Tribunal du travail, 24 février 2022, Monsieur j-p. S. c/ SAM ANDBANK MONACO

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Abstract🔗

Procédure civile - Communication de pièces - Attestations de témoins - Conditions - Demandes en nullité e-mail - Garantie d'intégrité - Rejet

Contrat de travail- Licenciement - Inaptitude- Obligation de reclassement - Motif valable

Licenciement - Mise en œuvre - Caractère abusif - Harcèlement - Définition - Défaut de preuves

Résumé🔗

La pièce n° 13 produite en demande est une attestation du 9 mai 2019 de M. b. C. qui ne comporte pas la mention manuscrite des sanctions prévues en cas de fausse déclaration. Pour combler cette lacune, le demandeur produit en pièce n° 22 une mention manuscrite sur papier libre des sanctions, datée du 31 mai 2019 et signée par Monsieur b. C. L'article 324 du Code de procédure civile dispose que l'attestation doit à peine de nullité indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal. En l'espèce l'attestation litigieuse ne comporte pas une telle mention et elle doit être déclarée nulle.

La pièce n° 14 produite en demande est une attestation de Monsieur o. G., comptable, du 13 mai 2019 précisant qu'il n'a pas de lien de subordination avec les parties. La défenderesse soutient que M. o. G. est toujours salarié de la S.A.M. ANDBANK MONACO et qu'il subit bien un lien de subordination avec elle, ce qui n'est pas contesté. La lecture de l'attestation même, dans laquelle Monsieur o. G. exposait être délégué du personnel, permettait de comprendre l'existence d'un tel lien de subordination. Dès lors, l'erreur simplement matérielle contenue dans sa présentation ne fait pas grief et n'encourt pas la nullité.

La pièce n° 23 produite en demande est une attestation de M. S. auquel la défenderesse fait reproche de ne pas avoir pu être témoin d'un quelconque fait pour être retraité depuis le 30 juin 2017 et de relater des faits particulièrement imprécis. Ces circonstances ne peuvent conduire à écarter une pièce des débats, seule sa valeur probante pouvant en être affectée lors de son analyse par le Tribunal.

La pièce n° 24 produite en demande est présentée comme un e-mail adressé par M. j-p. S. à Monsieur a. A. le 30 novembre 2016. Aux termes de l'article 1163-1 du Code civil, l'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre et avec la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. La présentation de ce mail, sans aucun élément permettant de constater qu'il émane bien d'une boîte mail, ne garantit nullement son intégrité en sorte que cette pièce ne peut être admise à titre de preuve et doit être écartée des débats.

Il appartient à l'employeur, auquel incombe une obligation de recherche de solutions de reclassement en cas d'inaptitude définitive d'un salarié à son poste de travail, de justifier des démarches actives et sérieuses qu'il a menées en vue d'effectuer des propositions crédibles et concrètes.

Si la loi relative au reclassement des salariés déclarés inaptes prend en compte l'état de santé du salarié afin de lui proposer un poste adapté à sa maladie, elle n'institue pas à son bénéfice un droit à choisir la fonction qui lui siérait au sein de l'entreprise, au surplus en contradiction avec la recommandation du médecin du travail.

Afin d'apprécier si un abus dans le droit de licenciement a été commis, il convient d'apprécier également si l'employé a été intégralement rempli de ses droits. En application de l'article 8 alinéa 1 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008 « en cas de licenciement, le salarié est dispensé de l'exécution du préavis et a droit à une indemnité d'un montant égal à celui de l'indemnité prévue à l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ». L'article 10 de cette loi dispose que « les indemnités prévues au premier alinéa de l'article 8 et à l'article précédent (indemnité spéciale de rupture pour les CDD) ne sont pas dues lorsque l'employeur établit que le refus par le salarié du reclassement proposé est abusif ». En conséquence du refus abusif de reclassement, les indemnités de préavis n'étaient pas dues. En application de l'article 8 alinéa 2 de la loi n° 1.348 susvisée « il bénéficie également, dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, de l'indemnité de congédiement prévue à l'article premier de la loi n° 845 du 27 juin 1968 ». En outre, un texte de loi clair ne s'interprète pas. En l'espèce, l'article 10 querellé exclu expressément l'article 8 alinéa 1 et l'article 9 les indemnités dues lorsque le refus de reclassement est abusif. L'indemnité de congédiement étant prévue par l'article 8 alinéa 2, elle n'est pas exclue par l'article 10 et il n'y a pas lieu d'interpréter, contra legem, l'intention supposée du législateur. Surtout, la lecture de l'exposé des motifs de la loi démontre que ce ne sont que les indemnités spécifiques au dispositif de la loi relative au reclassement des salariés déclarés inaptes qui sont exclues en cas d'abus. Ces indemnités spécifiques sont l'indemnité de préavis versée alors que la non-exécution du préavis ne résulte pas d'un choix de l'employeur, mais d'une disposition légale, et l'indemnité spéciale de rupture pour les contrats à durée déterminée, ces deux indemnités n'existant que dans le cadre spécifique de l'inaptitude et ne trouvant pas leur pendant dans la législation générale. En revanche, l'indemnité de congédiement n'est pas une indemnité spécifique au présent dispositif, mais relève du régime général de la loi n° 845. Elle doit en conséquence être versée. L'employeur sera en conséquence condamné à verser la somme de 43 289,88 euros au titre de l'indemnité de congédiement due en application de l'article 8 alinéa 2 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008. En ne versant pas l'indemnité due à Monsieur j-p. S., la S.A.M. ANDBANK MONACO a commis un abus dans la mise en œuvre du licenciement. Compte tenu de la clarté de la loi, mais également de la position de l'Inspection du Travail, la S.A.M. ANDBANK MONACO, qui s'est entêtée à refuser d'indemniser son salarié, a causé un préjudice qui devra être réparé par l'allocation de dommages et intérêts d'un montant de 3 000 euros.

M. j-p. S. soutient avoir subi un harcèlement constant de la part de son supérieur hiérarchique, M. a. A. à compter de janvier 2018, tel que relaté dans le courrier adressé par son conseil le 14 juin 2019. Il produit des attestations afin de corroborer ses dires. Leur lecture ne permet toutefois pas de déceler d'actions ou omissions répétées ayant pour objet ou pour effet la dégradation de ses conditions de travail, définition légale du harcèlement.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

En la cause de Monsieur j-p. S., demeurant à CAP-D'AIL (06320) ;

Demandeur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 441 BAJ 19 du 25 avril 2019, ayant élu domicile en l'étude de Maître Pierre-Anne NOGHÈS-du MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée ANDBANK MONACO, dont le siège social se situe 1 avenue des Citronniers à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 16 juillet 2019, reçue le 18 juillet 2019 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 13-2019/2020 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 15 octobre 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Pierre-Anne NOGHÈS-du MONCEAU, avocat-défenseur au nom de Monsieur j-p. S. en date des 12 décembre 2019, 7 juillet 2020 et 11 février 2021 ;

Vu les conclusions de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. ANDBANK MONACO, en date des 12 mars 2020, 12 novembre 2020 et 2 août 2021 reçues le 3 août 2021 ;

Après avoir entendu Maître Pierre-Anne NOGHÈS-du MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur j-p. S. et Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la même Cour, pour la S.A.M. ANDBANK MONACO, en leurs plaidoiries à l'audience du 16 décembre 2021 ;

Vu les pièces du dossier ;

Monsieur j-p. S. a été embauché à compter du 2 avril 1979 par la société anonyme monégasque ANDBANK MONACO. Il a été licencié par courrier du 17 avril 2019 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, sans versement d'indemnité spéciale de fin de contrat compte tenu du refus injustifié du poste de reclassement.

Soutenant que la rupture du contrat a été abusive, Monsieur j-p. S. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 14 octobre 2019, attrait la S.A.M. ANDBANK MONACO devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail à l'effet d'obtenir sa condamnation à :

- 23 204,52 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 43 289,88 euros au titre de l'indemnité de congédiement,

- 10 389,57 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 10 000 euros au titre des dommages et intérêts.

À l'appui de ses prétentions, Monsieur j-p. S. fait valoir que :

- ses pièces sont régulières, la n° 13 ayant été régularisée et la n° 14 permettant de comprendre le lien de subordination de Monsieur o. G.

- si ses pièces devaient être écartées pour ne relater que des événements vagues, il conviendrait d'écarter alors l'ensemble des attestations produites par la S.A.M. ANDBANK MONACO,

- Monsieur j-p. S. a subi à compter du mois de janvier 2018 un harcèlement constant de son supérieur hiérarchique, Monsieur a. A. ayant dégradé son état de santé au point d'avoir été placé en arrêt de travail à compter du 17 septembre 2018, prolongé à plusieurs reprises jusqu'au 15 mars 2019,

- l'employeur avait connaissance de la situation, Monsieur j-p. S. s'en étant ouvert auprès de plusieurs collègues et ayant sollicité l'intervention de la « référente harcèlement »,

- la légitimité de son arrêt de travail n'a jamais été remise en question et il n'a été orienté vers la Médecine du Travail en février 2019 que parce que les arrêts de travail ne sont plus pris en charge par la Caisse de Compensation des Services Sociaux au-delà de six mois,

- - le 19 mars 2019, lors de la visite de reprise, le Médecin du Travail l'a déclaré définitivement inapte à son poste et a précisé « reclassement avec changement de service (autre équipe commerciale ou poste en back office) »,

- par cette formulation le Médecin traitant indiquait clairement à l'employeur la nécessité de trouver un poste à Monsieur j-p. S. dans lequel il ne serait plus en contact avec Monsieur a. A.

- or, la seule proposition de reclassement adressée le 25 mars 2019 concernait le poste de « collaborateur back-office/moyens de paiement » impliquant de croiser tous les jours son ancien supérieur qui était en relation étroite et constante avec le service Back Office en sa qualité de Directeur Commercial et Chargé de Clientèle,

- en outre, la disposition des lieux de la banque, plaçant Monsieur j-p. S. dans un open-space, ne permettait pas d'éviter de croiser son ancien supérieur hiérarchique,

- Monsieur j-p. S. a été contraint de décliner cette offre, qui le maintenait en contact permanent avec la personne à l'origine de son état de santé et de son inaptitude,

- la banque n'a pas mis en œuvre tous les moyens pour lui offrir un reclassement en adéquation avec les recommandations de la Médecine du Travail, ce d'autant qu'elle avait parfaitement connaissance de la nécessité de l'absence de contact avec Monsieur a. A. pour en avoir été informé le 28 février 2019 par le Médecin du Travail,

- la banque ne lui a pas proposé un reclassement au fichier central, service se trouvant dans des locaux différents, et ce alors qu'il en avait les compétences,

- saisie par la S.A.M. ANDBANK MONACO, la Commission relative au reclassement des salariés déclarés inaptes, ne s'opposait pas à son licenciement, ensuite de quoi le licenciement était notifié le 17 avril 2019,

- Monsieur j-p. S. n'assistait pas à cette audience compte tenu de son état psychologique fragile et s'en expliquait avec justificatif auprès de l'Inspection du Travail,

- néanmoins, la S.A.M. ANDBANK MONACO imputait le refus de reclassement en un refus abusif et refusait de régler les indemnités légales,

- or, le licenciement de Monsieur j-p. S. n'est pas fondé sur l'impossibilité de reclassement, mais est inhérent à sa situation et est en conséquence abusif, en sorte que doivent lui être versées les indemnités de congédiement, de licenciement, calculées sur la base de l'article 39 de la Convention collective du Travail du Personnel des Banques, et l'indemnité de préavis, calculée sur un délai-congé de trois mois en application de l'article 29 de la Convention susvisée, la dispense de préavis ayant bien été ordonnée par l'employeur et ne résultant pas d'une faute grave du salarié,

- subsidiairement, si le licenciement n'est pas abusif, le refus de reclassement ne l'est pas non plus,

- la S.A.M. ANDBANK MONACO était informée de la situation d'harcèlement et n'a entrepris aucune démarche pour mettre un terme à ces faits et permettre une réintégration de Monsieur j-p. S. au sein de l'entreprise,

- au contraire, elle lui a proposé un nouveau poste qui n'aurait pas permis de faire cesser le harcèlement, en sorte que cette offre ne pouvait qu'être déclinée, ce que la banque ne pouvait ignorer,

- en conséquence les indemnités de congédiement et de préavis sont dues conformément à l'article 8 de la loi n° 1.348 relative au reclassement des salariés déclarés inaptes,

- à titre infiniment subsidiaire, l'indemnité de congédiement est due, même en cas de refus abusif de reclassement, comme l'a rappelé l'Inspection du Travail dans un courrier du 10 mai 2019 adressé à tous les membres de l'Association Monégasque des Activités Financières,

- en tout état de cause le harcèlement subi par Monsieur j-p. S. pendant plus de huit mois, que la S.A.M. ANDBANK MONACO n'a rien fait pour le faire cesser, lui a causé un préjudice moral indéniable, nécessitant une réparation à hauteur de 5 000 euros de dommages et intérêts,

- il a vu son état mental se dégrader et a été placé sous traitement médical et a dû consulter un Psychiatre,

- les photographies et commentaires issus des réseaux sociaux n'ont aucune valeur probante et portent atteinte à la vie privée de Monsieur j-p. S.

- il est toujours à la recherche d'un emploi et aura des difficultés à retrouver un emploi équivalent à quelques années de la retraite, ayant déjà subi plusieurs refus malgré des formations pour mieux préparer ses candidatures,

- son employeur a manqué de considération à son égard, agissant avec légèreté blâmable et adoptant un comportement vexatoire, alors qu'il s'était investi pendant plus de 40 ans, nécessitant une réparation à hauteur de 5 000 euros de dommages et intérêts,

- la banque est particulièrement mal fondée à solliciter des dommages et intérêts, ce d'autant qu'elle ne détaille pas ses préjudices,

En défense, la S.A.M. ANDBANK MONACO demande le rejet des pièces nos 13, 14, 23 et 24 et soutient que :

- l'employeur n'a pas été informé du motif de l'arrêt maladie de Monsieur j-p. S.

- le 21 septembre 2018 le Médecin du Travail recevait Monsieur j-p. S. pour lui proposer d'intervenir auprès de la S.A.M. ANDBANK MONACO pour lui permettre de reprendre son poste ce qu'il refusait catégoriquement,

- le Médecin Conseil ayant constaté que l'arrêt de travail n'était plus justifié, il contactait le Médecin du Travail qui délivrait un avis d'inaptitude temporaire le 22 février 2019 dans l'attente d'une étude de poste,

- lors de la réunion pour étude de poste du 28 février le Médecin du Travail mentionnait tout au plus une mésentente entre collègues, sans parler de harcèlement,

- le 15 mars 2019 il était décidé par le Médecin du Travail d'une inaptitude définitive à son poste et proposait un reclassement avec changement définitif de service,

- la S.A.M. ANDBANK MONACO décidait alors la création d'un poste au sein du service « back-office » avec maintien des éléments essentiels du contrat,

- ce poste était validé par la Médecine du Travail après visite in situ le 28 février 2019,

- en effet, conformément aux préconisations de la Médecine du Travail, il était proposé un changement de responsable hiérarchique direct, mais plus encore un poste impliquant l'arrêt de la quasi-totalité des relations quotidiennes de travail avec son ancien responsable hiérarchique,

- le Médecin du Travail a, par courrier du 21 mars 2019, considéré que le poste correspondait à ses préconisations médicales,

- si un harcèlement avait réellement été subi rendant insupportable la simple vue de son ancien supérieur hiérarchique, une inaptitude à tout poste dans l'entreprise aurait été rendue,

- Monsieur j-p. S. ne s'est pas rendu à la Commission de Reclassement et n'a pas mis en mesure la banque de discuter de la proposition de reclassement, et ce alors qu'il est évident que Monsieur a. A. Directeur Commercial, n'avait aucune qualité pour s'y rendre,

- le jour même de la réception de la proposition de poste de reclassement, Monsieur j-p. S. le refusait contraignant la S.A.M. ANDBANK MONACO à mettre en œuvre la procédure de licenciement pour refus abusif du salarié du poste proposé,

- sans aucune explication de Monsieur j-p. S. ni connaissance des motifs de son refus, la banque n'a pas pu lui confirmer, qu'au besoin, des instructions de non-communication strictes entre Monsieur a. A. et lui-même auraient pu être données,

- les affirmations de Monsieur j-p. S. sur les relations de travail sont fausses, les contacts entre les commerciaux et le « back-office » n'étant que ponctuels,

- le fonctionnement de la banque doit s'apprécier in concreto au regard des fiches de poste et de son organisation réelle et non pas sur le résumé de l'Observatoire Français des Métiers de la Banque,

- la banque n'a pas proposé un poste au fichier central, tel que reproché par Monsieur j-p. S. car aucun besoin n'existait dans ce service, contrairement au « back-office »,

- le positionnement de Monsieur j-p. S. à ce sujet est incohérent puisque le fichier central est en relation constante et quotidienne avec le front office commercial, et donc Monsieur a. A.

- l'imputabilité du licenciement incombant au salarié, les indemnités de rupture ne pouvaient être versées à Monsieur j-p. S.

- en tout état de cause l'origine de l'arrêt de travail de Monsieur j-p. S. ne trouve pas sa cause dans un quelconque harcèlement, mais dans le refus mal vécu d'un départ à la retraite anticipée moyennant contrepartie financière,

- Monsieur j-p. S. a, à compter de ce refus, adopté un comportement irritable et nerveux à l'égard de certains de ses collègues qu'il considérait comme responsables de la situation,

- il n'a jamais informé la Direction d'une quelconque situation de harcèlement et a refusé à plusieurs reprises qu'elle le soit ou qu'un rapprochement afin de trouver une solution ait lieu,

- les différents certificats médicaux n'établissent pas de lien de causalité entre sa « dépression » et les prétendus faits de harcèlement,

- Monsieur j-p. S. ne subit aucun préjudice, n'ayant jamais recherché activement à retrouver un emploi, si ce n'est en envoyant de manière opportune six candidatures spontanées après ses premières conclusions dans la présente instance, et n'ayant débuté des démarches de formation que neuf mois après son licenciement,

- les indemnités de préavis et de congédiement dues en vertu de l'article 8 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008, ne le sont pas lorsque l'employeur établit que le refus par le salarié du reclassement proposé est abusé, en application de l'article 10 de ladite loi,

- l'indemnité de congédiement suit le même sort que l'indemnité de préavis puisque la loi dispose qu'elle est versée « dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités », aucune distinction n'étant faite entre ces deux indemnités,

- l'intention du législateur est bien d'écarter ces indemnités en cas de refus abusif de reclassement, comme l'indiquent l'exposé des motifs et le rapport du projet de loi relatifs au reclassement des salariés déclarés inaptes,

- la procédure engagée par Monsieur j-p. S. est abusive : il n'a jamais eu l'intention de reprendre un quelconque poste dans la société et a refusé tout dialogue avec la S.A.M. ANDBANK MONACO afin de mettre en échec la tentative de reclassement,

- à titre subsidiaire, si le refus du salarié ne devait pas être considéré comme abusif, seules les indemnités de congédiement de 43 289,88 euros et de préavis de 10 389,57 euros seraient dues.

SUR CE,

Sur le rejet des pièces

La pièce n° 13 produite en demande est une attestation du 9 mai 2019 de Monsieur b. C. qui ne comporte pas la mention manuscrite des sanctions prévues en cas de fausse déclaration.

Pour combler cette lacune, le demandeur produit en pièce n° 22 une mention manuscrite sur papier libre des sanctions, datée du 31 mai 2019 et signée par Monsieur b. C.

L'article 324 du Code de procédure civile dispose que l'attestation doit à peine de nullité indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal.

En l'espèce l'attestation litigieuse ne comporte pas une telle mention et elle doit être déclarée nulle.

La pièce n° 14 produite en demande est une attestation de Monsieur o. G. Comptable, du 13 mai 2019 et précise qu'il n'a pas de lien de subordination avec les parties.

La défenderesse soutient que Monsieur o. G. est toujours salarié de la S.A.M. ANDBANK MONACO et qu'il subit bien un lien de subordination avec elle, ce qui n'est pas contesté.

La lecture de l'attestation même, dans laquelle Monsieur o. G. exposait être Délégué du Personnel, permettait de comprendre l'existence d'un tel lien de subordination. Dès lors, l'erreur simplement matérielle contenue dans sa présentation ne fait pas grief et n'encourt pas la nullité.

La pièce n° 23 produite en demande est une attestation de Monsieur S. auquel la défenderesse fait reproche de ne pas avoir pu être témoin d'un quelconque fait pour être retraité depuis le 30 juin 2017 et de relater des faits particulièrement imprécis.

Ces circonstances ne peuvent conduire à écarter une pièce des débats, seule sa valeur probante pouvant en être affectée lors de son analyse par le Tribunal.

La pièce n° 24 produite en demande est présentée comme un e-mail adressé par Monsieur j-p. S. à Monsieur a. A. le 30 novembre 2016.

Aux termes de l'article 1163-1 du Code civil, l'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre et avec la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.

La présentation de ce mail, sans aucun élément permettant de constater qu'il émane bien d'une boîte mail, ne garantit nullement son intégrité en sorte que cette pièce ne peut être admise à titre de preuve et doit être écartée des débats.

Sur le licenciement

Suite à plusieurs arrêts de travail ininterrompus depuis le 17 septembre 2018, Monsieur j-p. S. a fait l'objet d'une visite à la Médecine du Travail à la demande du Médecin Conseil le 22 février 2019. Il était déclaré inapte temporaire, pour étude de poste prévue le 28 février. Le 18 mars 2019, il était déclaré inapte temporaire et un prochain rendez-vous était fixé le 19 mars 2019.

Le 19 mars 2019, Monsieur j-p. S. était déclaré inapte définitif à son poste, avec reclassement avec changement de service (autre équipe commerciale ou poste en back office).

Dès le 20 mars 2019, l'employeur adressait au Médecin Inspecteur la proposition de reclassement qu'il entendait faire à son employé, accompagné de la fiche de poste détaillée, afin qu'il puisse faire part de ses observations et commentaires et/ou son accord pour transmission au salarié. Le 21 mars 2019, le Médecin du Travail confirmait que le poste de reclassement correspondait aux préconisations médicales.

L'employeur formulait dès lors son offre le 25 mars 2019. Il indiquait que l'offre portait sur un poste au sein du service « back office » en qualité de « Collaborateur back office » sous la responsabilité hiérarchique directe de Monsieur j-p L. Cette affectation ne modifiait pas sa rémunération, son statut, sa classe et son éligibilité à la prime annuelle de performance. L'employeur précisait que la majorité des tâches proposées avaient été réalisées par ses soins par le passé, mais qu'il pourrait bénéficier de toutes les formations nécessaires.

Par courrier du 26 mars 2019, Monsieur j-p. S. refusait la proposition en indiquant « ce poste ne suffit pas à résoudre le problème qui est à l'origine de mon état de santé ».

À ce stade, deux thèses s'opposent. Celle de Monsieur j-p. S. selon laquelle la dégradation de son état de santé serait le fait d'un harcèlement de son supérieur, Monsieur a. A. et que son reclassement ne pouvait avoir lieu que dans un poste sans aucun contact avec ce dernier, et celle de la banque, qui expose qu'elle n'avait connaissance que de mésententes entre ces deux collègues et avait scrupuleusement respecté les préconisations de la Médecine du Travail.

En vertu de l'article 3 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008, « Au vu du rapport établi par le médecin du travail, l'employeur propose au salarié un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé. Pour ce faire, il peut mettre en œuvre des mesures telles que des mutations, des transformations de postes, des formations adaptées à l'emploi proposé et internes à l'entreprise ou des aménagements du temps de travail (...) ».

Il appartient ainsi à l'employeur, auquel incombe une obligation de recherche de solutions de reclassement en cas d'inaptitude définitive d'un salarié à son poste de travail, de justifier des démarches actives et sérieuses qu'il a menées en vue d'effectuer des propositions crédibles et concrètes.

Ces démarches ont été accomplies au regard d'une recommandation de changement de service. La proposition de reclassement en back office, qui était une des hypothèses retenues par le Médecin du Travail, correspond parfaitement à ce qui était demandé par ledit Médecin. En effet, elle permet un changement de responsable hiérarchique, tel que cela est précisé dans la lettre de proposition et ressort de l'organigramme de la banque, et répond ainsi à la recommandation du Médecin Inspecteur. En effet, en proposant un changement de service il sous-entendait un changement de responsable. Si l'employeur est tenu d'une obligation de recherche, il n'a pas, lorsqu'une solution est possible dans la recommandation, à élargir sa proposition à un autre poste.

En reprochant à l'employeur de ne pas avoir accompli ses obligations, Monsieur j-p. S. cherche en réalité à remettre en cause la décision du Médecin Inspecteur, ce qu'il n'a pas fait alors que l'article 2-3 de la loi n° 637 du 11 janvier 1958 lui offrait cette possibilité. Monsieur j-p. S. est en conséquence mal fondé à soutenir que son employeur n'aurait pas rempli son obligation de reclassement.

En effet, si la loi relative au reclassement des salariés déclarés inaptes prend en compte l'état de santé du salarié afin de lui proposer un poste adapté à sa maladie, elle n'institue pas à son bénéfice un droit à choisir la fonction qui lui siérait au sein de l'entreprise, au surplus en contradiction avec la recommandation du Médecin du Travail. Dès lors, il n'appartenait pas à l'employeur d'envisager un reclassement au fichier central, précision faite que Monsieur j-p. S. n'a jamais fait part de cette revendication au cours de la procédure de reclassement.

Ensuite de ce refus, l'employeur a fait une juste application de l'article 6 de la loi n° 1.348 en saisissant la Commission chargée d'apprécier la possibilité de licenciement, qui ne s'est pas opposée au licenciement après avoir entendu l'employeur en ses explications mais également pris connaissance d'un courrier adressé à l'Inspection du Travail le 26 mars 2019. En effet, Monsieur j-p. S. a alors justifié son refus en indiquant « mon état de santé est le résultat d'un harcèlement qui a duré huit mois, qui a induit l'état psychologique pour lequel je suis actuellement sous traitement auprès du Docteur L. B., qui a conduit à la déclaration d'inaptitude dont je fais l'objet. Au vu de cette situation, il est évidemment inenvisageable de me retrouver en contact avec la personne qui est à l'origine de mon état de santé et de mon inaptitude. Or ce poste suppose un contact quotidien avec cette personne ».

Pour autant, la Commission ne s'est pas opposée au licenciement. L'employeur a alors adressé une lettre de licenciement le 17 avril 2019, motivée de la façon suivante :

« compte tenu du fait que vous ne vous êtes pas présenté à la réunion de la commission, ce qui ne nous a pas permis de discuter avec vous de vive voix de votre éventuel reclassement ni des motifs ayant conduit à refuser le poste proposé, nous tenions à vous rappeler ... le contexte et les motifs qui nous conduisent à la rupture ».

En effet, l'état de santé de Monsieur j-p. S. a été déclaré incompatible avec sa présence à la Commission du 11 avril 2019 par certificat du 1 er avril 2019.

S'il s'agit d'un fait objectif incontestable, il n'en demeure pas moins que cela n'a effectivement pas permis d'échange entre les parties sur la question du reclassement comme le note la banque.

« le 28 février 2019, nous recevions le médecin du travail, lequel nous expliquait informellement l'origine de vos »difficultés«, lesquelles auraient été liées à la dégradation de vos relations, depuis la fin de l'année 2017, avec Monsieur A. votre responsable hiérarchique ; mésentente dont vous ne nous aviez d'ailleurs jamais fait part (que ce soit indirectement par la saisine du référent harcèlement au travail ou directement en vous adressant à la Direction Générale ou au Service des Ressources Humaines) ».

Bien qu'il le conteste, Monsieur j-p.S.ne démontre aucunement que ses allégations de harcèlement auraient été portées à la connaissance de la banque. En effet, cela n'est nullement indiqué par le Médecin Inspecteur.

Par ailleurs, la référente harcèlement, explique que Monsieur j-p. S. lui a fait part « de son ressenti sur l'attitude de Monsieur a. A. », mais précise qu'il a refusé de déposer un dossier. Monsieur o. G. le Délégué Personnel, confirme que la saisine de la référente harcèlement a été faite de manière informelle. Surtout, aucun des témoins n'indique avoir à aucun moment saisi la Direction ou un quelconque responsable des plaintes de Monsieur j-p. S. en sorte que la situation ne pouvait être connue et ne pouvait être le cas échéant prise en compte dans la proposition de reclassement.

Enfin, les mentions sur les différents arrêts de travail ne font pas apparaître de harcèlement, mais les termes de « burn-out », « dépression », « syndrome anxiodépressif » (...).

En décidant d'un changement de service et donc de responsable hiérarchique, comme rappelé dans les termes suivants, « pour votre parfaite information et bien qu'aucun poste ne fût disponible dans le service commercial, nous avons malgré tout envisagé la possibilité de votre reclassement au sein de l'équipe commerciale. Cependant, cette solution ne nous est pas apparue opportune du fait qu'elle n'aurait pas été des plus adaptées à votre situation puisque vous vous seriez toujours trouvé au sein des équipes commerciales et en contact régulier, et direct, avec votre ancien responsable et ce même avec un changement de responsable hiérarchique direct », la banque a tenu compte de l'avis du Médecin Inspecteur.

La décision de licenciement de la banque était en conséquence justifiée et fondée sur un motif valable.

Surabondamment, il convient de rappeler que si Monsieur j-p. S. prétend que son état de santé ne lui permettait pas de se trouver ne serait-ce qu'en contact avec Monsieur a. A. ce n'était ni l'avis du Médecin Inspecteur, ni même celui de son Médecin traitant qui indiquait dans son certificat du 4 décembre 2018 « il me paraît inapte à la reprise du travail dans son poste habituel ».

Sur la mise en œuvre du licenciement

Afin d'apprécier si un abus dans le droit de licenciement a été commis, il convient d'apprécier également si l'employé a été intégralement rempli de ses droits.

L'employeur considère que le refus de poste était abusif de la part de Monsieur j-p. S. Il a déjà été démontré ci-dessus que la proposition était conforme aux préconisations du Médecin Inspecteur. À supposer que les allégations de harcèlement qu'il invoque aient nécessité qu'il soit reclassé dans un poste proscrivant tout contact, ne serait-ce qu'indirect avec Monsieur a. A. ce qui n'a pas été médicalement constaté, Monsieur j-p. S. aurait dû contester l'avis du Médecin Inspecteur, ce qu'il n'a pas fait. En faisant porter la responsabilité d'un poste qu'il considère inadapté sur son employeur, il rejette abusivement la proposition.

De plus, les circonstances ayant entouré ce refus, à savoir l'absence totale de motivation, alors qu'en parallèle il détaillait ses récriminations auprès de l'Inspection du Travail, a rendu impossible toute nouvelle appréciation de la situation et toute chance qu'un reclassement puisse prospérer. C'est dès lors à raison que la banque a estimé que le refus était abusif.

En application de l'article 8 alinéa 1 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008 « en cas de licenciement, le salarié est dispensé de l'exécution du préavis et a droit à une indemnité d'un montant égal à celui de l'indemnité prévue à l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ».

L'article 10 de cette loi dispose que « les indemnités prévues au premier alinéa de l'article 8 et à l'article précédent (indemnité spéciale de rupture pour les CDD) ne sont pas dues lorsque l'employeur établit que le refus par le salarié du reclassement proposé est abusif ».

En conséquence du refus abusif de reclassement, les indemnités de préavis n'étaient pas dues.

En application de l'article 8 alinéa 2 de la loi n° 1.348 susvisée « il bénéficie également, dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, de l'indemnité de congédiement prévue à l'article premier de la loi n° 845 du 27 juin 1968 ».

Monsieur j-p. S. soutient, appuyé par l'avis de l'Inspection du Travail, que seule l'indemnité de préavis étant spécifiquement visée par la lettre de l'article 10, l'indemnité de congédiement ne peut faire l'objet d'une retenue.

La défenderesse se fonde sur l'équité voulue par le législateur pour considérer que tout refus abusif prive le salarié de toute indemnité et sur la rédaction de l'alinéa 2 de l'article 8 qui dispose que l'indemnité de congédiement suit les mêmes conditions d'attribution, et donc de non-attribution, que l'indemnité de préavis.

Elle soutient également que tel serait l'intention du législateur, qui faisait référence à ce souci d'équité dans l'exposé des motifs de la loi.

Néanmoins, d'une part, un texte de loi clair ne s'interprète pas. En l'espèce, l'article 10 querellé exclu expressément l'article 8 alinéa 1 et l'article 9 les indemnités dues lorsque le refus de reclassement est abusif. L'indemnité de congédiement étant prévue par l'article 8 alinéa 2, elle n'est pas exclue par l'article 10 et il n'y a pas lieu d'interpréter, contra legem, l'intention supposée du législateur.

Surtout, d'autre part, la lecture de l'exposé des motifs de la loi démontre que ce ne sont que les indemnités spécifiques au dispositif de la loi relative au reclassement des salariés déclarés inaptes qui sont exclues en cas d'abus. Ces indemnités spécifiques sont l'indemnité de préavis versée alors que la non-exécution du préavis ne résulte pas d'un choix de l'employeur, mais d'une disposition légale, et l'indemnité spéciale de rupture pour les contrats à durée déterminée, ces deux indemnités n'existant que dans le cadre spécifique de l'inaptitude et ne trouvant pas leur pendant dans la législation générale.

En revanche, l'indemnité de congédiement n'est pas une indemnité spécifique au présent dispositif, mais relève du régime général de la loi n° 845. Elle doit en conséquence être versée.

L'employeur sera en conséquence condamné à verser la somme de 43 289,88 euros au titre de l'indemnité de congédiement due en application de l'article 8, alinéa 2 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008.

En ne versant pas l'indemnité due à Monsieur j-p. S. la S.A.M. ANDBANK MONACO a commis un abus dans la mise en œuvre du licenciement. Compte tenu de la clarté de la loi, mais également de la position de l'Inspection du Travail, la S.A.M. ANDBANK MONACO, qui s'est entêtée à refuser d'indemniser son salarié, a causé un préjudice qui devra être réparé par l'allocation de dommages et intérêts d'un montant de 3 000 euros.

Sur le harcèlement

Monsieur j-p. S. soutient avoir subi un harcèlement constant de la part de son supérieur hiérarchique, Monsieur a. A. à compter de janvier 2018, tel que relaté dans le courrier adressé par son conseil le 14 juin 2019.

Il produit des attestations afin de corroborer ses dires. Leur lecture ne permet toutefois pas de déceler d'actions ou omissions répétées ayant pour objet ou pour effet la dégradation de ses conditions de travail, définition légale du harcèlement.

En effet, Madame p. B. relate un déjeuner du 12 octobre 2018, soit postérieurement à l'arrêt de travail prescrit le 17 septembre 2018, au cours duquel Monsieur j-p .S. lui « a fait part de son ressenti sur l'attitude de M. A. à son encontre », « il m'a demandé de dire à a. ce qu'il en était et qu'il ne souhaitait pas qu'il l'appelle ». Aucun acte, aucun fait, aucun agissement n'est rapporté. Madame p. B. a par ailleurs « assisté à des tensions et des frictions » dont elle ne détaille ni la teneur ni même l'origine, en sorte que cela ne permet pas de caractériser que Monsieur a. A. en aurait été le responsable. Enfin, elle précise que « Monsieur S. n'ayant pas souhaité porter plainte, aucun dossier ni signalement n'a été formalisé ».

Monsieur o. G. atteste que « j-p. était venu me parler en tant que délégué du personnel des problèmes qu'il rencontrait bien avant qu'il soit arrêté pour maladie. Celui-ci m'avait fait part de difficultés relationnelles qu'il y avait avec son supérieur hiérarchique, M. A. a. ». Des difficultés relationnelles, terme employé par le demandeur auprès de son délégué du personnel, ne correspondent pas à des actions ou omissions répétées telles que prévues par la loi.

Monsieur o. G. ajoute « au fil du temps, leur relation s'est semble-t-il dégradée, en tournant selon ses dires en harcèlement la tension est devenue trop forte, celui-ci a en quelque sorte craqué ». L'emploi du conditionnel, l'absence de témoignage quant à la constatation d'un quelconque fait précis et la simple répétition des dires non étayés de Monsieur j-p. S. ne caractérisent pas plus l'existence d'un harcèlement.

Le reste de l'attestation de Monsieur o. G. sur les circonstances du refus du poste de reclassement, ne fait une fois de plus que témoigner d'un ressenti allégué du demandeur « ne se sentant pas du tout de continuer à travailler dans ces conditions-là ».

L'attestation de Monsieur S. fait référence à ce qu'il aurait vécu au sein de la banque. Comme l'a justement noté la défenderesse, Monsieur S. n'était plus employé au moment où Monsieur j-p. S. fixe les agissements qu'il aurait subis (pendant huit mois avant son arrêt maladie selon sa lettre à l'Inspection du Travail, à compter de janvier 2018 selon le courrier de son avocat). Outre le fait qu'il ne témoigne d'aucun fait précis, son attestation n'a pas de force probante pour caractériser les faits de harcèlement dénoncés de janvier à septembre 2018.

Enfin, les collègues de travail faisant partie de la même équipe que Messieurs j-p. S. et a. A. attestent n'avoir pas constaté de harcèlement ou de comportement désadapté.

En conséquence, il n'est pas établi que Monsieur j-p. S. ait subi un harcèlement et il sera débouté de ses demandes de ce chef.

Sur les dépens

Chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, il sera fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre elles, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Constate la nullité des pièces nos 13 et 24 produites en demande ;

Rejette la demande de nullité de la pièce n° 14 produite en demande ;

Dit ne pas y avoir lieu à écarter des débats la pièce n° 23 produite en demande ;

Dit que le licenciement est valable et rejette la demande de condamnation aux indemnités ;

Dit que le refus de reclassement est abusif et rejette les demandes d'indemnités spéciales de fin de contrat ;

Condamne la S.A.M. ANDBANK MONACO à verser à Monsieur j-p. S. la somme de 43 289,88 euros (quarante-trois mille deux cent quatre-vingt-neuf euros et quatre-vingt-huit centimes) au titre de l'indemnité de congédiement ;

Condamne la S.A.M. ANDBANK MONACO à verser à Monsieur j-p. S. la somme de 3 000 euros (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts pour abus dans la mise en œuvre du licenciement ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour harcèlement de Monsieur j-p. S. ;

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Daniel CAVASSINO, Alain HACHE, membres employeurs, Messieurs Pierre-Franck CRESPI, Philippe LEMONNIER, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique au Palais de Justice, le vingt-quatre février deux mille vingt-deux, par Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Daniel CAVASSINO, Alain HACHE, Pierre-Franck CRESPI et Philippe LEMONNIER, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

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