Tribunal du travail, 28 janvier 2022, Madame r. M M. c/ SAM ADECCO MONACO

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Abstract🔗

Procédure civile - Attestation de témoin - Régularisation - Respect de l'article 324 du Code de procédure civile - Absence de nullité

Contrat de travail - Licenciement - Validité du motif - Caractère abusif - Légèreté blâmable

Clause de non-concurrence - Contestation - Nullité

Résumé🔗

Une attestation de témoin régularisée et correspondant dorénavant aux préconisations de l'article 324 du Code de procédure civile n'encourt par la nullité.

En application de l'article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail est suspendu pendant une durée limitée à six mois en cas d'empêchement du travailleur dû à une maladie ou à un accident médicalement constaté. L'employeur qui entend, à l'expiration de la période légale de suspension, procéder au licenciement d'un salarié, doit démontrer que cette mesure est justifiée, non pas par son état de santé, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée de l'intéressé entraînant la nécessité de pourvoir définitivement à son remplacement. Pour démontrer que le licenciement était valable l'employeur doit démontrer que le recours à des contrats de travail à durée déterminée était impossible compte-tenu de la nature de l'emploi du demandeur. L'impossibilité de recourir à un nouveau contrat à durée déterminée s'apprécie in concreto en fonction de la nature du poste et du niveau de responsabilité. En l'espèce, Mme M. avait un poste de responsable, nécessitant un certain degré de qualification et de formation et impliquant surtout une bonne connaissance des clients, de leurs besoins, et des profils d'intérimaires pouvant leur être proposés. L'ampleur des responsabilités et le caractère clef du poste pour une entreprise d'intérim impliquait qu'il soit occupé pour une personne qualifiée, formée et de confiance. Dans ces conditions, la nécessité de pourvoir définitivement au remplacement de Mme M. était caractérisée et nécessitait qu'il soit procédé son licenciement après dix-huit mois d'absence.

La salariée, qui prétend que le licenciement aurait été causé par son état de santé et la nécessité d'adapter son poste à mi-temps, ne démontre aucunement que son employeur aurait été informé de cet état. Concernant la dispense d'exécution de préavis, elle ne constitue pas en soi une mesure vexatoire, dès lors qu'il n'ait pas démontré que l'employeur ait affiché de la méfiance à l'égard de la salariée, ni qu'il ait adopté un comportement désobligeant. L'absence d'organisation d'entretien préalable ne constitue pas non plus une faute de l'employeur, aucune disposition ne l'y contraignant. En revanche, l'employeur a fait preuve d'une légèreté blâmable en s'abstenant, avant de procéder au licenciement, d'interroger la Médecine du Travail ou de recueillir auprès de la salariée des éléments prévisibles sur la durée de la maladie. L'employeur ne justifie aucunement s'être rapproché de son employée avant de lui notifier son licenciement. En ne l'interrogeant pas à nouveau, suite à la prolongation de l'arrêt de travail le 13 juillet 2019 et avant son terme le 17 septembre 2019, l'employeur a préjugé, d'un non-retour à l'issue de l'arrêt maladie. Pour autant, l'employeur avait pris le soin d'attendre de nombreux mois avant d'envisager un licenciement et ainsi laissé l'opportunité à Mme M. de reprendre ses fonctions. Il l'avait également interrogée sur sa situation quelques semaines auparavant. Si le non-respect par l'employeur du cadre légal dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de licenciement est en soi une faute constitutive d'un préjudice, il n'a pas agi avec une quelconque volonté de nuire à sa salariée. Par ailleurs, cette erreur a été sans conséquence sur la situation puisqu'au moment du licenciement, le 28 août 2018, Mme M. n'était pas apte à reprendre son activité, même à mi-temps thérapeutique, cette possibilité n'étant intervenue que plus de quinze jours après le licenciement. En l'absence de conséquence de cette légèreté sur la situation professionnelle de la demanderesse seul le préjudice moral découlant de l'existence même de cette faute doit être indemnisé et nullement les conséquences de la perte de l'emploi. En conséquence il convient d'allouer à Mme M. la somme de 500 euros de dommages et intérêts au titre de la légèreté blâmable dans la mise en œuvre du licenciement.

Toute condition posée au salarié pour ouvrir droit au versement de l'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence est inopérante car elle renverse la charge de la preuve. L'employeur ne peut opposer au salarié ni la non-sollicitation du versement ni la non-production des documents justificatifs. Pour se libérer du versement l'employeur doit démontrer qu'il a renoncé explicitement à son bénéfice. En l'espèce, tel n'est pas le cas. En effet la mention « libre de tout engagement » sur le certificat de travail n'est ni explicite ni libératoire. L'employeur qui a librement consente à son propre bénéfice une clause de non-concurrence ne peut se prévaloir de la nullité de cette clause. Si le caractère dérisoire de la clause peut en affecter la validité, la seule conséquence ne peut en être que la nullité. Si la clause était nulle, elle ne donnerait pas lieu à réévaluation du montant, mais à versement éventuel de dommages et intérêts, au regard du préjudice subi par l'assujettissement à une clause nulle.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

En la cause de Madame r. M M., demeurant X1 à MONACO ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée ADECCO MONACO, dont le siège social se situe 4 rue Baron de Sainte-Suzanne à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie MARQUET, avocat près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat ;

d'autre part ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 8 mai 2019, reçue le 9 mai 2019 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 82-2018/2019 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 21 mai 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur au nom de Madame r. M M. en date des 17 octobre 2019, 12 novembre 2020 et 7 avril 2021 ;

Vu les conclusions de Maître Sophie MARQUET, avocat au nom de la S.A.M. ADECCO MONACO, en date des 12 mars 2020, 10 février 2021 et 16 juin 2021 ;

Après avoir entendu Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Madame r. M M. et Maître Sophie MARQUET, avocat près la même Cour, pour la S.A.M. ADECCO MONACO, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Madame r. M M. a été embauchée pour une durée indéterminée à compter du 22 octobre 2012 par la société anonyme monégasque ADECCO MONACO en qualité de Chargée de Clientèle. À compter du 3 mars 2017 elle faisait l'objet d'arrêts de travail. Elle s'est vue notifier son licenciement par lettre du 28 août 2018 pour cause d'absence prolongée entraînant la désorganisation de l'entreprise.

Soutenant que la rupture de son contrat de travail n'est pas fondée sur un motif valable et revêt un caractère abusif, Madame r. M M. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 20 mai 2019, attrait la société anonyme monégasque ADECCO MONACO devant le Bureau de jugement du Tribunal du travail à l'effet d'obtenir sa condamnation à :

- 1 210,75 euros à titre de complément d'indemnité de congédiement,

- 5 950,56 euros à titre d'indemnité de licenciement pour licenciement pour motif non valable,

- 27 902,40 euros au titre de l'indemnité de non-concurrence,

- 54 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, blâmable et vexatoire en réparation des préjudices de toute nature que son licenciement lui a occasionnés,

- les intérêts au taux légal, à compter de la date de la citation à comparaître devant le Bureau de Conciliation,

- la délivrance de ses bulletins de salaires pour les mois d'août 2017 et février 2018, la copie intégrale de son contrat de travail, un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation employeur rectifiés en conformité avec le jugement à venir,

- 4 000 euros au titre des frais de défense,

- les entiers dépens distraits au profit de Maître Christophe BALLERIO.

En cours d'instance, Madame r. M M. prenait acte de la régularisation de son indemnité de congédiement à hauteur de 1 071,32 euros, et maintenait sa demande de condamnation à ce titre à hauteur de 139,43 euros.

À l'appui de ses prétentions, Madame r. M M. fait valoir que :

- à la fin du mois d'août 2018, elle s'est rapprochée téléphoniquement de son employeur pour l'informer de ce qu'elle pourrait, sur avis de son Médecin traitant, reprendre ses activités à la fin de la prolongation de son arrêt, sous la forme dans un premier temps d'un mi-temps thérapeutique,

- elle recevait un courrier de licenciement daté du 28 août 2018 sans que son employeur ne la convoque à un entretien préalable ni ait la délicatesse de la prévenir, ne serait-ce que téléphoniquement comme il l'affirme faussement,

- le motif du licenciement n'est pas valable car la S.A.M. ADECCO MONACO ne rapporte pas la preuve de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise liée à son absence, ni de la nécessité de la remplacer définitivement,

- l'attestation en ce sens de Madame Martine C. est particulièrement évasive sur la surcharge que son absence aurait engendrée,

- plus encore, ce licenciement est abusif car il repose sur un motif fallacieux, la S.A.M. ADECCO MONACO ayant fonctionné normalement pendant un mois, puis pourvu à son remplacement par une collaboratrice en contrat temporaire pendant un an,

- son remplacement pouvait perdurer par le recours à des contrats temporaires, Madame G. n'ayant pas quitté la S.A.M. ADECCO MONACO alors même que, de ses propres propos, elle aspirait à un contrat à durée indéterminée après plus d'un an d'ancienneté, soit à compter du 22 mai 2017,

- le véritable motif de la S.A.M. ADECCO MONACO était la maladie de Madame r. M M. afin de ne pas permettre le retour d'une employée à mi-temps et d'y préférer l'embauche à durée indéterminée de sa remplaçante,

- les conditions de mise en œuvre du licenciement ont été brutales, précipitées et vexatoires, son employeur lui adressant une simple correspondance, sans entretien ni information préalable, alors qu'elle était en maladie et que son arrêt de travail arrivait presque à son terme,

- Madame r. M M. a été très choquée et affectée par son licenciement et les conditions de sa mise en œuvre,

- son employeur s'est abstenu d'interroger la Médecine du Travail et de recueillir les éléments auprès de sa salariée sur la durée prévisible de la maladie avant de la licencier, la dernière interrogation auprès d'elle étant antérieure au dernier arrêt du 13 juillet au 17 septembre 2018,

- alors qu'elle a été autorisée à reprendre à mi-temps le 18 septembre 2018, soit avant la fin de son préavis, son employeur n'a pas donné suite à sa proposition de reprise jusqu'à cette échéance le 31 octobre 2018, démontrant que c'était son état de santé qui justifiait son licenciement et non la désorganisation du service,

- alors qu'au terme du contrat de travail, la S.A.M. ADECCO MONACO a imposé à sa salariée une clause de non-concurrence d'une durée de vingt-quatre mois suivant la fin de son contrat de travail, elle ne l'avait pas remplie de ses droits ni libérée expressément de cette clause par un courrier clair et sans équivoque, la mention « libre de tout engagement » mentionné dans le certificat de travail ne valant pas dispense express,

- les conditions posées par la S.A.M. ADECCO MONACO pour le versement de la contrepartie à la clause de non-concurrence, dont Madame r. M M. n'avait pas connaissance puisqu'elle n'était pas en possession de toutes les pages, sont abusives, le versement de l'indemnité compensatrice ne pouvant être assortie d'aucune condition, ce d'autant que cette disposition a pour conséquence de faire présumer que la clause n'est pas respectée jusqu'à ce que la salariée rapporte la preuve du contraire,

- le mode de calcul de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence aboutit à une contrepartie dérisoire, équivalant à une absence de contrepartie, en sorte que c'est la somme de 27 902,40 euros qui est due,

- le calcul de l'indemnité de congédiement est erroné,

- le calcul de l'indemnité de licenciement est basé sur la moyenne des salaires perçus sur les douze derniers mois et sur les bulletins de salaires de 2016 à 2018, déduction faite de l'indemnité de congédiement qui ne se cumule pas,

- le calcul des dommages et intérêts correspond à deux ans de salaire compte-tenu du préjudice subi.

En réponse, la S.A.M. ADECCO MONACO sollicite le rejet des prétentions adverses et soutient pour l'essentiel que :

- l'attestation de son frère (pièce n° 3) est nulle en application de l'article 324 du Code de procédure civile, pour ne pas être signée ni ne faire état des mentions relatives aux sanctions,

- compter du 3 mars 2017, Madame r. M M. était placée en arrêt de travail, renouvelé à douze reprises pour une période ininterrompue de pratiquement dix-huit mois,

- compter du mois de mai 2017, la S.A.M. ADECCO MONACO pourvoyait temporairement à son remplacement pour pallier à la désorganisation du service dont elle était responsable,

- interrogée sur un éventuel retour dans l'entreprise en janvier 2018, la salariée communiquait une nouvelle prolongation d'arrêt, précisant son souhait de retrouver son emploi dès que son état de santé le lui permettrait,

- il l'interrogeait à nouveau le 12 juillet 2018 et recevait en réponse une nouvelle prolongation du 13 juillet au 17 septembre 2018,

- l'expiration de la période légale de suspension et après l'avoir avisée téléphoniquement de ce qu'elle était contrainte de procéder à son licenciement compte-tenu de la désorganisation entraînée par son absence prolongée et de la nécessité de la remplacer définitivement en l'absence de date de retour prévisible, la S.A.M. ADECCO MONACO lui notifiait son licenciement par courrier du 28 août 2018,

- alors qu'elle n'avait formulé aucune contestation, Madame r. M M. informait la S.A.M. ADECCO MONACO le 17 septembre 2018 qu'elle était autorisée à reprendre son travail à mi-temps thérapeutique le lendemain jusqu'au 15 octobre 2018,

- l'employeur la dispensait alors de préavis,

- le motif du licenciement est valable car l'absence prolongée a perturbé le fonctionnement de l'entreprise, occasionnant une surcharge de travail pour un certain nombre de salariés en capacité d'assumer les missions importantes et les responsabilités qui incombaient à Madame r. M M. laquelle était en charge du plus gros client de l'agence,

- après avoir réorganisé les tâches et redistribué une partie du portefeuille client, la S.A.M. ADECCO MONACO se voyait contrainte de recruter pour désengorger le surcroît d'activité, embauchant à compter du 23 mai 2017 et jusqu'au 30 septembre 2018 une personne dans le cadre de missions temporaires ayant pour objet « le remplacement de M r. », cette employée ayant été renouvelée au moyen d'avenants tous les mois et non pas engagée à durée déterminée pour une période d'un an,

- l'absence de perspective de reprise de Madame r. M M. et la précarité de la situation professionnelle temporaire de Madame G. incompatible sur le long terme avec les responsabilités et missions du poste occupé en remplacement, conduisaient la S.A.M. ADECCO MONACO à procéder au licenciement de Madame r. M M. pour pourvoir à son remplacement définitif par l'embauche de Madame G. à durée indéterminée à compter du 1er  octobre 2018,

- les missions dévolues au poste de Madame r. M M. nécessitaient qu'elles soient effectuées par une seule personne et non par divers remplaçants sous contrats temporaires et le risque de multiplication des remplaçants, aggravé par la volonté de Madame G. de mettre un terme à ses missions pour rechercher un contrat à durée déterminée, nécessitaient un remplacement définitif de la salariée absente,

- l'autorisation de reprise à mi-temps thérapeutique n'est intervenue que près d'un mois après la notification du licenciement,

- Madame r. M M. ne fait qu'invoquer que son licenciement serait fondé sur un motif fallacieux, sans en apporter la preuve,

- par ailleurs, elle ne caractérise aucune mise en œuvre abusive, ne démontrant ni avoir informé son employeur d'un prétendu retour imminent, ni lui avoir adressé un courrier en ce sens, ni même avoir contesté son licenciement en invoquant son retour alors que son absence prolongée en était justement le motif,

- aucun manque de délicatesse ou précipitation n'est constitué par l'absence d'entretien préalable, ni par l'absence d'interrogation de la Médecine du Travail, non requis en pareille matière, le simple recueil des éléments prévisibles sur la durée de la maladie auprès du salarié était nécessaire,

- la S.A.M. ADECCO MONACO a fait preuve de bienveillance en continuant à prendre des nouvelles de Madame r. M M. après son licenciement et en se mettant à sa disposition pour la recherche d'un nouveau poste à mi-temps,

- la requérante tronque le calcul de sa demande d'indemnité de licenciement, en n'opérant pas la déduction de l'indemnité de congédiement de 3 348,37 euros,

- la requérante ne démontre aucun préjudice ni moral ni financier pour fonder la demande de 54 000 euros de dommages et intérêts,

- la S.A.M. ADECCO MONACO a régularisé spontanément l'erreur de calcul de l'indemnité de congédiement, alors que Madame r. M M. n'explique ni ne justifie du calcul l'ayant amenée à considérer un restant dû de 139,43 euros,

- la clause de non-concurrence est soumise à la production par la salariée pour chaque trimestre échu d'une attestation de non-emploi ou d'une attestation de présence du nouvel employeur qui ne pourra être une entreprise susceptible de faire concurrence et est versée suite à une demande par lettre recommandée dans les quinze jours suivant la fin de chaque trimestre civil ; or Madame r. M M. n'a jamais réclamé, avant sa saisine du 8 mai 2019, le paiement d'une telle indemnité,

- cette obligation de l'employé n'emporte pas renversement de la charge de la preuve, mais uniquement attestation de ce que l'indemnité est toujours due,

- par ailleurs, Madame r. M M. n'étant plus lors de son licenciement en mesure de constituer une menace quant à la concurrence de la S.A.M. ADECCO MONACO, la clause de non-concurrence est dépourvue de cause et ne peut avoir effet en vertu de l'article 986 du Code civil,

- surtout, la S.A.M. ADECCO MONACO a expressément renoncé à l'obligation de non-concurrence, en libérant Madame r. M M.de tout engagement,

- en tout état de cause, le calcul de l'indemnité de Madame r. M M. n'est pas explicité et est erroné et doit se limiter à la moyenne de la rémunération perçue sur chacun des douze premiers mois et sur chacun des douze derniers mois et représenter ainsi la somme de 520,92 euros,

- aucune disposition ne prévoit l'indemnisation des frais de procédure.

SUR CE,

Sur la validité de la pièce n° 3

La présentation de la pièce n° 3 communiquée par Madame r. M M. a été régularisée et elle correspond dorénavant aux préconisations de l'article 324 du Code de procédure civile en sorte que la demande de nullité est rejetée.

Sur la validité du motif du licenciement

En application de l'article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail est suspendu pendant une durée limitée à six mois en cas d'empêchement du travailleur dû à une maladie ou à un accident médicalement constatés.

L'employeur qui entend, à l'expiration de la période légale de suspension, procéder au licenciement d'un salarié, doit démontrer que cette mesure est justifiée, non pas par son état de santé, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée de l'intéressé entraînant la nécessité de pourvoir définitivement à son remplacement.

En l'espèce, Madame r. M M. était absente depuis presque dix-huit mois lorsque l'employeur lui a notifié son licenciement.

L'employeur a justifié son licenciement pour les motifs suivants :

- le caractère clef de son poste,

- la désorganisation de l'entreprise obligeant à la remplacer de façon définitive,

- une situation de sous-effectif jusqu'en avril 2017, puis l'embauche d'une collaboratrice en contrat temporaire de façon à pouvoir répondre efficacement aux clients,

- l'absence de possibilité de reprise de poste selon courriers de janvier et juillet 2018,

- l'impossibilité de continuer à pourvoir temporairement à son remplacement.

Son absence a en effet immédiatement engendré une désorganisation de l'entreprise, tel que cela ressort du mail adressé dès le 23 mars 2018 par le Directeur de la S.A.M. ADECCO MONACO à ses employés et dans lequel il indique « la situation n'est pas confortable et les perturbations concernent particulièrement le poste de M. (...) je vous demande d'utiliser au maximum votre ADN entre-aide et tolérance les uns envers les autres pour limiter la casse et passer cette période au mieux ». Ces difficultés sont confortées par l'attestation de Madame m. C. qui, certes est une salariée de la S.A.M. ADECCO MONACO, mais ne fait que confirmer les éléments objectifs établis ci-dessus, en évoquant « une réorganisation temporaire des tâches et une redistribution d'une partie du portefeuille client ».

La nécessité de pourvoir au remplacement de Madame r. M M. compte-tenu de la surcharge de travail que son absence engendrait pour ses collègues était évoquée dès cet e-mail du 23 mars 2018 et ressort également de l'attestation de Madame m. C. qui explique qu'elle a « accepté ponctuellement cette surcharge de travail entraînant un élargissement de mes plages de travail habituelles (...) ».

Par l'embauche, dès le 23 mai 2017, d'une responsable recrutement selon contrat de mission pour le motif « remplacement de Madame r. M M. », la S.A.M. ADECCO MONACO démontre également que l'absence de cette dernière ne pouvait être absorbée par les autres salariés mais nécessitait que son poste soit pourvu à temps complet.

Pour démontrer que le licenciement était valable l'employeur doit démontrer que le recours à des contrats de travail à durée déterminée était impossible compte-tenu de la nature de l'emploi du demandeur. En l'espèce, le recours à l'intérim a été possible jusqu'au mois de septembre 2018, par cinq contrats courts du 23 mai au 1er  septembre 2017, puis un avenant n° 6 prolongeant la mission jusqu'au 31 décembre 2018.

Cette salariée atteste qu'elle souhaitait que sa situation professionnelle évolue et qu'elle avait entamé des démarches de recherches d'emploi, se tenant prête à ne plus pallier au remplacement de Madame r. M M.

L'impossibilité de recourir à un nouveau contrat à durée déterminée s'apprécie in concreto en fonction de la nature du poste et du niveau de responsabilité. En l'espèce, Madame r. M M. était Chargée de Clientèle Senior. Elle était Responsable du Développement et du Maintien de la Clientèle sur son secteur d'activité et devait notamment :

- connaître les attentes de ses interlocuteurs,

- prospecter et suivre la clientèle,

- placer activement des candidats dans les entreprises,

- effectuer des actions de prévention « hygiène et sécurité »,

- sélectionner les profils adaptés aux besoins des clients,

- déléguer et accompagner les collaborateurs intérimaires lors de leur prise de poste,

- informer les collaborateurs intérimaires sur la mission, notamment les conditions de travail et les règles de sécurité à suivre dans l'entreprise cliente.

Le poste pourvu temporairement correspondait aux missions de recrutement, gestion informatique de données et relation clientèle et était bien destiné à pallier l'absence de la demanderesse.

En l'espèce, si l'employeur a pu répartir temporairement les tâches auprès des autres collaborateurs, cette situation ne pouvait perdurer compte-tenu de l'ampleur de la surcharge de travail que cela impliquait.

Le poste de Madame r. M M. était un poste de Responsable. Il nécessitait un certain degré de qualification et de formation. Surtout, il impliquait une bonne connaissance des clients, de leurs besoins, et des profils d'intérimaires pouvant leur être proposés. L'ampleur des responsabilités et le caractère clef du poste pour une entreprise d'intérim impliquait qu'il soit occupé pour une personne qualifiée, formée et de confiance. Dans ces conditions, la nécessité de pourvoir définitivement au remplacement de Madame r. M M. était caractérisée et nécessitait qu'il soit procédé à son licenciement après dix-huit mois d'absence.

Sur le caractère abusif du licenciement, ou sa mise en œuvre abusive

La salariée, qui prétend que le licenciement aurait été causé par son état de santé et la nécessité d'adapter son poste à mi-temps, ne démontre aucunement que son employeur aurait été informé de cet état. En effet, le prétendu appel téléphonique n'a été accompagné d'aucune information écrite et l'attestation de son frère ne pallie pas cette lacune. Elle est rédigée en des termes vagues et ne permet pas de confirmer la réalité d'un appel téléphonique d'annonce de reprise, Monsieur g. M. n'expliquant pas comment il peut avoir la certitude que cet événement a bien eu lieu.

Concernant la dispense d'exécution de préavis, elle ne constitue pas en soi une mesure vexatoire, dès lors qu'il n'ait pas démontré que l'employeur ait affiché de la méfiance à l'égard de la salariée, ni qu'il ait adopté un comportement désobligeant.

En l'espèce, l'employeur a dispensé son employée en arrêt maladie dès la notification du licenciement le 28 août 2018. Il n'a été informé de la possibilité d'exécution à mi-temps du préavis que le 17 septembre à 15 heures. Le fait que l'employeur, qui n'a pu anticiper le retour de son employée et disposait d'une personne occupant ses missions selon contrat temporaire qui a continué jusqu'au 30 septembre 2018, n'ait pas souhaité le retour de son employée, n'est pas en soi vexatoire et n'est que la suite logique de la nouvelle organisation de travail qui avait dû être mise en place du fait de l'absence prolongée de Madame r. M M. pour maladie.

L'absence d'organisation d'entretien préalable ne constitue pas non plus une faute de l'employeur, aucune disposition ne l'y contraignant.

En revanche, l'employeur a fait preuve d'une légèreté blâmable en s'abstenant, avant de procéder au licenciement, d'interroger la Médecine du Travail ou de recueillir auprès de la salariée des éléments prévisibles sur la durée de la maladie. De la même façon que la demanderesse ci-dessus, l'employeur ne justifie aucunement s'être rapproché de son employée avant de lui notifier son licenciement. En ne l'interrogeant pas à nouveau, suite à la prolongation de l'arrêt de travail le 13 juillet 2019 et avant son terme le 17 septembre 2019, l'employeur a préjugé, d'un non-retour à l'issue de l'arrêt maladie.

Pour autant, l'employeur avait pris le soin d'attendre de nombreux mois avant d'envisager un licenciement et ainsi laissé l'opportunité à Madame r. M M. de reprendre ses fonctions. Il l'avait également interrogée sur sa situation quelques semaines auparavant.

Si le non-respect par l'employeur du cadre légal dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de licenciement est en soi une faute constitutive d'un préjudice, il n'a pas agi avec une quelconque volonté de nuire à sa salariée.

Par ailleurs, cette erreur a été sans conséquence sur la situation puisqu'au moment du licenciement, le 28 août 2018, Madame r. M M. n'était pas apte à reprendre son activité, même à mi-temps thérapeutique, cette possibilité n'étant intervenue que plus de quinze jours après le licenciement.

En l'absence de conséquence de cette légèreté sur la situation professionnelle de la demanderesse seul le préjudice moral découlant de l'existence même de cette faute doit être indemnisé et nullement les conséquences de la perte de l'emploi, justifiée comme développé supra.

En conséquence il convient d'allouer à Madame r. M M. la somme de 500 euros de dommages et intérêts au titre de la légèreté blâmable dans la mise en œuvre du licenciement.

Sur le calcul de l'indemnité de congédiement

Madame r. M M. a perçu, après régularisation, la somme de 3 348,37 euros à titre d'indemnité de congédiement. Malgré la contestation appuyée et réitérée adverse, la demanderesse ne justifie pas de son mode de calcul en sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande.

Sur l'application de la clause de non-concurrence

Le contrat de travail de Madame r. M M. comporte une clause de non-concurrence selon les modalités suivantes :

- une interdiction de s'intéresser à une autre entreprise susceptible de faire concurrence à ADECCO MONACO S.A.M. sur les territoires de Monaco ainsi que sur les départements des Alpes-Maritimes et de la Corse pour une durée de vingt-quatre mois,

- sauf accord écrit de la Direction,

- en contrepartie d'une indemnité compensatrice dont le montant ne pourra être inférieur à 20 % de la moyenne mensuelle de la rémunération perçue au cours des trois derniers mois de présence dans l'entreprise, pour la 1re  année et à 10 % pour la 2er année,

- les versements s'effectuent par trimestre échus sous réserve que l'employé fournisse, par lettre recommandée dans les quinze jours qui suivent la fin de chaque trimestre échu, une attestation de non-emploi ou une attestation de présence du nouvel employeur qui ne fait pas concurrence à ADECCO MONACO S.A.M.

Toute condition posée au salarié pour ouvrir droit au versement de l'indemnité compensatrice est inopérante car elle renverse la charge de la preuve. L'employeur ne peut opposer à Madame r. M M. ni la non-sollicitation du versement ni la non production des documents justificatifs.

Pour se libérer du versement l'employeur doit démontrer qu'il a renoncé explicitement à son bénéfice. En l'espèce, tel n'est pas le cas. En effet la mention « libre de tout engagement » sur le certificat de travail n'est ni explicite ni libératoire.

L'argumentation de la S.A.M. ADECCO MONACO quant à la prétendue absence de cause de la clause est une tentative détournée d'en obtenir la nullité, alors que l'employeur qui l'a librement consentie à son propre bénéfice ne peut s'en prévaloir. Lorsque la clause n'apporte plus le bénéfice escompté à l'employeur, il doit alors en libérer clairement son employé, ce qu'il n'a pas fait en l'espèce.

La clause étant valable, il convient d'en calculer le montant.

La défenderesse soutient que le montant de la clause devenant dérisoire compte-tenu du salaire retenu pour son mode de calcul, il conviendrait de la réévaluer. Si le caractère dérisoire de la clause peut en affecter la validité, la seule conséquence ne peut en être que la nullité. Or, la salariée n'invoque pas cette nullité, puisqu'elle sollicite d'ailleurs son versement. En outre, si la clause était nulle, elle ne donnerait pas lieu à réévaluation du montant, mais à versement éventuel de dommages et intérêts, au regard du préjudice subi par l'assujettissement à une clause nulle. En l'espèce, Madame r. M M. ne sollicite pas la nullité et ne justifie pas de s'être assujettie à la clause ni d'en avoir subi un quelconque préjudice.

Le calcul du montant de la clause opéré par l'employeur selon les termes du contrat n'étant pas contesté, il convient d'octroyer à Madame r. M M. la somme de 520,92 euros au titre de l'indemnité compensatrice de clause de non-concurrence.

Sur les autres demandes

Les indemnités de fin de contrat n'étant pas modifiées il n'y a pas lieu de modifier les documents de fin de contrat.

Madame r. M M. succombant partiellement dans ses demandes, il ne sera pas fait droit à sa demande d'indemnisation pour les frais exposés au titre de son action en Justice.

Chacune des parties ayant partiellement succombé, il y a lieu d'ordonner qu'elles conservent la charge de leurs propres dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Constate que le motif du licenciement est valable ;

Dit que le licenciement a été mis en œuvre avec légèreté blâmable ;

Condamne la société anonyme monégasque ADECCO MONACO à verser à Madame r. M M. la somme de 500 euros (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral du fait de la légèreté blâmable dans la mise en œuvre du licenciement ;

Rejette la demande de réévaluation de l'indemnité de congédiement de Madame r. M M. ;

Rejette la demande de nullité de la clause de non-concurrence de la S.A.M ADECCO MONACO ;

Rejette la demande de réévaluation du montant de la clause de non-concurrence de la S.A.M ADECCO MONACO ;

Condamne la S.A.M ADECCO MONACO à verser à Madame r. M M. la somme de 520,92 euros (cinq cent vingt euros et quatre-vingt-douze centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de clause de non-concurrence, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2019, date de la citation à comparaître devant le Bureau de Conciliation ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour frais de Justice de Madame r. M M. ;

Rejette le surplus des demandes de Madame r. M M. ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Emile BOUCICOT, Jean-Pierre DESCHAMPS, membres employeurs, Madame Agnès ORECCHIA, Monsieur Maximilien AGLIARDI, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée l'audience publique au Palais de Justice, le vingt-huit janvier deux mille vingt-deux, par Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Emile BOUCICOT, Jean-Pierre DESCHAMPS, Madame Agnès ORECCHIA et Monsieur Maximilien AGLIARDI, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

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