cette pièce est rédigée en langue anglaise et non traduite en sorte que le Tribunal ne peut en prendre connaissance.

Aucune autre pièce ne venant étayer le grief de l'employeur, ce motif de licenciement n'est pas prouvé et par tant pas valable.

La société C. reproche également à Madame A. un certain nombre de faits qui seraient constitutifs d'une violation de son obligation de loyauté et d'une perte de confiance.

L'existence d'un motif valable justifiant le licenciement s'apprécie au jour de celui-ci. Dès lors, même si l'employeur n'est pas lié par le motif énoncé dans la lettre de licenciement et est en droit d'invoquer des griefs non mentionnés lors de la rupture, encore faut-il que ces griefs soient également à l'origine du licenciement.

En l'espèce, lors du licenciement seule la question des frais personnels a été énoncée. L'intégralité des autres griefs ont été découverts de l'aveu même de la société C. postérieurement au licenciement. Dans ces conditions, ils sont sans incidence sur la validité du motif qui, au jour du prononcé du licenciement, n'était pas justifié.

En l'absence de motif valable de licenciement, Madame A. doit percevoir une indemnité de licenciement.

Madame A. qui prétend au versement d'une indemnité de licenciement de 40.424,16 euros ne précise ni la méthode de calcul ni le salaire de référence ni la déduction de l'indemnité de congédiement contractuelle versée. Par ailleurs, elle ne met pas le Tribunal en mesure de procéder au calcul, le bulletin de salaire du mois de mars 2020 faisant apparaître plusieurs mentions « indemnités » pour lesquelles aucune explication n'est donnée. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande.

Sur le caractère fallacieux et discriminatoire du licenciement

Madame A. prétend que son licenciement serait fallacieux au double motif qu'il aurait eu pour but de l'évincer afin d'organiser une reprise de la société et qu'il aurait permis de dissimuler l'alerte qu'elle comptait lancer sur des agissements frauduleux au sein de la filiale tunisienne.

Afin de démontrer la reprise invoquée, elle produit des publications de changements de dénomination sociale. Or, contrairement à ce qu'elle affirme, aucun changement de participation n'est intervenu au sein de la société C. ni au sein de la S.A.M. C. qui la détient en totalité, dans la période entourant le licenciement. Au contraire, il ressort de la lecture du procès-verbal du Conseil d'Administration du 28 mai 2019, que la société I.& Co, maison mère du groupe C. dorénavant dénommé B. était déjà Administrateur de la S.A.M. C.

Ainsi, à supposer que des décisions de licenciement collectif soient intervenues après le départ de Madame A. ce qui n'est pas démontré puisqu'aucune pièce en langue française n'est communiquée, son maintien à son poste au sein de la société C. n'aurait en rien empêché cela puisque le Groupe était déjà contrôlé par les mêmes personnes décisionnaires.

Madame A. soutient qu'elle comptait dénoncer des faits frauduleux le 11 novembre 2019 et que sa mise à pied conservatoire serait intervenue opportunément pour l'en empêcher.

Au soutien de sa prétention elle produit une attestation d'un ancien salarié qui dénonce le comportement des Responsables du site tunisien, dont il se serait ouvert auprès de Madame A. qui lui aurait « confirmé qu'elle aurait fait le nécessaire pour clarifier la situation ». Ce salarié énonce qu'il est parti à la retraite en mai 2018.

Or, aucun élément n'atteste que Madame A. ait agi, dénoncé, signalé quoi que ce soit à qui que ce soit entre mai 2018 et le 11 novembre 2019.

Concernant son allégation d'intention de dénoncer des faits ce 11 novembre, elle ne repose que sur les assertions de Madame A. dans les conclusions déposées devant le Tribunal et les courriers postérieurs à la mise en œuvre du licenciement de Monsieur G. dont la teneur n'engage que lui et ne sont étayés par aucune pièce.

Madame A. est défaillante à caractériser le caractère fallacieux de son licenciement et sera déboutée de toutes les demandes indemnitaires y afférentes.

Sur les conséquences du licenciement

Sur le préavis

Lors de son licenciement Madame A. a été dispensée d'exécuter son préavis. Elle a été réglée de trois mois de salaire, l'employeur estimant que tel était le délai fixé par le contrat de travail, ce qu'elle conteste.

Aux termes de l'article 13 du contrat de travail en sa dernière version suite à l'avenant du 20 janvier 2017 « en cas de rupture du présent contrat, le préavis réciproque applicable sera de trois mois ». Aux termes de l'article 14 alinéa 3 « si dans le cadre d'un licenciement décidé par l'employeur, la salariée est immédiatement dégagée de l'obligation de remplir ses devoirs professionnels, l'indemnité de la salariée se montera à 6 mois de la période de préavis plus 8 mois d'indemnités [de congédiement] ».

Si l'article 14 réglemente l'indemnité de congédiement, il a néanmoins posé une exception à la règle générale d'un préavis de 3 mois. En effet, sa formulation claire stipule qu'en cas de dispense de préavis la période de préavis est allongée à 6 mois. La règle spéciale dérogeant à la règle générale, elle doit trouver à s'appliquer au cas d'espèce puisque Madame A. a bien été dispensée d'exécution de son préavis. Elle n'aurait bénéficié d'un préavis limité à trois mois que si elle n'en avait pas été dispensée.

En conséquence, il convient de condamner la S.A.M. B. à verser à Madame A. la somme de 36.633 euros de reliquat d'indemnité de préavis, montant non contesté et cohérent au regard de la somme versée pour les vingt-trois jours de préavis au mois de mars 2020. En outre, il convient de condamner la S.A.M. B. à lui verser 3.663,30 euros à titre de congés payés y afférents, selon la règle du dixième. Le tout doit être assorti des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et bénéficier de l'exécution provisoire.

Le surplus de la demande de congés payés n'étant ni justifié ni justifiable il sera rejeté.

Sur les congés payés

Madame A. réclame la somme de 575,45 euros à titre de reliquat d'indemnité de congés payés. Elle n'explique ni ne justifie à quoi correspondrait cette somme ni en quoi le calcul de cette indemnité serait erroné en sorte qu'il ne sera pas fait droit à cette demande.

Sur la prime de fin d'année

Concernant la prime de fin d'année réclamée à hauteur de 3.007,75 euros, elle ne ressort d'aucun élément versé aux débats et Madame A. est défaillante à démontrer à quel titre elle lui serait due de manière fixe.

Sur les primes

Aux termes de l'article 3 du contrat de travail, Madame A. a droit à une part variable de salaire dans les termes suivants :

  • « prime sur objectifs équivalente à 15 % du salaire brut annuel. Les Objectifs seront définis annuellement par la Direction Générale,

  • la partie variable de la rémunération sera payée par année civile, une fois, au plus tard le 31 mars de chaque année,

  • les revalorisations se feront, par la suite, telles que prévues par la Convention Collective précitée [plasturgie française],

  • cette rémunération est forfaitaire et indépendante du nombre d'heures de travail réellement effectué. Elle rémunère l'exercice de la mission confiée à la Salariée, compte tenu de la nature de ses fonctions, de son niveau de responsabilité et du degré d'autonomie dont la Salariée dispose dans l'organisation et la gestion de son emploi du temps. ».

Cette prime est destinée à rémunérer l'atteinte d'objectifs préalablement fixés par la Direction Générale tel que cela est indiqué dans la clause.

En l'espèce, au soutien de sa prétention, Madame A. produit les bulletins de salaire des années précédentes démontrant qu'elle percevait des primes chaque année. Elle ne démontre ni quels étaient les objectifs qui lui avaient été fixés ni qu'elle les a atteints. Dans ces conditions aucune prime n'est due.

Sur les frais professionnels

Madame A. soutient ne pas avoir été remboursée de frais professionnels engagés juste avant sa mise à pied. Elle produit les feuilles comptabilisant des dépenses entre le 17 octobre et le 7 novembre 2019 pour un montant total de 1.850,69 euros.

Aux termes de l'article 7 du contrat de travail « l'employeur remboursera les dépenses exposées par la salariée pour l'accomplissement de son travail, sur présentation des justificatifs et conformément aux règles en vigueur dans la société. Dans ce cadre, le remboursement des frais est subordonné par la remise mensuelle, par la Salariée, des justificatifs originaux correspondants... ».

En l'espèce aucun justificatif n'est annexé aux décomptes en sorte qu'il ne sera pas fait droit à la demande.

Sur la mise en œuvre du licenciement

Constitue un licenciement abusif, celui qui révèle un comportement fautif de l'employeur dans l'usage du droit de résiliation unilatérale qui lui est reconnu par la loi, lorsqu'il a agi, pour un faux motif, de manière vexatoire, avec une légèreté blâmable ou une intention de nuire.

En l'espèce, il a déjà été établi qu'aucun faux motif n'a présidé à la décision de l'employeur.

Madame A. considère que la procédure de licenciement a été mise en œuvre de manière abusive, tant lors de la phase préalable que postérieurement.

Elle estime que l'employeur a méconnu le Règlement Intérieur et les principes des droits de la défense.

Elle soutient qu'il aurait dû être fait application du Règlement Intérieur de la S.A.M. C. stipulant notamment en son article 23 que :

  • aucune sanction ne peut être infligée à un salarié avant que celui-ci soit informé dans le même temps et par écrit des griefs retenus contre lui,

  • dans le cas de mise à pied et de licenciement les Délégués du Personnel seront informés, avant la prise d'effet de la sanction, des motifs de celle-ci,

  • dans le cas de mise à pied ou de licenciement le salarié concerné pourra se faire assister, au cours de l'entretien préalable, par une personne de son choix appartenant à l'entreprise «,

règlement qui aurait été approuvé lors de la réunion des Délégués du Personnel du 18 juillet 2017.

Il produit une liste de questions précisant » même Règlement Intérieur de C.S.A.M., voir pièce jointe, le Règlement Intérieur de C.SAM est consultable sur public - personnel et un exemplaire vous a été remis lors de votre embauche ".

Aux termes de la loi n° 711, le Règlement Intérieur projeté doit être soumis aux Délégués du Personnel, leurs observations consignées sur procès-verbal, puis communiqué pour approbation à l'Inspecteur du Travail qui en délivre récépissé.

Il apparaît qu'aucune suite n'a été donnée à la proposition faite aux Délégués du personnel de reprendre le même Règlement Intérieur que la S.A.M. C. pour le compte de la société C. nouvellement créée.

Dans ces conditions, le Règlement Intérieur n'ayant pas été approuvé par l'Inspection du Travail, il n'était pas applicable.

Surabondamment, il peut être rappelé qu'il appartenait à Madame A.de faire les démarches auprès de l'Inspection du Travail et qu'elle est en conséquence seule responsable du fait que le Règlement Intérieur ne puisse pas lui être appliqué.

Concernant la conduite de l'entretien préalable, Madame A. sur laquelle la charge de la preuve de l'abus repose, produit un compte rendu rédigé en langue anglaise non traduit.

Le Tribunal ne pouvant prendre connaissance de sa teneur, Madame A. est défaillante dans l'administration de la preuve.

Au regard des éléments produits aux débats, il apparaît que, le 11 novembre 2019, Madame A. s'est vue remettre en main propre dans son bureau une mise à pied conservatoire. Aucune faute ne résulte de ce comportement, Madame A. étant défaillante à démontrer qu'elle aurait été humiliée. Elle a ensuite été convoquée à un entretien préalable au licenciement, décalé à plusieurs reprises à sa demande sans que son employeur n'oppose de difficultés. Elle a ensuite reçu sa lettre de licenciement dans un délai raisonnable. Aucun abus ne résulte d'un tel enchaînement de faits.

Madame A. reproche à son employeur d'avoir annoncé son licenciement aux Délégués du Personnel lors d'une réunion du 20 décembre 2019, dans un but vexatoire. Compte tenu des fonctions de direction des ressources humaines de la salariée et des conséquences qu'allait engendrer la rupture de son contrat de travail, il était parfaitement légitime de la part de l'employeur d'informer les Délégués du Personnel de cette mesure.

Madame A. déplore le comportement de l'employeur postérieurement au licenciement, qui aurait mis du temps à régulariser sa situation administrative, ne l'aurait pas remplie intégralement de ses droits et aurait retenu indûment de la documentation.

Il est déjà établi que l'employeur a fait une mauvaise application du contrat de travail et n'a versé que trois mois de préavis au lieu de six, ce qui est constitutif d'un comportement fautif ouvrant droit à indemnisation du préjudice moral subi. En revanche, les autres sommes réclamées par Madame A. n'étaient pas dues.

Madame A. considère par ailleurs que l'employeur a eu un comportement fautif en lui remettant sa documentation de fin de contrat avec retard. En effet, alors que l'employeur estimait le préavis terminé le 23 mars 2020 ce n'est qu'en mai 2020 que des premiers documents ont été adressés. Ils étaient erronés et ont donné lieu à plusieurs réclamations de Madame A. avant que la situation ne soit régularisée par la remise du solde de tout compte le 22 juin 2020.

Si le confinement et la désorganisation du service suite au départ de Madame A. permettent d'écarter que le retard soit dû à une intention de nuire de l'employeur, il n'en demeure pas moins que la remise trois mois après la fin du préavis fixé par l'employeur à la salariée est une faute. Madame A. qui soutient avoir subi à la fois un préjudice matériel et moral n'apporte aucun élément venant étayer les difficultés financières auxquelles elle aurait été confrontée. En revanche, le préjudice moral d'avoir eu à réclamer, relancer et vérifier la documentation soumise est caractérisé et doit être indemnisé par l'allocation de dommages et intérêts.

Madame A. a également subi un préjudice moral du fait du retard de règlement de son indemnité de non-concurrence qui n'est intervenue que le 16 octobre 2020, après mise en demeure de son Conseil.

Madame A. reproche également à son employeur d'avoir retenu indûment de la documentation personnelle.

Lors de la remise d'effets du 8 janvier 2020, Madame A. déplorait le manque de documentation personnelle. Elle n'apporte pas la preuve que ces éléments aient été présents dans son bureau et que son employeur ne lui ait pas restitué toutes ses affaires.

À l'issue de l'analyse des circonstances de mise en œuvre du licenciement, il convient d'allouer à Madame A.la somme de 7.000 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, pour le préjudice subi d'avoir eu à réclamer en justice le paiement du reliquat de son indemnité de préavis et d'avoir reçu avec retard sa documentation et son paiement de fin de contrat.

Sur les autres demandes

Les demandes de Madame A. étant partiellement fondées, sa procédure n'était pas abusive et la demande de dommages et intérêts de la société B. sera rejetée.

Chacune des parties succombant partiellement, elles conserveront la charge de leurs propres dépens. Dans ces conditions, les demandes au titre des frais irrépétibles sont rejetées.

La nécessité que l'exécution provisoire soit ordonnée n'étant pas démontrée il n'y a pas lieu de la prononcer.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette la demande de bâtonnement formée par Madame A. ;

Dit que la procédure de licenciement est régulière ;

Dit que le motif du licenciement n'est pas valable ;

Rejette la demande d'indemnité de licenciement ;

Dit que le motif du licenciement n'est pas fallacieux ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour licenciement fallacieux, vexatoire et discriminatoire ;

Condamne la société anonyme monégasque B. anciennement société anonyme monégasque C. à verser à Madame A. la somme de 36.633 euros (trente-six mille six cent trente-trois euros) à titre de reliquat d'indemnité de préavis, outre 3.663,30 euros (trois mille six cent soixante-trois euros et trente centimes) de congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Rejette la demande de congés payés y afférents pour le surplus ;

Rejette les demandes de congés payés, de prime de fin d'année, de prime variable pour les années 2019 et 2020, de remboursement de frais professionnels formées par Madame A. ;

Dit que le licenciement a été mis en œuvre de manière abusive ;

Condamne la S.A.M. B. anciennement société anonyme monégasque C. à verser à Madame A. la somme de 7.000 euros (sept mille euros) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

Rejette la demande de dommages et intérêts de la société B. pour procédure abusive ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Alain HACHE et Jean-Sébastien FIORUCCI, membres employeurs, Messieurs Marc RENAUD et Philippe LEMONNIER, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le trente septembre deux mille vingt-deux.

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