Tribunal du travail, 23 septembre 2021, Monsieur c. M. c/ La SAM A
Abstract🔗
Contrat de travail - Reçu pour solde de tout compte - Forclusion de la contestation émise par le salarié (non) - Licenciement - Indemnité de licenciement - Injonction à l'employeur de produire des éléments comptables - Solde d'indemnité de préavis - Solde d'indemnité de congés payés - Mauvaise exécution du contrat de travail - Dommages et intérêts (oui)
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 23 SEPTEMBRE 2021
En la cause de Monsieur c. M., demeurant X1 à BEAUSOLEIL (06240) ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 20 novembre 2018, reçue le 21 novembre 2018 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 56-2018/2019 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 8 janvier 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur au nom de Monsieur c. M. en date des 18 avril 2019 déposées le 19 avril 2019, 14 novembre 2019, 10 avril 2020 et 22 octobre 2020 déposées le 27 octobre 2020 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la SAM A, en date des 13 juin 2019, 16 janvier 2020, 8 juillet 2020 et 14 janvier 2021 ;
Après avoir entendu Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur c. M. et Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la même Cour, pour la SAM A, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur c. M. a été embauché par la SAM A à compter du 6 mars 2000 en qualité d'Employé de Bureau pour une durée déterminée d'une année.
Le 5 juillet 2000, Monsieur c. M. a été embauché en contrat à durée indéterminée en qualité de Négociateur Immobilier.
Le 22 décembre 2005, les parties ont signé un nouveau contrat remplaçant le précédent et prenant effet au 1er janvier 2006.
À compter de 2009, Monsieur m. C. a pris les fonctions de Président Administrateur Délégué de la SAM A.
Le 18 mai 2018, Madame s. B. Directrice Juridique et Ressources Humaines, a remis à Monsieur c. M. contre décharge, un courrier le convoquant à un entretien afin d'évoquer l'avenir de ses relations contractuelles avec l'employeur, et ce le même jour.
À l'issue de cet entretien, une nouvelle convocation été remise à Monsieur c. M. pour le 24 mai suivant, ce dernier ayant par ailleurs été dispensé d'exécution de son contrat de travail et de présence dans les locaux de l'entreprise, avec la suspension de ses accès internet, le tout à effet immédiat.
Le 24 mai 2018, Monsieur c. M. a été licencié sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963. À cette occasion, le salarié a été invité à retirer ses affaires personnelles et à remettre tous les moyens d'accès, documents et matériels appartenant à la société employeur se trouvant encore en sa possession.
Le 27 juillet 2018, Monsieur c. M. s'est rendu dans les locaux de la SAM A pour y récupérer les documents de fin de contrat.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 30 août 2018, le salarié a contesté le reçu pour solde de tout compte.
L'employeur va reconnaître son erreur et adresser un nouveau solde de tout compte le 21 septembre 2018.
Une nouvelle lettre annulant celle en date du 21 septembre 2018 va être envoyée au salarié le 24 septembre 2018, puis le 27 septembre 2018.
Par requête en date du 20 novembre 2018 reçue au greffe le 21 novembre 2018, Monsieur c. M. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
indemnité compensatrice de congés payés (42 jours) : reliquat de 14.369,82 euros bruts,
indemnité compensatrice de préavis : reliquat de 34.644,72 euros bruts,
indemnité de congés payés sur préavis : 3.762,45 euros bruts,
indemnité de licenciement : reliquat de 39.196,36 euros,
dommage et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail (défaut de paiement des éléments de rémunération à temps) : 10.000 euros,
dommages et intérêts pour rupture abusive :
préjudice matériel : 500.000 euros,
préjudice moral : 50.000 euros,
Soit un total de 550.000 euros,
intérêts légaux sur le montant des sommes à régler et ce, à compter de la citation en conciliation,
assortir le jugement à intervenir de l'exécution provisoire pour les condamnations n'en bénéficiant pas de droit en application de l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 portant création d'un Tribunal du travail,
délivrance de l'attestation Pôle Emploi rectifiée.
Monsieur c. M. a déposé des conclusions les 19 avril 2019, 14 novembre 2019, 10 avril 2020 et 27 octobre 2020 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :
le 19 avril 2016, les salariés de la SAM A ont été invités à signer un document leur rappelant leurs obligations contractuelles,
le 1er mars 2017, Madame s. B. a été embauchée en qualité de Directrice Juridique et Ressources Humaines Groupe,
à mesure que les liens entre Monsieur m. C. et Madame s. B. se resserraient, la dégradation des conditions de travail s'est accélérée,
à réception de son bulletin de paie du mois d'avril 2018, il a été surpris de constater que les modalités de calcul des sommes qui lui étaient versées au titre des congés payés avaient été modifiées, causant une substantielle variation de sa rémunération prévisible,
il a interrogé Madame s. B. sur ce point et la suite de l'échange se soldera par une convocation à un entretien préalable et à son licenciement,
sur la recevabilité de ses demandes :
la forclusion instaurée par l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1998 ne s'applique que dans le cas où le délai de dénonciation n'est pas observé, à l'exclusion de la forme que doit revêtir cette dénonciation,
le second reçu pour solde de tout compte lui a été remis le 27 septembre 2018,
la requête saisissant le Tribunal du travail a été reçue par ladite juridiction le 21 novembre 2018, soit dans le délai de deux mois prévu par l'article 7 susvisé,
la forme par laquelle le salarié dénonce le reçu pour solde de tout compte n'a aucune incidence du moment qu'il est établi qu'elle est bien intervenue dans le délai de deux mois,
au stade de la dénonciation, le salarié n'a pas l'obligation de développer les arguments de droit ou de preuve qu'il entend faire valoir à l'appui de celle-ci,
l'employeur a comparu à l'audience de conciliation et ne peut dès lors soutenir ne pas avoir eu connaissance de la contestation du solde de tout compte dans le délai de deux mois,
de surcroit, il a porté sur le reçu pour solde de tout compte la mention « sous réserve de mes droits »,
sur le licenciement fallacieux :
le but de l'employeur était de le pousser à quitter l'entreprise, à l'instar de nombreux autres collaborateurs devenus indésirables avec les nouveaux « canons » commerciaux,
lorsque Monsieur m. C. est arrivé à Monaco, il a annoncé qu'à terme, il voulait mettre en place son équipe, ce qui signifiait faire table rase des anciens,
Madame V. K. Inspecteur du Travail, confirme qu'à plusieurs reprises, il a fait part de ses difficultés avec sa hiérarchie,
les nombreux témoignages d'anciens collaborateurs illustrent la dégradation généralisée des conditions de travail après le changement d'actionnariat,
il démontre parfaitement que la détérioration de ses conditions de travail a débuté avec l'arrivée de Monsieur m. C. et s'est accélérée, notamment après le recrutement de Madame s. B.
le ton, les termes utilisés dans les mails caractérisent la volonté de brimer, de vexer, d'humilier le collaborateur,
le personnel a été invité à penser, à vivre la SAM A et a été familiarisé avec un slogan significatif de la nouvelle manière de voir les choses : « Avant la SAM A vin »,
ce qui prend des accents religieux se voulait transmis dans des séminaires obligatoires,
la situation a pris une nouvelle tournure avec l'arrivée de Madame s. B.
la réunionite a sévi, réduisant le temps de travail effectif des négociateurs,
ces réunions sont devenues le prétexte à humilier les collaborateurs devant les autres salariés,
les salariés ont été invités à rendre des devoirs écrits,
il n'avait jusqu'alors rencontré aucune difficulté dans sa carrière au sein de la SAM A,
les négociateurs ont été contraints d'assurer la permanence téléphonique de l'agence, limitant encore le temps consacré au développement de leur clientèle,
en mars 2018, l'accès aux locaux de l'entreprise a été restreint, les clés n'étant confiées qu'aux seuls responsables de services,
la mesure a été vécue comme une marque de défiance,
les modalités de calcul des sommes qui lui étaient dues au titre de ses congés payés ont été modifiées par l'employeur unilatéralement, entrainant une baisse de sa rémunération,
il produit des attestations d'anciens salariés qui mettent en exergue des conditions de travail contraires à la manière dont tout employeur doit exercer son pouvoir de direction,
il a été entravé dans l'exercice de son activité professionnelle au moyen de mesures vexatoires, dans le but qu'il quitte de lui-même l'entreprise,
la SAM A ne disposait d'aucun grief lui permettant de le licencier,
il a été dispensé d'exécuter son préavis d'une durée de deux mois, ce qui permettait à l'employeur de l'empêcher de générer de nouvelles ventes ouvrant droit à commission,
il a contesté le solde de tout compte, l'erreur de l'employeur l'ayant privé d'une somme de 67.413,35 euros,
ce n'est que sur sa réclamation et nullement de manière spontanée que cette erreur a partiellement été corrigée,
pour autant, il n'a toujours pas été rempli de ses droits,
le fait que l'employeur l'ait immédiatement privé d'accès à sa boîte email a permis à celui-ci de l'empêcher de pouvoir récupérer tout document qui aurait été utile à la défense de ses intérêts,
il a été subitement privé de tous ses outils de travail et écarté de son poste de travail, alors que rien ne pouvait lui permettre d'anticiper la survenance de telles sanctions à son encontre,
il a dû partir sur le champ de la société au sein de laquelle il a travaillé durant plus de 18 ans,
son licenciement a été mis en œuvre avec brutalité, ce qui a eu des conséquences préjudiciables tant sur le plan matériel que sur le plan moral,
l'employeur a jeté l'opprobre sur lui auprès de ses collègues, confrères et clients,
il a été privé d'une importante partie de sa rémunération et ce pendant plusieurs mois,
il a été licencié à l'âge de 57 ans et est depuis indemnisé par Pôle Emploi,
son revenu a été considérablement amputé,
son préjudice matériel et financier s'entend de la différence entre le revenu qu'il aurait effectivement perçu jusqu'à l'âge de la retraite et l'indemnité qui lui est versée par Pôle Emploi,
la différence entre son indemnité Pôle Emploi et son salaire s'élève à la somme mensuelle de 13.000 euros,
il est toujours en recherche active d'emploi,
sur les trois ans d'indemnisation Pôle Emploi (à ses 60 ans), il va perdre une somme de 450.000 euros,
dans la mesure où il avait prévu de travailler jusqu'à 62 ans, c'est encore près de 300.000 euros qu'il perdra s'il ne retrouve pas un emploi à des conditions salariales identiques,
son préjudice moral est également incontestable.
La SAM A a déposé des conclusions les 13 juin 2019, 16 janvier 2020, 8 juillet 2020 et 14 janvier 2021 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et demande en outre au Tribunal de :
dire et juger que Monsieur c. M. est forclos en ses demandes relatives au paiement du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés, de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement,
dire et juger que l'attestation de Madame c. V. K. produite par Monsieur c. M. sous le numéro de pièce n° 55 est irrecevable au regard des dispositions de l'article 323 du Code de procédure civile.
La SAM A soutient essentiellement que :
sur l'exécution loyale du contrat de travail :
Monsieur c. M. porte à son encontre toute une série de griefs qui ne sont nullement étayés et qui ne reposent que sur ses seules interprétations et certitudes,
les plaintes du salarié n'ont jamais justifié la moindre intervention de la part de l'inspection du travail,
les allégations sans fondement du demandeur n'ont d'autre but que de jeter le discrédit sur l'employeur,
Monsieur m. C. avait seulement pour objectif de mieux structurer la société et de professionnaliser davantage les collaborateurs afin de mieux s'adapter au marché du secteur de l'immobilier devenu très concurrentiel en Principauté de Monaco,
un employeur est libre de gérer son entreprise et de prendre toutes mesures qu'il estime nécessaires en vue d'assurer le bon développement de l'activité de l'entreprise,
à aucun moment, Monsieur m. C. n'a voulu se séparer de ses collaborateurs,
Monsieur c. M. a refusé de s'adapter aux nouvelles règles de fonctionnement et n'a eu de cesse de s'opposer à toute décision qui serait venue de la nouvelle direction,
le salarié n'hésite pas à faire référence à des événements ou à des échanges d'e-mails datés de plus de 5/6 ans avant le licenciement,
Monsieur c. M. ne s'est jamais plaint de ses conditions de travail, avant comme après l'arrivée de Monsieur m. C.
« Y » est une marque de la SAM A déposée auprès de la Direction de l'Expansion Économique et qui n'a rien de mystique ou d'ésotérique,
la critique portée à cet égard par Monsieur c. M. est inopérante et illustre toute la mauvaise foi du demandeur pour qui tout est sujet à critique et contestation,
les échanges de mails produits par le demandeur n'illustrent aucunement une prétendue détérioration des conditions de travail,
le nouveau système mis en place a permis aux négociateurs de les mettre directement en contact avec la clientèle afin de développer leur portefeuille,
afin de sensibiliser les collaborateurs au professionnalisme, il a été demandé à tous sans exception d'établir une note sur cette notion,
l'employeur est en droit de rappeler les règles de vie au sein de l'entreprise,
les accès aux locaux ont été modifiés pour des raisons de sécurité,
elle n'a jamais interdit de travailler avec les autres agences mais a demandé aux négociateurs de privilégier pendant les deux premiers mois de la mise en vente ou de la location du bien, la recherche directe d'acquéreur ou de vendeur avant d'avoir recours à une autre agence qui imposait alors un partage de commissions,
les attestations produites par le demandeur émanent pour la plupart d'anciens salariés démissionnaires ou licenciés, nourrissant inévitablement des rancœurs à l'égard de leur ancien employeur,
la modification de la méthode de calcul des congés payés avait fait l'objet d'une explication lors d'une réunion des délégués du personnel du 15 mai 2018,
cette modification a tenu compte de la méthode la plus avantageuse pour les salariés,
sur le licenciement :
elle n'a aucunement agi avec une quelconque intention de nuire,
elle a convoqué Monsieur c. M. à deux entretiens,
le salarié a été dispensé de l'exécution de son contrat de travail jusqu'à la date du second entretien afin de lui permettre de réfléchir et de prendre conseil éventuellement,
les accès internet du salarié ont été suspendus pendant la durée de l'absence de ce dernier pour des raisons tenant à la sécurité et à la confidentialité des données clients,
la dispense de préavis n'est pas en soi abusive ou vexatoire,
la gestion comptable de la société est externalisée et des erreurs sont apparues dans le solde de tout compte, lesquelles ont été immédiatement et spontanément rectifiées,
le salarié a ainsi été rempli de ses droits,
dans la mesure où elle n'a commis aucun abus dans la prise de décision, Monsieur c. M. ne saurait obtenir l'indemnisation de son préjudice financier et matériel,
en tout état de cause, le demandeur ne démontre pas l'étendue de son préjudice matériel,
le demandeur n'étaye pas plus son préjudice moral,
sur le solde de tout compte :
le second reçu pour solde de tout compte a été remis au salarié le 27 septembre 2018 et il n'a pas été dénoncé dans les deux mois de sa signature,
les demandes financières présentées à ce titre par Monsieur c. M. sont dès lors irrecevables,
subsidiairement, les demandes présentées sont infondées :
l'indemnité de licenciement :
Monsieur c. M. considère de manière erronée qu'à la rémunération fixe devrait s'ajouter les primes et commissions cumulées sur les douze derniers mois précédant son licenciement outre les commissions qui lui ont été versées après le licenciement,
le salaire moyen ne peut s'établir que sur la base de la rémunération perçue le mois précédant la rupture,
le versement de la commission au salarié est conditionné à la perception par l'agence des honoraires,
l'indemnité compensatrice de préavis :
le montant de l'indemnité compensatrice de préavis doit correspondre à ce que le salarié aurait gagné en salaire brut, s'il avait effectué le préavis,
Monsieur c. M. cherche à percevoir en sus du salaire, une portion supplémentaire de ses commissions intégralement perçues, pour deux douzièmes supplémentaires,
ce mode de calcul est contraire aux dispositions de l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.
En outre, dans le corps de ses écritures, la SAM A sollicite de voir déclarer nulle l'attestation produite en pièce n° 42 par le demandeur, sans reprendre cette demande dans son dispositif.
SUR CE,
Sur la forclusion soulevée par la SAM A
En vertu de l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958, « Le reçu pour solde de tout compte, délivré par le travailleur à l'employeur lors de la résiliation ou de l'expiration de son contrat, peut être dénoncé dans les deux mois de la signature. La dénonciation doit être dûment motivée et faite par lettre recommandée.
La forclusion ne peut être opposée au travailleur :
* a) Si la mention « pour solde de tout compte » n'est pas entièrement écrite de sa main suivie de sa signature ;
* b) Si le reçu ne porte pas mention, en caractères très apparents, du délai de forclusion.
Le reçu pour solde de tout compte, régulièrement dénoncé ou à l'égard duquel la forclusion ne peut jouer, n'a que la valeur d'un simple reçu des sommes qui figurent.
Le reçu pour solde de tout compte devra mentionner qu'il est établi en double exemplaire, dont l'un sera remis au travailleur ».
Il est constant en droit que le reçu pour solde de tout compte a un effet libératoire pour l'employeur s'il a été régulièrement établi et non dénoncé par le salarié dans le délai de forclusion qui lui était imparti à cet effet.
En l'espèce, il apparaît à l'examen du reçu délivré le 27 septembre 2018 par la SAM A à Monsieur c. M. que ce dernier a ajouté, avant sa signature, la mention suivante : « sous réserve de mes droits, bon pour solde de tout compte ».
Dès lors que les réserves émises par Monsieur c. M. ne sont aucunement détaillées et portent au surplus sur la totalité du reçu, cette indication, exclusive de tout accord de sa part, dénature le reçu pour solde de tout compte de son effet libératoire, lequel ne vaut par suite que comme simple reçu des sommes qui y figurent.
Aucune forclusion ne pouvant par suite être valablement opposée à Monsieur c. M. la fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions de l'article 7 de la loi n° 638 soulevée par la SAM A doit être rejetée.
Sur la nullité de l'attestation produite en pièce n° 42 par Monsieur c. M.
Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :
1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;
2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;
3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;
4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;
5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;
6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. ».
La pièce n° 42 est constituée par une attestation établie par Madame c. C.
La SAM A en sollicite la nullité dans le corps de ses écritures sans le reprendre dans le dispositif ; le Tribunal devra dès lors en apprécier la validité.
La société défenderesse soutient que l'attestation ne donne aucune précision sur l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination avec les parties.
Madame c. C. ne donne aucune précision sur l'existence ou l'absence de liens de parenté ou d'alliance avec les parties, mentions obligatoires à peine de nullité, de sorte que l'attestation litigieuse devra être déclarée nulle.
Sur la recevabilité de la pièce n° 55 produite par Monsieur c. M.
La pièce n° 55 est constituée par une attestation établie par Madame c. V. K. Inspecteur Principal du Travail.
La SAM A soutient que ce document est irrecevable au regard des dispositions de l'article 323 du Code de procédure civile aux termes desquelles « lorsque la preuve testimoniale est admissible, le tribunal peut recevoir des tiers les déclarations de nature à l'éclairer sur les faits litigieux auxquels ils ont assisté ou qu'ils ont personnellement constatés.
Les déclarations sont faites par attestation ou recueillies par voie d'enquête. ».
La société défenderesse soutient que Madame c. V. K. n'a pas eu connaissance directement des griefs de Monsieur c. M. à son égard dans la mesure où le salarié a été reçu par un contrôleur et non par celle-là.
Ce seul élément ne saurait entraîner le rejet des débats sollicité.
Il appartiendra au Tribunal, lors de l'examen au fond, d'apprécier la sincérité et la portée de ce témoignage au vu des observations développées par la SAM A.
Sur le solde d'indemnité de licenciement
Aux termes des dispositions de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 :
« Dans le cas où le licenciement n'est pas justifié par un motif jugé valable, l'employeur est tenu au paiement d'une indemnité de licenciement égale à autant de journées de salaire que le travailleur compte de mois de service chez ledit employeur ou dans son entreprise.
Le salaire journalier servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est égal au quotient du salaire correspondant au nombre de jours où l'intéressé a effectivement travaillé, le mois ayant précédé son licenciement, par ce même nombre de jours. Les avantages en nature prévus par le contrat de travail entrent dans le calcul de ladite indemnité.
Le montant de l'indemnité de licenciement ne peut toutefois excéder six mois de salaire.
(...). ».
Pour calculer l'indemnité de licenciement, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des éléments de rémunération, qu'elle soit fixe ou variable, l'ensemble des primes, avantages en nature et complément de salaire, ainsi qu'un éventuel rappel de salaire correspondant à la période de référence.
Celle-ci est limitée à six mois de salaire et n'est pas cumulable avec l'indemnité de congédiement d'un montant supérieur (article 3 de la loi n° 845).
En l'espèce, Monsieur c. M. soutient que les commissions qui lui ont été versées par l'employeur après le licenciement doivent être intégrées dans le salaire journalier visé supra.
L'indemnité de licenciement devant être calculée sur le salaire perçu le mois précédant la rupture, la commission due après le départ du salarié ne doit pas être retenue pour le calcul du salaire journalier, à charge pour l'employeur de démontrer qu'il ne disposait pas des éléments permettant son calcul à la date de la rupture du contrat de travail.
En effet, seul l'employeur est en possession des éléments permettant de déterminer la date de paiement de ses honoraires, laquelle conditionne le paiement au demandeur de sa commission.
Il y a lieu en conséquence d'ordonner la réouverture des débats et d'enjoindre à la société défenderesse de produire tous documents comptables concernant les ventes et locations ayant donné lieu au paiement de la somme totale de 58.670,40 euros à titre de commissions et permettant de déterminer la date à laquelle l'employeur a perçu ses honoraires sur lesdites ventes et locations.
Les demandes en rappel d'indemnité de licenciement et sur le caractère abusif du licenciement sont réservées, le non-paiement de l'intégralité de cette indemnité par l'employeur pouvant constituer un abus dans la mesure où Monsieur c. M. n'aurait pas été rempli de ses droits. Il en sera de même concernant la demande de rectification des documents de fin de contrat.
Les dépens seront également réservés.
Sur le solde d'indemnité de préavis
La loi n° 729 du 16 mars 1963 fixe la durée du préavis à un mois, si l'ancienneté du salarié au service d'un même employeur est supérieure à six mois ininterrompus ou à deux mois si cette ancienneté est supérieure à deux années ininterrompues.
Aux termes de l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture de contrat à durée indéterminée sans préavis ou sans que le délai-congé ait été intégralement observé emporte obligation pour la partie responsable de verser à l'autre une indemnité dont le montant correspond à la rémunération et aux avantages de toute nature dont aurait bénéficié le travailleur durant le délai de préavis qui n'aura pas été effectivement respecté.
Ainsi, lorsque le salarié a été dispensé de l'exécution de son préavis, le montant de l'indemnité lui revenant doit être calculé sur la base des salaires et avantages bruts auxquelles il aurait pu prétendre s'il avait travaillé pendant cette période.
Les parties sont en désaccord sur le salaire de référence à prendre en compte.
Les commissions, étant un salaire, doivent être prises en compte pour le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis.
Il convient à ce titre de calculer le salaire moyen mensuel, commissions comprises.
Le demandeur produit à ce titre les bulletins de salaire justifiant le calcul par lui opéré en page 22 de ses dernières écritures, pour aboutir à un salaire moyen mensuel sur les douze derniers mois s'élevant à la somme brute de 19.409,78 euros.
L'indemnité de préavis devant revenir au salarié s'élève dès lors à la somme brute de 38.819,56 euros, outre les congés payés afférents pour une somme brute de 3.881,95 euros.
Il y a lieu de déduire la somme de 5.280,67 euros perçue à ce titre par le salarié.
La SAM A sera dans ces circonstances condamnée à payer à Monsieur c. M. un solde d'indemnité compensatrice de préavis d'un montant brut de 33.538,89 euros, outre les congés payés afférents pour une somme brute de 3.881,95 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2018 date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaires et accessoires.
Sur le solde d'indemnité de congés payés
Les parties conviennent que Monsieur c. M. disposait d'un reliquat de 42 jours de congés payés non pris.
Le bulletin de salaire du mois de juillet 2018 détaille les jours de congés non pris, à savoir :
29 jours pour la période de référence 2017/2018,
24 jours pour la période de référence 2018/2019,
soit 35 jours ouvrés correspondant à 42 jours ouvrables.
L'employeur a ainsi procédé à une multiplication de ces 42 jours par le salaire de référence par lui calculé.
Monsieur c. M. procède à la même multiplication mais en prenant un salaire de référence différent.
Il convient de relever que ce mode de calcul n'est pas régulier eu égard aux dispositions des articles 10 et 11 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 prévoyant que l'indemnité afférente au congé, qui est égale à 1/10ème de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, ne pourra être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
Le calcul doit ainsi se faire pour chaque période de référence, soit du 1er mai 2017 au 30 avril 2018 et du 1er mai 2018 jusqu'à la fin du préavis.
Les dossiers des parties ne comprenant pas l'intégralité des bulletins de salaire pour les périodes de référence susvisées, le Tribunal ne peut calculer l'indemnité due au salarié.
Il convient dans ces circonstances d'inviter les parties à procéder au calcul de l'indemnité de congés payés due au salarié conformément aux dispositions citées ci-dessus, selon la méthode la plus favorable pour le salarié sur la base, soit du 10ème de la rémunération totale reçue au cours de la période de référence (règle dite du dixième), soit du salaire qui aurait été perçu par l'intéressé pendant la période de congé s'il avait continué à travailler (règle dite du maintien de salaire) et pour chaque période de référence.
Sur les dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail par l'employeur
Monsieur c. M. sollicite la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts à ce titre.
Conformément à l'article 989 du Code civil, l'employeur doit exécuter de bonne foi le contrat de travail.
Monsieur c. M. reproche à l'employeur une détérioration de ses conditions de travail, suite à l'arrivée de Monsieur m. C. qui a pris les fonctions de Président Administrateur Délégué de la SAM A en 2009, et de Madame s. B. Directrice Juridique et Ressources Humaines, le 1er mars 2017.
Monsieur c. M. invoque dans ses écritures l'attestation établie par Madame c. V. K. Inspecteur Principal du Travail.
Force est de constater à la lecture de ce document que son auteur n'a pas recueilli directement les doléances de Monsieur c. M. puisque ce dernier a été reçu par un contrôleur.
Ce témoignage ne peut dès lors être d'aucune utilité pour la solution du litige tenant à la mauvaise exécution du contrat de travail par l'employeur.
Pour démontrer ses allégations, Monsieur c. M. produit des attestations d'anciens salariés de la SAM A en pièces nos 37 à 45 dans lesquelles il est décrit une atmosphère de travail pesante, Monsieur m. C. faisant preuve d'un autoritarisme exacerbé.
La société défenderesse conteste ces attestations mais ne produit aucun élément contraire et n'a pas saisi la juridiction pénale pour faux témoignage.
Il apparaît ainsi que, sous couvert de changement de méthodes de travail, lesquelles relèvent du pouvoir de direction de l'employeur, Monsieur m. C. a instauré un climat de travail malsain.
La pression de Monsieur m. C. sur les négociateurs ressort également des courriels qu'il leur adressait et notamment à Monsieur c. M. :
Pièce n° 16 : courriel du 11/06/2012 dans lequel Monsieur C. écrit :
« (...) Je pense que tu dois réfléchir sur le sens même de la profession que tu exerces et sur la différence qui existe entre le travail d'un employé et le travail d'un négociateur.
Je pense que je devrais moi aussi réfléchir à ta demande : la SAM A a besoin de négociateurs « affamés » de vendre et se consacrant pleinement à leur tâche en ne comptant ni les heures ni les jours de repos ou fériés. ».
Le ton de ce mèl est particulièrement inadapté, la motivation de ses salariés ne devant pas se transformer en menaces.
Monsieur c. M. produit encore un certain nombre de courriels qui se rapportent à l'organisation de l'entreprise, laquelle relève du pouvoir de direction de l'employeur (pièces nos 18 à 30, 32).
Le demandeur reproche également à la SAM A d'avoir modifié unilatéralement le mode de calcul de ses congés payés, entrainant une perte de salaire (pièce n° 33).
La société défenderesse soutient que cette modification a été appliquée à l'ensemble des salariés mais ne produit aucun élément pour le démontrer.
L'employeur soutient que cette modification sur le bulletin de paie du mois d'avril 2018 était justifiée pour tenir compter de la méthode la plus avantageuse pour le salarié et a été régularisée sur le bulletin de salaire du mois de mai 2018.
Il apparaît en effet que Monsieur c. M. n'a subi aucune perte de salaire à ce titre, une somme de 10.612,42 euros apparaissant sur le bulletin de paie du mois de mai 2018 avec la mention « Régul. CP pris au 1/10è ».
Monsieur c. M. soutient avoir subi une perte de salaire mais ne donne aucun montant susceptible d'être contrôlé par le Tribunal.
Il apparaît en définitive que la SAM A a utilisé un management agressif de ses salariés et notamment de ses négociateurs, constituant un abus dans l'exécution du contrat de travail et justifiant l'allocation à Monsieur c. M. d'une somme de 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, par jugement mixte, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Prononce la nullité de l'attestation produite en pièce n° 42 par Monsieur c. M. ;
Condamne la SAM A à payer à Monsieur c. M. les sommes suivantes :
33.538,89 euros bruts (trente-trois mille cinq cent trente-huit euros et quatre-vingt-neuf centimes) à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents pour une somme brute de 3.881,95 euros (trois mille huit cent quatre-vingt-un euros et quatre-vingt-quinze centimes), avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2018 date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaires et accessoires ;
5.000 euros (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral pour mauvaise exécution du contrat de travail par la SAM A, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Rejette la forclusion soulevée par la SAM A ;
Rejette la demande en irrecevabilité de la pièce n° 55 produite par Monsieur c. M. et soulevée par la SAM A ;
Avant-dire-droit sur les compléments d'indemnités de licenciement et de congés payés ;
Ordonne la réouverture des débats et :
enjoint à la SAM A de produire tous documents comptables concernant les ventes et locations ayant donné lieu au paiement de la somme totale de 58.670,40 euros à titre de commissions et permettant de déterminer la date à laquelle l'employeur a perçu ses honoraires sur lesdites ventes et locations,
enjoint aux parties de procéder au calcul de l'indemnité de congés payés due au salarié conformément aux dispositions des articles 10 et 11 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, selon la méthode la plus favorable pour le salarié sur la base, soit du 10ème de la rémunération totale reçue au cours de la période de référence (règle dite du dixième), soit du salaire qui aurait été perçu par l'intéressé pendant la période de congé s'il avait continué à travailler (règle dite du maintien de salaire) et pour chaque période de référence telle que retenue dans les motifs et dit que les parties concluront sur ce point selon le calendrier suivant :
le MARDI 2 NOVEMBRE 2021 Maître Sarah FILIPPI, pour le compte de Monsieur c. M.
Le LUNDI 13 DÉCEMBRE 2021 Maître Thomas GIACCARDI, pour le compte de la SAM A,
Le JEUDI 16 DÉCEMBRE 2021 pour plaidoiries,
Réserve les demandes en rappel d'indemnité de licenciement et d'indemnité de congés payés, ainsi que sur le caractère abusif du licenciement et la demande de rectification des documents de fin de contrat ;
Réserve les dépens ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Nicolas MATILE-NARMINO, Jean-François MUFRAGGI, membres employeurs, Messieurs Bruno AUGÉ, Serge ARCANGIOLINI, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique au Palais de Justice, le vingt-trois septembre deux mille vingt et un, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Nicolas MATILE-NARMINO, Jean-François MUFRAGGI, Bruno AUGÉ et Serge ARCANGIOLINI, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.