Tribunal du travail, 23 mai 2022, Mme. A. c/ SARL B.

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Abstract🔗

Contrat de travail - Tribunal du travail – Recevabilité des pièces produites - Article 324 du Code de procédure civile - Demande nouvelle devant le devant le Bureau de jugement - Heures supplémentaires - Harcèlement - Devoir de protection des employés - Dommages et intérêts (oui)

Résumé🔗

En vertu de l'article 989 du Code civil, l'employeur est tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, ce qui implique que son employé ne subisse pas de mauvaises conditions de travail.

Mme A. employée de maison a travaillé pour la SARL B. du 22 février 2014 au 22 février 2018 pour effectuer des missions de remplacement. Elle saisit le Tribunal du travail pour réclamer des d'arriérés de salaires et 5.000 € de dommages et intérêts.

S'agissant des demandes en nullité, l'une des pièces produites par la requérante qui n'est ni datée, ni écrite ni signée par M. C. agissant comme représentant de Mme C., doit donc être considérée comme nulle, ne répondant pas aux exigences de l'article 324 du Code de procédure civile. Mme A. n'a pas respecté le délai d'un mois entre la saisine du bureau de conciliation et du bureau de jugement, qui aurait pu permettre l'interruption du délai de prescription et donc certaines de ces demandes antérieures sont considérées comme prescrites par le Tribunal. La nouvelle demande d'augmentation des dommages et intérêts est irrecevable car en vertu de l'article 42 alinéa 1 de la loi n° 446, le demandeur peut modifier ses demandes devant le Bureau de conciliation mais pas devant le Bureau de jugement.

Mme A. demande le paiement des heures supplémentaires, mais elle ne rapporte pas la preuve ni du contingent des jours ni des heures travaillées sachant qu'elle était remplaçante. S'agissant de la responsabilité de l'employeur dans le harcèlement subi par Mme A., s'il n'est pas contesté, la personne fautive n'était pas placée sous le pouvoir de direction de la SARL B. La requérante ayant été placée chez une autre personne puis étant revenue volontairement et a de nouveau rencontré des difficultés auprès de Mme C. Le fait pour la SARL de ne pas avoir accompli de démarche pour trouver une solution pour Mme A. à ce moment alors qu'elle avait été avertie est un manquement au devoir de protection exigé. Le Tribunal rejette donc la demande de rappel de salaire mais condamne la SARL B. à 2 500 € de dommages et intérêts.


En la cause de Madame A., demeurant X1à NICE (06000) ;

Demanderesse, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 94 BAJ 19 du 13 décembre 2018, ayant élu domicile en l'étude de Maître Pierre-Anne NOGHÈS-du MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société à responsabilité limitée B., dont le siège social se situe X2à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituée et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat-défenseur près la même Cour ;

d'autre part ;

Visa🔗

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

 

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 14 mars 2019, reçue le même jour ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 76-2018/2019 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 2 avril 2019 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Pierre-Anne NOGHÈS-du MONCEAU, avocat-défenseur au nom de Madame A. en date du 17 janvier 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Sophie MARQUET, avocat au nom de la S.A.R.L. B. en date du 18 mars 2022 ;

Après avoir entendu Maître Pierre-Anne NOGHÈS-du MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Madame A. et Maître Arnaud CHEYNUT, avocat-défenseur près la même Cour, pour la S.A.R.L. B. qui s'en rapporte oralement à leurs écritures à l'audience du 24 mars 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs🔗

Madame A. a été employée en qualité d'Employée de Maison par la société à responsabilité limitée B. du 22 février 2014 au 22 février 2018 pour effectuer des missions de remplacement auprès de Madame C. pour un salaire brut de 12,21 euros de l'heure.

Par requête du 14 mars 2019, elle saisissait le Bureau de Conciliation aux fins de condamner la S.A.R.L. B. à lui verser les sommes de 26.342,07 euros à titre d'arriérés de salaires, outre 5.000 euros de dommages et intérêts.

À défaut de conciliation, Madame A. saisissait le Bureau de Jugement.

Par conclusions récapitulatives du 17 janvier 2022, Madame A. augmentait sa demande principale à 10.000 euros de dommages et intérêts ou subsidiairement à 5.000 euros et à 37.285,02 euros au titre des honoraires et frais. Elle sollicitait l'exécution provisoire.

Elle soutient pour l'essentiel que :

  • -la déclaration de Monsieur Henri C. du 27 septembre 2018 n'est pas une attestation et n'a pas à répondre aux dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile,

  • -en tout état de cause, Monsieur Henri C. a confirmé son témoignage, le 18 mars 2021, dans les termes prescrits par ledit article,

  • -cette attestation est suffisamment claire pour comprendre l'intérêt au litige et l'existence ou non d'un lien de subordination de l'attestant,

  • -la mention relative aux sanctions édictées en cas de fausse attestation n'a pas à être manuscrite,

  • -le témoignage de Monsieur Henri C. est bien établi dans le même document, celui-ci pouvant être présenté sur plusieurs pages,

  • -la demande de rappel de salaires n'est pas prescrite, ayant bien été formée dans le mois de la conciliation, par la convocation à comparaître adressée par le Secrétaire du Tribunal du travail dès le lendemain de l'audience du Bureau de Conciliation,

  • -aucune disposition de la loi n'impose qu'elle soit formée par voie de conclusions,

  • -la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros est recevable, la modification du montant d'une demande soumise à la conciliation n'étant pas une cause d'irrecevabilité,

  • -Madame A. a travaillé du 22 février 2014 au 31 janvier 2018 sur une base de 48 heures travaillées/48 heures de repos, soit une durée hebdomadaire de 96 heures, bien au-delà de la durée maximale de 47 heures par semaines,

  • -elle ne peut produire de plannings puisque la société B.ne les lui remettait pas,

  • -la défenderesse s'abstient volontairement de communiquer lesdits plannings afin de ne pas justifier des horaires effectifs de la salariée,

  • -néanmoins, son rythme de travail est parfaitement établi, par les diverses pièces versées au débat,

  • -Madame A. fournit un décompte mensuel de ses heures et des montants non rémunérés, calculés en fonction des majorations minimales prévues par la loi,

  • -alors que les fonctions réellement occupées consistaient en celles d'Auxiliaire de Vie, Madame A. était qualifiée et rémunérée en qualité d'Employé de Maison,

  • -les fiches de salaires établies par la société B. sont fantaisistes et étaient destinées à dissimuler ses manquements au droit du travail,

  • -elle était déclarée 169 heures mensuelles alors qu'elle en effectuait environ 384,

  • -les temps de nuit au domicile de Madame C. n'étaient nullement des temps d'astreinte, puisque Madame A. demeurait sur son lieu de travail et ne pouvait vaquer à aucune occupation personnelle,

  • -aux termes de l'article 5 de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 l'employeur doit protection à ses employés victimes d'harcèlement et de violence au travail,

  • -cette loi est applicable depuis le 22 décembre 2017, date à laquelle Madame A. était toujours employée par la société B.

  • -préalablement à l'entrée en vigueur de cette loi la responsabilité de l'employeur découlait des articles 1229 à 1231 du Code civil,

  • -Madame A. a subi pendant plusieurs années les comportements harcelants de deux collègues sans que la société B. pourtant avertie, ne prenne de mesure permettant d'y mettre un terme,

  • -son état de santé a été particulièrement affecté,

  • -elle a été déclarée inapte temporairement,

  • -elle est sans emploi depuis qu'elle a cessé ses missions chez Madame C.

  • -la nouvelle loi relative à la prise en charge des dépens trouve à s'appliquer à une situation juridique née après son entrée en vigueur, de sorte que cette somme ne pouvait être évaluée au moment de la conciliation et doit être ajoutée aux montants réclamés en début d'instance.

Par conclusions récapitulatives du 18 mars 2022, la société B. sollicite :

  • -la nullité des pièces nos 3, 3 bis et 3 ter,

  • -l'irrecevabilité pour prescription de la demande de rappel de salaire,

  • -l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros, non soumise au préliminaire de conciliation,

  • -le rejet des prétentions de Madame A.

  • -sa condamnation au paiement de la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La société B. soutient pour l'essentiel que :

  • -la pièce n° 3 est dactylographiée, signée pour ordre, ne mentionne aucune des mentions prévues à l'article 324 du Code de procédure civile,

  • -si cette pièce n'est pas une attestation, comme l'affirme la demanderesse, elle n'a aucune valeur probante,

  • -les pièces nos 3 bis et ter, destinées à compléter la pièce n° 3, ne respectent pas non plus les prescriptions de l'article 324 du Code de procédure civile,

  • -les mentions obligatoires doivent être établies sur un seul et unique document,

  • -la mention relative aux liens entre les parties et de subordination sont erronées,

  • -la mention relative aux sanctions encourues est dactylographiée,

  • -aux termes de l'article 42 de la loi n° 466, la demande devant le Bureau de Conciliation interrompt la prescription si la demande devant le Bureau de Jugement est formée dans le mois de l'audience de conciliation,

  • -cet article implique que le demandeur doit déposer devant le Bureau de Jugement un acte juridique par lequel il soumet une prétention au juge,

  • -or, si Madame A. a saisi le Bureau de Conciliation le 14 mars 2019, elle n'a formé sa demande devant le Bureau de Jugement que le 13 juin 2019, soit plus de deux mois après la tenue de l'audience de Conciliation,

  • -dès lors, la prescription ne saurait rétroagir au 14 mars 2019 et les demandes antérieures à juin 2014 sont prescrites,

  • -si aux termes de l'article 42 de la loi n° 446, la demanderesse a la possibilité d'augmenter ses prétentions devant le Bureau de Conciliation, cela ne lui est pas ouvert devant le Bureau de Jugement, en sorte que la demande à hauteur de 10.000 euros est irrecevable,

  • -la demande de dommages et intérêts fondée sur le prétendu non-respect de la réglementation du travail est irrecevable, la demande initiale étant formée sur un autre fondement et un autre préjudice, le harcèlement,

  • -il incombe à tout salarié qui revendique le paiement d'heures supplémentaires d'en rapporter la preuve,

  • -la demanderesse doit produire des décomptes établis par semaines civiles,

  • -Madame A. est défaillante dans l'administration de la preuve,

  • -ce n'est que lorsque le salarié satisfait à son obligation probatoire que l'employeur a la charge de fournir les éléments en sa possession de nature à justifier les horaires effectivement réalisés,

  • -le document de Monsieur Henri C.ne vient qu'indiquer les besoins de Madame C.et n'a pas pour but de se prononcer sur les conditions de travail spécifiques de Madame A.

  • -il en est de même pour les auditions de Monsieur Henri C. et Madame D.

  • -elle n'était pas une employée titulaire et n'effectuait que des remplacements ponctuels,

  • -les notes manuscrites établies par Madame A. n'ont pas de caractère probant, outre que l'analyse de son agenda démontre que les heures mentionnées correspondent à celles figurant sur ses bulletins de salaires,

  • -le temps de travail de Madame A. n'était pas continu, ce d'autant qu'elle travaillait en binôme, et elle ne démontre pas qu'elle était effectivement soumise à un régime d'astreinte, ni les heures d'intervention qu'elle aurait effectivement réalisées, ni le fait qu'elle n'aurait pas pu vaquer à ses occupations sur les temps de non-intervention,

  • -dans le cadre du régime de l'astreinte seuls les temps d'intervention constituent en effet du temps de travail effectif,

  • -la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 n'a pas vocation à s'appliquer à des faits dénoncés antérieurement,

  • -en outre, la société B. n'avait aucun pouvoir sur les personnes visées comme auteur du harcèlement, puisqu'elles étaient des employées de Madame C. et donc tiers à la défenderesse,

  • -d'ailleurs, Madame A. avait bien adressé ses courriers détaillant ses griefs à Monsieur Henri C. la société B. étant simplement en copie,

  • -Madame A. a toujours voulu continuer à travailler pour Madame C. et avait refusé les solutions proposées par la société B.

  • -elle avait été affectée à sa demande à un autre client pendant deux mois, puis a réintégré le service de Madame C. à sa demande,

  • -surabondamment, la demande de dommages et intérêts est infondée puisque Madame C. a été indemnisée de son préjudice moral par l'arrêt de la Cour d'appel ayant condamné Madame D. pour harcèlement,

  • -la procédure initiée par Madame A. est manifestement abusive, dans le seul but de pallier à l'insolvabilité alléguée de la personne déclarée civilement responsable des faits subis.

  •  

SUR CE,

 

Sur la nullité des pièces

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, l'attestation doit, à peine de nullité, être écrite, datée et signée de la main de son auteur et indiquer les sanctions encourues en cas de fausse attestation.

En l'espèce, la pièce n° 3 produite par Madame A. n'est ni datée, ni écrite, ni signée par Monsieur Henri C. quant à la pièce n° 3 bis, elle n'est ni datée ni écrite par lui. Elles ne comportent pas la mention relative aux sanctions encourues. En conséquence leur nullité doit être prononcée.

La pièce n° 3 ter est une attestation rédigée et signée de la main de Monsieur Henri C. et comporte les mentions relatives aux sanctions encourues. Elle fait état d'un lien de subordination en tant que représentant de l'employeur. Si le terme peut être juridiquement inexacte, il n'en demeure pas moins que Monsieur Henri C. était bien le représentant de Madame C. auprès de laquelle la demanderesse exerçait ses fonctions. Par ailleurs, Monsieur Henri C. avait fait appel aux services de la société B.et disposait bien d'un lien avec la défenderesse. En conséquence, l'attestation émanant d'une personne dont le Tribunal est informé du lien avec les parties est recevable.

 

Sur la demande de paiement d'heures supplémentaires

 

Sur les irrecevabilités

 

Aux termes de l'article 42 alinéa 4 de la loi n° 446, la demande devant le Bureau de Conciliation interrompt la prescription si la demande devant le Bureau de Jugement est formée dans le mois de l'audience de conciliation.

En l'espèce, l'audience de conciliation s'est tenue le 1er avril 2019 et, à défaut de conciliation, les parties ont été convoquées devant le Bureau de Jugement le 25 avril 2019, soit dans le mois. À cette date, Madame A. n'a pas conclu. Elle a déposé sa première demande devant le Bureau de Jugement le 13 juin 2019.

À défaut du respect du délai d'un mois qui aurait pu permettre de faire rétroagir le point de départ du délai de prescription à la date de l'introduction de la requête devant le Bureau de Conciliation, le délai partira selon les règles de droit commun à la date de l'introduction de la cause en justice, soit le 13 juin 2019.

Les demandes antérieures au 13 juin 2014 sont en conséquence prescrites.

Aux termes de l'article 42 alinéa 1 de la loi n° 446, le demandeur peut modifier ses demandes devant le Bureau de Conciliation. En revanche, cette possibilité ne lui est pas offerte devant le Bureau de Jugement.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros formée pour la première fois par Madame A. le 13 juin 2019 est irrecevable et le Tribunal n'est saisi qu'à hauteur de 5.000 euros, somme soumise au préalable de conciliation.

 

Sur les heures supplémentaires

 

Les heures supplémentaires sont celles qui sont accomplies au-delà de la durée hebdomadaire de travail effectif. En l'espèce, Madame A. a été autorisée à travailler en qualité d'Employée de Maison pour une durée de travail variable. Elle était dès lors soumise à la durée légale de travail de 39 heures par semaine.

La lecture de ses bulletins de salaire fait apparaître qu'elle a été payée pour des durées variables ne dépassant jamais 169 heures par semaine.

Il appartient au salarié qui revendique l'exécution d'heures supplémentaires de rapporter la preuve de leur existence.

Il est établi que Madame A. a, pendant presque quatre ans, effectué des missions de remplacement d'auxiliaires de vie auprès de Madame C. Ces auxiliaires travaillaient en binôme et se relayaient pour des vacations de 48 heures chacune.

Elle produit un document manuscrit qui serait son planning de travail et n'a pas de valeur objective probante.

En tout état de cause, à la lecture de ce document présenté comme son planning reconstitué, il apparaît qu'elle aurait travaillé quasiment tous les deux jours chez Madame C. Or, il ressort de l'ensemble des témoignages au dossier que Madame A. n'était qu'une remplaçante des employées titulaires et ne travaillait que pour suppléer leurs absences (pour congés ou maladie). Dès lors, elle ne rapporte pas la preuve du contingent de jours, et donc d'heures prétendument travaillées. Par ailleurs, elle formule des demandes d'heures supplémentaires en mois, alors qu'elles sont comptabilisées et payées par semaines.

De plus, il ressort de la description du fonctionnement de prise en charge de sa mère par Monsieur Henri C. que, chaque équipe prenait son service à 8 heures 30 pour une durée de 48 heures d'affilée afin d'assurer une présence permanente auprès d'elle, que les employées travaillaient dans la journée avec les pauses habituelles et le soir aidaient sa mère à se coucher avant de demeurer d'astreinte la nuit. Surtout, il précise que dans chaque équipe, une seule personne avait une chambre située à proximité de celle de sa mère.

Dès lors, Madame A. ne rapporte pas non plus la preuve que lors de ses missions de remplacement auprès de Madame C. elle effectuait des contingents horaires d'au moins 48 heures, cela ne tenant compte ni de ses pauses ni du fait qu'elle n'était pas forcément l'employée d'astreinte de nuit du binôme.

À défaut de démontrer la réalité des heures réclamées, ni même la réalité d'un travail effectif sur des périodes de 48 heures, Madame A. doit être déboutée de sa demande de paiement d'heures supplémentaires.

Sur la responsabilité de l'employeur dans le harcèlement

 

Aux termes de l'article 989 du Code civil, l'employeur est tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, ce qui implique que son employé ne subisse pas de mauvaises conditions de travail.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Madame A. a subi courant 2016 et jusqu'au 23 janvier 2018 des faits de harcèlement de la part de Madame D. et ce notamment sur son lieu de travail et pendant l'exercice de ses fonctions.

Le devoir de protection que l'employeur doit à son salarié se décline en fonction des pouvoirs de direction dont il dispose à l'encontre des responsables des mauvaises conditions de travail. En l'espèce, l'auteur désigné n'était pas un salarié de l'employeur en sorte qu'il ne disposait pas de pouvoir disciplinaire direct pour faire cesser les agissements. Pour autant, il devait permettre à sa salariée de ne pas demeurer dans cette situation.

L'employeur a été averti le 30 novembre 2016 et le 7 juillet 2017 par Madame A. des difficultés qu'elle rencontrait sur son lieu de travail. Cette information était antérieure, tel que cela ressort de l'attestation de Madame E. qui l'a affectée à une autre cliente en juin 2016. En effet, elle explique que, malgré les différends avec le personnel fixe de maison, Madame A. avait toujours souhaité continuer sa mission auprès de Madame C. Surtout, elle précise que dès que Madame A. lui a fait part de sa décision de mettre un terme à la mission, elle lui en a proposé une autre auprès d'une autre personne. Madame A. a donc travaillé pour une autre cliente de la société B.au cours des mois de juin et juillet 2016, sans modification d'horaire ou de rémunération au regard de ses bulletins de salaire.

En conséquence, la décision de reprise de fonction de Madame A. auprès de Madame C. et donc aux côtés de l'employée lui faisant subir un harcèlement, alors que l'employeur disposait d'autres solutions et que la demanderesse n'était nullement contrainte de s'y plier pour continuer à bénéficier de missions, ne peut engager la responsabilité de la société B.

En revanche, à nouveau alerté des difficultés rencontrées par sa salariée en novembre 2016 et juillet 2017, l'employeur ne démontre pas avoir accompli la moindre démarche pour lui apporter un soutien ou une solution.

Par cette inaction, l'employeur n'a pas suffisamment mis en œuvre son devoir de protection et a commis une faute ouvrant droit à dédommagement de sa salariée. Compte tenu du contexte précédemment relevé, dans lequel Madame A. tenait à conserver ses fonctions auprès de Madame C. malgré les faits de harcèlement subis et alors qu'il n'y était pas contraint, il convient de lui allouer la somme de 2.500 euros de dommages et intérêts.

 

Sur la demande reconventionnelle

 

Les prétentions de Madame A. étant partiellement fondées, sa procédure n'était pas abusive et il convient de débouter la S.A.R.L. B.de sa demande de dommages et intérêts.

 

Sur les autres demandes

 

En l'absence d'urgence caractérisée il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

Chacune des parties succombant partiellement, elles conserveront la charge de leurs propres dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire.

La S.A.R.L. B. n'étant pas tenue aux dépens adverses il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

 

Prononce la nullité des pièces nos 3 et 3 bis produites par Madame A. ;

Rejette la demande de nullité de la pièce n° 3 ter produite par Madame A. ;

Constate la prescription des demandes antérieures au 13 juin 2014 ;

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros ;

Dit que le Tribunal est saisi à hauteur de 5.000 euros aux termes du préalable de conciliation ;

Rejette la demande de rappel de salaire ;

Condamne la société à responsabilité limitée B. à verser à Madame A.la somme de 2.500 euros (deux mille cinq cents euros) de dommages et intérêts au titre de la mauvaise exécution du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

Rejette la demande reconventionnelle de la société à responsabilité limitée B. ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Laisse la charge des dépens à chacune des parties qui succombent partiellement et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire.

Rejette la demande de Madame A. au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jean-Sébastien FIORUCCI et Alain HACHE, membres employeurs, Messieurs Michel ALAUX et Maximilien AGLIARDI, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le vingt-trois mai deux mille vingt-deux.

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