Tribunal du travail, 14 juillet 2021, Monsieur s. H. c/ SAM B. DESIGN

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Accidents du travail - Juge des accidents du travail - Compétence

Tribunal du travail - Contentieux - Bureau de jugement - Demande nouvelle - Irrecevabilité

Résumé🔗

La loi n° 636 du 11 janvier 1958 relative aux accidents du travail prévoit une compétence exclusive du Juge chargé des accidents du travail et toute demande dérivant de ladite loi doit être présentée devant celui-ci, et notamment celle en paiement des indemnités journalières.

En application de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, le Bureau de jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum. Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le Bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le Bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er précité. En l'espèce, même si le montant sollicité est le même, le fondement juridique est radicalement différent, et les parties n'ont pas été à même de s'expliquer et de tenter de trouver un accord devant le Bureau de conciliation sur le dernier fondement invoqué, à savoir une indemnisation fondée sur la responsabilité de l'employeur. Enfin, il n'y a pas lieu de retenir un quelconque lien entre la demande en cause et celle présentée initialement par le salarié ; seule la nature de la demande devant être prise en considération. Il y a donc lieu de déclarer irrecevable la demande telle qu'elle est formalisée dans les dernières conclusions de Monsieur s. H.


Motifs🔗

Le Tribunal du travail,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 26 janvier 2018, reçue le 2 février 2018 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 45-2017/2018 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 20 février 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur au nom de Monsieur s. H. en date des 8 mars 2018, 4 octobre 2018, 13 juin 2019 et 12 décembre 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur au nom de Monsieur s. H. en date du 9 décembre 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. B. DESIGN, en date des 5 juillet 2018, 7 février 2019, 17 octobre 2019 et 12 mars 2020 ;

Après avoir entendu Maître Baptiste NICOL, avocat au Barreau de Nice, pour Monsieur s. H. et Maître Arnaud CHEYNUT, avocat près la Cour d'appel de Monaco, pour la S.A.M. B.DESIGN, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Monsieur s. H. a été embauché par la S.A.M. B. DESIGN à compter du 20 janvier 2017 en qualité de Directeur Développement commercial, avec un salaire brut mensuel de 3 453 euros selon l'employeur et 3 543 euros selon le salarié.

Le 25 janvier 2017, Monsieur s. H. été victime d'un accident de la circulation. Une déclaration d'accident du travail a été régularisée à ce titre par l'employeur le 3 février 2017.

Le 15 février 2017, l'assureur-loi a informé l'employeur de ce qu'il contestait la nature d'accident du travail/trajet.

Les arrêts de travail se sont prolongés jusqu'au 1er décembre 2017, le médecin du Travail ayant déclaré le salarié apte à reprendre son poste le 29 novembre 2017.

Le 1er décembre 2017, l'employeur a notifié à Monsieur s. H. la rupture de sa période d'essai.

Par requête en date du 26 janvier 2018 reçue au greffe le 2 février 2018, Monsieur s. H. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • la rectification des documents de fin de contrat et des bulletins de salaire,

  • le paiement de la somme de 27.023,28 euros au titre des indemnités journalières liées à l'accident du travail du 25 janvier 2017,

  • le paiement de la somme de 3 655,03 euros au titre des congés payés,

  • la somme de 1 500 euros au titre du rappel de salaires,

  • la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la promesse d'embauche.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.

Monsieur s. H. a déposé des conclusions les 8 mars 2018, 4 octobre 2018, 13 juin 2019, 12 décembre 2019 et 9 décembre 2020 dans lesquelles il maintient ses demandes, sauf en ce qui concerne la somme de 3 655,03 euros au titre des congés payés, laquelle a été réglée par l'employeur.

Il demande également de condamner la société B. DESIGN à le relever et garantir à hauteur de la somme de 19.540,79 euros en cas de demande de remboursement des frais et sommes injustement avancés par la CCSS du fait de l'accident du 25 janvier 2017.

Monsieur s. H. fait essentiellement valoir que :

Sur la compétence du Tribunal du travail :

  • sa demande ne résulte pas d'une demande de prise en charge, mais de la seule mise en cause de la responsabilité d'employeur de la société B. DESIGN,

  • l'employeur a effectué la déclaration d'accident du travail le 3 février 2017, après le délai de 48 heures de l'accident,

  • la société B. DESIGN a induit la Caisse de compensation des services sociaux en erreur et cette dernière a procédé à des avances de frais et autres remboursements,

Sur l'indemnisation en cas d'accident :

  • la Cour d'appel de Monaco a définitivement considéré que l'accident du 25 janvier 2017 était bien un accident du travail relevant du régime des accidents professionnels,

  • il n'a pourtant jamais reçu la moindre indemnité, tout paiement lui ayant été refusé par l'assureur-loi,

  • il est recevable à réclamer le paiement d'indemnités sur la totalité de son absence pour accident du travail, jusqu'à la rupture du contrat de travail le 4 décembre 2017, soit 312 jours,

  • sans réclamer l'application de la loi 1958 sur les accidents du travail, il est légitime à réclamer la condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 27.023,28 euros en vertu de la responsabilité à laquelle il s'est engagé en déclarant l'accident du travail,

  • le fait qu'il fournisse de nouveaux arguments juridiques au soutien de sa demande ne modifie en rien celle-ci et n'affecte pas son quantum. Elle est donc parfaitement recevable,

  • l'employeur a délivré chaque mois un bulletin de salaire mentionnant une absence non rémunérée, ce qui l'a empêché d'acquérir ses droits à congés payés chaque mois,

  • l'employeur a ainsi commis un manquement qui lui a causé un préjudice certain,

  • la société B. DESIGN est tenue de rembourser à la Caisse les Prestations indûment servies sur la foi de renseignements inexacts portés sur des certificats ou attestations par elle établis,

Sur le salaire de janvier 2017 :

  • il a été embauché à compter du 16 janvier 2017 mais a commencé à travailler dès le 7 janvier 2017,

  • il rapporte la preuve de la réalité d'une prestation de travail, sous les directives de la société B. DESIGN,

Sur le non-respect de la promesse d'embauche :

  • par courrier du 22 décembre 2016, la société B. DESIGN lui a confirmé qu'il serait embauché à compter du 16 janvier 2017 en qualité de Business Development Manager,

  • il était convenu qu'il percevrait en plus de son salaire fixe une partie variable liée aux résultats,

  • le poste qui lui a été attribué ne correspondait pas à celui convenu dans le cadre de la promesse,

  • il lui a été donné le poste de Directeur du Développement Commercial, poste de moindre importance et sans véritable prérogative de management,

  • il n'avait aucune emprise sur la gestion commerciale de la société, tant et si bien qu'il était devenu impossible de lui attribuer une rémunération variable en fonction des résultats commerciaux,

  • il a démissionné de son ancien emploi pour intégrer la société B. DESIGN,

Sur la régularisation des documents sociaux :

  • la cause de son absence doit apparaître sur les bulletins de salaire, à savoir son accident du travail en lieu et place de la mention d'absence non rémunérée.

La S.A.M. B. DESIGN a déposé des conclusions les 5 juillet 2018, 7 février 2019, 17 octobre 2019 et 12 mars 2020 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

In limine litis, elle demande au Tribunal de :

  • se déclarer incompétent au profit du juge chargé des accidents du travail pour connaître de la demande concernant les indemnités journalières dues au titre de l'accident du 25 janvier 2017,

  • en conséquence, renvoyer Monsieur s. H. à mieux se pourvoir de ce chef.

Sur les fins de non-recevoir, la S.A.M. B. DESIGN demande au Tribunal de :

  • déclarer Monsieur s. H. irrecevable en ses demandes nouvelles tendant à :

  • mettre en cause la responsabilité civile de l'employeur,

  • voir l'employeur le relever et garantir à hauteur de 19 540,79 euros,

  • le déclarer irrecevable pour défaut de qualité à agir en sa demande formée sur le fondement de l'article 14 du Règlement Intérieur de la CCSS, tendant à voir l'employeur condamner à le relever et garantir de la somme de 19 540,79 euros.

Elle indique encore avoir procédé au règlement spontané de la somme de 3.707,04 euros brute au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés due au salarié.

La société défenderesse soutient essentiellement que :

Sur l'incompétence du Tribunal du travail :

  • en application des articles 17 et 18 de la loi n° 636 relative aux accidents du travail, seul le Juge chargé des accidents du travail est compétent pour connaître de la demande en paiement des indemnités journalières,

Sur le salaire du mois de janvier 2017 :

  • les documents produits par Monsieur s. H. ne sauraient suffire à caractériser une quelconque relation de travail à temps plein à compter du 7 janvier 2017,

  • Monsieur s. H. a signé la demande d'autorisation d'embauchage le 20 janvier 2017, laquelle porte comme date d'entrée le 20 janvier 2017,

  • les pièces produites par le demandeur ne démontrent aucune consigne, aucune directive, aucune demande de tâche à exécuter par le salarié pour son compte, susceptible de caractériser une prestation de travail effectuée en janvier 2017,

Sur le non-respect de la promesse d'embauche :

  • Monsieur s. H. se borne à procéder par affirmations et ne justifie en rien de ses prétentions à ce sujet,

  • il résulte de la demande d'autorisation d'embauchage et des bulletins de salaire que sa qualification était bien celle de business development manager,

  • du fait de la survenance de l'accident du travail le 25 janvier 2017, Monsieur s. H. n'a travaillé que les quatre premiers jours de sa période d'essai,

  • son intervention s'est limitée à accompagner Madame d. B. à Paris au salon Maison et objet du 20 au 24 janvier 2017,

  • rien ne permet d'affirmer qu'au cours de ces quatre jours, le poste de Monsieur s. H. aurait été de moindre importance, voire sans véritable prérogative de management ou d'emprise sur la gestion commerciale,

  • le salaire convenu entre les parties étaient uniquement composé d'un fixe, sans aucune part variable,

  • Monsieur s. H. ne démontre pas le contraire,

À titre subsidiaire, sur les demandes nouvelles de Monsieur s. H. :

  • l'employeur est tenu, par les articles 2 et 14 de la loi n° 636 relative aux accidents du travail, de déclarer tous les accidents du travail, ce qui a été fait,

  • aucune faute ne peut dès lors être retenue à son encontre,

  • l'assureur-loi a refusé de prendre en charge l'accident de Monsieur s. H. de sorte que ce dernier a été pris en charge par la CCSS,

  • le demandeur ne conteste pas avoir bénéficié de prestations de la part des Caisses monégasques,

  • la prise en charge de l'accident au titre du régime de droit commun par la CCSS ne résulte en rien de la responsabilité de l'employeur mais de la décision de l'assureur- loi et de l'application de la loi n° 636 et du protocole d'accord conclu entre la CCSS et la chambre monégasque de l'assurance,

  • aucun lien de causalité ne peut être retenu entre la déclaration qu'elle a effectuée au titre de l'accident et le régime de prise en charge de ce dernier,

  • Monsieur s. H. a perçu un total de 17.725,40 euros d'indemnités journalières entre le 15 janvier 2017 et le 1er décembre 2017,

  • le salarié a donc été indemnisé durant toute sa période d'arrêt. Il n'explique pas en quoi le refus de prise en charge de l'assureur-loi lui aurait causé un préjudice,

  • le salarié ne l'a pas informé le 26 janvier 2017 des circonstances de l'accident,

  • ce n'est que le 3 février 2017 que Monsieur s. H. lui a communiqué les circonstances exactes de l'accident et à réception, elle a régularisé la déclaration auprès de la Sûreté publique,

  • elle a accompli les formalités qui lui incombaient avec sérieux et diligence et le salarié n'a souffert d'aucun préjudice,

  • enfin, les mentions figurant sur les bulletins de salaire sont sans effet sur le régime applicable à l'accident subi.

SUR CE,

Sur l'incompétence du Tribunal du travail soulevée par la S.A.M. B. DESIGN

L'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 donne compétence exclusive au Tribunal du travail pour connaître :

  • des différends qui peuvent s'élever à l'occasion du contrat de travail entre les employeurs et leurs représentants, d'une part, les salariés et les apprentis qu'ils emploient de l'autre ;

  • des différends nés entre salariés à l'occasion du travail, à l'exception, toutefois, des actions en dommages et intérêts motivées par des accidents dont le salarié aurait été victime.

En l'espèce, la défenderesse soulève l'incompétence de la présente juridiction pour statuer sur la demande de Monsieur s. H. tendant au paiement de la somme de 27 023,28 euros au titre des indemnités journalières liées à l'accident du travail du 25 janvier 2017.

L'article 17 de la loi n° 636 du 11/01/1958 relative aux accidents prévoit :

« Un juge, choisi parmi tous les membres du Tribunal de première instance, est spécialement chargé des accidents du travail (...).

D'une manière générale, il est investi d'une mission de conciliation au sujet de tous les litiges susceptibles de s'élever entre la victime, ses représentants ou ses ayants droit et la compagnie d'assurances de l'employeur ou l'employeur lui-même.

Sa compétence et la procédure qu'il doit suivre sont régies par les articles ci-après ».

L'article 18 précise :

« En cas d'accident mortel, le juge chargé des accidents du travail connaît en dernier ressort des contestations relatives aux frais funéraires prévus par l'article 11.

Dans les autres cas, il connaît en dernier ressort jusqu'à trois cents francs et à charge d'appel si l'intérêt du litige excède ce montant, de toutes les demandes concernant : le paiement de l'indemnité journalière prévue par le chiffre 1 de l'article 4, pendant la période d'incapacité temporaire comprise entre le jour de l'accident et la date de guérison ou de consolidation ; (...)

L'ordonnance rendue est exécutoire par provision nonobstant opposition ou appel ».

Il s'agit d'une compétence exclusive du Juge chargé des Accidents du Travail et toute demande dérivant de ladite loi doit être présentée devant celui-ci, et notamment celle en paiement des indemnités journalières.

Ce faisant, la demande en paiement de la somme de 27 023,28 euros au titre des indemnités journalières liées à l'accident du travail du 25 janvier 2017 ne relève pas de la compétence de la présente juridiction.

Sur l'irrecevabilité soulevée par la S.A.M. B. DESIGN des demandes nouvelles présentées par Monsieur s. H.

En application de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, le Bureau de jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum.

Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le Bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le Bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er précité.

En l'espèce, Monsieur s. H. a sollicité dans sa requête introductive d'instance la somme de 27 023,28 euros au titre des indemnités journalières liées à l'accident du travail du 25 janvier 2017.

Dans ses dernières écritures, il réclame le paiement de la même somme au titre des indemnités liées à l'accident du travail subi le 25 janvier 2017.

À la lecture des conclusions du demandeur, il apparaît que la somme susvisée correspond aux indemnités journalières non perçues par le salarié pendant la durée de son arrêt de travail.

Cependant, Monsieur s. H .ne réclame plus lesdites indemnités journalières mais son indemnisation suite à son accident du travail (sans autre précision) en vertu de la responsabilité à laquelle s'est engagé l'employeur en déclarant l'accident du travail.

Ainsi, même si le montant sollicité est le même, le fondement juridique est radicalement différent, et les parties n'ont pas été à même de s'expliquer et de tenter de trouver un accord devant le Bureau de conciliation sur le dernier fondement invoqué, à savoir une indemnisation fondée sur la responsabilité de l'employeur.

Enfin, il n'y a pas lieu de retenir un quelconque lien entre la demande en cause et celle présentée initialement par le salarié ; seule la nature de la demande devant être prise en considération.

Il y a donc lieu de déclarer irrecevable la demande telle qu'elle est formalisée dans les dernières conclusions de Monsieur s. H.

Par ailleurs, Monsieur s. H. a présenté une demande de condamnation de l'employeur à le relever et garantir à hauteur de la somme de 19.540,79 euros en cas de demande de remboursement des frais et sommes injustement avancés par la CCSS du fait de l'accident du 25 janvier 2017 dans ses écritures, sans que celle-ci ait fait l'objet du préliminaire de conciliation obligatoire, laquelle devra, dans ces circonstances, être déclarée irrecevable.

Cette prétention ayant été déclarée irrecevable, il n'y a pas lieu de statuer sur la qualité à agir du demandeur pour solliciter la garantie de l'employeur sur la somme de 19.540,79 euros.

Sur le salaire du mois de janvier 2017

En application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 le contrat de travail est la Convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé.

Par ailleurs l'article 1er de la loi n° 739 du même jour définit le salaire comme la rémunération contractuellement due au travailleur placé sous l'autorité d'un employeur, en contrepartie du travail ou des services qu'il a accomplis au profit de ce dernier.

Enfin l'autorité reconnue à l'employeur consiste dans le pouvoir de donner des ordres et des directives à son salarié, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le cas échéant les manquements de celui-ci, ainsi placé sous sa subordination.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

Monsieur s. H. soutient avoir commencé sa relation de travail avec la société défenderesse à compter du 7 janvier 2017, ce qui est fermement contesté par cette dernière.

Monsieur s. H. a été embauché par la S.A.M. B. DESIGN en 2017 sans contrat de travail écrit.

À cet égard, l'autorisation d'embauchage ou le permis de travail, qui ne sont que des documents administratifs, ne constituent nullement un contrat de travail mais un simple élément de preuve de ses conditions essentielles, lequel peut, le cas échéant, être contredit par d'autres éléments concordants de preuve.

La demande d'autorisation d'embauchage signée par l'employeur et le salarié le 20 janvier 2017 prévoit que Monsieur s. H. est embauché en qualité de Directeur de développement commercial à compter de cette même date.

Il lui appartient dès lors de prouver la relation de travail avant cette date.

Pour ce faire, Monsieur s. H. produit les éléments suivants :

  • un échange WhatsApp avec Madame d. B. le 5 janvier 2017 dans lequel cette dernière demande à Monsieur s. H. quel numéro de téléphone celui-ci souhaite utiliser pour ces cartes de visite. Madame d. B. lui indique en outre que son adresse de messagerie professionnelle, en cours de création, sera s. H B.com.

  • un courriel en date du 6 janvier 2017 adressé au demandeur par Madame d. B. sans aucun texte, et dans lequel il est communiqué à Monsieur s. H. les adresses des différents sites de l'employeur à Monaco et Nice,

  • un courriel adressé à Monsieur s. H. le 8 janvier 2017 par Monsieur C-N. Executive Vice-Président de la S.A.M. B. DESIGN, ainsi libellé :

« s.

J'ai regardé un peu le site du MBS. Il y a une partie du show uniquement pour les grands yachts et super yachts qui s'appelle Yachts Miami Beach.

(...).

C'est là que seront exposés les types de bateaux qui nous intéressent.

Intéressant d'aller y faire un tour et parler directement aux sales.

Bonne journée.

M. ».

Le Tribunal relève que la pièce produite à ce titre en pièce n° 15 comporte un mèl de Monsieur s. H. à Monsieur C-N. en date du 7 janvier 2017, émis à partir de la messagerie personnelle du demandeur, dont le contenu n'est pas produit.

  • un échange de courriels en date du 10 janvier 2017 entre Monsieur s. H. et la société VOYAGES CONTOURS concernant un voyage des époux B. aux Antilles.

La mise en perspective de ces pièces fait seulement apparaître que Monsieur s. H. est intervenu à une seule reprise pour le compte des époux B. et ce dans un cadre privé, aucun élément n'étant produit par le demandeur sur les circonstances dans lesquelles cette intervention a eu lieu.

Cependant, cette seule intervention ne permet nullement d'établir l'existence d'une relation salariale entre Monsieur s. H. et la S.A.M. B. DESIGN puisqu'il n'en ressort d'aucune manière qu'elle s'inscrivait dans un rapport de subordination, ni a fortiori moyennant une rémunération quelconque.

Bien plus, lesdits échanges WhatsApp et mails ne font état d'aucunes directives données par la société défenderesse à Monsieur s. H. permettant de retenir un lien de subordination de la première sur ce dernier.

Les éléments ainsi produits et avancés par Monsieur s. H. ne suffisent pas à établir qu'il ait accompli à compter du 7 janvier 2017 un travail ou des services au profit de la S.A.M. B. DESIGN sous l'autorité de ses instances dirigeantes.

Monsieur s. H. sera dans ces circonstances débouté de sa demande de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la promesse d'embauche

Monsieur s. H. soutient dans un premier temps que le poste qui lui a été attribué ne correspond pas à celui qui avait été convenu entre les parties, puis qu'une rémunération variable avait été prévue, laquelle était impossible à obtenir du fait de ce changement de poste.

Par courrier en date du 22 décembre 2016, la société B. DESIGN confirme l'embauche de Monsieur s. H. au poste de Business Development Manager avec une rémunération mensuelle nette de 3 000 euros, aucune précision n'étant donnée quant à une quelconque rémunération variable.

La demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail reprend cette dénomination de poste, ainsi qu'un salaire mensuel brut de 3.453 euros, aucune rémunération variable n'étant prévue.

Force est de constater que Monsieur s. H. est défaillant dans l'administration de la preuve, tant au niveau du changement de poste allégué que d'une éventuelle rémunération variable convenue entre les parties.

Monsieur s. H. sera dans ces circonstances débouté de ce chef de demande.

Sur la régularisation des documents sociaux

Il n'est pas contestable que les bulletins de salaire établis par l'employeur pendant l'arrêt de travail de Monsieur s. H. suite à son accident du travail mentionne « absence non rémunérée », ce qui correspond à la situation de fait existant au moment de leur établissement et ce, d'autant plus que l'assureur-loi refusait d'indemniser le salarié en contestant la nature d'accident du travail.

Cependant, la Cour d'appel a considéré qu'il s'agissait d'un accident du travail par arrêt en date du 23 avril 2019, ce qui justifie la régularisation des bulletins de salaire du demandeur, en faisant apparaître la mention « accident du travail » en lieu et place de « absence non rémunérée ».

Sur la demande reconventionnelle de la S.A.M. B. DESIGN

L'action en justice représente l'exercice d'un droit qui ne peut dégénérer en abus de droit, sauf la démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire ou d'une erreur équipollente au dol.

La défenderesse sera dès lors déboutée de ce chef de demande.

Sur les dépens

Chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Se déclare incompétent pour statuer sur la demande en paiement de la somme de 27 023,28 euros au titre des indemnités journalières liées à l'accident du travail du 25 janvier 2017 présentée par Monsieur s. H. ;

Dit que les demandes suivantes présentées par Monsieur s. H. dans ses écritures sont irrecevables :

  • en condamnation de la S.A.M. B. DESIGN au paiement de la somme de 27.023,28 euros au titre des indemnités liées à l'accident du travail subi le 25 janvier 2017 ;

  • en condamnation de l'employeur à le relever et garantir à hauteur de la somme de 19 540,79 euros en cas de demande de remboursement des frais et sommes injustement avancés par la CCSS du fait de l'accident du 25 janvier 2017 ;

Ordonne la rectification des bulletins de salaire établis par la S.A.M. B. DESIGN pendant l'arrêt de travail de Monsieur s. H. conformément à la présente décision, en faisant apparaître la mention « accident du travail » en lieu et place de « absence non rémunérée », et ce, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit que chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens.

  • Consulter le PDF