Tribunal du travail, 8 avril 2021, Madame b. DI P. V. c/ Madame m. A.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Contrat de travail – Licenciement – Article 6 de la loi n°729 – Caractère abusif (oui)

Résumé🔗

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968. L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable). Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 Y c/ S.A.M. Z). Il appartient à Madame b.DI P.V.de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté. Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté. En l'espèce, Madame b.DI P.V. n'invoque aucun motif fallacieux susceptible de permettre une indemnisation d'un préjudice matériel et financier. Elle soutient que les circonstances entourant le licenciement sont fautives. Elle considère avoir fait l'objet d'un licenciement brutal et vexatoire. La dispense de présence dans la boutique s'apparente à une mise à pied, alors qu'aucune faute n'est reprochée à la salariée, ce qui est particulièrement vexatoire pour celle-ci. D'autre part, la rupture est intervenue de manière brutale, dans la mesure où Madame b.DI P.V. n'a pas pu anticiper la rupture qui lui a seulement été annoncée au moment de sa mise en œuvre, à son retour d'arrêt maladie, l'objet de l'entretien étant ignoré de la salariée. Par ailleurs, Madame b.DI P.V.a été dispensée de toute présence dans les locaux de l'entreprise dès le 18 août 2017, sans aucune justification particulière et alors que la rupture n'est intervenue que par courrier en date du 21 août 2017. Ainsi, le contexte dans lequel est intervenue cette dispense de présence dans l'entreprise est de nature en l'espèce à jeter le discrédit sur la salariée et à lui conférer en définitive un caractère abusif. La rupture présente dans ces circonstances un caractère abusif et vexatoire, justifiant l'octroi de dommages et intérêts à la salariée. Madame b.DI P.V. justifie avoir été particulièrement affectée par l'attitude de l'employeur. En définitive, les circonstances entourant ladite rupture sont dès lors abusives, justifiant l'allocation à Madame b.DI P.V.de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral. En effet, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe. En l'état de l'analyse qui précède et des éléments d'appréciation produits, le préjudice apparaît devoir être justement évalué à la somme de 30.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 8 AVRIL 2021

  • En la cause de Madame b. DI P. V., demeurant Via X1 à VINTIMILLE (Italie) ;

Demanderesse, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n°X du 13 mars 2018, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Clyde BILLAUD, avocat près la même Cour ;

d'une part ;

Contre :

  • Madame m. A. épouse R., exploitant le commerce sous l'enseigne « AA », dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maitre Thomas BREZZO, avocat près la même Cour ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 21 décembre 2018, reçue le 26 décembre 2018 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 62-2018/2019 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 22 janvier 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur au nom de Madame b. DI P. V. en date des 25 avril 2019, 12 décembre 2019 et 8 juillet 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de Madame m. A. épouse R. en date des 17 octobre 2019, 13 février 2020 et 22 octobre 2020 ;

Après avoir entendu Maître Clyde BILLAUD, avocat près la Cour d'appel de Monaco pour Madame b. DI P. V. et Maître Thomas BREZZO, avocat près la même Cour pour Madame m. A.épouse R. en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Madame b. DI P. V. a été embauchée par Madame m. A. épouse R. par contrat à durée déterminée du 15 décembre 2008 au 30 septembre 2012 en qualité de Barman. Le contrat a été renouvelé jusqu'au 29 mars 2013 et la relation de travail s'est poursuivie entre les parties sous la forme d'un contrat à durée indéterminée.

Suite à une chute sur son lieu de travail, Madame b. DI P. V. a fait l'objet d'un arrêt de travail du 15 février au 20 février 2017, puis du 1er mars au 15 août 2017.

La salariée a été déclarée apte à reprendre son poste de travail à l'issue de la visite médicale de reprise en date du 17 août 2017.

Le même jour, Madame m. A. épouse R. a annoncé à la salariée qu'elle allait être licenciée.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 21 août 2017, Madame b. DI P. V. a été licenciée sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, avec dispense d'exécution de son préavis.

Par requête en date du 21 décembre 2018 reçue au greffe le 26 décembre 2018, Madame b. DI P. V. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • dire et juger que son licenciement est abusif,

  • condamner en conséquence Madame m. A. épouse R. exploitant le commerce sous l'enseigne « AA » à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif :

  • préjudice financier,

  • préjudice moral compte-tenu de ses difficultés de trouver un emploi et des conséquences dommageables sur sa vie personnelle,

  • condamner Madame m. A. épouse R. exploitant le commerce sous l'enseigne « AA » à lui payer la somme de 12.600 euros au titre de l'indemnité de nourriture,

  • ordonner la délivrance de bulletins de salaire, de certificat de travail, d'attestation Pôle Emploi et du solde de tout compte conformes,

  • exécution provisoire,

  • intérêts de droit au taux légal à compter de la citation.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Madame b. DI P. V. a déposé des conclusions les 25 avril 2019, 12 décembre 2019 et 8 juillet 2020 dans lesquelles elle reprend ses demandes, sauf en ce qui concerne l'indemnité de nourriture et la régularisation des documents de fin de contrat y afférent.

La demanderesse fait essentiellement valoir que :

  • c'est de parfaite mauvaise foi que l'employeur fait état d'un entretien à l'effet de faire croire à la tenue d'un entretien préalable à une mesure de licenciement, alors qu'il estime qu'il n'était pas tenu de la convoquer à un tel entretien en l'état de la jurisprudence en la matière,

  • par courriel en date du 14 août 2017, elle s'est rapprochée de son employeur à l'effet de :

  • lui rappeler que son arrêt de travail arrivait à son terme le 15 août 2017,

  • lui confirmer qu'elle reprendrait son poste de travail le 16 août 2017 et qu'elle souhaitait connaître ses heures de service et éventuellement son planning de la semaine, ainsi que les modalités pour récupérer les clés du local commercial en cas d'ouverture,

  • lui demander des informations concernant la visite médicale de reprise,

  • par courriel du même jour, Madame m. A. épouse R. lui indiquait qu'elle était convoquée à un entretien le 16 août 2017 à 9 heures,

  • elle confirmait sa présence par mèl du 15 août 2017,

  • le 15 août 2017 à 15 h 35, l'employeur lui écrivait pour lui indiquer qu'elle ne devait pas se présenter sur son lieu de travail le lendemain dans la mesure où il n'ait pas été en mesure de prendre le rendez-vous pour la visite obligatoire de reprise,

  • sa visite médicale de reprise était enfin fixée au 17 août 2017 à 15 heures,

  • conformément au mèl de l'employeur du 16 août 2017 à 16 h 31, elle se présentait au siège de l'entreprise à l'issue de sa visite médicale,

  • l'employeur lui a alors annoncé son licenciement au visa de l'article 6 et sa dispense d'exécution de préavis,

  • aucun document ne lui était remis et il était convenu qu'un document lui serait remis le lendemain, soit le 18 août 2017,

  • il n'était donc pas convenu que les modalités du licenciement seraient évoquées le lendemain,

  • la rupture est brutale dans la mesure où elle n'a pas pu anticiper le licenciement qui est lui a été annoncée dès le premier entretien avec l'employeur,

  • le 18 août 2017, elle a souhaité être accompagné de Monsieur o. C. Secrétaire Adjoint à l'Union des Syndicats de Monaco, lequel témoigne de la violence de l'entretien s'étant déroulé ce jour-là,

  • il ne lui était pourtant pas remis la lettre de licenciement mais un document l'autorisant à s'absenter de son poste de travail jusqu'à la réception de la lettre de rupture,

  • ses qualités professionnelles et humaines ne sauraient être remises en cause et elle n'aurait jamais pu imaginer ce qui allait se passer à son retour d'arrêt maladie,

  • elle a été très choquée psychologiquement,

  • elle subit également un préjudice financier.

Madame m. A. épouse R. a déposé des conclusions les 17 octobre 2019, 13 février 2020 et 22 octobre 2020 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soulève la nullité de l'attestation produite par la demanderesse en pièce n° 18.

L'employeur soutient essentiellement que :

  • elle a convoqué la salariée à deux entretiens afin de lui faire part de sa décision de la licencier, les 17 et 18 août 2018,

  • Madame b. DI P. V. s'est présentée pour l'entretien à l'issue de sa visite médicale de reprise du 17 août 2018 et elle l'a alors informée qu'elle envisageait de la licencier et qu'elle était convoquée à un second entretien prévu le lendemain 18 août 2017,

  • le contrat de travail de la salariée restant suspendu tant que la visite de reprise n'avait pas eu lieu, c'est donc à juste titre qu'elle avait souhaité convoquer Madame b. DI P. V. à l'issue de la suspension du contrat de travail et l'informer ensuite de la mesure de licenciement projetée,

  • lors du second entretien du 18 août 2017, elle a accepté la présence de Monsieur o. C. et de Madame z. M.(connaissance de la demanderesse), personnes extérieures à l'entreprise et ce, dans l'intérêt de la salariée,

  • cela démontre qu'elle n'a jamais cherché à nuire à la salariée et qu'elle n'avait rien à dissimuler,

  • l'entretien s'est également déroulé en présence de son conjoint, Monsieur R.

  • elle conteste fermement les allégations sans fondement et diffamatoires contenues dans les attestations de Madame z. M. et de Monsieur o. C.

  • à l'issue de cet entretien, elle a remis à Madame b. DI P. V. un courrier manuscrit autorisant cette dernière à s'absenter de son poste de travail jusqu'à réception de la lettre de licenciement,

  • la dispense de préavis n'est pas en soi abusive ou vexatoire. Il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire de l'employeur,

  • les droits de la salariée ont été respectés,

  • elle a même régularisé a posteriori les jours fériés travaillés par Madame b. DI P. V. pour un montant de 744,39 euros,

  • les qualités professionnelles de la demanderesse n'ont jamais été remises en question,

  • elle a tout mis en œuvre pour préserver les droits de la salariée à qui elle n'a jamais tenté de nuire,

  • elle ne saurait être responsable d'une situation financière précaire de la demanderesse plus de deux ans après le licenciement,

  • les difficultés financières invoquées ne sont que le résultat de la diminution de revenus provoquée par la perte d'emploi et non la conséquence de la brutalité ou de l'abus,

  • Madame b. DI P. V. ne démontre pas plus le préjudice moral qu'elle revendique.

SUR CE,

  • Sur la nullité de l'attestation produite par la demanderesse en pièce n° 18 :

La société défenderesse soutient que l'attestation litigieuse ne mentionne pas la profession de l'auteur, ni si ce dernier a quelque intérêt au procès.

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :

  • 1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;

  • 2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;

  • 3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

  • 4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

  • 5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;

  • 6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. ».

La pièce n° 18 est constituée par une attestation établie par Monsieur p. C. laquelle ne respecte aucune des mentions exigées par les paragraphes 2 à 5 susvisés, ce qui devra entraîner sa nullité.

  • Sur le caractère abusif du licenciement :

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).

Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 Y c/ S. A. M. Z).

Il appartient à Madame b. DI P. V. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.

Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.

En l'espèce, Madame b. DI P. V. n'invoque aucun motif fallacieux susceptible de permettre une indemnisation d'un préjudice matériel et financier.

Elle soutient que les circonstances entourant le licenciement sont fautives. Elle considère avoir fait l'objet d'un licenciement brutal et vexatoire.

Les pièces du dossier montrent que :

  • par mèl en date du 14 août 2017 à 9 h 08, Madame b. DI P. V. informe son employeur de la date de reprise après son arrêt maladie, soit le 16 août 2017 et lui demande à ce titre ses heures de service, son planning de la semaine et ses conditions de reprise,

  • le même jour à 10 h 07, l'employeur lui répond en la convoquant au bureau le 16 août à 9 heures,

  • le 15 août 2017 à 15 h 35, Madame m. A. épouse R. adresse un courriel à la salariée pour l'informer de l'annulation de la convocation du 16 août dans la mesure où elle n'avait pas été en mesure de prendre rendez-vous pour la visite médicale de reprise,

le 16 août 2017 à 17 h 40, l'employeur adresse le mèl suivant à Madame b. DI P. V.:

« Subject : re : Demande d'information

Madame b. bonjour,

Votre visite médicale est fixée demain à 15h office de la médecine du travail aigue marine après la visite vous êtes convoqué au bureau siège X2.

Cordialement ».

Il résulte de ces échanges de courriels que Madame b. DI P. V. ignorait l'objet de l'entretien, ce qui est confirmé par son écrit du 16 août 2017 à 16 h 35 :

« Bonjour Madame m. A.

Dans votre courriel du 15/08 reçu alentour de 17h, vous m'avez expliqué que ma visite obligatoire n'a pas été programmée et donc vous avez annulé votre convocation.

N'ayant pas plus d'informations ce jour, je vous remercie de m'éclaircir sur la journée de demain et même sur la semaine car j'aurais besoin d'organiser la garde de ma fille.

Je profite de ce mail pour vous demander l'objet de votre convocation

(...). ».

L'employeur n'apportera aucune réponse et la salariée se présentera à l'entretien du 17 août 2017 en ignorant son objet.

Il apparait encore que l'entretien du 18 août 2017 a eu un impact psychologique sur Madame b. DE P. V. du fait de l'attitude de Madame m. A. épouse R. et de son mari, ainsi qu'il résulte de l'attestation de Monsieur o. C. Secrétaire Générale adjoint de l'Union des Syndicats de Monaco :

« (...) L'entretien qui s'est déroulé a duré environ 45 minutes. Au cours de celui-ci, Madame DI P. a demandé des explications concernant la décision de Madame A. de la licencier au cours de sa maladie et de surcroît, dans aucun motif. Pour toute réponse, Madame DI P. n'a reçu aucune explication claire concernant sa situation mais s'est vue reprocher un soit disant comportement inacceptable. Le ton est rapidement monté quand le mari de Madame A. est venu clairement menacé Madame DI P. si celle-ci prenait contact avec l'inspection du travail ou les syndicats. Je me suis alors interposé car l'attitude de monsieur A. était clairement menaçante (...). » .

L'employeur a ensuite dispensé la salariée de toute présence sur son lieu de travail jusqu'à réception de sa lettre de licenciement.

Cette dispense de présence dans la boutique s'apparente à une mise à pied, alors qu'aucune faute n'est reprochée à la salariée, ce qui est particulièrement vexatoire pour celle-ci.

La lettre de licenciement a été envoyée le 21 août 2017.

La rupture est intervenue de manière brutale, dans la mesure où Madame b. DI P. V. n'a pas pu anticiper la rupture qui lui a seulement été annoncée au moment de sa mise en œuvre, à son retour d'arrêt maladie, l'objet de l'entretien étant ignoré de la salariée.

Par ailleurs, Madame b. DI P. V. a été dispensée de toute présence dans les locaux de l'entreprise dès le 18 août 2017, sans aucune justification particulière et alors que la rupture n'est intervenue que par courrier en date du 21 août 2017.

Ainsi, le contexte dans lequel est intervenue cette dispense de présence dans l'entreprise est de nature en l'espèce à jeter le discrédit sur la salariée et à lui conférer en définitive un caractère abusif.

La rupture présente dans ces circonstances un caractère abusif et vexatoire, justifiant l'octroi de dommages et intérêts à la salariée.

Madame b. DI P. V. justifie avoir été particulièrement affectée par l'attitude de l'employeur telle que reprise supra .

En définitive, les circonstances entourant ladite rupture sont dès lors abusives, justifiant l'allocation à Madame b. DI P. V. de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

En effet, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.

En l'état de l'analyse qui précède et des éléments d'appréciation produits, le préjudice apparaît devoir être justement évalué à la somme de 30.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

  • Sur l'exécution provisoire :

Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire autre que l'exécution provisoire de droit prévue par les dispositions de l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946.

  • Sur les dépens :

Partie succombante, Madame m. A. épouse R. sera condamnée aux dépens du présent jugement qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Prononce la nullité de l'attestation produite en pièce n° 18 par Madame b. DI P. V.;

Dit que le licenciement de Madame b. DI P. V. par Madame m. A. épouse R. est abusif ;

Condamne Madame m. A. épouse R. à payer à Madame b. DI P. V. la somme de 30.000 euros (trente mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamne Madame m. A. épouse R. aux dépens du présent jugement qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Virginia BUSI, Monsieur René NAVE, membres employeurs, Madame Mariane FRASCONI, Monsieur Bruno AUGÉ, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le huit avril deux mille vingt et un, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Mesdames Virginia BUSI, Mariane FRASCONI, Messieurs René NAVE et Bruno AUGÉ, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

  • Consulter le PDF