Tribunal du travail, 1 juillet 2021, Monsieur c. B. c/ La SAM A
Abstract🔗
Procédure civile - Demande non soumise au préalable de la conciliation - Recevabilité (non) - Licenciement pour motif économique - Validité du motif de licenciement (non) - Caractère abusif du licenciement (oui) - Préjudice moral (oui) - Dommages et intérêts (oui)
Résumé🔗
Le salarié, engagé en qualité de Responsable Qualité et Contrôle, il a été licencié en raison de la dissolution anticipée de la société et conteste la validité de la rupture. Il a également présenté devant le Tribunal deux demandes qui n'ont pas été soumises au préalable de la conciliation : une demande complémentaire en paiement d'un rappel de congés payés et une demande indemnitaire nouvelle. Ces demandes sont irrecevables.
En l'absence de précision et d'élément sur la situation du groupe et le secteur d'activité auquel appartient la société, les éléments comptables qu'elle fournit sont insuffisants pour conclure sur l'existence de difficultés économiques du groupe ou du secteur d'activité concerné. La cessation d'activité de la société, alors que le groupe ne connaissait à la date du licenciement aucune difficulté économique avérée, ne suffit pas à caractériser un motif valable de licenciement pour motif économique. Si le motif s'avère non valable, il n'est toutefois pas fallacieux.
Le Tribunal relève cependant que la tentative de reclassement s'est limitée à une seule proposition alors que le groupe est composé de nombreuses sociétés. Par ailleurs, l'employeur ne fournit aucun document sur la nature des emplois existants dans les différentes sociétés du groupe, de sorte qu'il ne peut avoir une vue objective de la situation générale de ce dernier et des efforts de reclassement de l'employeur. Ce dernier ne justifie pas davantage avoir adressé aux différentes sociétés du groupe le profil l'intéressé afin de permettre une recherche personnalisée d'emploi. L'employeur a ainsi agi avec une légèreté blâmable dans le cadre de l'exercice de son droit unilatéral de rupture.
Le préjudice moral en résultant est réparé par le versement au salarié de dommages et intérêts dont le montant de 100 000 euros tient compte de son âge de 47 ans au moment de la rupture, de son ancienneté de près de vingt-sept années, de son évolution de carrière très honorable compte-tenu de son investissement professionnel, et d'une perte de chance.
Le Tribunal rejette la demande de paiement d'une prime/bonus dès lors que son versement ne constitue qu'une gratification spontanée et discrétionnaire de la part de l'employeur, exclusive de tout caractère obligatoire.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 1er JUILLET 2021
En la cause de Monsieur c. B., demeurant X1 à NICE (06000) ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe « X2 », X3 à MONACO, prise en la personne de son liquidateur, Monsieur c. D. désigné à cette fonction par l'assemblée générale extraordinaire des associés en date du 25 août 2017 ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Donald MANASSE, avocat au barreau de Nice, substitué par Maître Laure MICHELLE, avocat en ce même barreau ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance reçue le 26 décembre 2017 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 38-2017/2018 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 16 janvier 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur c. B. en date des 10 janvier 2019, 11 juillet 2019, 13 février 2020 et 20 octobre 2020 ;
Vu les conclusions de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. A, en date des 14 mars 2019, 12 décembre 2019, 14 mai 2020 reçues le 15 mai 2020 et 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur c. B. et Maître Laure MICHELLE, avocat en ce même barreau, pour la S. A. M. A, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur c. B. a été embauché par la S. A. M. A le 10 décembre 1990 en qualité de Responsable Qualité et Contrôle.
Par courrier en date du 29 novembre 2017, Monsieur c. B. a été licencié dans le cadre de la dissolution anticipée de la société.
Par requête reçue au greffe le 26 décembre 2017, Monsieur c. B. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
rappel de salaire (bonus discrétionnaire - décembre 2017) : 10.000 euros,
indemnité de licenciement : 26.000 euros (avant déduction de l'indemnité de congédiement),
dommages et intérêts pour licenciement abusif : 200.000 euros,
intérêts au taux légal,
exécution provisoire.
À l'audience de conciliation, Monsieur c. B. a présenté la demande complémentaire suivante :
congés payés sur rappel de salaire : 1.000 euros.
Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant de bureau de jugement.
Monsieur c. B. a déposé des conclusions les 10 janvier 2019, 11 juillet 2019, 13 février 2020 et 20 octobre 2020 dans lesquelles il demande au Tribunal dans le dernier état de ses conclusions récapitulatives de :
condamner la S. A. M. A au paiement de la somme de 5.000 euros au titre du rappel de salaire et du bonus discrétionnaire outre 500 euros de dommages et intérêts,
dire que le licenciement ne repose pas sur un motif valable,
constater que l'indemnité de licenciement est de 0 euro,
condamner la S. A. M. A au paiement de la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
dire que la décision à intervenir sera exécutoire en toutes ses dispositions et que les sommes auxquelles la S. A. M. A sera condamnée devront être payées avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice pour le rappel de salaire et à compter du jugement qui sera rendu pour les autres,
ordonner l'exécution provisoire,
condamner la S. A. M. A en tous les dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Monsieur c. B. fait essentiellement valoir que :
sur le rappel de salaire :
il a reçu chaque année un bonus discrétionnaire ainsi que porté sur ses bulletins de salaire, dont le montant est laissé à l'appréciation de l'employeur,
ce dernier n'a jamais divulgué les critères permettant le calcul de ce bonus,
cette prime présente les caractères de fixité et de permanence et constitue un élément de sa rémunération,
sur le motif de rupture :
la SAM A dépend du groupe B,
cette société a été dissoute de manière anticipée, sur décision des actionnaires, sans que les motifs de cette décision ne soit clairement repris dans le courrier de licenciement,
il appartient à l'employeur de démontrer les difficultés économiques qui l'auraient obligé à une telle dissolution,
les pièces produites ne montrent aucune baisse du chiffre d'affaires,
pour les années 2015 à 2017, le résultat net de l'entreprise était bénéficiaire,
la rémunération de l'administrateur ne traduit aucune difficulté économique : elle a augmenté entre 2016 et 2017,
l'employeur démontre uniquement une baisse sur un an de ses résultats et non de réelles difficultés économiques,
le groupe B se présente, dans une plaquette de décembre 2017, comme un groupe en pleine croissance,
aucun élément n'est transmis relatif aux dettes et à la situation invoquée par l'employeur,
sur le licenciement abusif :
il ne ressort d'aucune pièce produite par la défenderesse qu'une proposition concrète de reclassement lui aurait été faite dès le mois de septembre 2017,
le courrier à l'Inspection du Travail ne fait état que d'un poste d'adjoint responsable technique en France avec reprise d'ancienneté, ce qui ne lui avait nullement été indiqué. Il attendait d'ailleurs les conditions financières du poste proposé avant de l'accepter,
cette proposition est intervenue le vendredi 23 novembre 2017, avec comme exigence de répondre pour le lundi 27 novembre 2017,
il a sollicité une augmentation de salaire dans la mesure où ce dernier n'avait pas augmenté en dix ans, ce qui fut refusé par l'employeur,
il ne lui était donc pas possible d'accepter une telle modification qui outre la différence de charges sociales, aurait entraîné la perte des aides familiales monégasques pour ses deux enfants,
dès le 29 novembre 2017, il était brutalement informé à 18 h de ce que les locaux devaient être quittés au 30 novembre au soir, alors qu'il n'avait même pas réceptionné sa lettre de licenciement,
il lui était demandé, au mépris des dispositions de l'arrêté ministériel du 1er juillet 2016 relatif au télétravail, de travailler en « home office »,
il a été licencié à l'âge de 48 ans et il est suivi depuis le mois de janvier 2018 par un Médecin Psychiatre pour un état dépressif réactionnel aux graves problèmes professionnels qu'il a rencontrés,
il a subi également un préjudice financier,
il a pu retrouver un emploi à Monaco.
La SAM A a déposé des conclusions les 14 mars 2019, 12 décembre 2019, 15 mai 2020 et 18 novembre 2020 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :
sur les difficultés économiques :
en 2010, le groupe B a connu de sérieuses difficultés financières, ce qui a entraîné la suppression et la délocalisation des lignes de production situées à Monaco et le licenciement collectif pour motif économique de 100 salariés sur 120,
ces importantes modifications l'avaient amenée à engager un plan dont l'objet était de renforcer son bilan en réduisant les coûts et en se concentrant sur l'activité de distribution,
le bilan de l'exercice de 2016 a fait apparaître un report à nouveau négatif d'un montant de 7.488.017,51 euros et une dette à l'égard d'un créancier, cash-pool B, d'un montant de 8.000.000 euros,
suite à ce constat alarmant, les actionnaires ont décidé à l'unanimité de procéder à sa dissolution anticipée,
elle a informé ses salariés dès le 12 septembre 2017 de ses difficultés économiques et de sa dissolution,
l'Inspection du Travail a été informée de la situation par courriers des 8 et 18 septembre 2017,
le 20 septembre 2017, elle s'est à nouveau expliquée sur l'origine des difficultés rencontrées et a communiqué la copie du bilan de l'exercice 2016,
le 22 septembre 2017, elle a reçu les salariés afin de discuter du licenciement collectif envisagé,
le bilan de l'année 2017 montre :
une chute du bénéfice de 3.989.496,97 euros,
une chute des actifs disponibles et recouvrables à moins d'un an de 967.897,37 euros,
une chute du chiffre d'affaires, après impôts, de 201.144,73 euros,
la marge brute est passée de 1.717.264,96 euros pour 2016 à 470.838,10 euros pour 2017,
le bilan de l'année 2017, en tant que bilan liquidatif, comporte des postes qui sont la conséquence de sa dissolution,
la rémunération de l'administrateur a augmenté en 2017 dans la mesure où elle comprend l'indemnité qui lui a été versée suite à l'achèvement de sa mission. De plus, elle a été refacturée à la société mère du groupe,
les bénéfices ont chuté entre 2015 et 2017, pour arriver à une perte de 288.516,50 euros,
sur le reclassement :
le 23 novembre 2017, elle proposait un poste à Monsieur c. B. dans le cadre de son obligation de reclassement,
après plusieurs discussions avec le salarié, ce dernier a rejeté cette proposition,
cette proposition permettait au demandeur de conserver son statut de cadre et son ancienneté, mais surtout d'augmenter son salaire,
elle a respecté l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 en informant l'Inspection du Travail,
sur le caractère abusif de la rupture :
il est faux de prétendre que les actionnaires de la société auraient décidé de dissoudre la société par anticipation pour des raisons de pure rentabilité,
la proposition de reclassement a été faite à Monsieur c. B. dès le 22 septembre 2017,
c'est à l'occasion du troisième rendez-vous du 27 septembre 2017 que Monsieur c. B. a fait connaître sa volonté d'accepter la proposition de reclassement au sein d'une des sociétés du groupe B,
aucune tardiveté ne peut donc lui être reprochée,
Monsieur c. B. savait pertinemment qu'elle faisait l'objet d'une dissolution anticipée et ce, depuis trois mois, que le licenciement de quatre autres salariés était en cours et qu'il était ainsi attendu et prévisible qu'elle ne se maintiendrait pas dans les lieux,
la dispense d'exécution du préavis relève du pouvoir de direction de l'employeur et sa décision ne saurait revêtir une mesure vexatoire, et ce, d'autant plus qu'il s'agit d'une mesure légitime eu égard à sa dissolution,
l'ancienneté de Monsieur c. B. ne saurait constituer à elle seule un abus,
elle a saisi et informé la commission paritaire de l'emploi sur le licenciement économique collectif mis en œuvre,
sur le rappel de salaire :
elle a versé à Monsieur c. B. diverses sommes portant plusieurs dénominations (bonus discrétionnaire, prime d'intéressement, prime exceptionnelle),
les sommes ainsi versées ne sont donc pas uniquement des bonus,
il s'agit de versements non contractuels et il appartient à Monsieur c. B. d'établir qu'il s'agit d'un usage dans l'entreprise et démontrer que les critères de généralité, constance et fixité sont réunis,
les bulletins de salaire du demandeur montrent que le critère de la fixité est inexistant,
Monsieur c. B. ne rapporte pas plus la preuve de la généralité et de la constance.
À l'audience, le Tribunal a demandé aux parties leurs observations sur le moyen de droit soulevé d'office et tenant à la recevabilité de la demande complémentaire formulée à l'audience de conciliation par Monsieur c. B. en l'absence du défendeur, en paiement de la somme de 1.000 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire.
Le Conseil de Monsieur c. B. considère que ladite demande est recevable dans la mesure où l'employeur a été régulièrement convoqué et ne s'est pas présenté.
Le Conseil de la société défenderesse s'en remet à la décision du Tribunal
Le Tribunal a également demandé aux parties de présenter leurs observations sur la recevabilité de la demande présentée par Monsieur c. B. dans ses dernières écritures et portant sur la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts, laquelle ne figurait pas dans sa requête introductive d'instance.
Le Conseil de Monsieur c. B. a indiqué qu'il s'agissait d'une erreur de plume et qu'il s'agissait des congés payés sur le rappel de salaire tel que demandé à l'audience de conciliation.
Le Conseil de la défenderesse considère que cette demande est irrecevable dans la mesure où les demandes en dommages et intérêts et en congés payés sont de nature différente.
SUR CE,
Sur la recevabilité de la demande complémentaire présentée par Monsieur c. B.
Il ressort des pièces de la procédure que la société défenderesse n'était ni présente ni représentée à l'audience de conciliation et que Monsieur c. B. a présenté une demande complémentaire en congés payés sur rappel de salaire à cette occasion.
En application de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, le bureau de jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum.
Le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le bureau de conciliation.
L'alinéa 1er prévoit :
« Lors de la comparution devant le bureau de conciliation, le demandeur pourra expliquer et même modifier ses demandes, et le défendeur pourra former celles qu'il jugera convenables. ».
L'alinéa 2 ajoute :
« Si les parties restent en désaccord, un procès-verbal de non-conciliation sera dressé. ».
La jurisprudence considère sur le fondement des dispositions visées supra que si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er précité.
Le défendeur doit ainsi être en mesure de prendre position, dès la tentative de conciliation, sur toutes les demandes présentées par le demandeur, et ce, en toute connaissance de cause.
À défaut, le requérant doit déposer une nouvelle requête pour soumettre ses nouvelles demandes au préliminaire de conciliation obligatoire.
Lorsque le défendeur ne comparaît pas à l'audience de conciliation, les prétentions du demandeur sont figées.
En effet, le requis n'a connaissance que des demandes figurant dans la requête introductive et sa défaillance ne saurait permettre au demandeur de présenter des prétentions complémentaires sans que le premier n'ait la possibilité de se concilier sur celles-ci.
Cela reviendrait à nier le principe de la conciliation obligatoire sur toutes les demandes présentées devant le Tribunal du travail.
Dans ces circonstances, la demande complémentaire de Monsieur c. B. sera déclarée irrecevable.
Sur l'irrecevabilité de la demande nouvelle présentée par le demandeur
En application de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, le bureau de jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum.
Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er précité.
En l'espèce, Monsieur c. B. a présenté une demande additionnelle dans ses écritures, n'ayant pas fait l'objet du préliminaire de conciliation, à savoir des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 500 euros.
Le demandeur estime qu'il s'agit d'une erreur de plume et qu'il faut considérer que la somme réclamée correspond aux congés payés sur le rappel de salaire réclamée dans la requête introductive d'instance.
Cette argumentation ne saurait être retenue par le Tribunal dans la mesure où les deux sommes ont des natures juridiques différentes.
Ainsi, même si le montant sollicité est le même, le fondement juridique est radicalement différent, et les parties n'ont pas été à même de s'expliquer et de tenter de trouver un accord devant le bureau de conciliation sur la somme de 500 euros.
Il y a donc lieu de déclarer irrecevable la demande en dommages et intérêts figurant dans les dernières conclusions de Monsieur c. B.
Sur la validité du licenciement
En droit, la rupture du contrat de travail pour un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression d'emploi rendue nécessaire par l'existence effective de la restructuration de l'entreprise constitue un licenciement économique.
Si le Juge ne peut apprécier la pertinence de la décision prise par l'employeur, il lui appartient néanmoins de contrôler la réalité du motif économique, c'est-à-dire en l'occurrence de la nécessité économique de la réorganisation (difficultés économiques ou sauvegarde de la compétitivité) et de l'effectivité de la suppression du poste, dont la charge de la preuve revient à l'employeur.
Constitue un motif économique de licenciement, le motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression effective d'emploi consécutive à des difficultés économiques réelles et non passagères ou aux nécessités de restructuration de l'entreprise.
Il incombe ainsi à l'employeur, qui a la charge de la preuve de la réalité et de la validité du motif de la rupture, de démontrer par des éléments objectifs susceptibles de vérification par le Tribunal que le licenciement était fondé sur un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression de son emploi consécutive à une réorganisation de l'entreprise.
À cet égard, il doit matériellement établir la nécessité économique de la restructuration et l'effectivité de la suppression du poste.
Membre d'un groupe de sociétés, l'employeur doit également matériellement établir la nécessité économique de la restructuration - difficultés économiques ou sauvegarde de la compétitivité - dans le secteur d'activité du groupe auquel il appartient ; le secteur d'activité du groupe étant théoriquement celui qui correspond à la branche d'activité dont relève l'entreprise qui invoque des difficultés économiques pour licencier.
Relèvent ainsi du même secteur d'activité les entreprises dont l'activité économique a le même objet quelles que soient les différences tenant aux modes de production des biens ou de fournitures de services.
Par ailleurs, le droit monégasque qualifie de licenciement économique collectif le licenciement d'au moins deux salariés fondé sur une cause économique commune et contraint l'employeur au respect de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la Convention Collective nationale du travail du 5 novembre 1945 ;
La lettre de licenciement en date du 29 novembre 2017 est ainsi libellée :
« Monsieur,
Nous faisons suite aux entretiens en date des 12 et 22 septembre 2017 au cours desquels nous vous avons informé de la décision des actionnaires de procéder à la dissolution anticipée de la société et des raisons pour lesquelles cette décision a été prise.
Nous sommes donc au regret de vous informer par la présente de votre licenciement pour suppression de poste.
(...) ».
Suivant un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire en date du 25 août 2017, les actionnaires de la SAM A ont décidé de procéder à la dissolution anticipée de la société avec effet immédiat, compte tenu des évènements suivants :
« Monsieur le Président rappelle les éléments suivants :
La société est depuis plusieurs années dans une situation financière délicate avec un report à nouveau négatif fixé, à la suite de l'approbation des comptes de l'exercice arrêté au 31 décembre 2016, à la somme de 7.448.017,51 €, et une dette à l'égard de cash-pool de la société B d'un montant de près de 8 m€.
La société a, depuis plusieurs années, engagé un plan visant à réduire ses coûts et à se concentrer sur l'activité de distribution afin de tenter de renforcer son bilan. Malgré ce plan, la société n'est pas à ce jour parvenue à apurer son passif et les perspectives pour les années à venir sont devenues particulièrement négatives. En effet, les ressources commerciales actuelles de la société ne permettent plus de procéder à la renégociation des contrats en cours, qui viennent à échéance prochainement, en vue du maintien du portfolio des clients de la société, ni même de procéder à de la prospection auprès de nouveaux clients potentiels, afin de développer ledit portfolio. ».
Force est de constater qu'aucune précision ni aucun élément n'est donné par l'employeur sur la situation du Groupe, pas plus que sur le secteur d'activité du groupe auquel la SAM A appartient.
Les seuls éléments comptables de la société défenderesse sont dès lors insuffisants pour conclure sur l'existence de difficultés économiques du Groupe ou du secteur d'activité concerné.
Les difficultés économiques alléguées par la SAM A doivent en effet être appréhendées dans le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
Il appartient ainsi à la société défenderesse de démontrer que ses difficultés financières alléguées touchaient également le Groupe et/ou le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
Il s'ensuit que la société employeur ne démontre pas l'existence de difficultés économiques avérées affectant le groupe auquel elle appartient, à la date de la rupture du contrat de travail.
Les seuls éléments comptables de la société défenderesse sont dès lors insuffisants pour conclure sur l'existence de difficultés économiques du Groupe ou du secteur d'activité concerné, en l'absence de cause économique justifiée au sein du Groupe et de la société mère ou de démonstration d'une réorganisation nécessitée par la sauvegarde de sa compétitivité.
La cessation d'activité de la société défenderesse alors que le groupe ne connaissait à la date du licenciement aucune difficulté économique avérée ne suffit pas à caractériser un motif valable de licenciement pour motif économique.
Sur le caractère abusif du licenciement
Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ; qu'il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve.
Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.
En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.
Le licenciement qui ne repose pas sur un motif valable n'ouvre droit à la réparation du préjudice matériel en résultant que lorsque l'employeur a commis un abus dans la prise de décision, soit par exemple en invoquant des motifs fallacieux ou encore en prononçant la rupture malgré l'absence de tout fondement légal, ce qui ne s'avère pas être le cas en l'espèce.
L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré infondé.
Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.
S'agissant d'un motif non valable, il n'est pas, pour autant, automatiquement fallacieux.
Pour justifier un licenciement, le motif invoqué doit être valable, c'est-à-dire « présenter les conditions requises pour produire son effet » et par extension être « acceptable, admissible, fondé ».
Monsieur c. B. ne démontre pas avoir été licencié pour un autre motif que celui contenu dans la lettre de rupture.
Monsieur c. B. retient uniquement l'absence de tentative de reclassement pour justifier sa demande de dommages et intérêts.
L'article 17 de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la Convention Collective Nationale du Travail sur la sécurité de l'emploi prévoit que « les entreprises doivent rechercher les possibilités de reclassement susceptibles de convenir aux salariés dont le licenciement aura dû être décidé ainsi que les moyens de formation et de reconversion qui pourraient être utilisés par eux. Elles le feront connaître aux délégués du personnel intéressés ».
La recherche doit porter sur les emplois de même catégorie que celui occupé par le salarié menacé de licenciement, sur des emplois « équivalents ».
La recherche doit être sérieuse et loyale. Elle doit porter sur toutes les sociétés du groupe et non se limiter à certaines d'entre elles ; il faut une recherche effective des postes disponibles.
Cette recherche doit être individuelle et l'employeur doit produire les éléments démontrant qu'il a tout essayé pour reclasser le salarié.
Il résulte des dossiers respectifs des parties qu'un entretien a eu lieu entre la SAM A et Monsieur c. B. le 22 septembre 2017.
L'employeur soutient à ce titre qu'il a formalisé une proposition de reclassement au salarié, ce qui ne ressort en aucun cas des mèls échangés, ni des pièces produites par celui-là.
En effet :
Le 8 novembre 2017, Monsieur c. B. adresse un courriel à Messieurs M. et B. en ces termes :
« Bonjour,
Durant notre dernière rencontre du 22 septembre 2017 nous avions convenu que vous deviez me faire dans les jours suivants des propositions pour la poursuite de ma carrière professionnelle au sein de la société B, avec soit un licenciement puis une réembauche, soit une continuation avec conservation de mon ancienneté.
Il y a plus de 3 semaines, mes collègues ont reçu une lettre de licenciement. Certains ont aussi reçu par courriel le 29 octobre, l'information de l'arrêt de manière opérationnelle de l'activité de la SAM A au 7 novembre 2017 et le transfert des activités de la SAM A vers la société B le 13 novembre 2017.
Cette situation et l'absence d'information depuis le 22 septembre fait que je suis aujourd'hui très inquiet et anxieux pour mon avenir, aussi je vous demande de bien vouloir revenir vers moi.
Cordialement. ».
Ce courriel démontre que l'employeur n'a formulé aucune proposition de reclassement le 22 septembre 2017 et force est de constater qu'il ne produit aucun élément sur cette prétendue proposition.
Le 23 novembre 2017, la société B adresse un courrier à Monsieur c. B. accompagné d'un mèl du même jour ainsi libellé :
« Objet : Proposition de poste au sein de la société C
Bonjour c.
Pour faire suite à nos différents échanges téléphoniques sur une proposition de mutation au sein du groupe B en France, je me permets de te transmettre la proposition officielle par écrit. Même si j'ai bien compris que tu refusais cette proposition, je souhaitais te la formaliser par écrit. Je considère que si nous n'avons pas de retour écrit de ta part à cette proposition au plus tard le 27/11/17, cela signifiera la confirmation de ton refus. Sinon, merci de me faire part de tes commentaires.
(...) ».
Un échange va ensuite s'instaurer entre Monsieur c. B. et Monsieur M. et ce, dès le 24 novembre 2017, le salarié écrivant :
« Bonjour s.,
J'accuse réception de ta proposition écrite faisant suite à nos deux échanges téléphoniques.
Je pense que mes propos ont mal été interprétés, mon idée n'était pas de rejeter en bloc la proposition, et encore moins par le simple fait d'avoir émis des prétentions.
Ton courriel amène des questions que je souhaiterais pouvoir discuter de vive voix, aussi je suis tout à fait disposé pour convenir d'un rendez-vous.
Cordialement ».
C'est ainsi que par mèl en date du 29 novembre 2017, Monsieur c. B. va décliner l'offre de reclassement en ces termes :
« Bonjour s.,
J'accuse réception de votre proposition.
Je déplore de ne pas avoir le temps nécessaire pour examiner cette situation à tête reposée, mais en l'état cette proposition est pour moi inacceptable par rapport aux évolutions nécessaires à cette nouvelle fonction.
Cordialement ».
Il résulte de ces éléments que la tentative de reclassement s'est limitée à une seule proposition alors que le groupe est composé de nombreuses sociétés : « Fort de 14 300 personnes réparties dans plus de 100 entités industrielles et commerciales implantées dans plus de 40 pays » et « Nos équipes commerciales et techniques, basées à Mèze (34) et Nemours (77) » selon le site internet de la société B.
La SAM A ne fournit aucun document sur la nature des emplois existants dans les différentes sociétés du groupe, ce qui ne permet pas au Tribunal d'avoir une vue objective de la situation générale de ce dernier et des efforts de reclassement de l'employeur.
En effet, ce dernier ne démontre pas avoir adressé aux différentes sociétés du groupe le profil de Monsieur c. B. permettant une recherche personnalisée d'emploi.
Ainsi, en agissant de la sorte, l'employeur a fait preuve d'une légèreté blâmable dans le cadre de l'exercice de son droit unilatéral de rupture, laquelle confère incontestablement au licenciement intervenu un caractère abusif.
Quant au préjudice invoqué, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.
Ainsi, le salarié, qui était âgé 47 ans au moment de la rupture, bénéficiant d'une ancienneté de près de vingt-sept années a incontestablement subi un préjudice moral dans un contexte où il avait connu une évolution de carrière très honorable, compte-tenu de son investissement professionnel, ainsi qu'une perte de chance, à l'exclusion du préjudice financier relatif à la perte de l'emploi qui ne pourrait découler que d'un motif illicite ou fallacieux.
Ces abus dans les conditions de mise en œuvre du licenciement ouvrent droit à la réparation du préjudice moral consécutif subi par ce salarié, qui sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 100.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Sur le rappel de salaire
Monsieur c. B. sollicite le paiement d'un bonus discrétionnaire d'un montant de 5.000 euros.
Il n'y a pas lieu de distinguer selon que la somme réclamée constitue un bonus, une prime ou une gratification, le régime juridique étant identique.
Les primes ou gratifications versées par l'employeur constituent un usage d'entreprise lorsqu'elles réunissent les trois critères de généralité, constance et fixité.
Le versement d'une prime n'a un caractère obligatoire que si cette pratique constitue un usage dont la constance, la généralité et la fixité permettent d'établir la volonté non équivoque de l'employeur de s'engager envers ses salariés et de leur octroyer ainsi un avantage financier.
Ces trois conditions sont cumulatives et si l'une d'entre elles fait défaut, il ne sera pas possible de présumer que l'employeur a souhaité accorder, en pleine connaissance de cause, un droit supplémentaire aux salariés par rapport à la loi, au statut collectif ou au contrat individuel de travail.
C'est au salarié qui invoque l'usage d'apporter par tous moyens la preuve tant de son existence que de son étendue.
Il ressort des pièces versées aux débats que :
- aucun document contractuel ne prévoit le versement d'une quelconque prime,
- Monsieur c. B. a perçu :
o Une prime exceptionnelle de 4.949 euros au mois de mars 2010,
o Une prime exceptionnelle de 5.099 euros au mois de mars 2012,
o Un bonus discrétionnaire de 4.641 euros au mois de mars 2014,
o Un bonus discrétionnaire de 4.711 euros au mois de mars 2015,
o Une bonus discrétionnaire de 4.758 euros au mois de mars 2016.
Aucun document contractuel ne prévoyant le versement de cette prime annuelle, il convient de vérifier si les conditions visées supra au titre de l'usage sont réunies.
Pour devenir obligatoire pour l'employeur, il est nécessaire que l'avantage soit attribué un certain nombre de fois aux salariés d'une manière continue.
Il n'existe pas de durée minimale durant laquelle l'avantage doit être octroyé.
Il apparaît en l'espèce que la prime/bonus n'a pas été accordée à Monsieur c. B. tous les ans de sorte que le critère de la constance ne peut être retenu.
Ensuite, l'avantage doit présenter une certaine fixité tant dans les conditions auxquelles les salariés peuvent y prétendre que dans ses modalités de calcul.
Il n'est apporté aucun élément sur le mode de calcul de la prime.
Il apparaît en outre que le montant correspondant a varié ainsi qu'il apparaît supra de sorte que le critère de la fixité n'est pas rempli.
La preuve du caractère général de l'usage, qui implique que cet avantage bénéficie à l'ensemble des salariés, voire à une catégorie déterminée d'entre eux, n'est pas plus rapportée.
Il résulte de tout ce qui précède que le versement de cette prime/bonus n'était que l'expression d'une gratification spontanée et discrétionnaire de la part de l'employeur exclusive de tout caractère obligatoire ; ce qui est d'ailleurs reconnu par le salarié dans ses écritures.
Monsieur c. B. sera dans ces circonstances débouté de ce chef de demande.
Sur l'exécution provisoire
Les conditions requises par l'article 202 du Code de procédure civile pour que l'exécution provisoire puisse être ordonnée n'étant pas réunies en l'espèce la demande à ce titre ne pourra qu'être rejetée.
Sur les dépens
Les dépens seront laissés à la charge de la société anonyme monégasque A.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Dit que la demande complémentaire en congés payés sur rappel de salaire présentée par Monsieur c. B. est irrecevable ;
Déclare irrecevable la demande en dommages et intérêts à hauteur de la somme de 500 euros figurant dans les conclusions de c. B.;
Dit que le licenciement de c. B. par la société anonyme monégasque A n'est pas fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif ;
Condamne la société anonyme monégasque A à payer à Monsieur c. B. la somme de 100.000 euros (cent mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Déboute Monsieur c. B. du surplus de ses demandes ;
Condamne la société anonyme monégasque A aux dépens du présent jugement ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Cédric CAVASSINO, Jean-Pierre DESCHAMPS, membres employeurs, Messieurs Jean-Pierre MESSY, Marc RENAUD, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le premier juillet deux mille vingt et un, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Cédric CAVASSINO, Jean-Pierre DESCHAMPS, Jean-Pierre MESSY et Marc RENAUD, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.