Tribunal du travail, 22 avril 2021, La société anonyme monégasque dénommée YACHTING PARTNERS INTERNATIONAL (Y.P.I.) c/ Monsieur r. s. C.

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Abstract🔗

Instances découlant d'un même contrat de travail - Jonction (oui) - Demande en paiement formée par l'employeur - Créance de nature salariale - Prescription quinquennale - Retenue sur salaire - Interdiction étendue - Interdiction au titre de la répétition de l'indu - Indemnité compensatrice de congés payés - Montant - Indemnité de licenciement - Calcul

Résumé🔗

Il convient, conformément à l'article 59, alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, d'ordonner la jonction des deux instances, dès lors qu'elles découlent d'un même contrat de travail.

S'agissant de créances de nature salariale, celles-ci sont soumises à la prescription quinquennale de l'article 2092 bis du Code civil.

L'interdiction des retenues sur salaire faite à l'employeur par la loi monégasque est particulièrement étendue puisque :

- l'article 7 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 se réfère aux « sommes qui lui seraient dues à lui-même pour quelque cause que ce soit »,

- les exceptions à cette interdiction sont limitées aux créances visées aux lettres a, b et c de l'alinéa 1 de l'article 7 ainsi qu'aux avances en espèces de l'article 8 de la loi n° 739 du 16 mars 1963.

Ainsi, l'employeur ne peut procéder à aucune retenue sur salaire au titre de la répétition de l'indu, alors qu'il ne peut effectuer des retenues que si les « amendes » ou sanctions pécuniaires sont prévues par le règlement intérieur dans les conditions fixées par les articles 6 et 7 de la loi n° 711 du 18 décembre 1961 sur le règlement intérieur des entreprises.

Il résulte des articles 10 et 11 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 que l'indemnité afférente au congé, qui est égale à 1/10e de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, ne pourra être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Pour calculer l'indemnité de licenciement, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des éléments de rémunération, qu'elle soit fixe ou variable, l'ensemble des primes, avantages en nature et complément de salaire, ainsi qu'un éventuel rappel de salaire correspondant à la période de référence. Par définition, les avances sur commissions peuvent donner lieu à des ajustements, ainsi qu'il résulte du contrat de travail liant les parties, de sorte que celles-ci n'ont pas à être intégrées dans l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 22 AVRIL 2021

En la cause de la société anonyme monégasque dénommée YACHTING PARTNERS INTERNATIONAL (Y. P. I.), dont le siège social se situe « Le Panorama », 57 rue Grimaldi à MONACO ;

Demanderesse, à l'instance n° 19-2018/2019 et défenderesse à l'instance n° 52-2018/2019, ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la même Cour ;

d'une part ;

Contre :

Monsieur r. s. C., demeurant X1 à MONACO (98000) ;

Défendeur, à l'instance n° 19-2018/2019 et demandeur à l'instance n° 52-2018/2019, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Donald MANASSE, avocat au barreau de Nice, substitué par Maître Laure MICHELLE, avocat en ce même barreau ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu les requêtes introductives d'instance en date des 11 juillet 2018 et 31 octobre 2018, reçues les 13 juillet 2018 et 31 octobre 2018 ;

Vu les procédures enregistrées sous les numéros 19-2018/2019 et 52-2018/2019 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 6 novembre 2018 et 18 décembre 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. YACHTING PARTNERS INTERNATIONAL, en date des 6 décembre 2018, 17 octobre 2019 et 7 juillet 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur r. s. C. en date des 25 avril 2019 et 16 janvier 2020 ;

Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco pour la S. A. M. YACHTING PARTNERS INTERNATIONAL, en ses observations ;

Ouï Maître Laure MICHELLE, avocat au barreau de Nice pour Monsieur r. s. C. en sa plaidoirie ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Monsieur r. C. a été embauché par la S.A.M. YACHTING PARTNERS INTERNATIONAL (ci-après société Y.P.I.) en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2012 en qualité de « Yacht brokerage sales director » (Directeur des Ventes) avec le statut cadre, avec un salaire net mensuel de 3.000 euros (3.534,58 euros bruts) et une commission de 35% du montant net perçu par l'employeur sur les ventes réalisées.

Monsieur r. C. percevait à ce titre une avance sur commission d'un montant brut de 7.000 euros par mois.

Par courrier remis en main propre daté du 12 mars 2018, confirmé par lettre recommandée avec accusé de réception, Monsieur r. C. a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement, et ce pour le 14 mars 2018.

Un second courrier remis en main propre, toujours daté du 12 mars 2018, doublé d'une lettre recommandée avec accusé de réception, était remise au salarié le convoquant à une « réunion préalable au licenciement en vertu de l'article 6 de la loi n° 729 » et ce pour le 16 mars 2018.

Monsieur r. C. a été licencié sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 par lettre en date du 16 mars 2018.

Le 20 mars 2018, l'employeur a adressé à Monsieur r. C. un courriel dans lequel il :

  • l'informe que pour le mois à venir et pendant toute la durée du préavis, il cesserait de lui verser des acomptes sur commissions,

  • lui demandait de lui rembourser la somme de 268.001,65 euros au titre des avances sur commissions faites, après déduction des frais.

Le 23 mars 2018, la société Y.P.I. portait le montant réclamé à la somme de 286.681,65 euros, les frais d'un montant de 9.340 euros devant être remboursés par le salarié.

Par courrier en date du 25 juin 2018, la société Y.P.I. a mis en demeure Monsieur r. C. de payer sous huitaine la somme de 271.825,93 euros.

Le 11 juillet 2018, après actualisation du décompte suite à la vente du bateau ELYSIUM et la perception de la somme de ladite vente, l'employeur a informé Monsieur r. C. que la somme dont ce dernier restait redevable s'élevait à 218.148,73 euros.

Par requête en date du 11 juillet 2018, reçue au greffe le 13 juillet 2018, la société Y.P.I. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • remboursement des avances sur commissions indues : 212.098,73 euros,

  • remboursement des frais engagés par Y.P.I. pour le compte personnel de Monsieur r. C. durant l'exécution du contrat de travail : 6.050 euros,

  • dommages et intérêts : 50.000 euros,

  • exécution provisoire de l'ensemble des condamnations,

  • frais et dépens,

  • intérêts au taux légal sur l'ensemble des condamnations à compter de la requête.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Par requête en date du 31 octobre 2018, reçue au greffe le même jour, Monsieur r. C. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • rappel de salaires pour le mois de juin 2018 (commission due sur la vente du bateau ELYSIUM (commission SUNSEEKER) : 53.677,20 euros bruts,

  • indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaire pour le mois de juin 2018 (commission due sur la vente du bateau ELYSIUM (commission SUNSEEKER) : 5.367,72 euros,

  • rappels de salaires pour les mois de mars, avril et mai 2018 et pour la période du 1er au 18 juin 2018 : 30.153,91 euros bruts,

  • indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaire pour les mois de mars, avril et mai 2018 et pour la période du 1er au 18 juin 2018 : 3.015,39 euros bruts,

  • solde restant dû sur l'indemnité compensatrice de préavis : 34.320,99 euros bruts,

  • indemnité compensatrice de congés payés sur le solde de l'indemnité compensatrice de préavis : 3.432,10 euros bruts,

  • indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 53 jours de congés payés non pris : 33.732,30 euros bruts. Après déduction de la somme de 9.309,58 euros bruts payée en juin 2018 : 24.422,72 euros bruts,

  • indemnité de licenciement : 122.322,02 euros,

  • dommages et intérêts pour licenciement abusif en réparation des préjudices financiers, matériels et moraux : 469.880 euros,

  • délivrance des bulletins de paie rectifiés pour les mois de mars, avril, mai et juin 2018, de l'attestation Pôle Emploi rectifiée et du solde de tout compte rectifié, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,

  • intérêts de droit sur les sommes dues à compter de la demande,

  • exécution provisoire dans les limites de la loi,

  • dans l'hypothèse où il serait par impossible jugé que le salaire mensuel net de Monsieur C.se limitait à la somme de 3.000 euros, celui-ci sollicite que la société YACHTING PARTNERS INTERNATIONAL soit condamnée à lui rembourser l'ensemble des charges sociales qu'il a payées sur la somme mensuelle nette de 7.000 euros, depuis le mois d'août 2012, soit un total de 58.501,93 euros, majoré des intérêts au taux légal à la date de chacun des prélèvements de ces charges sociales effectués sur les salaires de Monsieur r. C.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

La société Y.P.I. a déposé des conclusions les 6 décembre 2018, 17 octobre 2019 et 7 juillet 2020 dans lesquelles elle demande au Tribunal de condamner Monsieur r. C. au paiement des sommes suivantes :

  • 197.869,28 euros au titre du remboursement des avances sur commissions indues,

  • 6.050 euros au titre du remboursement des frais engagés pour le compte personnel de Monsieur r. C. durant l'exécution du contrat de travail,

  • 50.000 euros au titre des dommages et intérêts sur le fondement des articles 1001 et suivants et 1229 du Code civil,

  • ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, nonobstant appel,

  • condamner Monsieur r. C. aux entiers dépens, en ce compris tous frais et accessoires distraits au profit de Maître Hervé CAMPANA, avocat défenseur, sous sa due affirmation.

La société Y.P.I. fait essentiellement valoir que :

Sur sa créance

  • la base de rémunération de Monsieur r. C. telle que prévue dans le contrat de travail est parfaitement claire et sans équivoque possible,

  • dès le mois d'août 2012, les avances sur commissions étaient fixées à 7.000 euros nets en lieu et place de 7.000 euros bruts. Cette réévaluation à la hausse ne saurait constituer une volonté des deux parties de réintégrer ces avances sur commissions dans le salaire brut de base et d'en faire un élément de rémunération fixe,

  • le changement de libellé d'« avance sur commission » par « commission » sur le bulletin de salaire à compter du mois de février 2014 est une simple modification de présentation relevant d'une erreur matérielle, ne changeant en rien la répartition de la rémunération,

  • elle a bien continué à déduire les avances sur commissions postérieurement au mois de février 2014,

  • en 2017, Monsieur r. C. n'a réalisé aucune vente de sorte qu'aucune déduction n'a été faite et en 2018, la vente sur laquelle le salarié avait travaillé s'est réalisée postérieurement à la rupture du contrat de travail et a bien été déduite,

  • elle n'aurait jamais maintenu un commissionnement à hauteur de 35 % en sus d'un salaire fixe de base de 11.426,66 euros bruts,

  • d'ailleurs, Monsieur r. C. n'a jamais émis la moindre contestation pendant la relation de travail et notamment postérieurement au mois de février 2014,

  • elle produit un décompte qui identifie les avances versées à Monsieur r.C.et les avances qui ont été déduites de ses commissions,

  • il ne s'agit en aucun cas d'un relevé des commissions perçues par Monsieur r. C. mais d'un état des avances perçues par ce dernier et non encore remboursées,

  • Monsieur r. C. a bien perçu chaque année une somme plus importante au titre des avances sur commissions que ce qu'il devait réellement percevoir,

  • toutes les avances sur commissions perçues mensuellement par Monsieur r. C. ainsi que les commissions sur ventes versées ont été portées sur les bulletins de salaire,

  • elle remboursait seulement les frais professionnels directement liés à l'exécution du contrat de travail et non les frais engagés à titre personnel,

  • dès lors, Monsieur r. C. doit rembourser un billet d'avion pour DUBAI acheté par sa compagne, outre une place de parking facturée à 200 euros T.T.C. par mois qu'il n'a jamais daigné payer,

  • le salarié ne dispose d'aucune créance à son encontre sur des ventes non prises en compte. Elle a bien versé à Monsieur r. C. l'ensemble de ses commissions, y compris les commissions LADY CHRISTINE, PEGASO, SUNSEEKER et AMOIXA comme en attestent les virements bancaires produits aux débats,

  • d'ailleurs, Monsieur r. C. s'abstient de toute demande chiffrée dans le « PAR CES MOTIFS » de ses conclusions relative au versement de cette supposée créance,

  • Monsieur r. C. tente de semer volontairement et en permanence une confusion entre les éléments fixes et variables de sa rémunération,

  • le demandeur n'a jamais contesté au cours de la période d'emploi la déduction des avances mensuelles suite aux ventes réalisées,

  • ces sommes versées à titre d'avances ne peuvent en aucun cas constituer un élément fixe de la rémunération de Monsieur r. C. comme ce dernier tente de le soutenir,

  • le salarié a tenté de détourner le commissionnement qui était dû par SUNSEEKER au titre de la vente ELYSIUM alors qu'il n'avait droit qu'à la somme brute de 53.677,20 euros, laquelle a été déduite du solde de tout compte dû à Monsieur r. C.

  • à cause de la résistance abusive et de la malhonnêteté dont fait preuve Monsieur r. C. elle est contrainte d'engager des frais importants pour le recouvrement de sa créance et a dû faire face à des difficultés financières justifiant un licenciement économique collectif,

Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur r. C.

  • elle a procédé à la compensation entre la commission SUNSEEKER et les sommes qui lui sont dues par Monsieur r. C.

  • Monsieur r. C. sollicite deux sommes pour la même période, à savoir de mars à juin 2018, sur deux fondements différents : des avances sur commissions suspendues et une indemnité compensatrice de préavis,

  • Monsieur r. C. a bien perçu son indemnité de préavis pour les trois mois correspondants, soit du 19 mars au 18 juin 2018,

  • elle a payé la prime d'ancienneté mais a suspendu le paiement des avances sur commissions eu égard à sa créance certaine, liquide et exigible,

  • l'indemnité compensatrice de congés payés sur les sommes réclamées par Monsieur r. C. n'est pas due puisqu'elles ont déjà fait l'objet d'un versement tout au long de l'exécution du contrat de travail et alors qu'elles n'étaient pas dues,

  • Monsieur r. C. sollicite le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 53 jours non pris,

  • elle a favorisé le salarié en lui versant la somme de 9.309,58 euros, plus favorable que le dispositif prévu par la loi,

  • cependant, eu égard à la commission SUNSEEKER, Monsieur r. C. aurait dû percevoir une somme de 10.282,56 euros bruts, soit un différentiel de 972,98 euros bruts qu'elle accepte de compenser avec les sommes qui lui sont dues par le salarié,

  • le calcul opéré par le salarié au titre de l'indemnité de licenciement est erroné,

  • Monsieur r. C. prend en compte, pour le salaire du dernier mois travaillé, l'avance sur commission de 7.799,71 euros alors qu'il n'a réalisé aucune vente ; dès lors, cette somme ne saurait être considérée comme un avantage acquis,

  • il resterait cependant dû au salarié un reliquat de 56,47 euros qu'elle accepte de déduire des sommes dues par celui-ci,

Sur le licenciement

  • Monsieur r. C. a été rempli de l'intégralité de ses droits,

  • la compensation qu'elle a effectuée à titre de précaution n'est en aucun cas une compensation prohibée par la loi,

  • un entretien préalable a eu lieu,

  • si le courrier de licenciement est daté du jour de l'entretien, il a été envoyé le 17 mars 2018 et reçu par le salarié le 18 mars 2018, soit 3 jours après l'entretien,

  • contrairement au droit français, les actes préparatoires requis par la jurisprudence monégasque n'impliquent pas que lors de l'entretien préalable, l'employeur ne doit pas avoir pris sa décision de licencier ou non le salarié,

  • elle n'a commis aucun abus dans la mise en œuvre de la procédure de licenciement et aucune brutalité ou légèreté blâmable ne peut lui être reprochée,

  • elle a dispensé d'activité Monsieur r. C. durant le préavis en lui précisant que si une vente intervenait, elle lui serait attribuée ; ce qu'elle a fait avec la vente SUNSEEKER,

  • le salarié a constitué une société de droit chypriote le 30 novembre 2018 « r. C. & ASSOCIATES LTD », laquelle se trouve active. Monsieur r. C. aurait donc continué d'avoir une activité professionnelle avec des revenus potentiels et il réside toujours à Monaco,

  • celui-ci aurait cumulé en sus de son activité de directeur de sa société, une activité salariée au sein de « HILL ROBINSON YACHT MANAGEMENT AND MORAVIA YACHTING »,

  • Monsieur r. C. ne produit aucun élément permettant d'attester de sa détresse financière. D'ailleurs, il ne semble pas avoir changé de train de vie et est toujours domicilié à Monaco au sein du Carré d'or,

Sur le remboursement des charges sociales

  • Monsieur r. C. soulève la prescription des sommes qu'elle réclame antérieurement au 11 juillet 2013, de sorte qu'il ne saurait sérieusement solliciter le remboursement de quelques charges sociales du mois d'août 2012 à juillet 2013,

  • en toute hypothèse, Monsieur r. C. pourra bénéficier d'une retraite monégasque calculée sur son salaire fixe ainsi que les commissions même celles qui sont indues.

La société Y.P.I. sollicite le rejet de la pièce n° 26 « fiche de restitution de l'équipement en date du 25 avril 2018 » produite par Monsieur r. C. laquelle n'est pas versée aux débats.

Elle ajoute que le salarié verse une autre pièce n° 26 « tableau de synthèse établi à partir des bulletins de salaire (...) » qui devra également être rejetée des débats compte tenu des inexactitudes qu'elle contient, nul ne pouvant se constituer de preuve à lui-même.

Monsieur r. C. a déposé des conclusions les 25 avril 2019 et 16 janvier 2020 dans lesquelles il soutient essentiellement que :

  • la part fixe de son salaire mensuel net était de 10.000 euros, à laquelle s'ajoutaient les commissions sur les ventes de yachts réalisées,

  • l'examen de ses bulletins de salaire depuis son embauche révèle que depuis la conclusion du contrat de travail, les conditions de sa rémunération ont été modifiées,

  • à compter du mois d'août 2012, il a été payé sur la base de 3.000 euros net plus 7.000 euros net au lieu d'un salaire calculé sur la base de 3.000 euros net plus 7.000 euros brut,

  • à compter du mois de février 2014, il a perçu la somme mensuelle nette de 7.000 euros à titre de commissions et non plus à titre d'avance sur commissions,

  • à compter du mois de juillet 2015, il a perçu une prime d'ancienneté de 106,04 euros bruts,

  • le caractère fixe et permanent de la commission de 7.000 euros nets et de la somme de 106,04 euros bruts confère à ces versements la qualification d'éléments essentiels de sa rémunération fixe que l'employeur ne pouvait supprimer sans son accord,

  • dès lors, la moyenne des douze derniers mois précédant son licenciement s'élève à la somme de 11.438,45 euros, prime d'ancienneté incluse,

  • en intégrant la somme de 53.677,20 euros qui lui est due au titre de commission sur la vente du bateau SUNSEEKER, son salaire moyen sur les douze derniers mois précédant son licenciement est de 15.911,65 euros,

  • c'est donc sur la base de ces éléments de rémunération que doivent être calculées les sommes lui restant dues au titre de l'exécution du contrat de travail et de la rupture de ce dernier,

  • ces éléments démontrent également que la prétendue créance de l'employeur à son encontre n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible,

  • en toute hypothèse, il résulte de ses bulletins de salaire que le montant total des commissions versées au titre des ventes est largement supérieur au montant total des prétendues avances sur commissions (respectivement 722.570,04 euros et 557.182,22 euros),

Sur le licenciement

  • il n'a pas été rempli de ses droits et les circonstances ayant entouré la rupture sont abusives,

  • l'employeur a retenu la somme de 10.426,73 euros à titre de compensation sur l'indemnité de licenciement, ainsi que celles de 53.677,20 euros au titre de la commission SUNSEEKER et de 1.138,99 euros sur le solde de tout compte,

  • l'employeur ne lui a pas réglé la totalité de la part fixe des salaires pour le préavis,

  • priver un salarié de ses droits pécuniaires à l'issue d'un licenciement tout en lui réclamant le paiement d'une prétendue créance de plus de 200.000 euros est abusif et extrêmement préjudiciable,

  • les compensations opérées par l'employeur sont abusives et ne pouvaient intervenir tant que le caractère certain, liquide et exigible de sa prétendue créance n'était pas reconnu par une décision de justice,

  • la décision de le licencier lui a été notifiée par un courrier portant la même date que celle de la tenue de l'entretien préalable. La convocation à ce prétendu entretien n'était que pur artifice, destiné à masquer le caractère brutal de la mesure de licenciement, la décision de licencier étant déjà prise,

  • il a été dispensé d'exécuter son préavis. Il lui était ainsi implicitement interdit de se présenter à son poste et de récupérer ses effets personnels, l'employeur lui ayant demandé de restituer tous les moyens d'accès et le matériel de l'entreprise,

  • par ce biais, l'employeur l'empêchait de mener à terme avec les clients, les négociations qui pouvaient être en cours,

  • sans attendre la fin du préavis, l'employeur lui a réclamé le remboursement de la somme de 277.341,65 euros, démontrant une intention malveillante à son encontre,

  • il a subi un préjudice matériel et financier, mais également moral,

Sur la prescription de certaines sommes réclamées par la société Y.P.I.

  • la société défenderesse n'est pas recevable à demander le remboursement de créances qui seraient nées plus de 5 ans avant la date de saisine du Tribunal du travail, soit une somme de 99.679,39 euros,

Sur les frais

  • l'employeur ne verse pas la moindre pièce justifiant le règlement par ses soins de la somme de 6.050 euros.

SUR CE,

Sur la jonction

Il convient, conformément à l'article 59 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, d'ordonner la jonction des instances portant les numéros 19 de l'année judiciaire 2018-2019 et 52 de l'année judiciaire 2018-2019, dès lors qu'elles découlent d'un même contrat de travail.

Sur le rejet des débats de la pièce n° 26 produite par Monsieur r. C.

La société Y.P.I. sollicite le rejet de la pièce n° 26 « fiche de restitution de l'équipement en date du 25 avril 2018 » produite par Monsieur r. C. laquelle n'est pas versée aux débats.

Elle ajoute que le salarié verse une autre pièce n° 26 « tableau de synthèse établi à partir des bulletins de salaire (...) » qui devra également être rejetée des débats compte tenu des inexactitudes qu'elle contient, nul ne pouvant se constituer de preuve à lui-même.

Le bordereau de pièces figurant au dossier de Monsieur r. C. comporte une pièce n° 26 intitulée « tableau de synthèse établi à partir des bulletins de salaire de juillet 2012 à février 2018, avec indication des montants des commissions prétendument avancées par YPI et des commissions versées au titre des ventes ».

Le Tribunal appréciera la portée de document sans que les inexactitudes invoquées par la défenderesse puissent en justifier le rejet des débats.

Par ailleurs, il n'est fait mention nulle part d'une pièce n° 26 intitulée « fiche de restitution de l'équipement en date du 25 avril 2018 » de sorte qu'il n'y a pas lieu de rejeter cette dernière des débats.

Sur le salaire fixe de Monsieur r. C.

Afin d'apprécier le bien-fondé des demandes en remboursement présentées par la société Y.P.I., il convient dans un premier temps de rechercher si le salaire de Monsieur r. C. a fait l'objet d'une modification en cours de contrat.

Le contrat de travail signé entre les parties prévoit en son article 4 « Rémunération : Monsieur r. C. percevra une rémunération mensuelle nette de 3.000 € (trois mille euros).

De même, une somme de 7.000 € (sept mille euros) brute sera versée mensuellement à Monsieur r. C. à titre d'avance sur commission, qui sera remboursée annuellement à Yachting Partners International (Monaco) SAM après la réalisation de la première vente annuelle de yacht.

Le remboursement de l'avance sur commission sera calculé sur le revenu brut acquis par la société sur les ventes directement effectuées par Monsieur r. C. après déduction des frais d'introduction et des dépenses directes de marketing. Les remboursements seront alors, par la suite, effectués annuellement sur la base de chaque première vente annuelle de yacht.

Dans le cas où le revenu brut acquis par la société sur la première vente de l'année serait insuffisante pour couvrir l'avance sur commission versée, l'avance restant due sera déduite de la vente suivante de l'année. Par année, il est entendu année calendaire, soit du 1er janvier au 31 décembre. La première année sera calculée au prorata du nombre de mois restant à compter de la date d'embauchage jusqu'au 31 décembre de l'année en cours.

À ce titre, pour chaque vente de yachts, Monsieur r. C. percevra une commission nette (après déduction de tout montant versé à titre d'avance sur commission), calculée sur la base de 35 % du montant net perçu par la société Yachting Partners International (Monaco) SAM (après déduction d'éventuelles commissions dues à des intermédiaires ou tiers et dépenses de marketing direct convenues entre les parties), versée dans les trente jours de la clôture de la vente. Un exemple de la méthode de calcul est fourni en Annexe au présent contrat, lequel sera utilisé en cas d'incertitude sur la méthode de calcul.

Une commission sur la gestion des yachts introduits par Monsieur r. C. sera également versée, représentant un mois de frais de gestion. Cette commission brute sera réglée après trois mois consécutifs de gestion du yacht.

De plus, en fin d'année, un bonus pourra également être versé, à la discrétion de Yachting Partners International (Monaco) SAM en fonction des performances réalisées concernant la vente, les activités de charter et le recrutement de brokers pour le compte de la société ».

Monsieur r. C. estime que son salaire fixe est passé de 3.000 euros à 10.000 euros, l'avance sur commission d'un montant brut de 7.000 euros ayant été « transformée » en rémunération fixe.

Il considère que la mention sur les bulletins de paie à compter du mois de février 2014, « commissions » en lieu et place de « commissions (avance) » a modifié la nature de la somme ainsi versée.

L'examen des bulletins de salaire produits, avant et après le mois de février 2014 confirme les allégations de Monsieur r. C.

Par ailleurs, les avances sur commissions ont été fixées à la somme nette de 7.000 euros en lieu et place de 7.000 euros bruts à compter du mois d'août 2012, soit près d'un an et demi avant la suppression de la mention « avance » sur les bulletins de salaire.

Pour autant, ce changement de dénomination et le passage de la somme litigieuse en nette ne sauraient changer la nature de la somme ainsi versée en application du contrat de travail.

En effet, le bulletin de salaire du mois de juillet 2014 fait apparaître le versement à Monsieur r. C. des sommes suivantes :

  • 7.928,08 euros à titre de « commissions »,

  • 191.488,45 euros au titre de la commission sur la vente SUNSEEKER.

Le document mentionne également une déduction d'un montant de 185.333,99 euros à titre d'acompte, s'agissant des avances sur commissions.

Force est de constater que le salarié n'a formulé aucun commentaire ni aucune contestation sur la déduction ainsi opérée par l'employeur, laquelle est conforme aux stipulations contractuelles.

Des déductions similaires ont par ailleurs été effectuées par l'employeur sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2011.

Bien plus, la société défenderesse produit une attestation de son expert-comptable, Monsieur F. J. B., ainsi libellée :

« Je, soussigné F. J. B., atteste par la présente (...), qu'aucune instruction concernant une quelconque augmentation du salaire de Monsieur r. C.ne nous a été transmise par notre client durant toute l'exécution du contrat de travail dudit salarié.

Par ailleurs, s'agissant de la suppression du terme »(avances)«, cela relève d'un simple changement de libellé dans le système de paramétrage du logiciel ».

Dans ces circonstances, la part fixe du salaire de Monsieur r. C. est demeurée identique pendant toute la relation de travail pour une somme mensuelle nette de 3.000 euros.

Ce faisant, Monsieur r. C. sera débouté de ses demandes de rappels de salaires subséquentes.

Sur la demande subsidiaire de Monsieur r. C. en remboursement de la somme de 58.501,93 euros

Monsieur r. C. estime que l'employeur doit lui rembourser les charges sociales qu'il a payées sur la somme mensuelle nette de 7.000 euros depuis le mois d'août 2012.

Cette demande ne saurait prospérer dans la mesure où les charges sociales dont il est fait état ont été calculées en sus des 7.000 euros litigieux, de sorte que les avances sur commissions versées à Monsieur r. C. ont toujours été d'un montant net de 7.000 euros.

Enfin, le demandeur ne saurait invoquer un quelconque préjudice dans la mesure où ses cotisations de retraite seront calculées sur l'ensemble des cotisations versées, y compris celles versées sur des avances sur commissions indues.

Sur la demande en paiement présentée par la société Y.P.I.

L'employeur sollicite ainsi le remboursement d'une somme totale de 197.869,28 euros au titre des avances sur commissions indues.

Monsieur r. C. considère que la société défenderesse n'est pas recevable à demander le remboursement de créances qui seraient nées plus de 5 ans avant la date de saisine du Tribunal du travail, soit une somme de 99.679,39 euros.

S'agissant de créances de nature salariale, celles-ci sont soumises à la prescription quinquennale de l'article 2092 bis du Code civil.

Cette demande a été formulée par requête en date du 11 juillet 2018, reçue au greffe le 13 juillet 2018.

Dès lors, la demande visant des sommes antérieures au 13 juillet 2013 est prescrite comme se rapportant à des faits que l'employeur connaissait nécessairement ou aurait dû connaître avant la mesure de licenciement.

Monsieur r. C. procède erronément à un calcul de la totalité des avances sur commissions versées par l'employeur jusqu'au 13 juillet 2013, alors que les sommes réclamées par l'employeur tiennent compte des commissions versées au salarié et sur lesquelles ont été déduites les avances précédemment payées par l'employeur.

Dès lors, seul le solde restant dû fait l'objet d'une demande de l'employeur et doit supporter la prescription, soit la somme de 5.685,61 euros au 31 décembre 2012.

Le Tribunal relève que la vente PEGASO au titre de laquelle les avances ont été déduites de la commission versée à Monsieur r. C. figure sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2013, de sorte que la prescription ne saurait être retenue.

Dans ces circonstances, la somme pouvant être attribuée à la société YPI doit être ramenée à 192.183,67 euros.

Sur le bien-fondé de la demande en remboursement

Le contrat de travail prévoit à ce titre que :

« Le remboursement de l'avance sur commission sera calculé sur le revenu brut acquis par la société sur les ventes directement effectuées par Monsieur r. C. après déduction des frais d'introduction et des dépenses directes de marketing. Les remboursements seront alors, par la suite, effectués annuellement sur la base de chaque première vente annuelle de yacht.

Dans le cas où le revenu brut acquis par la société sur la première vente de l'année serait insuffisante pour couvrir l'avance sur commission versée, l'avance restant due sera déduite de la vente suivante de l'année. Par année, il est entendu année calendaire, soit du 1er janvier au 31 décembre. La première année sera calculée au prorata du nombre de mois restant à compter de la date d'embauchage jusqu'au 31 décembre de l'année en cours ».

Le décompte figurant en pièce n° 9 et repris dans les écritures de la société défenderesse fait état de commissions versées au salarié au titre des ventes réalisées par ce dernier qui ne correspondent pas à celles qui figurent sur les bulletins de salaire correspondants.

Bien plus, en pages 10 et 11 de ses écritures, l'employeur reconnaît avoir versé à Monsieur C. une somme totale de 722.570,01 euros à titre de commissions sur la période 2012/2015, laquelle n'apparaît pas dans les décomptes figurant en pages 20 et 21 de ses mêmes conclusions.

Tenant ces incohérences, la société Y.P.I. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande en remboursement.

L'employeur sollicite également le remboursement par le demandeur d'une somme de 6.050 euros correspondant à des frais par lui engagés pour le compte personnel de Monsieur r. C.

La société Y.P.I. produit pour justifier de sa demande :

  • un relevé de factures que la société RINCK TRAVEL lui a adressé et sur lequel apparaît un billet d'avion pour le compte de Madame g. A.

Pour autant, la société défenderesse ne justifie pas du paiement de la somme visée, laquelle correspond au billet d'avion de Madame g. A. mais également à celui de Monsieur r. C.

  • des documents en pièce n° 32 en langue anglaise sans aucune traduction en français de sorte qu'ils seront rejetés des débats.

Il conviendra dans ces circonstances de débouter la société Y.P.I. de sa demande en paiement.

Sur le rappel de commission à hauteur de 53.677,20 euros

Ladite somme correspond à la commission qui aurait dû être versée à Monsieur r. C. postérieurement au licenciement, sur la vente du bateau ELYSIUM.

L'employeur n'émet aucune contestation sur le montant ainsi dû mais soutient qu'il a procédé par compensation entre la commission et les avances sur commissions indues.

La société Y.P.I. sera dans ces circonstances condamnée au paiement de la somme brute de 53.677,20 euros, outre celle de 5.367,72 euros brute au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoires de salaire.

Sur le rappel de salaire pour les mois de mars, avril et mai 2018 et du 1er au 18 juin 2018

Monsieur r. C. sollicite la somme brute de 30.153,91 euros à ce titre, correspondant aux 7.000 euros nets non versés pendant cette période, estimant qu'il s'agit d'une rémunération fixe.

Monsieur r. C. ayant été débouté de ses prétentions tendant à voir reconnaître que la somme de 7.000 euros versée mensuellement par la société Y.P.I. constituait une part fixe de sa rémunération, il ne saurait prétendre au paiement de ladite somme sur la période considérée, correspondant à la durée de son préavis, à charge pour l'employeur de justifier des ventes concrétisées pendant cette période et sur lesquelles Monsieur r. C. serait intervenu.

Monsieur r. C. sera débouté de sa demande de congés payés afférents.

Il apparaît encore que l'employeur a procédé à une retenue sur le salaire du mois de juin 2018 d'un montant de 1.138,99 euros, sur laquelle il ne fournit aucune explication.

Les articles 7 et 8 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 prévoient :

« Article 7 : Sous réserve des dispositions des articles 8 et 9 ci-après, l'employeur ne peut retenir sur le salaire revenant aux travailleurs les sommes qui lui seraient dues à lui-même pour quelque cause que ce soit, sauf s'il s'agit de créances relatives, selon les usages de la profession à :

a/ la fourniture d'outils et instruments nécessaires au travail ;

b/ la fourniture de matières ou de matériaux dont le salarié a la charge ;

c/ des avances d'argent pour l'acquisition de ces mêmes objets.

Dans tous ces cas, et à moins que le salarié n'ait pris l'initiative de dénoncer le contrat, la compensation ne peut se faire, sauf accord des parties ou dispositions contraires de la convention collective, que par des retenues ne dépassant pas le quart du salaire exigible.

Il en sera de même pour les amendes infligées en vertu d'un règlement intérieur d'entreprise.

Article 8 : L'employeur qui fait des avances en espèces autres que celles prévues à la lettre c de l'article précédent ne peut se rembourser qu'au moyen de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.

La retenue opérée de ce chef ne se confond ni avec la partie saisissable, ni avec la partie cessible déterminée à l'article 502 du Code de procédure civile.

Les acomptes sur un travail en cours ne sont pas considérés comme des avances ».

L'interdiction des retenues sur salaire faite à l'employeur par la loi monégasque est particulièrement étendue puisque :

  • le texte précité se réfère aux « sommes qui lui seraient dues à lui-même pour quelque cause que ce soit »,

  • les exceptions à cette interdiction sont limitées aux créances visées aux lettres a, b et c de l'alinéa 1 de l'article 7 ainsi qu'aux avances en espèces de l'article 8.

Ainsi, l'employeur ne peut procéder à aucune retenue sur salaire au titre de la répétition de l'indu, alors qu'il ne peut effectuer des retenues que si les « amendes » ou sanctions pécuniaires sont prévues par le règlement intérieur dans les conditions fixées par les articles 6 et 7 de la loi n° 711 du 18 décembre 1961 sur le règlement intérieur des entreprises.

De plus, « l'accord des parties » prévu par l'alinéa 2 de l'article 7 ne concerne que les retenues opérées « dans tous ces cas », c'est-à-dire pour les seules créances relatives aux lettres a, b et c de l'alinéa 1 du même article.

En conséquence, le prélèvement effectué par l'employeur sur le salaire de Monsieur r. C. n'est pas conforme à la loi n° 739 du 16 mars 1963.

La société Y.P.I. sera dans ces circonstances condamnée à payer à Monsieur r. C. la somme brute de 1.138,99 euros, outre les congés payés afférents d'un montant brut de 113,90 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoires de salaire.

Sur le solde restant dû sur l'indemnité compensatrice de préavis

Monsieur r. C. sollicite la somme de 34.320,99 euros à ce titre, outre les congés payés afférents.

Le Tribunal relève que cette demande est fondée sur le rappel de salaire sur la prétendue part fixe de 7.000 euros, laquelle a été rejetée supra.

Monsieur r. C. devra dans ces circonstances être débouté de sa prétention de solde restant dû sur l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Monsieur r. C. sollicite la somme brute de 33.732,30 euros correspondant à 53 jours de congés non pris. Le demandeur conteste ainsi la somme brute de 9.309,58 euros qui lui a été versée à ce titre.

Aux termes des dispositions de l'article 1 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, « le travailleur salarié, qui au cours de la période de référence telle que définie à l'article 6, justifie avoir été occupé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum d'un mois de travail effectif au sens de l'article 3, a droit à un congé dont la durée est déterminée à raison de deux jours et demi ouvrables par mois de travail sans que la durée du congé exigible puisse excéder trente jours ouvrables ».

Il résulte des débats que l'indemnité litigieuse doit porter sur 53 jours de congés payés acquis et non pris.

Il résulte des articles 10 et 11 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 que l'indemnité afférente au congé, qui est égale à 1/10ème de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, ne pourra être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Ce faisant, le calcul opéré par le salarié est erroné dans la mesure où il tient compte de l'avance sur commission de 7.000 euros en tant que part fixe du salaire alors que ses demandes sur ce point ont été rejetées.

L'employeur reconnaît cependant une erreur dans son calcul dans la mesure où il a omis de prendre en compte la commission due à Monsieur r. C. sur la vente SUNSEEKER ELYSIUM d'un montant de 53.677,20 euros, d'où un reliquat dû au salarié d'un montant brut de 972,28 euros qu'il convient de mettre à la charge de la société Y.P.I., avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoires de salaire.

Sur l'indemnité de licenciement

Il n'est pas contestable ni contesté que l'indemnité de licenciement n'a pas été versée à Monsieur r. C. mais retenue par l'employeur au titre d'une compensation opérée unilatéralement par celui-ci, à hauteur de la somme de 10.426,73 euros.

Monsieur r. C. estime que la somme devant lui revenir s'élève à 122.322,02 euros.

Or, le Tribunal reprend l'argumentation développée précédemment sur la prise en compte erronée par le demandeur de l'avance sur commission de 7.000 euros pour calculer son salaire fixe.

De plus, Monsieur r. C. procède à une moyenne de salaire sur une période de 12 mois alors qu'il convient de retenir le salaire du mois ayant précédé son licenciement.

En effet, en vertu de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, « dans le cas où le licenciement n'est pas justifié par un motif juge valable, l'employeur est tenu au paiement d'une indemnité de licenciement égale à autant de journées de salaire que le travailleur compte de mois de service chez ledit employeur ou dans son entreprise.

Le salaire journalier servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est égal au quotient du salaire correspondant au nombre de jours où l'intéressé a effectivement travaillé, le mois ayant précédé son licenciement, par ce même nombre de jours. Les avantages en nature prévus par le contrat de travail entrent dans le calcul de ladite indemnité ».

Pour calculer l'indemnité de licenciement, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des éléments de rémunération, qu'elle soit fixe ou variable, l'ensemble des primes, avantages en nature et complément de salaire, ainsi qu'un éventuel rappel de salaire correspondant à la période de référence.

Par définition, les avances sur commissions peuvent donner lieu à des ajustements, ainsi qu'il résulte du contrat de travail liant les parties, de sorte que celles-ci n'ont pas à être intégrées dans l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement.

Il résulte encore des débats que Monsieur r. C. a bénéficié d'une commission de 53.677,20 euros sur la vente SUNSEEKER ELYSIUM postérieurement à la rupture du contrat de travail ; le salarié intégrant ladite somme dans le salaire de référence.

L'indemnité de licenciement devant être calculée sur le salaire perçu le mois précédant la rupture, la commission due après le départ du salarié ne doit pas être retenue pour le calcul du salaire journalier, à charge pour l'employeur de démontrer qu'il ne disposait pas des éléments permettant son calcul à la date de la rupture du contrat de travail.

En effet, seul l'employeur est en possession des éléments permettant de déterminer la date à laquelle la vente litigieuse est intervenue, ainsi que la date du paiement de sa commission sur laquelle Monsieur r. C. a droit à un pourcentage.

Il y a lieu en conséquence d'ordonner la réouverture des débats et d'enjoindre à la société défenderesse de produire tous documents concernant la vente SUNSEEKER ELYSIUM permettant de déterminer la date à laquelle la vente litigieuse est intervenue, ainsi que la date du paiement de sa commission.

Les demandes en rappel d'indemnité de licenciement et sur le caractère abusif du licenciement sont réservées, le non-paiement de l'intégralité de cette indemnité par l'employeur pouvant constituer un abus dans la mesure où Monsieur r. C. n'aurait pas été rempli de ses droits. Il en sera de même concernant la demande de rectification des documents de fin de contrat.

Les dépens seront également réservés.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la société Y.P.I.

Les prétentions du salarié ayant été en partie déclarées fondées, et la demande en remboursement de l'employeur ayant été de surcroît rejetée, ce dernier ne saurait obtenir une quelconque somme à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort par jugement mixte et après en avoir délibéré,

Ordonne la jonction des instances portant les numéros 19 de l'année judiciaire 2018/2019 et 52 de l'année judiciaire 2018/2019 ;

Condamne la S.A.M. YACHTING PARTNERS INTERNATIONAL à payer à Monsieur r. C. les sommes suivantes :

  • la somme brute de 53.677,20 euros (cinquante-trois mille six cent soixante-dix-sept euros et vingt centimes) à titre de rappel de commission, outre celle de 5.367,72 euros brute (cinq mille trois cent soixante-sept euros et soixante-douze centimes) au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoires de salaire ;

  • la somme brute de 1.138,99 euros (mille cent trente-huit euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes) à titre de retenue indue, outre les congés payés afférents d'un montant brut de 113,90 euros (cent treize euros et quatre-vingt-dix centimes), avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoires de salaire ;

  • la somme brute de 972,28 euros (neuf cent soixante-douze euros et vingt-huit centimes) à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoires de salaire ;

Déboute Monsieur r. C. de ses demandes portant sur le salaire fixe, les rappels de salaire pour les mois de mars, avril et mai 2018 et du 1er au 18 juin 2018, les rappels d'indemnités compensatrice de préavis et de congés payés, ainsi que le remboursement des charges sociales ;

Déboute la S.A.M. YACHTING PARTNERS INTERNATIONAL de toutes ses demandes ; Avant-dire-droit sur la demande de rappel d'indemnité de licenciement ;

Ordonne la réouverture des débats et enjoint à la S.A.M. YACHTING PARTNERS INTERNATIONAL de produire tous documents concernant la vente SUNSEEKER ELYSIUM permettant de déterminer la date à laquelle la vente litigieuse est intervenue, ainsi que la date du paiement de sa commission ;

Dit que le dossier sera rappelé à l'audience de mise en état du JEUDI 14 OCTOBRE 2021 à 14 HEURES ;

Réserve les demandes au titre de l'indemnité de licenciement, la rupture et des documents de fin de contrat ainsi que les dépens du présent jugement.

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO, Monsieur Alain HACHE, membres employeurs, Messieurs Lionel RAUT, Gilles UGOLINI, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le vingt-deux avril deux mille vingt et un, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO, Messieurs Alain HACHE, Lionel RAUT et Gilles UGOLINI, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

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