Tribunal du travail, 14 janvier 2021, Monsieur l. L. c/ La SAM E
Abstract🔗
Licenciement – Faute grave – Motif valable (oui) – Caractère abusif (non)
Rémunération – Heures supplémentaires – Temps de travail – Jours fériés travaillés – Preuve
Résumé🔗
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée. La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Cette faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est découlé. Enfin, la persistance des manquements déjà sanctionnés autorise l'employeur à retenir lesdites fautes professionnelles antérieures, pour estimer la gravité des faits reprochés au salarié, et à justifier un licenciement reposant sur une appréciation globale de son comportement.
L'insubordination, le refus de collaborer constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. Plus précisément, légitiment la rupture du contrat, le refus d'exécuter les directives de l'employeur ou de se soumettre à la discipline de l'entreprise. Le refus réitéré par un salarié d'exécuter des tâches relevant de son contrat de travail caractérise la faute grave. Les circonstances du refus peuvent être retenues par les juges pour apprécier les faits reprochés au salarié. En l'espèce, Monsieur l.L.ne conteste pas avoir refusé de préparer deux pizzas mais se justifie en indiquant que la commande est arrivée trois minutes avant la fin du service de restauration fixée à 14 h 30. Les déclarations concordantes des parties montrent que le salarié était attablé et prenait son repas, alors que le service de midi n'était pas terminé. Il s'agit d'une faute, qui à elle seule, ne saurait constituer une cause légitime de rupture du contrat de travail.
Parmi les obligations inhérentes au contrat de travail, le salarié doit exercer régulièrement et de façon continue ses attributions, seule l'absence régulièrement autorisée par l'employeur ou excusée par la maladie ou l'accident caractérisant une exception valable à ce type de devoir. L'abandon de poste procède du départ d'un salarié dans des circonstances révélant la volonté claire et non équivoque de quitter son service sans autorisation de l'employeur et sans raison apparente. Il incombe à ce titre au salarié qui se trouve dans l'impossibilité de reprendre son poste de travail, d'en aviser son employeur et d'en justifier. En l'espèce, Monsieur l.L.ne conteste pas ses absences mais les justifie en invoquant l'exception d'inexécution tirée des inexécutions graves commises par l'employeur. L'abandon de poste du salarié, qui trouve son origine dans un manquement de l'employeur à ses obligations, ne saurait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. En revanche, l'absence sans demande d'autorisation, provoquée par des circonstances prévisibles, ou sans cause légitime, justifie un licenciement. Ainsi, commet une faute grave le salarié qui n'apporte aucune justification à une absence de plusieurs jours, cette absence étant de nature à désorganiser gravement le fonctionnement de l'entreprise. En l'espèce, il ne peut être contesté que l'employeur avait l'obligation, soit de payer lesdites journées, soit de faire bénéficier ce dernier d'un repos compensateur. Il n'est pas plus contestable que le manquement de l'employeur doit être suffisamment grave pour justifier l'abandon de poste du salarié. Le Tribunal relève que Monsieur l. L. n'a, à aucun moment, sollicité le paiement de quelconques sommes en lien avec son contrat de travail, ni demandé un repos compensateur avant d'informer l'employeur, au dernier moment, qu'il n'assurerait ni le service du soir du 14 juin 2017, ni celui de midi du 15 juin 2017, cette absence étant de nature à désorganiser gravement le fonctionnement de l'entreprise (Monsieur l. L. étant le seul pizzaiolo du restaurant). L'exception d'inexécution ne saurait dès lors être retenue. Le grief tenant à l'abandon de poste du demandeur est dès lors justifié.
Les griefs retenus à l'encontre de Monsieur l. L. (refus d'honorer une commande et abandon de poste) caractérisent un comportement justifiant un licenciement immédiat. Pour apprécier la gravité des fautes commises par le salarié, il convient de prendre en compte l'avertissement infligé à Monsieur l. L. le 29 janvier 2015, non contesté, pour des faits de violence à l'encontre d'un collègue de travail et insubordination. Le licenciement de Monsieur l. L. est dans ces circonstances fondé sur une cause valable.
Force est de constater que Monsieur l. L. qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement. Dans ces circonstances, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement. Le demandeur invoque par ailleurs la précipitation, la brutalité dont a fait preuve l'employeur, ainsi que le caractère vexatoire de la rupture. Les pièces produites par Monsieur l. L. montrent que le différend entre les parties a entraîné l'intervention de la Sûreté Publique le 17 juin 2017. L'employeur soutient qu'il a été contraint d'agir ainsi dans la mesure où Monsieur l. L.ne souhaitait pas quitter l'établissement. Il ne saurait être fait reproche à l'employeur d'avoir fait appel à la Sûreté publique le 17 juin 2017 dans la mesure où Monsieur l. L. refusait toujours la remise du courrier de convocation à l'entretien préalable et de mise à pied conservatoire. Ainsi, aucune faute ne peut être reprochée à l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement. Monsieur l. L. sera dans ces circonstances débouté de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive.
Il appartient au salarié de rapporter la preuve de l'existence des heures supplémentaires dont il revendique le paiement et, ce préalable étant rempli, à l'employeur de fournir les éléments qu'il détient et qui sont de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Seules les heures supplémentaires accomplies avec l'accord de l'employeur peuvent donner lieu à rémunération. Pour pouvoir prétendre au paiement, dans le cadre de la présente instance, des heures supplémentaires effectuées par ses soins, Monsieur l. L. doit produire un décompte établi par semaine civile et mentionnant, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'Ordonnance Loi du 2 décembre 1959, pour chacune des semaines couvertes par sa réclamation :
le nombre total d'heures de travail effectivement accomplies au cours de la semaine considérée,
le nombre d'heures effectuées au-delà de 39 heures,
le taux horaire de base applicable,
le taux horaire majoré (+ 25 % pour les huit premières + 50 % pour les heures suivantes).
Le temps de repas ne peut être considéré comme du temps de travail effectif. L'article 2 de l'Ordonnance-Loi n° 677 du 2 décembre 1959 prévoit que « la durée du travail s'entend du travail effectif, à l'exclusion du temps nécessaire à l'habillement ou au casse-croûte et aux périodes d'inaction particulières à certains commerces ou industries qui sont déterminés par arrêté ministériel ; (...) ». Monsieur l. L. procède par un simple calcul mathématique pour conclure à l'accomplissement d'heures supplémentaires, ce qui ne saurait être retenu par le Tribunal, dans la mesure où il convient de distinguer l'amplitude de la journée de travail et le travail effectif. Force est de constater que Monsieur l. L. est défaillant dans l'administration de la preuve, et ce, d'autant plus qu'il résulte des documents par lui produits que la réalisation d'heures supplémentaires aurait été quotidienne sur toute la durée de la relation de travail sans aucune réaction de la part du salarié. Au vu de l'ensemble de ces éléments, Monsieur l. L. doit être débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires.
Conformément à l'article 11 de la Convention Collective des Hôtels, Restaurants et Débits de Boissons du 1er juillet 1968, étendue par Arrêté Ministériel n° 68-367 du 22 novembre 1968, les fêtes légales devront, soit être payées en supplément sur la base du 1/20ème du salaire mensuel, soit être compensées dans la quinzaine, au choix de la Direction. En l'espèce, le calcul du 1/20ème du salaire mensuel devait tenir compte de l'ensemble de ses éléments fixes (salaire horaire, service 15 %, prime de nuit, indemnité de nourriture) et non pas seulement de la rémunération de base. Il appartient à Monsieur l.L.de rapporter la preuve qu'il a bien travaillé les jours fériés non retenus par l'employeur. Force est de constater que le demandeur est défaillant dans l'administration de la preuve.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 14 JANVIER 2021
En la cause de Monsieur l. L., demeurant X1à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;
Demandeur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 512 BAJ 18 du 3 juillet 2018, ayant élu domicile en l'étude de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maître Alice PASTOR, avocat-défenseur près la même Cour ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée E, dont le siège social se situe 10 avenue Prince Pierre à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Ludiwine AUBERT-PÉRIGNON, avocat en ce même barreau ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 7 septembre 2018, reçue le 10 septembre 2018 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 40-2018/2019 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 27 novembre 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur au nom de Monsieur l. L. en date des 7 février 2019 et 14 novembre 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. E, en date des 17 octobre 2019, 12 mars 2020 et 8 juillet 2020 ;
Après avoir entendu Maître Alice PASTOR, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco pour Monsieur l. L. et Maître Ludiwine AUBERT-PÉRIGNON, avocat au barreau de Nice pour la S. A. M. E, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur l. L. a été embauché par la S. A. M. E en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2009, en qualité de pizzaiolo au restaurant pizzeria P&P de l'hôtel R.
Le 14 juin 2017, l'employeur rappelle au salarié le règlement intérieur du 4 janvier 2016 dans la mesure où Monsieur l. L. a indiqué qu'il ne pouvait honorer une commande passée trois minutes avant la fin du service de restauration fixée à 14 h 30.
Le même jour, Monsieur l. L. a déposé une main courante auprès de la Sûreté publique pour signaler le comportement de l'employeur.
Ce même 14 juin 2017, Monsieur l. L. a informé l'employeur par sms qu'il prenait un jour de repos en compensation du dimanche 27 mai 2017 travaillé pendant le Grand Prix de Monaco.
Le 16 juin 2017, l'employeur a fait intervenir la Sûreté Publique dans la mesure où Monsieur l. L. refusait de quitter le restaurant, ce qui a donné lieu à l'établissement par les forces de l'ordre d'une main courante d'intervention.
La police a remis au salarié un courrier de l'employeur daté du 16 juin 2017 lui notifiant une mise à pied conservatoire et une convocation à un entretien préalable.
Par courrier en date du 27 juin 2017, Monsieur l. L. a été licencié pour faute grave pour refus d'exécuter ses tâches le 14 juin 2017 pendant ses heures de travail et abandon de poste le 14 juin au soir et le lendemain midi.
Par requête en date du 7 septembre 2018, reçue au greffe le 10 septembre 2018, Monsieur l. L. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
dire et juger que son licenciement ne repose pas sur un motif valable et a un caractère abusif,
condamner la S. A. M. E à lui payer les sommes de :
10.576,32 euros à titre d'indemnité de licenciement,
2.247,59 euros à titre d'indemnité de congédiement,
5.288,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
467,84 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,
15.000 euros à titre de dommages et intérêts,
constater que Monsieur l. L. est fondé à solliciter le bénéfice des dispositions relatives au salaire minimum issues de la Convention Collective Française des Hôtels, Cafés, Restaurants du 30 avril 1997 modifiée par les avenants n° 16 du 10 janvier 2013, n° 20 du 29 septembre 2014 et n° 23 du 8 février 2016,
condamner la S. A. M. E à lui payer la somme de 6.920,45 euros correspondant à la différence entre sa rémunération horaire brute et le salaire minimum conventionnel prévu en France,
dire et juger que Monsieur l. L. accomplissait habituellement 72 heures supplémentaires par mois,
condamner la S. A. M. E à lui payer la somme de 68.899,68 euros au titre des heures supplémentaires,
constater que Monsieur l. L. n'a pas pris de repos compensateur ni n'a été rémunéré de ce chef conformément à l'article 11 de la Convention Collective des Hôtels, Cafés, Restaurants et Débits de boisson du 1er juillet 1968,
condamner la S. A. M. E à lui payer la somme de 7.503 euros au titre du repos compensateur,
constater que Monsieur l. L. a travaillé des jours de fêtes légales sans être rémunéré de ce chef ni être compensé,
condamner la S. A. M. E à lui payer la somme de 6.363,09 euros au titre des jours de fêtes légales travaillés,
constater que Monsieur l. L. a été privé du bénéfice de la prime d'ancienneté,
condamner la S. A. M. E à lui payer la somme de 2.317,79 euros au titre de la prime d'ancienneté,
relever que Monsieur l. L. est fondé à solliciter le paiement d'une prime de treizième mois non versée depuis son embauche,
condamner la S. A. M. E à lui payer la somme de 10.312,49 euros au titre des primes de treizième mois non versées,
constater que Monsieur l. L. avait droit à l'indemnité de 5 % monégasque,
condamner la S. A. M. E à lui payer la somme de 4.942 euros au titre de l'indemnité de 5 % monégasque due,
dire et juger que Monsieur l. L. pouvait bénéficier de l'indemnité de nourriture pendant ses temps de repos,
condamner la S. A. M. E à lui payer la somme de 1.699,20 euros au titre de l'indemnité de nourriture due,
dire et juger que les condamnations porteront intérêts à compter de la citation devant le bureau de conciliation,
condamner la S. A. M. E aux dépens.
À l'audience de conciliation, la S. A. M. E a formé les demandes suivantes :
10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
5.000 euros pour procédure abusive.
Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
Monsieur l. L. a déposé des conclusions les 7 février 2019 et 14 novembre 2019 dans lesquelles il reprend ses prétentions y ajoutant la demande suivante :
ordonner à la S. A. M. E, à défaut de communication spontanée, de verser aux débats l'ensemble des informations provenant du dispositif de pointage relatives aux heures de présence de Monsieur l. L. pour la période du 1er août 2013 au 17 juin 2017.
Monsieur l. L. fait essentiellement valoir que :
sur la validité du motif :
il reconnaît qu'il finissait de déjeuner à 14 h 27 lorsque deux clients ont commandé deux pizzas,
il conteste avoir eu un accès de colère et avoir jeté l'assiette,
il conteste également avoir eu des propos inadaptés,
c'est au contraire l'employeur qui est entré dans une colère insensée,
il avait un rendez-vous médical à 14 h 30. Il n'avait pas prévenu l'employeur mais avait prévenu le reste du personnel,
concernant l'abandon de poste, il invoque l'exception d'inexécution tirée des inexécutions graves commises par l'employeur,
l'employeur lui versait une rémunération systématiquement inférieure au minimum légal et conventionnel,
le montant particulièrement conséquent de l'indemnité de congés figurant sur son dernier bulletin de salaire prouve qu'il n'avait pas pris de congés au cours des seize derniers mois qui ont précédé son licenciement,
son absence de congés est corroborée par la mention d'un solde de trente jours de congés payés acquis sur le bulletin de paie d'avril 2017, ce qui correspond au maximum légal prescrit par l'article 1er de la loi n° 619 du 26 juillet 1956,
la somme de 1.290 euros versée au titre des jours fériés travaillés en 2016 et 2017 prouve qu'ils n'avaient pas été compensés par un repos compensateur ni rémunérés,
il avait une charge importante de travail en tant qu'unique pizzaiolo et a cumulé un nombre considérable d'heures supplémentaires,
ses heures de travail excédaient la durée conventionnelle de travail de quarante-cinq heures applicable aux cuisiniers,
la suspension de l'exécution de ses obligations contractuelles était nécessaire et strictement proportionnée à la gravité des manquements de l'employeur,
il éprouvait le besoin impérieux et légitime de se reposer compte-tenu de son rythme de travail effréné, notamment pendant la période de Grand Prix,
il a respecté le principe de proportionnalité en compensant la journée travaillée lors du Grand Prix par le jour de repos pris,
il en a d'ailleurs averti l'employeur le 14 juin 2017 par sms,
l'employeur n'a pas répondu à ce message,
l'employeur fait état d'un nouveau grief à l'appui de son licenciement tiré d'un prétendu comportement violent et agressif de sa part envers les employés, la clientèle, l'employeur et les prestataires extérieurs,
l'employeur se prévaut d'une réitération d'un comportement violent et agressif de sa part depuis plusieurs années alors qu'il l'a conservé à son service pendant presque huit ans, ce qui retire à ce grief toute notion de faute grave,
il conteste l'ensemble des griefs qui lui sont reprochés au titre d'une prétendue violence,
l'employeur ne démontre pas lesdits griefs,
les carnets de bord qu'il produit n'ont aucune valeur probante,
l'employeur procède par allégations sans produire le moindre élément objectif venant les démontrer,
sur le caractère abusif :
l'employeur a toujours reconnu ses qualités professionnelles,
le brusque changement d'attitude chez l'employeur alors que la qualité de son travail n'a jamais été mise en cause révèle le caractère brutal et précipité du licenciement,
la brutalité et la légèreté blâmable de l'employeur s'observent dans les conditions de remise du courrier de mise à pied conservatoire et de convocation à un entretien préalable,
il a découvert avec surprise le 17 juin 2017 la présence d'un nouveau pizzaiolo, ce qui fait ressortir le caractère vexatoire de la rupture,
cela démontre également que son licenciement était déjà acquis avant même la tenue de l'entretien préalable le 23 juin 2017,
l'employeur a systématiquement refusé toute régularisation suite à ses réclamations financières,
l'employeur n'a même pas daigné répondre aux manquements graves relevés par le syndicat,
il n'a toujours pas retrouvé un emploi de pizzaiolo ou un emploi équivalent en Principauté,
il a été informé au mois de mars 2018 que son ancien employeur le discréditait auprès de recruteurs intéressés par son profil,
il s'est reconverti en tant que chauffeur de limousine pour des missions ponctuelles,
sur les rappels de salaire :
il a systématiquement perçu une rémunération inférieure au SMIC hôtelier français et au SMIC légal monégasque,
il a effectué un nombre considérable d'heures supplémentaires, à raison de trois heures par jour,
l'employeur ne lui a pas réglé dix jours de fêtes légales travaillés en 2016 et cinq jours en 2017,
il a droit à un rappel de prime d'ancienneté dans la mesure où cette dernière a été calculée sur un taux horaire erroné,
il en est de même concernant le rappel de l'indemnité de 5 % monégasque,
concernant l'indemnité de nourriture, le calcul de l'employeur est erroné puisqu'il ne prend en compte qu'un seul repas, alors qu'il effectuait le service du midi mais également du soir.
La S. A. M. E a déposé des conclusions les 17 octobre 2019, 12 mars 2020 et 8 juillet 2020 dans lesquelles elle soutient essentiellement que :
sur le motif de rupture :
les fonctions de Monsieur l. L. lui imposaient une relation commerciale et un travail en équipe,
toutefois, dans sa relation de travail, Monsieur l. L. a adopté un comportement agressif, y compris envers ses collègues,
compte-tenu de ce comportement, elle avait pris le soin de rediffuser en octobre 2016 une note interne à ce titre,
Monsieur l. L. était très largement craint de l'équipe. Il aimait jouer de sa corpulence physique pour s'assurer le respect et inspirer la crainte,
le demandeur se vantait aussi d'être très proche du jeune homme présumé avoir poignardé son collègue de travail au restaurant P. à Monaco,
en janvier 2015, Monsieur l. L. s'était déjà fait sanctionner pour son agressivité physique et verbal à l'égard d'un collègue,
la situation a atteint un point de non-retour en juin 2017, lorsque Monsieur l. L. le 14 juin 2017, a refusé de faire deux pizzas, proférant avec colère son agacement,
le salarié a jeté son assiette d'un excès de colère et criant devant les clients,
le serveur a été contraint de renvoyer les clients,
la preuve du prétendu rendez-vous médical de Monsieur l. L. se résume à un tampon sur une feuille blanche,
Monsieur l. L. reconnaît ne pas l'avoir informée alors qu'il est constant que toute absence doit être demandée et justifiée auprès de la Direction,
de plus, alors qu'il devait se présenter au service du soir, Monsieur l. L. lui a adressé un sms à 19 h 30 bien au-delà de son heure de prise de poste pour lui indiquer qu'il ne se présenterait pas et qu'il récupérait le Grand Prix,
elle n'a eu qu'à constater l'absence du demandeur,
mise devant le fait accompli, elle a dû faire face à d'importantes difficultés alors que la saison estivale avait commencé ; Monsieur l. L. étant l'unique pizzaiolo du restaurant,
Monsieur l L. ne s'est pas plus présenté le 15 juin 2017 pour le service de midi,
Monsieur l. L. est revenu pour le service du soir le 15 juin 2017,
l'employeur lui a notifié une mise à pied conservatoire et lui a demandé de quitter les lieux, en vain,
le demandeur s'est présenté à nouveau à son poste de travail le 16 juin 2017,
elle a tenté de lui remettre un courrier de mise à pied conservatoire avec convocation à un entretien préalable,
Monsieur l. L. a refusé de prendre la lettre, l'a attrapée d'un geste brusque et l'a froissée devant tout le personnel,
le salarié s'est de nouveau présenté à son poste de travail le 17 juin 2017 et elle a fait appel aux services de la Sûreté Publique. Les agents ont alors remis à Monsieur l. L. la lettre de mise à pied et de convocation à entretien préalable,
la réitération permanente d'un comportement violent et agressif, en dépit des mises en garde et de l'avertissement notifié traduit une profonde insubordination justifiant le licenciement pour faute grave de Monsieur l. L.
elle ne fait aucunement état d'un nouveau grief dans ses dernières écritures mais se contente d'illustrer le comportement et l'attitude du salarié au regard des évènements antérieurs,
le fait de se maintenir dans l'entreprise en dépit d'une dispense de l'employeur à laquelle le salarié ne pouvait s'opposer constitue une faute grave,
les compétences de Monsieur l. L. ne sont pas remises en cause, seul son comportement et son agressivité ont conduit au licenciement,
les faits invoqués par le demandeur au titre de l'exception d'inexécution sont totalement étrangers au cas d'espèce,
elle n'a jamais pratiqué de retenues illégales sur le salaire de Monsieur l. L.
les faits qui lui sont reprochés ne sont pas avérés ni justifiés,
les prétendus manquements qu'il lui reproche pour justifier l'exception d'inexécution ne trouvent leur origine que dans une lecture dénaturée du dernier bulletin de salaire du salarié,
sur le caractère abusif de la rupture :
elle n'a pas donné suite aux revendications du salarié dans la mesure où les demandes de Monsieur l. L. n'étaient ni fondées ni justifiées,
le salarié est défaillant dans l'administration de la preuve du caractère abusif de la rupture,
une procédure de licenciement pour faute grave justifie que le salarié soit privé de son préavis,
le demandeur ne justifie d'aucune démarche de recherche d'emploi,
sur les rappels de salaire :
le salaire minimum s'apprécie en prenant en considération des avantages en nature servis au salarié,
les salaires minimum étaient fixés en Principauté par référence à ceux pratiqués en France pour les emplois de même nature et exercés dans des conditions de travail identiques,
les dispositions relatives au salaire minimal ont été respectées, ce qui ressort des bulletins de salaire de Monsieur l. L.
Monsieur l. L. ne prend en compte que la première ligne de ses bulletins de salaire, qui correspond au salaire minimum en espèces garanti (SMEG), auquel il convient d'ajouter les avantages en nature,
concernant les heures supplémentaires revendiquées, la première heure majorée est la 45ème heure,
Monsieur l. L. effectue 43 heures de travail par semaine, soit 186,33 heures par mois ; aucune heure supplémentaire ne lui est donc due,
Monsieur l. L. a été amené à confirmer personnellement auprès du Cabinet comptable chargé de la paie ses horaires hebdomadaires et il a expressément confirmé être présent dans l'établissement 7,15 heures de travail par jour du lundi au samedi, soit 43 heures hebdomadaires,
de plus, le demandeur ne justifie d'aucun élément permettant d'établir que les heures accomplies en dehors des heures de travail ont été réalisées à la demande de l'employeur,
si Monsieur l. L. se maintenait dans les locaux au-delà de ses heures de travail, ce fût sur sa seule initiative,
la présence de Monsieur l. L. en dehors de ses heures de travail est insuffisante à établir qu'il effectuait des heures supplémentaires à la demande de l'employeur,
Monsieur l. L. prenait ses repas après son service du soir, ce qui n'est pas du temps de travail effectif,
aucun système de pointage n'existe dans l'entreprise. Elle ne peut dès lors produire des documents qui n'existent pas,
concernant les jours de fête travaillés, il appartient à Monsieur l. L. de démontrer qu'il a travaillé ces jours-là. Or, il procède par affirmations péremptoires et ne verse aucun document à l'appui de sa demande,
les rappels de prime étant fondés sur un taux horaire revendiqué erroné ne sont pas dus,
l'ensemble des bulletins de salaire montre que la prime de treizième mois a été versée au salarié sous l'intitulé « prime »,
concernant l'indemnité de nourriture, seuls les repas réellement consommés sur place sont déduits en bas du bulletin de salaire,
les huit indemnités de nourriture mensuelles sollicitées par Monsieur l. L. correspondent aux quatre dimanches (deux repas) durant lesquels le restaurant est fermé, de sorte qu'il ne peut prétendre à aucune somme à ce titre.
SUR CE,
Sur le motif de la rupture
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée.
La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis.
Cette faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est découlé.
Enfin, la persistance des manquements déjà sanctionnés autorise l'employeur à retenir lesdites fautes professionnelles antérieures, pour estimer la gravité des faits reprochés au salarié, et à justifier un licenciement reposant sur une appréciation globale de son comportement.
En l'espèce, la lettre de licenciement en date du 27 juin 2017 est ainsi libellée :
« Monsieur,
Je vous ai reçu le 23 juin 2017 à 11h00 dans le cadre de l'entretien préalable au licenciement.
Malgré les explications que vous m'avez fournies lors de cet entretien, j'ai décidé de vous licencier. Ainsi que je vous l'ai exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :
Vous exercez les fonctions de pizzaiolo depuis le 1er octobre 2009. En date du mercredi 14 juin 2017 à 14h15, monsieur Fabio P. employé au poste de serveur dans mon établissement est venu vous porter une commande de pizzas pour deux clients. Vous étiez alors en train de déjeuner au restaurant alors que vos fonctions prennent quotidiennement fin à 14h30. Vous avez catégoriquement refusé de procéder à cette commande sans aucune explication valable. Monsieur Fabio P. a dû annoncer aux clients que malheureusement, il ne pouvait exceptionnellement pas leur servir de pizza ce jour. Etant donné que votre service se termine à 14h30, il était tout à fait normal que vous exécutiez vos tâches et non que vous preniez votre pause déjeuner à ce moment-là.
Les clients étaient insatisfaits de ne pas pouvoir bénéficier d'un service à la hauteur de notre notoriété. Etant présent et témoin de la scène, j'ai pu m'apercevoir de la situation et je suis donc venu vous voir afin de vous résonner. En présence des clients à ce moment, vous avez eu un excès de colère et jeté votre assiette ; tout en tenant des propos inadapté : « vous n'avez pas besoin de ventre deux pizzas en plus ». Suite à ce comportement inapproprié vous êtes descendu dans les vestiaires. Je vous ai suivi afin que vous puissiez me donner des explications sur votre comportement insensé.
Cette attitude devant notre clientèle porte un très grave préjudice à l'image de marque et plus encore à la notoriété de mon établissement. La remise en cause de mon autorité et le fait de ne pas exécuter vos fonctions durant vos heures de travail sont constitutives d'une faute.
Ce même jour, le mercredi 14 juin 2017, il vous a cru bon de ne pas vous présenter à votre poste de travail du service du soir afin d'exécuter vos fonctions, sans aucun justificatif valable.
J'ai également constaté votre absence le jeudi 15 juin 2017 pour le service du midi. Vous avez clairement abandonné votre poste durant deux services, pénalisant ainsi la société.
Vous vous êtes présenté le jeudi 15 juin 2017 à 18h55 au lieu de 18h30 de nouveau sans excuses valables pour vos absences et retards et sans avoir prévenu votre employeur, ce qui constitue une nouvelle faute.
En date du vendredi 16 juin 2017, j'ai essayé de vous remettre une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement en main propre comportant une mise à pied à titre conservatoire suite aux agissements inappropriés de ces derniers jours. Une seconde fois le courrier vous a été proposé en vous sollicitant de nouveau pour la signature de ce dernier ce que vous avez catégoriquement refusé et froissé devant l'ensemble du personnel.
Le lendemain, samedi 17 juin 2017 vous vous êtes représenté à votre poste, toujours sans aucun justificatif ni excuses de votre part. je vous ai remis une nouvelle fois le courrier, vous sommant de quitter mon établissement durant la durée de la mise à pied conservatoire mais vous avez de nouveau refusé de prendre acte de ma volonté de vous suspendre provisoirement de vos fonctions. J'ai alors fait appel aux services de la sûreté publique afin que vous preniez conscience de la gravité de vos actes. Les agents de la sûreté publique vous ont alors remis le courrier de convocation et vous ont demandé de quitter immédiatement les lieux et de ne revenir que lors de votre entretien prévu sur ledit courrier soit le vendredi 23 juin 2017 à 11h00.
Un compte rendu mentionnant tous les détails de leur intervention a été établi et référencé sous le numéro 1707886.
Vous avez eu l'opportunité de vous expliquer sur vos agissements au cours de l'entretien du vendredi 23 juin 2017. Malheureusement, je considère que les explications recueillies au cours de cet entretien ne m'ont pas permis de modifier mon appréciation de votre comportement. Eu égard au fait que vous avez refusé d'accomplir vos tâches, mis en cause mon autorité devant l'ensemble du personnel et la clientèle, eu un excès de colère et abandonné votre poste de travail durant deux services sans justifier vos absences, je considère qu'en conséquence l'ensemble de ces faits constitue une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.
Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture.
Je vous signale à cet égard qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle je vous ai mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé.
(...). ».
La lettre de licenciement fait ainsi état de trois griefs qu'il convient d'examiner :
Premier grief : « vous avez refusé d'accomplir vos tâches, mis en cause mon autorité devant l'ensemble du personnel et la clientèle ».
L'insubordination, le refus de collaborer constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. Plus précisément, légitiment la rupture du contrat, le refus d'exécuter les directives de l'employeur ou de se soumettre à la discipline de l'entreprise.
Le refus réitéré par un salarié d'exécuter des tâches relevant de son contrat de travail caractérise la faute grave.
Les circonstances du refus peuvent être retenues par les juges pour apprécier les faits reprochés au salarié.
En l'espèce, Monsieur l. L. ne conteste pas avoir refusé de préparer deux pizzas mais se justifie en indiquant que la commande est arrivée trois minutes avant la fin du service de restauration fixée à 14 h 30.
Les déclarations concordantes des parties montrent que le salarié était attablé et prenait son repas, alors que le service de midi n'était pas terminé.
Il s'agit d'une faute, qui à elle seule, ne saurait constituer une cause légitime de rupture du contrat de travail.
Elle devra être appréciée eu égard aux autres griefs présents dans la lettre de rupture et au comportement antérieur du salarié.
Deuxième grief : « excès de colère »
Monsieur l. L. conteste les propos qui lui sont attribués par l'employeur, ainsi qu'un excès de colère suite à ladite commande.
Force est de constater que l'employeur ne produit aucun élément sur les propos inappropriés attribués au salarié, pas plus que sur l'excès de colère reproché, de sorte que ces faits ne seront pas retenus.
Troisième grief : « abandonné votre poste de travail durant deux services sans justifier vos absences »
Parmi les obligations inhérentes au contrat de travail, le salarié doit exercer régulièrement et de façon continue ses attributions, seule l'absence régulièrement autorisée par l'employeur ou excusée par la maladie ou l'accident caractérisant une exception valable à ce type de devoir.
L'abandon de poste procède du départ d'un salarié dans des circonstances révélant la volonté claire et non équivoque de quitter son service sans autorisation de l'employeur et sans raison apparente.
Il incombe à ce titre au salarié qui se trouve dans l'impossibilité de reprendre son poste de travail, d'en aviser son employeur et d'en justifier.
En l'espèce, Monsieur l. L. ne conteste pas ses absences mais les justifie en invoquant l'exception d'inexécution tirée des inexécutions graves commises par l'employeur.
L'abandon de poste du salarié, qui trouve son origine dans un manquement de l'employeur à ses obligations, ne saurait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En revanche, l'absence sans demande d'autorisation, provoquée par des circonstances prévisibles, ou sans cause légitime, justifie un licenciement. Ainsi, commet une faute grave le salarié qui n'apporte aucune justification à une absence de plusieurs jours, cette absence étant de nature à désorganiser gravement le fonctionnement de l'entreprise.
Les parties reconnaissent que le salarié a informé l'employeur le 14 juin 2017 qu'il ne viendrait pas ce même jour pour assurer le service du soir, ni celui du lendemain midi.
Le Tribunal relève à ce titre que le demandeur produit une traduction de son sms adressé à l'employeur, mais sans le message original qui aurait fait apparaître l'heure d'envoi de ce dernier.
Seul le message en original de l'employeur adressé au salarié le 14 juin 2017 à 19 h 30 est produit.
Monsieur l. L. justifie ainsi son absence de la manière suivante :
« Aujourd'hui je récupèrerai mon grand prix ce soir et demain au déjeuner.
Vu que pour 80 € vous ne voulez pas payer (...) gardez-les (...)
Peut-être que vous en avez plus besoin que moi (...)
Je rentre demain soir à 19 heures.
Et si cela ne vous convient pas vous n'avez qu'à me licencier. ».
En l'absence du message original, le Tribunal ne peut vérifier si les points de suspension sont présents sur celui-ci ou s'il s'agit d'une traduction partielle du document.
L'employeur a régularisé le paiement des jours fériés travaillés sur le bulletin de salaire du mois de juin 2017 (et notamment les 25 et 26 mai du Grand Prix), alors qu'il aurait dû les payer avec le salaire du mois de mai.
Les manquements reprochés à l'employeur et qui sont détaillés infra ne sont retenus par le Tribunal qu'en ce qui concerne l'indemnité de nourriture.
En définitive, seules les journées travaillées lors du Grand Prix et non récupérées/payées seront appréciées par le Tribunal pour qualifier l'exception d'exécution invoquée par le salarié.
Il ne peut être contesté que l'employeur avait l'obligation, soit de payer lesdites journées, soit de faire bénéficier ce dernier d'un repos compensateur.
Il n'est pas plus contestable que le manquement de l'employeur doit être suffisamment grave pour justifier l'abandon de poste du salarié.
En l'espèce, le Tribunal relève que Monsieur l. L. n'a, à aucun moment, sollicité le paiement de quelconques sommes en lien avec son contrat de travail, ni demandé un repos compensateur avant d'informer l'employeur, au dernier moment, qu'il n'assurerait ni le service du soir du 14 juin 2017, ni celui de midi du 15 juin 2017, cette absence étant de nature à désorganiser gravement le fonctionnement de l'entreprise (Monsieur l. L. étant le seul pizzaiolo du restaurant).
L'exception d'inexécution ne saurait dès lors être retenue.
Le grief tenant à l'abandon de poste du demandeur est dès lors justifié.
Il résulte des explications développées supra que les griefs retenus à l'encontre de Monsieur l. L.(refus d'honorer une commande et abandon de poste) caractérisent un comportement justifiant un licenciement immédiat.
Pour apprécier la gravité des fautes commises par le salarié, il convient de prendre en compte l'avertissement infligé à Monsieur l. L. le 29 janvier 2015, non contesté, pour des faits de violence à l'encontre d'un collègue de travail et insubordination.
Le licenciement de Monsieur l. L. est dans ces circonstances fondé sur une cause valable.
Le demandeur sera débouté de ses demandes financières subséquentes.
Sur le caractère abusif du licenciement
Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.
Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.
En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.
L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé.
Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.
Force est de constater que Monsieur l. L. qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement.
Dans ces circonstances, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.
Le demandeur invoque la précipitation, la brutalité dont a fait preuve l'employeur, ainsi que le caractère vexatoire de la rupture.
Les pièces produites par Monsieur l. L. montrent que le différend entre les parties a entraîné l'intervention de la Sûreté Publique le 17 juin 2017.
L'employeur soutient qu'il a été contraint d'agir ainsi dans la mesure où Monsieur l. L. ne souhaitait pas quitter l'établissement.
La main courante d'intervention de la Sûreté Publique confirme cette version, en ces termes :
« (...).
Il (Monsieur l. L. nous expliquait n'avoir reçu aucun préavis pour son licenciement et ne souhaitait pas quitter les lieux de crainte que son patron ne le licencie pour faute grave (abandon de poste).
Nous lui remettons « en main propre » une lettre signée par monsieur C. sur laquelle il est précisé que Monsieur l. L. était suspendu de ses fonctions et était convoqué le vendredi 23 juin 2017 à 11 heures 00 afin de clarifier la situation.
De plus, monsieur C. nous indiquait que durant ce laps de temps, le salaire de Monsieur l. L. serait maintenu.
Dans ces conditions, l'employé acceptait de quitter les lieux calmement et sans difficulté. ».
La lettre de convocation à l'entretien préalable remise par les agents de Police est datée du 16 juin 2017 avec la mention « lettre remise en main propre contre décharge », de sorte que les allégations de l'employeur quant à une tentative de remise infructueuse de ce courrier le 16 juin doivent être retenues.
Dès lors, il ne saurait être fait reproche à l'employeur d'avoir fait appel à la Sûreté publique le 17 juin 2017 dans la mesure où Monsieur l. L. refusait toujours la remise du courrier de convocation à l'entretien préalable et de mise à pied conservatoire.
Ainsi, aucune faute ne peut être reprochée à l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement.
Monsieur l. L. sera dans ces circonstances débouté de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive.
Sur les rappels de salaire
Sur le salaire minimum
Monsieur l. L. sollicite à ce titre une somme de 6.920,45 euros correspondant à la différence entre sa rémunération horaire brute et le salaire minimum conventionnel prévu en France.
La loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire prévoit en son article 2-1, alinéa 1er :
« Tous les salariés, quel que soit leur sexe, doivent recevoir une rémunération égale en contrepartie d'un même travail ou d'un travail de valeur égale ; cette rémunération s'entend du salaire défini à l'article premier, ainsi que de tous les avantages et accessoires, directs ou indirects, en espèces ou en nature, y afférents. ».
L'Arrêté Ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963, fixant les taux minima des salaires complète ces dispositions en ses articles 1 et 2 :
« Article 1 : Les montants minima des salaires, primes, indemnités de toute nature et majorations autres que celles prévues par les dispositions législatives relatives à la durée du travail ne peuvent être inférieurs à ceux qui, en vertu de la réglementation ou de conventions collectives, pour des conditions de travail identiques, sont pratiqués dans des professions, commerces ou industries similaires à Nice ou, à défaut, dans le département des Alpes-Maritimes.
Article 2 ( alinéa 1 ) : Les rémunérations minimales, telles que définies à l'article premier du présent arrêté, sont majorées d'une indemnité exceptionnelle de 5 % de leur montant.
(...). ».
Il apparaît que la demande présentée par Monsieur l. L. se fonde sur le salaire figurant sur la première ligne de ses bulletins de salaire, à savoir le salaire de base, sans tenir des dispositions visées supra et de l'intégration des avantages en nature pour le calcul du salaire minimal.
Ainsi, les parties convergent sur l'application du SMIC conventionnel plus favorable au salarié, lequel figure en pièce n° 29 produite par Monsieur l. L.
L'employeur a procédé à un calcul détaillé du taux horaire appliqué au demandeur, depuis son entrée en fonction, lequel correspond en tous points aux dispositions susvisées et à la pratique entérinée par la Direction du Travail (pièce n° 19 de la défenderesse : le mode de calcul servant d'exemple comportait un repas par jour. L'employeur ayant procédé au calcul en tenant de la prise de deux repas par jour par Monsieur l. L..
Le Tribunal relève encore que Monsieur l. L. ne formule aucune critique sur le calcul figurant dans les écritures de la S. A. M. E, se contentant d'indiquer qu'il n'existe pas de SMIC hôtelier à Monaco.
Ainsi, et en tenant compte des éléments de rémunération pris en compte dans la région économique voisine et relevant des dispositions du Décret n° 89-441 du 30 juin 1989 relatif à l'instauration d'un SMIC pour le personnel des hôtels, cafés, restaurants et de la circulaire DRT/DSS du 9 mars 1990 relative au SMIC dans les hôtels, cafés, restaurants, le principe de base est celui de la fixation minimum sur la base de 43 heures payées au taux du SMIC pour de présence de :
- 43 heures pour les cuisiniers.
Concernant l'avantage nourriture, l'article D. 141-8 du Code du travail français précise que la nourriture évaluée selon les règles fixées à l'article D. 141-6 (2 fois le minimum garanti par jour soit 1 minimum garanti par repas) n'est prise en compte, dans la détermination du montant du salaire versé en espèces, que pour la moitié de sa valeur.
La circulaire ajoute que l'obligation de nourriture suivant laquelle l'employeur est tenu de nourrir gratuitement son personnel ou lui allouer à défaut une indemnité compensatrice a, selon la jurisprudence, une portée limitée en plusieurs circonstances.
« Ces limites peuvent être résumées ainsi :
l'obligation ne s'impose qu'à la doub1e condition que l'entreprise soit ouverte à la clientèle au moment des repas et pour autant que le salarié soit présent au moment desdits repas.
La notion de présence au moment des repas doit s'entendre au sens large et intégrer les périodes de repas de la clientèle mais aussi celles du personnel.
L'indemnité compensatrice en espèces suit les mêmes règles d'attribution que l'avantage nourriture. Elle est donc par nature indivisible et ne peut faire l'objet d'un calcul au prorata du temps de présence.
Ces précisions induisent les conséquences suivantes :
le décompte du nombre de repas servant au calcul de l'avantage en nature est lié à l'horaire et à la répartition du temps de travail de chaque salarié. Ce nombre indivisible n'est pas constant et tient compte à la fois de l'horaire et du nombre de jours travaillés ;
l'obligation de nourriture ne s'applique pas le plus souvent aux veilleurs de nuit dans la mesure où, de par la nature même de leur activité, la double condition rappelée ci-dessus n'est pas réunie ;
l'obligation de nourriture ayant une portée générale doit bénéficier à tous les salariés quelle que soit leur durée de travail y compris les femmes de ménage à temps partiel. Elle est simplement subordonnée à la réalisation de la double condition fixée ci-dessus (présence pendant les repas, ouverture à la clientèle). ».
La circulaire détaille ensuite le mode d'intégration des avantages en nature dans le SMIC ou l'octroi d'une indemnité compensatrice :
« Le décompte des avantages en nature établi conformément aux règles définies au 2.1. doit faire l'objet d'une évaluation tenant compte des dispositions :
de l'article D. 141-8 du Code du travail qui limite la part intégrée des avantages en nature nourriture dans le SMIC à la demi-valeur de son montant ;
de l'article R. 242-l 6e alinéa du Code de sécurité sociale et de l'arrêté du 9 janvier 1975 qui fixe le mode de détermination de l'assiette des cotisations sociales.
L'application combinée de ces deux textes implique :
dans un premier temps, de fixer le salaire minimum en espèces garanti (SMEG - c'est-à-dire déduire de la valeur nominale du SMIC tel que calculé selon les règles rappelées en (I) (SMIC sur la base de 43 h, soit 186H33 mensuel pour un temps plein) la ½ valeur de la nourriture calculée conformément à l'article D. 1111-6 et le cas échéant la valeur déductible correspondant au logement (D. 141-9) ;
dans une seconde phase, d'intégrer, pour la détermination de l'assiette des cotisations sociales, la valeur forfaitaire correspondant aux avantages nourriture et logement.
Ce mécanisme complexe entraîne la réalisation des opérations suivantes :
1°) le calcul de la valeur nominale ou de référence du SMIC hôtelier (soit 186 H33 mensuel pour un temps plein, soit une valeur supérieure ou inférieure selon le temps réel de travail effectué) ;
2°) le décompte des repas soit 1 soit 2 repas par jour sur le nombre de jours travaillés (22, 23, 24 jours, le cas échéant davantage) ;
3°) la détermination de la ½ valeur de la nourriture, résultat du produit du nombre de jours par le nombre de repas auquel on affecte un minimum garanti (ex. 20 jours à 2 repas correspondent à 40/2 MG = 20 MG ;
4°) la fixation du salaire minimum en espèces garanti qui à soustraire la ½ valeur précédente du SMIC de référence ;
5°) l'intégration au salaire minimum en espèces des avantages en nature (nourriture et logement) appréciés par référence à l'arrêté du 9 janvier 1975 pour déterminer l'assiette de cotisations, effectuer les retenues salariales et obtenir le salaire net ;
6°) La déduction, sur le salaire net, des avantages en nature tels qu'ils ont été évalués en 5°), ce qui permet de faire apparaître le salaire net à payer. ».
Enfin, la circulaire comporte les définitions suivantes :
« Le SMIC hôtelier est le résultat du produit du SMIC horaire par le nombre d'heures rémunérées ;
Le salaire minimum en espèces garanti (SMEG) est constitué du SMIC hôtelier duquel sont retranchés la moitié de la valeur de la nourriture et, le cas échéant, la valeur déductible du logement ;
Le salaire brut constitue l'assiette des cotisations égale au salaire espèces augmenté de la valeur des avantages en nature fournis. ».
Dans ces circonstances et eu égard à l'ensemble de ces éléments et dispositions applicables, en l'absence de contestation sur le mode de calcul présent dans les conclusions de la S. A. M. E, il y a lieu de retenir celui-ci.
En effet, l'employeur a réintégré l'avantage en nature « nourriture » en conformité avec les dispositions contenues dans la circulaire et il apparaît ainsi que Monsieur l. L. a perçu une rémunération supérieure au SMIC monégasque et conventionnel français.
Le demandeur sera dès lors débouté de toute prétention de ce chef.
Sur les heures supplémentaires
Il appartient au salarié de rapporter la preuve de l'existence des heures supplémentaires dont il revendique le paiement et, ce préalable étant rempli, à l'employeur de fournir les éléments qu'il détient et qui sont de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Seules les heures supplémentaires accomplies avec l'accord de l'employeur peuvent donner lieu à rémunération.
Pour pouvoir prétendre au paiement, dans le cadre de la présente instance, des heures supplémentaires effectuées par ses soins, Monsieur l. L. doit produire un décompte établi par semaine civile et mentionnant, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'Ordonnance Loi du 2 décembre 1959, pour chacune des semaines couvertes par sa réclamation :
- le nombre total d'heures de travail effectivement accomplies au cours de la semaine considérée,
- le nombre d'heures effectuées au-delà de 39 heures,
- le taux horaire de base applicable,
- le taux horaire majoré (+ 25 % pour les huit premières + 50 % pour les heures suivantes).
En l'espèce, Monsieur l. L. soutient qu'il effectuait 3 heures de travail supplémentaire par jour, soit 72 heures par mois.
Il produit pour en justifier les documents suivants :
un sms que lui a adressé l'employeur le 27 mai 2017 à 14 h 57, en italien avec sa traduction libre en français non contestée, ainsi libellé :
« Bonjour L. je pensais vous voir j'ai fixé l'ouverture pour 18 heures ce soir essayons de prendre un maximum vous devrions faire 180 couverts ce soir pour arriver aux 240 de l'année dernière.
Je compte vraiment sur toi car tu es un pilier.
Beppe et toute la salle en service à 18 heures.
Allez champion !
Programme de demain à 11 heures ouverture du restaurant couverts de l'année dernière 340 pour toute la journée.
Est-ce que nous y réussirons ??? ».
Ce document ne concerne qu'une seule journée et ne permet en aucun cas de conclure à la présence de Monsieur l. L. sur une amplitude horaire démontrant l'accomplissement d'heures supplémentaires.
Le rapport de nuit produit par l'employeur en pièce n° 11 : Monsieur l. L. déduit de ce document qu'il était encore présent dans l'établissement à 00 h 55.
Le Tribunal ne peut retenir cette interprétation à la lecture dudit rapport. Le veilleur de nuit indique seulement que lors de sa ronde à 00 h 55, il a constaté que « le pizzaiolo L. a pris son repas hier soir et n'a pas débarrassé sa table après celui-ci (...) », ce qui démontre qu'il ne l'a pas croisé mais seulement constaté que Monsieur l. L. n'avait pas débarrassé la table après son repas de la veille.
Le rapport de nuit produit par l'employeur en pièce n° 12 duquel il résulte que Monsieur l. L. a agressé le veilleur de nuit vers 00 h 00.
Le rapport de nuit produit en pièce n° 13 par l'employeur duquel il résulte que Monsieur l. L. a agressé le veilleur de nuit à 00 h 35.
Ces trois documents portent sur trois journées de travail et ne permettent en aucun cas de conclure à l'existence d'heures supplémentaires dans la mesure où le salarié ne donne aucune précision sur son heure d'arrivée dans l'établissement.
Une attestation établie par monsieur Iacoro LA G. ainsi libellée : « J'ai vécu du 1 février 2000 au 31 août 2015 au 1 avenue Prince Pierre et avoir géré le restaurant V au X du 1997 au 2010. J'atteste que Monsieur l. L l. né en Albanie le 29/06/1975 et employé chez HOTEL R sortant souvent de son lieu de travail après 01h00 du matin pendant tout le ( Mots illisibles) ».
Ce témoignage est sans intérêt pour la solution du litige dans la mesure où il vise une période non concernée par la demande du salarié.
Une attestation établie par Madame C. Serveuse à l'hôtel R, ainsi libellée : « J'atteste que Monsieur l. L l. née en Albanie le 29.06.1975 et aussi employé chez hôtel R n'a jamais et je répète jamais quitter sa postation en tant que chef pizzaiolo avant 2h00 voir 3h00 du matin en semaine ou week-end hiver/été. ».
Le Tribunal relève que ce document, communiqué en copie par Monsieur l. L. comporte une signature qui ne correspond pas à l'écriture utilisée dans le corps de l'attestation.
De plus, la copie de la pièce d'identité annexée est de très mauvaise qualité mais il apparaît cependant que la signature figurant sur le document d'identité est différente de celle figurant dans l'attestation.
La sincérité de ce témoignage étant ainsi sujet à caution, l'attestation correspondante ne sera pas retenue.
Des photographies dont l'authenticité ne peut être vérifiée par le Tribunal et qui ne peuvent dès lors être retenues.
Par ailleurs, Monsieur l. L. soutient que les trois heures supplémentaires quotidiennes étaient nécessitées par les contraintes techniques inhérentes à son métier de pizzaiolo, à savoir :
le temps de chauffe d'un four à pizza électrique qui est de 25 minutes,
il préparait chaque soir entre 150 et 210 pâtes à pizza pour les services du lendemain midi.
Contrairement à ce que soutient Monsieur l. L. l'employeur n'a en aucun cas reconnu dans ses écritures qu'il devait préparer au moins 150 pâtes à pizza par jour ; la S. A. M. E indiquant seulement que l'hôtel R accueille plus de 150 personnes par jour. La carte du restaurant ne comporte pas que des pizzas et les clients peuvent orienter leur choix sur d'autres plats.
il préparait la pâte à pizza le samedi soir pour les services du lundi midi et soir,
le temps de préparation de la pâte à pizza est d'au moins une heure,
il devait réaliser un travail de nettoyage après son service en cuisine pendant une heure,
il devait également procéder au ré-étiquetage des denrées alimentaires périssables afin d'assurer le suivi de la date limite de consommation.
L'employeur produit une note interne du 4 janvier 2016 aux termes de laquelle la prise de service en restauration débute à 12 heures (jusqu'à 14 h 30) et à 19 heures (jusqu'à 23 heures). En tenant compte d'un horaire de travail quotidien de 7 h 15, Monsieur l. L. disposait de 45 minutes par jour pour effectuer des tâches autres que la préparation des pizzas.
De plus, le temps de repas ne peut être considéré comme du temps de travail effectif.
L'article 2 de l'Ordonnance-Loi n° 677 du 2 décembre 1959 prévoit que « la durée du travail s'entend du travail effectif, à l'exclusion du temps nécessaire à l'habillement ou au casse-croûte et aux périodes d'inaction particulières à certains commerces ou industries qui sont déterminés par arrêté ministériel ; (...) ».
Monsieur l. L. procède par un simple calcul mathématique pour conclure à l'accomplissement d'heures supplémentaires, ce qui ne saurait être retenu par le Tribunal, dans la mesure où il convient de distinguer l'amplitude de la journée de travail et le travail effectif.
Force est de constater que Monsieur l. L. est défaillant dans l'administration de la preuve, et ce, d'autant plus qu'il résulte des documents par lui produits que la réalisation d'heures supplémentaires aurait été quotidienne sur toute la durée de la relation de travail sans aucune réaction de la part du salarié.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, Monsieur l. L. doit être débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires.
Sur la demande en paiement de la somme brute de 6.363,09 euros au titre des jours fériés
La loi n° 798 du18 février 1966 portant fixation des jours fériés légaux prévoit en son article 1er :
« Sont jours fériés : la fête du Prince régnant, le premier jour de l'an, les jours de Sainte-Dévote, le lundi de Pâques, du premier mai, de l'Ascension, du lundi de Pentecôte, de la Fête-Dieu, de l'Assomption, de la Toussaint, de l'Immaculée-Conception et de la Noël.
Lorsque la fête du Prince régnant, le premier jour de l'an, le premier mai, les jours de l'Assomption, de la Toussaint et de la Noël tombent un dimanche, le lundi qui suit sera jour férié légal. ».
Conformément à l'article 11 de la Convention Collective des Hôtels, Restaurants et Débits de Boissons du 1er juillet 1968, étendue par Arrêté Ministériel n° 68-367 du 22 novembre 1968, les fêtes légales devront, soit être payées en supplément sur la base du 1/20ème du salaire mensuel, soit être compensées dans la quinzaine, au choix de la Direction.
En l'espèce, le calcul du 1/20ème du salaire mensuel devait tenir compte de l'ensemble de ses éléments fixes (salaire horaire, service 15 %, prime de nuit, indemnité de nourriture) et non pas seulement de la rémunération de base.
Il appartient à Monsieur l. L. de rapporter la preuve qu'il a bien travaillé les jours fériés non retenus par l'employeur.
Force est de constater que le demandeur est défaillant dans l'administration de la preuve.
Il reconnaît ainsi que l'employeur a régularisé sur la dernière fiche de salaire les jours que le salarié n'avait pu récupérer à ce titre pour les années 2016 et 2017, pour en déduire qu'il a nécessairement travaillé les années précédentes les jours fériés.
Ce raisonnement ne saurait être retenu, la preuve devant être rapportée par des éléments matériels susceptibles de contrôle par le Tribunal.
Monsieur l. L. sera dans ces circonstances débouté de sa demande en paiement des jours fériés.
La prime d'ancienneté
La demande de rappel de prime étant fondée sur un rappel de salaire qui n'a pas été retenu par le Tribunal, celle-ci ne saurait prospérer.
La prime de 13 ème mois
L'employeur ne conteste pas le droit de Monsieur l. L. au paiement de la prime de 13ème mois, mais soutient que cette dernière lui a été réglée ainsi qu'il résulte des bulletins de salaire produites, sous l'intitulé « prime ».
Il apparaît en effet que les bulletins de salaire mentionnent le versement d'une prime mensuelle, sans autre précision, d'un montant de 342,28 euros, soit une somme mensuelle de 4.107,36 euros, somme bien supérieure à un mois de salaire.
Bien plus, ladite prime a bien été versée à Monsieur l. L. au mois de juin 2017, dernier mois travaillé, au prorata de ses jours de présence ; alors que l'employeur soutient que la prime de 13ème mois n'est pas due lorsque le salarié est licencié pour faute grave.
La somme ainsi versée tous les mois sous l'intitulé « prime » ne peut dès lors être assimilée à la prime de 13ème mois prévue par le protocole d'accord de décembre 2014, lequel prévoit pour les hôtels autres que les 4 étoiles luxe « Palace » :
« 1°) Prime dite de 13ème mois pour le personnel au fixe
Il sera versé au personnel au fixe une prime de fin d'année ou de fin d'exercice qui tendra à terme à atteindre un mois de salaire de base complémentaire.
(...).
Cette prime ne sera pas due à l'employé quittant volontairement son emploi en cours d'année ou licencié pour faute grave. ».
Monsieur l. L. ayant été licencié pour faute grave ne saurait prétendre au paiement de la prime de 13ème mois ainsi prévue.
L'indemnité de 5 % monégasque
Le Tribunal reprend l'argumentation développée supra au titre du rappel de prime d'ancienneté.
Monsieur l. L. sera dans ces circonstances débouté de ce chef de demande.
L'indemnité de nourriture
Un accord relatif à l'indemnité de nourriture du 15 juillet 2011 conclu entre l'association des industries hôtelières monégasques d'une part et le syndicat des employés des hôtels, cafés et restaurants de Monaco et le syndicat des cuisiniers et pâtissiers de Monaco d'autre part, a été étendu par arrêté ministériel n° 2011-556 du 10 octobre 2011 et rendu obligatoire pour tous les employeurs et salariés compris dans son champ d'application. Il prévoit :
« 1. Avec effet au 1er juillet 2011, l'indemnité de nourriture sera versée pour tous les jours du mois de présence ou de repos. Le versement sera effectué sur la base de 30 jours par mois. L'indemnité de nourriture ne sera pas versée pendant les congés payés si elle a déjà été prise en compte dans l'assiette de calcul des congés payés.
2. Les salariés engagés avant le 1er juillet 2011, toujours présents ou ayant quitté l'entreprise, pourront bénéficier, dans le cadre des accords individuels et en contrepartie d'une renonciation à toute autre demande sur ce sujet, du paiement d'un rappel transactionnel d'indemnités de nourriture.
Ce rappel sera égal (...).
Ce rappel transactionnel sera versé en trois versements (...).
L'entreprise proposera à chaque salarié concerné une lettre lui indiquant le montant transactionnel offert et les échéances de versement.
La lettre rappellera qu'en acceptant cette offre le salarié renonce à toute prétention pour le passé au titre de l'indemnité de nourriture. (...).
Pour exprimer son accord sur cette renonciation, le salarié retournera à l'entreprise le double de la lettre reçue après avoir apposé sa signature précédée de la mention manuscrite « Lu et approuvé, bon pour transaction ».
3. Les anciens salariés de l'industrie hôtelière de Monaco, s'ils en font la demande auprès de l'entreprise qui les employait, pourront bénéficier d'un rappel transactionnel identique en contrepartie d'une renonciation à toute autre prétention, au titre de l'indemnité de nourriture. Cette somme sera versée en une seule fois. A cet effet, les anciens salariés se verront proposer une lettre analogue à celle évoquée à l'article précédent (...) ».
Il apparaît toutefois que Monsieur l. L. n'a pas sollicité le bénéfice de cet accord (simple possibilité de transiger en l'état de l'emploi du terme « pourront » ) et peut ainsi légitimement saisir le Tribunal du travail en paiement d'une indemnité de nourriture.
La demande du salarié étant postérieure à l'Arrêté Ministériel n° 2011-556 du 10 octobre 2011, celle-ci sera appréciée en application de ce texte.
Les bulletins de salaire du demandeur font état du versement d'une indemnité de nourriture correspondant à deux repas par jour et sur 26 jours.
Par ailleurs, l'employeur procède à une interprétation de l'accord susvisé en soutenant que l'indemnité de nourriture doit être versée à la seule condition que le restaurant soit ouvert à la clientèle le jour considéré (l'accord prévoyant, à titre d'alternative au paiement de l'indemnité, que le salarié vienne prendre son repas dans l'établissement le jour du repos hebdomadaire, ce qui suppose que l'établissement soit effectivement ouvert).
La clause litigieuse ne peut être sujette à interprétation, s'agissant d'une clause claire et précise, dénuée de toute ambiguïté. En effet, l'accord susvisé prévoit que l'indemnité de nourriture sera versée pour tous les jours du mois de présence ou de repos.
Par ailleurs, l'article premier de l'Arrêté Ministériel n° 2011-556 du 10 octobre 2011 stipule que « Les dispositions de l'accord relatif à l'indemnité nourriture enregistrées le 26 juillet 2011 et dont le texte annexe au présent arrêté, sont rendues obligatoires pour tous les employeurs et salariés compris dans son champ d'application. ».
Ce faisant, la S. A. M. E devait, à compter du 10 octobre 2011, date de l'arrêté portant extension de l'accord relatif à l'indemnité nourriture passé entre l'Association des Industries Hôtelières Monégasques et les Syndicats des Hôtels, Cafés, Restaurants de Monaco et des Cuisiniers et Pâtissiers de Monaco, régler à Monsieur l. L. l'indemnité de nourriture sur 30 jours.
Il reste ainsi dû au salarié un reliquat de 4 jours (soir 8 repas), sur la période non prescrite, soit du 10 septembre 2013 au 10 septembre 2018.
Les sommes devant revenir à Monsieur l. L. sont les suivantes :
Septembre 2013 (du 10 au 30 septembre) :
L'indemnité de nourriture pour l'année 2013 s'élève à 3,49 euros par repas, soit 6,98 euros par jour.
Monsieur l. L. aurait ainsi dû percevoir une indemnité de 209,40 euros pour 30 jours, l'employeur n'ayant versé que la somme de 139,60 euros à ce titre, soit une différence de 69,80 euros, ramenée à 46,43 euros pour 20 jours.
Octobre et novembre 2013 (le bulletin de salaire du mois de décembre n'est pas produit) :
Monsieur l. L. aurait dû percevoir la somme de 209,40 euros par mois.
Eu égard aux sommes versées par l'employeur à ce titre, il lui reste dû la somme totale de 55,84 euros .
De janvier à décembre 2014 :
L'indemnité de nourriture pour l'année 2014 s'élève à 3,51 euros par repas, soit 7,02 euros par jour.
Monsieur l. L. aurait dû percevoir la somme de 210,60 euros par mois.
Eu égard aux sommes versées par l'employeur à ce titre, il lui reste dû la somme totale de 336,96 euros .
De janvier à décembre 2015 :
L'indemnité de nourriture pour l'année 2015 s'élève à 3,52 euros par repas, soit 7,04 euros par jour.
Monsieur l. L. aurait dû percevoir la somme de 211,20 euros par mois.
Eu égard aux sommes versées par l'employeur à ce titre, il lui reste dû la somme totale de 366,08 euros .
De janvier 2016 à décembre 2016 :
L'indemnité de nourriture pour l'année 2016 s'élève à 3,52 euros par repas, soit 7,04 euros par jour.
Monsieur l. L. aurait dû percevoir la somme de 211,20 euros par mois.
Eu égard aux sommes versées par l'employeur à ce titre, il lui reste dû la somme totale de 520,86 euros .
De janvier 2017 au 17 juin 2017 (date de la mise à pied conservatoire)
L'indemnité de nourriture pour l'année 2017 s'élève à 3,54 euros par repas, soit 7,08 euros par jour.
Monsieur l. L. aurait dû percevoir la somme de 212,40 euros par mois.
Eu égard aux sommes versées par l'employeur à ce titre, il lui reste dû la somme totale de 203,90 euros .
Soit la somme brute de : 1.530,07 euros .
Et ce, avec intérêts au taux à compter du 10 septembre 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance.
Sur le repos compensateur
Monsieur l. L. sollicite la somme de 7.503 euros à ce titre, soutenant qu'il n'a pas pris de repos compensateur ni n'a été rémunéré de ce chef en violation des dispositions de l'article 11 de la Convention Collective des Hôtels, Restaurants et Débits de Boisson du 1er juillet 1968.
Cependant, le demandeur ne développe aucune argumentation complémentaire, ni ne précise les jours fériés concernés.
Il ne donne pas plus de précision sur le mode de calcul de la somme par lui réclamée.
Monsieur l. L. sera dans ces circonstances débouté de ce chef de demande.
Sur les demandes reconventionnelles de la défenderesse
La S. A. M. E invoque un préjudice d'image et de notoriété causé par le demandeur, mais ne produit aucun élément permettant de le démontrer.
Elle sera dans ces circonstances déboutée de ce chef de prétention.
Par ailleurs, elle ne saurait obtenir une quelconque somme pour procédure abusive, une partie des demandes présentées par Monsieur l. L. ayant été déclarées fondées.
Sur les dépens
Chacune des parties succombant partiellement en leurs demandes, elles conserveront à leur charge leurs propres dépens.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Condamne la S. A. M. E à payer à Monsieur l. L. la somme brute de 1.530,07 euros (mille cinq cent trente euros et sept centimes) à titre de rappel d'indemnité de nourriture, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance ;
Dit que le licenciement de Monsieur l. L. par la S. A. M. E repose sur un motif valable et ne revêt pas un caractère abusif ;
Déboute Monsieur l. L. du surplus de ses demandes ;
Déboute la S. A. M. E de ses demandes reconventionnelles ;
Rappelle que sont de droit exécutoires les jugements qui ordonnent la remise de certificats de travail, bulletins de paie ou de toute autre pièce que l'employeur est légalement tenu de délivrer, ainsi que le paiement de salaires ou accessoires de salaire, en application des dispositions de l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 ;
Dit que chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Manolo VELADINI, Didier MARTINI, membres employeurs, Madame Agnès ORECCHIA, Monsieur Maximilien AGLIARDI, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le quatorze janvier deux mille vingt et un, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Manolo VELADINI, Didier MARTINI, Monsieur Maximilien AGLIARDI et Madame Agnès ORECCHIA, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.