Tribunal du travail, 10 décembre 2020, Madame c. L. c/ La SARL A
Abstract🔗
Tribunal du Travail – Moyen nouveau – Recevabilité (oui)
Contrat de travail – Formation – Date d'embauche – Preuve - Rémunération – Prime – Conditions – Indemnité de congés payés
Licenciement – Faute grave (oui) – Motif valable (oui) – Caractère abusif (non)
Résumé🔗
En application de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, le bureau de jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum. Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er précité. Aucune disposition législative ou réglementaire n'imposant au demandeur d'expliciter, dès le stade de la saisine du bureau de conciliation, les moyens de droit qu'il entend développer à l'appui de ses prétentions, Madame c. L. a satisfait aux obligations qui lui étaient imparties par l'article 37 de la loi n° 446, en fournissant au secrétaire du Tribunal du Travail, outre ses nom, profession et domicile, l'indication de l'objet de sa demande, c'est-à-dire l'énoncé de la chose réclamée ou du droit revendiqué par ses soins, en l'espèce, des salaires impayés pour une période déterminée. Le moyen de droit invoqué par Madame c. L. pour fonder sa demande repose sur la qualification de la relation de travail ayant existée entre les parties pour la période litigieuse. En conséquence, la fin de non-recevoir tirée des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 soulevée par la S.A.R.L. A n'est pas fondée et ne pourra dès lors qu'être rejetée.
En application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé. Par ailleurs, l'article 1er de la loi n° 739 du même jour définit le salaire comme la rémunération contractuellement due au travailleur placé sous l'autorité d'un employeur, en contrepartie du travail ou des services qu'il a accomplis au profit de ce dernier. Enfin, l'autorité reconnue à l'employeur consiste dans le pouvoir de donner des ordres et des directives à son salarié, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le cas échéant les manquements de celui-ci, ainsi placé sous sa subordination. Ces règles étant d'ordre public, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont pu donner à leur convention, mais seulement des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité du travailleur, notamment de la réalité ou de l'absence d'un lien de subordination. En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve. La seule pièce produite par Madame c. L. ne démontre en aucun cas une relation salariale. Il ne fait apparaître aucun lien de subordination, élément essentiel pour caractériser un contrat de travail. Bien au contraire, l'employeur fait état d'une difficulté concernant l'obtention des documents indispensables pour l'embauche de Madame c. L. Madame c. L. étant défaillante dans l'administration de la preuve, devra être déboutée de sa demande au titre de la date d'embauche au 28 mars 2017, ainsi que de sa prétention accessoire sur le rappel de salaire correspondant.
Les primes ou gratifications versées par l'employeur constituent un usage d'entreprise lorsqu'elles réunissent les trois critères de généralité, constance et fixité. Le versement d'une prime n'a un caractère obligatoire que si cette pratique constitue un usage dont la constance, la généralité et la fixité permettent d'établir la volonté non équivoque de l'employeur de s'engager envers ses salariés et de leur octroyer ainsi un avantage financier. Ces trois conditions sont cumulatives et si l'une d'entre elles fait défaut, il ne sera pas possible de présumer que l'employeur a souhaité accorder, en pleine connaissance de cause, un droit supplémentaire aux salariés par rapport à la loi, au statut collectif ou au contrat individuel de travail. C'est au salarié qui invoque l'usage d'apporter par tous moyens la preuve tant de son existence que de son étendue. Il ressort des pièces versées aux débats qu'aucun document contractuel ne prévoit le versement d'une quelconque prime. Aucun document contractuel ne prévoyant le versement de la prime revendiquée, il convient de vérifier si les conditions visées supra au titre de l'usage sont réunies. Pour devenir obligatoire pour l'employeur, il est nécessaire que l'avantage soit attribué un certain nombre de fois aux salariés d'une manière continue. Il n'existe pas de durée minimale durant laquelle l'avantage doit être octroyé. L'existence d'une prime exceptionnelle sur le bulletin de salaire du mois de juillet 2017 ne saurait caractériser le critère de la constance et l'obligation de l'employeur à ce titre dans la mesure où les critères repris supra sont cumulatifs. Madame c. L. sera dans ces circonstances déboutée de ce chef de demande.
Aux termes des dispositions de l'article 1 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, « le travailleur salarié, qui au cours de la période de référence telle que définie à l'article 6, justifie avoir été occupé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum d'un mois de travail effectif au sens de l'article 3, a droit à un congé dont la durée est déterminée à raison de deux jours et demi ouvrables par mois de travail sans que la durée du congé exigible puisse excéder trente jours ouvrables. ». Il résulte des articles 10 et 11 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 que l'indemnité afférente au congé, qui est égale à 1/10ème de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, ne pourra être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée. La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Cette faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est découlé. La persistance des manquements déjà sanctionnés autorise l'employeur à retenir lesdites fautes professionnelles antérieures, pour estimer la gravité des faits reprochés au salarié, et à justifier un licenciement reposant sur une appréciation globale de son comportement. L'employeur n'étant pas lié par le motif énoncé dans la lettre de licenciement est en droit d'invoquer des griefs non mentionnés dans celle-ci à la condition que ceux-ci soient également à l'origine de la rupture.
Les mêmes fautes professionnelles commises par un salarié ne sauraient justifier deux sanctions disciplinaires successives. Seule l'existence de nouveaux griefs ou la persistance des manquements déjà sanctionnés autorise l'employeur à retenir les fautes antérieures déjà sanctionnées, pour estimer la gravité des faits reprochés au salarié, et à justifier un licenciement reposant sur une appréciation globale de son comportement. En l'espèce, il n'est ni contesté ni contestable que Madame c. L. a reçu un avertissement par lettre en date du 11 août 2017 « pour absence non justifiée » le vendredi 11 août de 13 h 15 à 15 h 25. La salariée a ensuite été licenciée pour une absence du 12 août 2017, l'employeur rappelant que l'absence du 11 août n'avait toujours pas reçu la moindre justification. Il s'agit de toute évidence de deux faits distincts, certes de même nature, mais pouvant justifier, chacun, une sanction disciplinaire.
L'abandon de poste procède du départ d'un salarié dans des circonstances révélant la volonté claire et non équivoque de quitter son service sans autorisation de l'employeur et sans raison apparente, soit pendant le temps de travail, soit avant la fin de la journée de travail. L'abandon de poste sans qu'aucun motif valable n'ait été au préalable fourni à l'employeur, constitue, en principe, un juste motif de licenciement si ce n'est une faute grave. La même solution peut être adoptée du fait des conséquences préjudiciables produites ou du grave préjudice que l'abandon de poste aurait pu causer, ou bien encore lorsque celui-ci apparaît comme une attitude de défi, une opposition à l'employeur.
L'absence de Madame c.L. sur son lieu de travail à compter du 11 août 2017 n'était aucunement justifiée de sorte que l'abandon de poste reproché est caractérisé et constitue une faute grave. En définitive, en effet, il apparaît que la demanderesse a manqué de manière persistante aux obligations qui découlent de l'organisation générale de l'entreprise, en méconnaissant son obligation de justifier de ses absences et en s'abstenant de prévenir son employeur du motif légitime relatif à ses absences, étant par ailleurs précisé que les sanctions disciplinaires successives ont porté sur de nouveaux faits même s'ils étaient de la même nature ainsi qu'il a été indiqué supra. Il y a donc lieu de considérer le licenciement de Madame c.L. fondé sur un motif valable. Madame c.L. sera, de ce fait, déboutée de ses demandes financières subséquentes.
La demanderesse soulève la précipitation et la brutalité dont a fait preuve l'employeur, lesquelles ne sauraient être retenues. En effet, il a été retenu l'absence de précipitation de la défenderesse, eu égard aux intérêts de l'entreprise et des répercussions sur son organisation s'agissant d'une petite structure. Aucune brutalité ne saurait également être reprochée à l'employeur en l'état des éléments repris ci-dessus sur les circonstances de la rupture telles que détaillées au paragraphe sur la validité du licenciement. Il conviendra dans ces circonstances de débouter Madame c.L.de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 10 DÉCEMBRE 2020
En la cause de Madame c. L., demeurant « X1», 1 X1à CAP-D'AIL (06320) ;
Demanderesse, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 777 BAJ 17 des 16 mars 2018 et 7 février 2019, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Thomas BREZZO, avocat près la même Cour ;
d'une part ;
Contre :
La société à responsabilité limitée dénommée A, dont le siège social se situe X2à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 6 août 2018, reçue le 8 août 2018 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 24-2018/2019 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 13 novembre 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de Madame c. L. en date des 25 avril 2019, 17 octobre 2019 et 13 février 2020 ;
Vu les conclusions de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur au nom de la S. A. R. L. A, en date des 13 juin 2019 et 12 décembre 2019 ;
Après avoir entendu Maître Thomas BREZZO, avocat près la Cour d'appel de Monaco pour Madame c. L. et Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la même Cour pour la S. A. R. L. A, en leurs explications ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Madame c. L. a été embauchée par la société à responsabilité limitée A à compter du 8 juin 2017 en qualité de coiffeuse, en contrat à durée indéterminée.
Madame c. L. a fait l'objet d'un avertissement par courrier en date du 11 août 2017 pour une absence le même jour.
Par courrier en date du 14 août 2017, Madame c. L. a été licenciée pour faute grave au motif d'une absence sur son lieu de travail le 12 août 2017.
Par requête en date du 6 août 2018, reçue au greffe le 8 août 2018, Madame c. L. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
salaire pour la période du 28 mars 2017 au 8 juin 2017 : 4.001,60 euros,
indemnité 5 % monégasque : 200,08 euros,
prime de 10 % sur le chiffre d'affaires : 15.000 euros,
indemnité de licenciement : 344 euros,
indemnité compensatrice de congés payés : 894,40 euros,
dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en raison de la rupture abusive et brutale du contrat de travail : 30.000 euros,
intérêts de droit au taux légal à compter de la citation,
frais et dépens,
ordonner la remise des bulletins de salaire de mars à juin 2017, ainsi que du solde de tout compte, certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir.
Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Madame c. L. a déposé des conclusions les 25 avril et 17 octobre 2019 et 13 février 2020 dans lesquelles elle demande au Tribunal de :
«- déclarer recevable la demande de Madame L. tendant à la prise d'effet de son contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 mars 2017,
- déclarer nulle la pièce adverse n° 12,
- dire et juger que Madame c. L. a été employée selon contrat à durée indéterminée par la S. A. R. L. A à compter du 28 mars 2017,
- dire et juger que le licenciement de Madame c. L. ne repose sur aucun motif valable,
- dire et juger que le licenciement de Madame c. L. est abusif,
En conséquence,
- ordonner le rejet de la pièce n° 12 des débats,
- condamner la S. A. R. L. A à verser à Madame c. L. la somme de 4.001,60 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 28 mars 2017 au 8 juin 2017 outre les 5 % au titre de l'indemnité monégasque,
- condamner la S. A. R. L. A à verser à Madame c. L.894,40 euros au titre des congés payés,
- condamner la S. A. R. L. A à verser à Madame c. L.15.000 euros au titre de la prime de 10 % sur le chiffre d'affaires,
- condamner la S. A. R. L. A à régler à Madame c. L. la somme de 333,77 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- condamner la S. A. R. L. A à régler à Madame c. L. la somme de 30.000 euros à titre d'indemnité de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en raison de la rupture abusive du contrat de travail,
- ordonner la remise des bulletins de salaire de mars à juin 2017, ainsi que du solde de tout compte, certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, sur minute et avant enregistrement,
- assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de conciliation du Tribunal du Travail et ce jusqu'à parfait paiement,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- condamner la S. A. R. L. SALON A aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat- défenseur, sous sa due affirmation. ».
Madame c. L. fait essentiellement valoir que :
il ressort du courrier que lui a adressé l'employeur le 16 février 2018 qu'elle a effectivement travaillé pour son compte dès le 28 mars 2017 et qu'une période d'essai avait même été convenue entre les parties,
l'existence d'une période d'essai est totalement contradictoire avec l'exécution d'une prestation en free-lance,
il ressort d'une attestation du 28 août 2017 rédigée par Madame a. M. que cette dernière s'est rendue au salon par deux fois au cours du mois de mai 2017 où elle a bénéficié de ses services,
les parties ont convenu oralement du versement d'une prime sur le chiffre d'affaires à hauteur de 10 %,
le bulletin de salaire du mois de juillet 2017 fait apparaître une prime exceptionnelle de 102,90 euros en règlement de ladite prime,
sur le licenciement :
elle a fait l'objet d'un avertissement le 11 août 2017 par l'envoi d'une lettre ce même jour dès 15 h 25 pour une absence à partir de 13 h 15,
cet avertissement ne fut que la première phase annonçant son licenciement,
avant même qu'elle ne réceptionne l'avertissement du 11 août 2017, l'employeur lui a notifié son licenciement pour abandon de poste,
l'employeur l'a sanctionnée deux fois pour le même fait, à savoir son absence du 11 août 2017,
l'employeur ne peut fonder un licenciement pour une absence du samedi 12 août 2017 qui n'aurait pas été justifiée le 14 août suivant, soit le lundi,
l'employeur n'a même pas attendu l'expiration du délai de 48 heures dont dispose le salarié pour justifier d'une absence en cas de maladie,
à la date du licenciement, la persistance d'un comportement fautif de sa part n'était pas avérée,
le licenciement intervenu le 14 août 2017 constitue une double sanction pour une même faute, à savoir son absence injustifiée du 11 août 2017,
l'employeur a abusivement usé de son droit de licencier en manifestant une volonté univoque de se séparer d'elle de manière précipitée, sans le moindre égard ni le moindre dialogue,
l'employeur ne lui a pas laissé le temps de se justifier,
lorsque le licenciement a été décidé, elle n'avait même pas reçu l'avertissement du 11 août 2017,
dans la mesure où elle avait été en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel, son employeur aurait dû se montrer d'autant plus diligent à son égard et s'enquérir avec bienveillance de sa situation,
l'employeur a établi des documents de fin de contrat inexacts, ne faisant pas apparaître la date réelle de son embauche,
elle a vu sa demande à Pôle Emploi concernant l'aide au retour de l'emploi refusée au motif qu'elle ne justifiait ni d'un nombre suffisant de jours d'affiliation, ni d'un nombre d'heures de travail suffisant, ce qui n'aurait pas été le cas si les déclarations avaient été faites conformément à la réalité des faits,
ces agissements ont conduit à la fermeture de son compte bancaire et à des demandes de recouvrement par des huissiers de justice,
elle n'a pu continuer à rembourser un prêt auprès des Caisses Sociales de Monaco,
elle a également subi un préjudice moral important.
La S. A. R. L. A a déposé des conclusions les 13 juin 2019 et 12 décembre 2019 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et demande de voir déclarer irrecevable la demande de Madame c. L. tendant à voir modifier la date de prise d'effet de son contrat de travail au 28 mars 2017 au lieu du 8 juin 2017.
Elle soutient essentiellement que :
sur la demande nouvelle présentée par Madame c. L. :
Madame c. L. n'a pas sollicité dans sa requête introductive d'instance, pas plus que devant le bureau de conciliation, la modification de la date de prise d'effet de son contrat de travail à compter du 28 mars 2017 au lieu du 8 juin 2017,
cette prétention n'a été formulée que postérieurement à la tentative de conciliation par voie de conclusions,
Madame c. L. devra dès lors être déboutée de ses demandes indemnitaires à ce titre en ce qu'elles sont dépourvues de tout fondement juridique,
il en sera de même pour la demande de Madame c. L. tendant à se faire remettre les bulletins de paye pour la période de mars à juin 2017, ainsi que les documents de fin de contrat visant cette période,
subsidiairement, sur la date de début du contrat :
elle a, dès le mois de mars, proposé à Madame c. L. de l'embaucher aux termes d'un contrat salarié à durée indéterminée que cette dernière a refusé,
Madame c. L. a exprimé son souhait de travailler en « free-lance » à son compte, pour continuer de s'occuper de ses clients à domicile et percevoir des versements en espèces,
elle a temporairement accepté cette situation dans l'attente que Madame c. L. se stabilise et soit en mesure de lui fournir les documents nécessaires à son embauche, qu'elle n'a obtenus qu'au début du mois de juin 2017,
au moment de la signature de sa demande d'autorisation d'embauchage, Madame c. L. n'a pas contesté la date de prise d'effet de son contrat de travail fixée au 8 juin 2017,
pour la période du 28 mars 2017 au 6 juin 2017, Madame c. L. a été payée en espèces conformément à sa demande,
dans son courrier de contestation de son solde de tout compte, la demanderesse ne formule aucune demande de paiement au titre de la période du 28 mars au 6 juin 2017,
sur le licenciement :
l'absence injustifiée de la salariée du vendredi 11 août 2017 a été sanctionnée par un avertissement,
Madame c. L. ne conteste pas cette absence et n'apporte aucune explication sur la cause de cette absence,
en cas d'absence, c'est le salarié qui a le devoir d'informer son employeur dans les meilleurs délais de la cause de son absence et non à l'employeur de tenter d'obtenir des explications de son salarié,
la persistance des manquements de la salariée en ce qu'elle ne s'est pas présentée à son travail le samedi 12 août 2017, pas plus que le lundi 14 août 2017, et qu'elle ne l'a pas informée des causes de cette absence non délimitée, a été considérée comme un abandon de poste constitutif d'une faute grave,
peu importe que Madame c. L. n'ait pas reçu la lettre d'avertissement ; il lui était parfaitement loisible d'informer son employeur à tout moment et par tout moyen de son absence et des causes de celle-ci, sans attendre la réception d'un courrier de la part de son employeur,
elle a parfaitement respecté le délai de 48 heures prévu par l'avenant n° 18 de la Convention Collective Nationale du Travail pour justifier d'une absence pour cause de maladie dans ce délai,
elle ignorait la cause de l'arrêt de travail de Madame c. L. du 1er au 8 août 2017, aucune mention à ce titre ne devant figurer sur la feuille d'arrêt maladie, cette information relevant du secret médical,
l'absence injustifiée de la demanderesse l'a contrainte à annuler ou reporter au dernier moment les clientes qui devaient être reçues par celle-ci ou en faire recevoir certaines, sous réserve de leur acceptation, par Madame P. la Gérante,
durant le court laps de temps de la relation de travail, elle a pu constater un manque de sérieux et de professionnalisme de Madame c. L.
certaines clientes ne voulaient plus être coiffées par cette dernière,
la lettre de licenciement a été adressée le 14 août 2017 et reçue par Madame c. L. le 18 août 2017 ; dans l'intervalle, la salariée ne s'est ni présentée à son travail, ni n'a justifié de son absence,
l'organisation d'un entretien préalable n'étant pas obligatoire à Monaco, elle n'a commis aucune faute en s'abstenant de convoquer Madame c. L.à cette fin,
dès le mois d'octobre 2017, la demanderesse a retrouvé un travail au sein du salon B.
SUR CE,
Sur la nullité de la pièce n° 12 produite par la défenderesse
Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :
1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;
2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;
3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;
4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;
5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;
6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. ».
La pièce n° 12 est constituée par une attestation rédigée par Madame h. K. laquelle ne comporte pas la mention figurant au 5ème paragraphe visé ci-dessus, de sorte que son omission devra en entraîner la nullité.
Le Tribunal relève que la défenderesse produit une attestation régularisée de Madame h. K. et qui comporte l'ensemble des mentions exigées par l'article 324 du Code de procédure civile.
Sur la demande de Madame c. L. tendant à voir reconnaître sa date d'embauche au 28 mars 2017
En application de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, le bureau de jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum.
Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er précité.
Madame c. L. demande au Tribunal de dire et juger qu'elle a été employée selon contrat à durée indéterminée par la S. A. R. L. A à compter du 28 mars 2017.
L'article 37 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 exige que la convocation en conciliation contienne l'indication de l'objet de la demande, c'est-à-dire, l'énoncé de la chose réclamée ou du droit revendiqué.
Dans sa requête initiale, Madame c. L. a demandé la condamnation de la société défenderesse à lui payer, notamment, les salaires pour la période du 28 mars 2017 au 8 juin 2017, soit la somme de 4.001,60 euros.
Aucune disposition législative ou réglementaire n'imposant au demandeur d'expliciter, dès le stade de la saisine du bureau de conciliation, les moyens de droit qu'il entend développer à l'appui de ses prétentions, Madame c. L. a satisfait aux obligations qui lui étaient imparties par l'article 37 de la loi n° 446, en fournissant au secrétaire du Tribunal du Travail, outre ses nom, profession et domicile, l'indication de l'objet de sa demande, c'est-à-dire l'énoncé de la chose réclamée ou du droit revendiqué par ses soins, en l'espèce, des salaires impayés pour une période déterminée.
Le moyen de droit invoqué par Madame c. L. pour fonder sa demande repose sur la qualification de la relation de travail ayant existée entre les parties pour la période litigieuse.
En conséquence, la fin de non-recevoir tirée des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 soulevée par la S. A. R. L. A n'est pas fondée et ne pourra dès lors qu'être rejetée.
Sur la date d'embauche
En application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé.
Par ailleurs, l'article 1er de la loi n° 739 du même jour définit le salaire comme la rémunération contractuellement due au travailleur placé sous l'autorité d'un employeur, en contrepartie du travail ou des services qu'il a accomplis au profit de ce dernier.
Enfin, l'autorité reconnue à l'employeur consiste dans le pouvoir de donner des ordres et des directives à son salarié, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le cas échéant les manquements de celui-ci, ainsi placé sous sa subordination.
Ces règles étant d'ordre public, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont pu donner à leur convention, mais seulement des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité du travailleur, notamment de la réalité ou de l'absence d'un lien de subordination.
En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
Il appartient en conséquence au Tribunal de rechercher si Madame c. L. a effectivement réalisé un travail pour le compte de la S. A. R. L. A, si ce travail a été effectué moyennant le paiement d'un salaire et si Madame c. L. s'est effectivement trouvée en état de subordination à l'égard de la première nommée, la subordination juridique se caractérisant comme précisé supra.
Madame c. L. soutient ainsi avoir été liée par un contrat de travail avec la défenderesse à compter du 28 mars 2017.
Il n'est pas contesté par la S. A. R. L. A que Madame c. L. est intervenue pour le compte de la première, seule la qualification de cette intervention étant discutée.
Pour établir sa qualité de salarié, Madame c. L. produit aux débats :
un courrier en date du 16 février 2018 qui lui a été adressé par l'employeur, ainsi libellé :
« Madame,
Nous faisons suite à votre courrier reçu le 8 février 2018, ou vous nous accusez sur différent point :
Vous notifiez votre nouvelle adresse : nous n'avons jamais reçu votre nouvelle adresse sis à Cap d'Ail officiellement, vous aviez déménager courant juillet 2017, vous ne nous l'avez jamais notifié ni auprès de nous ni auprès de notre comptable. Nous l'avons obtenu grâce a nos échanges courrier lors de votre abandon de poste courant août 2017.
Vous parlez d'un calcul nous souhaiterions savoir de qu'elle calcule injustifiée vous demandez.
Vous parler de congés effectivement vous les avez pris, une après-midi par ci une journée pour par la.
J'ai le double de votre attestation ASSEDIC signé par vous-même je la joint la copie à ce courrier.
Pour votre période de travaille du 28 mars au 8 juin 2017, après votre période d'essai vous avez voulu travaillé à votre convenance en free lance, afin de régler des problèmes personnelles. J'ai insisté plusieurs fois pour vous embauchez, mais vous aviez toujours un problème d'adresse, de papiers ... etc après plusieurs demandes j'ai enfin pu obtenir vos papiers afin vous déclarer le 8 juin 2017. D'ailleurs vous nous avez donné une adresse sur Beausoleil ou vous n'habitiez pas alors que vous sous louiez à Monaco X3 chez une de vos clientes.
Cordialement ».
Il s'agit de la seule pièce produite par Madame c. L. lequel ne démontre en aucun cas une relation salariale.
Il ne fait apparaître aucun lien de subordination, élément essentiel pour caractériser un contrat de travail.
Bien au contraire, l'employeur fait état d'une difficulté concernant l'obtention des documents indispensables pour l'embauche de Madame c. L.
Madame c. L. étant défaillante dans l'administration de la preuve, devra être déboutée de sa demande au titre de la date d'embauche au 28 mars 2017, ainsi que de sa prétention accessoire sur le rappel de salaire correspondant.
Sur la prime de 10 % sur le chiffre d'affaires
Les primes ou gratifications versées par l'employeur constituent un usage d'entreprise lorsqu'elles réunissent les trois critères de généralité, constance et fixité.
Le versement d'une prime n'a un caractère obligatoire que si cette pratique constitue un usage dont la constance, la généralité et la fixité permettent d'établir la volonté non équivoque de l'employeur de s'engager envers ses salariés et de leur octroyer ainsi un avantage financier.
Ces trois conditions sont cumulatives et si l'une d'entre elles fait défaut, il ne sera pas possible de présumer que l'employeur a souhaité accorder, en pleine connaissance de cause, un droit supplémentaire aux salariés par rapport à la loi, au statut collectif ou au contrat individuel de travail.
C'est au salarié qui invoque l'usage d'apporter par tous moyens la preuve tant de son existence que de son étendue.
Il ressort des pièces versées aux débats qu'aucun document contractuel ne prévoit le versement d'une quelconque prime.
Aucun document contractuel ne prévoyant le versement de la prime revendiquée, il convient de vérifier si les conditions visées supra au titre de l'usage sont réunies.
Pour devenir obligatoire pour l'employeur, il est nécessaire que l'avantage soit attribué un certain nombre de fois aux salariés d'une manière continue.
Il n'existe pas de durée minimale durant laquelle l'avantage doit être octroyé.
L'existence d'une prime exceptionnelle sur le bulletin de salaire du mois de juillet 2017 ne saurait caractériser le critère de la constance et l'obligation de l'employeur à ce titre dans la mesure où les critères repris supra sont cumulatifs.
Madame c. L. sera dans ces circonstances déboutée de ce chef de demande.
Sur l'indemnité de congés payés
Aux termes des dispositions de l'article 1 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, « le travailleur salarié, qui au cours de la période de référence telle que définie à l'article 6, justifie avoir été occupé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum d'un mois de travail effectif au sens de l'article 3, a droit à un congé dont la durée est déterminée à raison de deux jours et demi ouvrables par mois de travail sans que la durée du congé exigible puisse excéder trente jours ouvrables. ».
Il résulte des pièces produites par les parties et notamment des bulletins de salaire pour la période travaillée que Madame c. L. a acquis 5,62 jours de congés pendant la relation de travail de neuf semaines, arrondis à six jours (neuf semaines/quatre semaines x 2,5 jours).
Il résulte des articles 10 et 11 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 que l'indemnité afférente au congé, qui est égale à 1/10ème de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, ne pourra être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
En prenant la règle du dixième telle que retenue par la demanderesse :
rémunération totale perçue pendant la période de référence : 3.261,82 euros,
1/10ème de la rémunération totale : 326,18 euros.
Madame c. L. ayant perçu une somme de 21,47 euros à titre d'indemnité de congés payés, il lui reste dû un solde de 304,71 euros en brut, avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoires de salaire.
Sur le motif de la rupture
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée.
La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis.
Cette faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est découlé.
La persistance des manquements déjà sanctionnés autorise l'employeur à retenir lesdites fautes professionnelles antérieures, pour estimer la gravité des faits reprochés au salarié, et à justifier un licenciement reposant sur une appréciation globale de son comportement.
En l'espèce, Madame c. L. a été licenciée par lettre du 14 août 2017 pour le motif suivant :
« Madame,
Sans réponse de votre part par justificatif d'absence depuis le 11 aout 13 h 15 heure normalement de votre retour de pause qui avait été prise a 12 h 15, et par votre absence du 12 Aout 2017 ou vous ne vous etes pas présenter ce qui a été préjudiciable pour l'organisation des rendez vous de notre salon, nous sommes dans l'obligation de vous licencier pour abandon de poste faute grave.
(...) ».
L'employeur n'étant pas lié par le motif énoncé dans la lettre de licenciement est en droit d'invoquer des griefs non mentionnés dans celle-ci à la condition que ceux-ci soient également à l'origine de la rupture.
L'employeur évoque dans ses écritures un motif supplémentaire de licenciement, à savoir « la dégradation du comportement général de Madame c. L. depuis son embauche. ».
Il appartient ainsi à l'employeur de démontrer que ce nouveau grief, non visé dans la lettre de rupture, aurait également été à l'origine du licenciement.
L'employeur ne démontre pas avoir licencié Madame c. L. pour les faits repris dans ses écritures en pages 15 à 17, les pièces qu'il produit émanant pour l'essentiel d'anciens employeurs de la demanderesse et ne se rapportant pas à la relation de travail litigieuse.
En outre, aucun élément ne permet de rattacher ces faits aux griefs visés dans la lettre de licenciement.
Il n'y a donc pas lieu de retenir les « autres motifs dont entend faire état l'employeur » dans ses écritures.
Les mêmes fautes professionnelles commises par un salarié ne sauraient justifier deux sanctions disciplinaires successives. Seule l'existence de nouveaux griefs ou la persistance des manquements déjà sanctionnés autorise l'employeur à retenir les fautes antérieures déjà sanctionnées, pour estimer la gravité des faits reprochés au salarié, et à justifier un licenciement reposant sur une appréciation globale de son comportement.
En l'espèce, il n'est ni contesté ni contestable que Madame c. L. a reçu un avertissement par lettre en date du 11 août 2017 « pour absence non justifiée » le vendredi 11 août de 13 h 15 à 15 h 25.
La salariée a ensuite été licenciée pour une absence du 12 août 2017, l'employeur rappelant que l'absence du 11 août n'avait toujours pas reçu la moindre justification.
Il s'agit de toute évidence de deux faits distincts, certes de même nature, mais pouvant justifier, chacun, une sanction disciplinaire.
L'abandon de poste procède du départ d'un salarié dans des circonstances révélant la volonté claire et non équivoque de quitter son service sans autorisation de l'employeur et sans raison apparente, soit pendant le temps de travail, soit avant la fin de la journée de travail.
L'abandon de poste sans qu'aucun motif valable n'ait été au préalable fourni à l'employeur, constitue, en principe, un juste motif de licenciement si ce n'est une faute grave.
La même solution peut être adoptée du fait des conséquences préjudiciables produites ou du grave préjudice que l'abandon de poste aurait pu causer, ou bien encore lorsque celui-ci apparaît comme une attitude de défi, une opposition à l'employeur.
Le Tribunal relève que Madame c. L. ne conteste pas les absences qui lui sont reprochées mais fait le reproche à son employeur d'avoir agi avec précipitation sans avoir tenté d'obtenir des explications sur celles-ci.
Il convient de rappeler à la demanderesse qu'il appartient au salarié qui s'absente d'en informer l'employeur par tout moyen, et ce, dans le délai de 48 heures prévu tant par l'article 8 de l'avenant 18 de la Convention collective du travail étendu par Arrêté Ministériel du 26 octobre 1981 que de la jurisprudence en matière sociale ; cette obligation ne visant que les absences pour cause de maladie.
Force est de constater en l'espèce que les absences litigieuses ne sont toujours pas justifiées par la demanderesse, de sorte qu'elle ne saurait faire grief à l'employeur d'avoir agi avec précipitation, ce dernier devant agir au mieux des intérêts de son entreprise, dans le respect des dispositions sociales.
Il convient donc d'en déduire que l'absence de Madame c. L. sur son lieu de travail à compter du 11 août 2017 n'était aucunement justifiée de sorte que l'abandon de poste reproché est caractérisé et constitue une faute grave.
En définitive, en effet, il apparaît que la demanderesse a manqué de manière persistante aux obligations qui découlent de l'organisation générale de l'entreprise, en méconnaissant son obligation de justifier de ses absences et en s'abstenant de prévenir son employeur du motif légitime relatif à ses absences, étant par ailleurs précisé que les sanctions disciplinaires successives ont porté sur de nouveaux faits même s'ils étaient de la même nature ainsi qu'il a été indiqué supra .
Il y a donc lieu de considérer le licenciement de Madame c. L. fondé sur un motif valable.
Madame c. L. sera, de ce fait, déboutée de ses demandes financières subséquentes.
Sur le caractère abusif du licenciement
Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.
En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.
Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.
Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper ».
L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé.
Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.
Madame c. L. ne fait état d'aucun motif fallacieux et ne démontre pas avoir été licenciée pour un autre motif que celui figurant dans la lettre de rupture.
La demanderesse soulève également la précipitation et la brutalité dont a fait preuve l'employeur, lesquelles ne sauraient être retenues.
En effet, il a été retenu supra l'absence de précipitation de la défenderesse, eu égard aux intérêts de l'entreprise et des répercussions sur son organisation s'agissant d'une petite structure.
Aucune brutalité ne saurait également être reprochée à l'employeur en l'état des éléments repris ci-dessus sur les circonstances de la rupture telles que détaillées au paragraphe sur la validité du licenciement.
Il conviendra dans ces circonstances de débouter Madame c. L. de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Sur les dépens
Chacune des parties succombant partiellement en leurs demandes, elles conserveront à leur charge leurs propres dépens.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Prononce la nullité de la pièce n° 12 produite par la société à responsabilité limitée A ;
Rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par la S. A. R. L. A au titre de la demande présentée par Madame c. L. tendant à voir retenir une date d'embauche au 28 mars 2017 ;
Condamne la S. A. R. L A à payer à Madame c. L. la somme brute de 304,71 euros (trois cent quatre euros et soixante et onze centimes) à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire ou accessoires de salaire ;
Dit que le licenciement de Madame c. L. par la S. A. R. L. A repose sur un motif valable et ne revêt pas un caractère abusif ;
Déboute Madame c. L. du surplus de ses demandes ;
Dit que chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Alain HACHE, Francis GRIFFIN, membres employeurs, Messieurs Bernard ASSO, Marc RENAUD, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le dix décembre deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Alain HACHE, Francis GRIFFIN, Bernard ASSO et Marc RENAUD, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.