Tribunal du travail, 14 janvier 2021, Monsieur o. v. K. c/ La SAM R
Abstract🔗
Licenciement – Article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 – Caractère abusif (non)
Résumé🔗
En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968. L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable). Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 PENMAN c/ S.A.M. TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES). Il appartient au demandeur de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté. Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté. À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs, la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit. Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque. Si la mise en œuvre d'un licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 conduit le Tribunal du travail à ne pas s'interroger sur la validité de la rupture, en cas de paiement effectif de l'indemnité de licenciement, il n'en demeure pas moins qu'elle ne peut avoir pour objet de contourner les dispositions d'ordre public applicables en droit social et notamment celles relatives aux licenciements économiques collectifs ou individuels.
Monsieur o. K. considère que son état de santé est la véritable cause de son licenciement, ce qui constitue un motif illicite. La concomitance entre les pathologies et le licenciement du salarié est incontestable mais insuffisante pour considérer que le motif serait fallacieux. Il appartient en effet au salarié de démontrer que l'employeur avait connaissance de son état de santé diminué et que la rupture est intervenue pour cette cause. Force est de constater que Monsieur o. K. est défaillant dans l'administration de la preuve.
Les pièces du dossier montrent que l'employeur a reçu le salarié et a licencié ce dernier le même jour. La rupture est ainsi intervenue de manière brutale, dans la mesure où Monsieur o. K. qui bénéficiait d'une ancienneté de sept ans et six mois dans l'entreprise, n'a pas pu anticiper la rupture qui lui a seulement été annoncée quelques instants avant sa mise en œuvre, sans entretien préalable ; ce qui confère à la rupture un caractère abusif. Il apparaît ainsi que l'employeur a agi avec une précipitation et une légèreté blâmable en licenciant Monsieur o. K. en une journée. Les circonstances entourant ladite rupture sont dès lors abusives, justifiant l'allocation à Monsieur o. K. de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral. En effet, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe. L'octroi de dommages et intérêts s'avère dès lors justifié.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 14 JANVIER 2021
En la cause de Monsieur o. v. K., demeurant « X1», X2 à MENTON (06500) ;
Demandeur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 444 BAJ 16 du 23 juin 2016, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alice P., avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée R, dont le siège social se situe X à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Louis FACCENDINI, avocat au barreau de Nice ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 8 janvier 2019, reçue le 10 janvier 2019 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 66-2018/2019 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 29 janvier 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Alice P. avocat-défenseur au nom de Monsieur o. v. K. en date des 14 mars 2019, 13 juin 2019 et 14 novembre 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. R, en date des 9 mai 2019, 17 octobre 2019 et 13 février 2020 ;
Après avoir entendu Maître Alice P. avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco pour Monsieur o. v. K. et Maître Jean-Louis FACCENDINI, avocat au barreau de Nice pour la S. A. M. R, en leurs observations ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur o. K. a été embauché par la société anonyme monégasque R par contrat à durée indéterminée en date du 3 septembre 2008 en qualité de Manœuvre.
Le 3 novembre 2015, Monsieur o. K. a été victime d'un accident du travail causé par la chute sur son épaule droite d'une barre métallique.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 février 2016 et remise en main propre, Monsieur o. K. a été licencié sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.
Postérieurement à la rupture, aux termes d'un certificat médical en date du 18 avril 2016, Monsieur o. K. a été déclaré en maladie professionnelle au titre du tableau n° 57 annexé à la loi n° 444 du 16 mai 1946.
Par requête en date du 8 janvier 2019, reçue au greffe le 10 janvier 2019, Monsieur o. K. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
dire et juger que le licenciement a un caractère abusif,
condamner la S. A. M. R à lui payer les sommes suivantes :
3.353,72 euros au titre de l'indemnité de congédiement,
3.538 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
353,80 euros au titre des congés payés afférents au préavis,
30.000 euros à titre de dommages et intérêts,
dire et juger que les condamnations porteront intérêts à compter de la citation devant le bureau de conciliation,
condamner la S. A. M. R aux dépens.
Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
Monsieur o. K. a déposé des conclusions les 14 mars 2019, 13 juin 2019 et 14 novembre 2019 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :
son état de santé est la cause illicite de la rupture de son contrat de travail,
des éléments médicaux concordants montrent que le salarié était diminué physiquement depuis son accident du travail survenu le 3 novembre 2015,
il était empêché d'exercer son métier dans des conditions normales avant le prononcé de son licenciement,
l'examen radiographique pratiqué le 3 novembre 2015 a révélé une impotence partielle post-traumatique par choc direct au niveau de son épaule droite,
l'échographie réalisée le 15 janvier 2016 a fait ressortir une épicondylite au niveau de son coude droit qui se caractérise par une douleur de grande intensité,
il a été obligé de se faire administrer trois infiltrations au bras et au coude droits, lesquelles sont intervenues en exacte concomitance avec la rupture du contrat de travail (les 14 décembre 2015 et 15 janvier 2016 soit avant la notification de son licenciement le 12 février 2016 et le 15 avril 2016 soit trois jours après la fin du préavis),
les médecins qui l'ont examiné s'accordent à dire qu'il éprouvait des difficultés physiques à exercer son métier de manœuvre,
la date de consolidation fixée au 15 décembre 2016 prouve qu'il n'était pas guéri au moment de son licenciement,
l'employeur avait connaissance de ses difficultés physiques,
l'employeur invoque soudainement dans le cadre de la procédure une multitude de griefs à son encontre alors qu'il a des états de service excellents,
l'employeur lui reproche encore de travailler trop lentement, ce qui est en lien direct avec son état physique dégradé,
l'employeur l'a licencié pour se soustraire à l'obligation de reclassement prévue par la loi n° 1348 du 25 juin 2008,
la rupture présente en outre un caractère vexatoire, brutal et précipité,
il n'a pas été averti de son licenciement avant qu'il n'intervienne et aucun signe avant-coureur ne laissait prévoir cette mesure,
aucun entretien préalable n'a été tenu,
il a été dispensé d'exécuter son préavis et contraint de quitter l'entreprise dès la remise de la lettre de rupture,
Monsieur o. K. sollicite également de voir prononcer la nullité de l'attestation produite par la défenderesse en pièce n° 9.
La S. A. M. R a déposé des conclusions les 9 mai 2019, 17 octobre 2019 et 13 février 2020 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :
sur l'indemnité de préavis et les congés payés afférents :
aucune argumentation n'est développée par Monsieur o. K. à ce titre,
Monsieur o. K. a perçu l'indemnité de préavis correspondant à deux mois de préavis, ce qui ressort du bulletin de salaire du mois de février 2016,
les indemnités de congés sont versées directement par la Caisse de Congés Payés du Bâtiment de la Principauté de Monaco,
sur l'indemnité de congédiement :
Monsieur o. K. ne développe aucune argumentation sur cette demande,
Monsieur o. K. a perçu la somme de 7.260,98 euros à ce titre,
le bulletin de salaire fait mention d'une indemnité de licenciement alors qu'il s'agit de l'indemnité de congédiement,
sur le licenciement abusif :
le Docteur L, désigné par ordonnance du Juge chargé des accidents du travail en date du 23 novembre 2016, a examiné Monsieur o. K. près de huit mois avant le licenciement,
le Médecin Expert n'a jamais rencontré l'employeur. Il n'a jamais eu pour mission de se prononcer sur les motifs du licenciement,
dès lors, le lien entre la rupture et l'accident du travail relevé par l'expert est dépourvu de toute valeur,
le salarié ne démontre absolument pas que son licenciement aurait pour motif l'accident du travail survenu le 3 novembre 2015,
l'accident du travail a donné lieu à un arrêt de travail du salarié de huit jours, du 3 au 10 novembre 2015,
Monsieur o. K. a ensuite repris son travail, sans aucun aménagement particulier,
la maladie professionnelle a été reconnue et constatée plus de deux mois après le licenciement et a trait à une pathologie du coude droit,
elle n'a jamais eu connaissance ni des soins médicaux prodigués à Monsieur o. K. ni des comptes rendus médicaux,
elle n'a aucune qualité pour apprécier l'aptitude physique du salarié dès lors que le corps médical a considéré que Monsieur o. K. était apte à reprendre son activité antérieure sans aucun aménagement,
Monsieur o. K. n'a d'ailleurs nullement prétendu à l'époque que son état de santé aurait nécessité un aménagement, même temporaire, de son travail,
elle n'avait donc aucune raison de douter de l'aptitude physique de Monsieur o. K. à exercer son emploi de manœuvre,
elle a licencié le demandeur en raison du fait que le comportement de ce dernier avait profondément changé au cours des mois précédents son licenciement,
le demandeur ne rapporte pas la preuve que les motifs qui ont conduit à son licenciement auraient été fallacieux,
elle a choisi de privilégier un licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 plutôt qu'un licenciement motivé, dans l'intérêt du salarié,
Monsieur o. K. savait depuis des mois que la dégradation caractérisée de son comportement et de son travail ne pouvait qu'entraîner inéluctablement son licenciement,
aucun texte n'impose un entretien préalable,
la dispense de préavis de Monsieur o. K. constitue la pratique habituelle de l'entreprise,
le fait que le salarié n'ait pas fait l'objet de sanctions disciplinaires ne saurait entraîner un abus dans la mise en œuvre du licenciement,
Monsieur o. K. ne peut réclamer le versement d'une somme forfaitaire de 30.000 euros mais une indemnité calculée sur la différence entre le salaire net qu'il percevait et le montant net des indemnités qu'il a perçues de Pôle Emploi,
la rupture ne présente aucun caractère abusif.
SUR CE,
Sur la nullité de l'attestation produite par la défenderesse en pièce n° 9
Monsieur o. K. en sollicite la nullité pour les motifs suivants :
elle est en partie dactylographiée,
elle ne précise pas l'existence ou l'absence d'un lien de subordination ou d'intérêt avec les parties,
elle ne fait pas mention de l'adresse complète de son auteur.
Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :
1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;
2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;
3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;
4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;
5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;
6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. ».
Il apparaît en effet que l'attestation litigieuse comporte des parties dactylographiées, à savoir les points 3, 4 et 5 de l'article 324 susvisé, de sorte que l'attestation ainsi rédigée devra être déclarée nulle.
Sur l'indemnité de congédiement et l'indemnité compensatrice de préavis
Monsieur o. K. sollicite les sommes respectives de 3.353,72 euros et de 3.538 euros, mais sans donner la moindre explication dans ses écritures quant au bienfondé de ses demandes et au mode de calcul utilisé.
Par ailleurs, l'employeur justifie du règlement desdites sommes.
Monsieur o. K. sera dans ces circonstances débouté de ces chefs de demandes.
Sur la rupture
En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.
L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).
Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 P. c/ S. A. M. T.).
Il appartient au demandeur de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.
Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.
À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs, la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.
Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.
Si la mise en œuvre d'un licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 conduit le Tribunal du travail à ne pas s'interroger sur la validité de la rupture, en cas de paiement effectif de l'indemnité de licenciement, il n'en demeure pas moins qu'elle ne peut avoir pour objet de contourner les dispositions d'ordre public applicables en droit social et notamment celles relatives aux licenciements économiques collectifs ou individuels.
Monsieur o. K. considère que son état de santé est la véritable cause de son licenciement, ce qui constitue un motif illicite.
Le demandeur a été victime d'un accident du travail le 3 novembre 2015, ainsi qu'il résulte du certificat médical du Docteur BRUNNER, Radiologue, en date du 6 novembre 2015, suite à l'examen de Monsieur o. K. le 3 novembre 2015, ainsi libellé :
« Indication :
Impotence fonctionnelle partielle post-traumatique par choc direct.
Résultat :
Absence de lésion osseuse traumatique. ».
Le 12 mai 2016, l'Office de la Médecine du Travail a établi un certificat de déclaration de maladie professionnelle en ces termes :
« Monsieur o. K o. v. né le 10/07/1972, présente une épicondylite droite (échographie du 15/01/2016). Le même jour a été fait une infiltration au niveau de ce coude droit.
À cette période, le salarié occupait un poste de manœuvre-ouvrier BTP dans l'entreprise P. Son poste entrainait des sollicitations répétitives et lourdes des coudes.
Cette pathologie peut être reconnue comme maladie professionnelle au titre du tableau 57 B du Régime Général. ».
La concomitance entre les pathologies décrites supra et le licenciement du salarié est incontestable mais insuffisante pour considérer que le motif serait fallacieux. Il appartient en effet au salarié de démontrer que l'employeur avait connaissance de son état de santé diminué et que la rupture est intervenue pour cette cause.
Force est de constater que Monsieur o. K. est défaillant dans l'administration de la preuve.
De plus, il résulte des bulletins de paie produits aux débats que :
Monsieur o. K. a été en absence pour cause d'accident du travail pour une durée de 62 heures (huit jours) au mois de novembre 2015,
il a repris son travail normalement au mois de décembre 2015,
le salaire du mois de janvier 2016 mentionne des heures supplémentaires effectuées pour un total de 70 heures, démontrant ainsi une exécution normale du contrat du travail par le salarié.
Dès lors, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.
Le Tribunal relève encore que l'employeur conclut sur les nombreuses fautes qui auraient pu être reprochées à Monsieur o. K. alors qu'il s'agit d'un licenciement « sans motif » ; en sorte que l'argumentation développée ne sera pas abordée, étant sans intérêt pour la solution du litige.
Monsieur o. K. soutient encore avoir fait l'objet d'un licenciement brutal, précipité et vexatoire.
Les pièces du dossier montrent que l'employeur a reçu le salarié et a licencié ce dernier le même jour.
La rupture est ainsi intervenue de manière brutale, dans la mesure où Monsieur o. K. qui bénéficiait d'une ancienneté de sept ans et six mois dans l'entreprise, n'a pas pu anticiper la rupture qui lui a seulement été annoncée quelques instants avant sa mise en œuvre, sans entretien préalable ; ce qui confère à la rupture un caractère abusif.
Il apparaît ainsi que l'employeur a agi avec une précipitation et une légèreté blâmable en licenciant Monsieur o. K. en une journée.
Les circonstances entourant ladite rupture sont dès lors abusives, justifiant l'allocation à Monsieur o. K. de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
En effet, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.
L'octroi de dommages et intérêts s'avère dès lors justifié.
Monsieur o. K. a nécessairement supporté un préjudice moral du fait de la situation générée par cette rupture exercée avec légèreté et brutalité.
En l'état de l'analyse qui précède et des éléments d'appréciation produits, le préjudice moral apparaît devoir être justement évalué à la somme de 17.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Sur les dépens
Partie succombante, la S. A. M. R sera condamnée aux dépens.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Prononce la nullité de l'attestation produite en pièce n° 9 par la société anonyme monégasque R ;
Dit que le licenciement de Monsieur o. K. par la S. A. M. R est abusif ;
Condamne la S. A. M. R à payer à Monsieur o. K. la somme de 17.000 euros (dix-sept mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Déboute Monsieur o. K. du surplus de ses demandes ;
Condamne la S. A. M. R aux dépens du présent jugement qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Manolo VELADINI, Didier MARTINI, membres employeurs, Madame Agnès ORECCHIA, Monsieur Maximilien AGLIARDI, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le quatorze janvier deux mille vingt et un, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Manolo VELADINI, Didier MARTINI, Monsieur Maximilien AGLIARDI et Madame Agnès ORECCHIA, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.