Tribunal du travail, 22 octobre 2020, Monsieur t. D. c/ La SAM A
Abstract🔗
Licenciement – Faute grave (oui) – Motif valable (oui) – Caractère abusif (non)
Résumé🔗
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée. La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Cette faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est découlé. Le vol ou le détournement de marchandises commis au préjudice de son employeur par un salarié constitue en principe une faute grave. La faute entraînant des conséquences importantes sur le fonctionnement de l'entreprise, portant atteinte à l'image de marque de l'entreprise ou mettant en cause la réputation de l'entreprise justifie la rupture du contrat de travail. En l'espèce, même si aucune consigne particulière n'avait été donnée par l'employeur avant le 30 janvier 2018, Monsieur t. D. s'est cru autorisé à prendre un nombre considérable de meubles, au détriment de ses collègues, dépassant ainsi le cadre normal de ce que chaque salarié peut être autorisé à emporter et justifiant ainsi le licenciement pour faute grave du demandeur.
Monsieur t. D. ne démontre pas avoir été licencié pour un autre motif que celui contenu dans la lettre de rupture. Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper. ».
Le Tribunal relève que Monsieur t. D. ne fait état d'aucun motif fallacieux justifiant l'indemnisation d'un quelconque préjudice financier. Dès lors, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement. Bien plus, Monsieur t.D.ne développe aucune argumentation sur un quelconque abus de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement (précipitation, brutalité, légèreté blâmable, licenciement particulièrement vexatoire). Il fait seulement état d'un chantage de l'employeur lors de l'entretien du 2 février 2018, aux termes duquel il lui aurait été demandé de démissionner et qu'à défaut, la société déposerait plainte à son encontre. Pour le démontrer, le demandeur produit un document dactylographié en pièce n° 4, qu'il attribue à Monsieur j-m. B., Délégué du Personnel, l'ayant assisté lors de cet entretien. Or, force est de constater que le Tribunal est dans l'impossibilité d'accréditer la thèse de Monsieur t. D. dans la mesure où le nom de l'auteur de ce compte-rendu n'y est pas mentionné et qu'aucune signature n'y est apposée. Aucune faute ne peut dès lors être reprochée à l'employeur dans la mise en œuvre et les circonstances entourant le licenciement. Monsieur t. D. sera dans ces circonstances débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 22 OCTOBRE 2020
En la cause de Monsieur t. D., demeurant X1 à NICE (06300) ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Emmanuelle ASSO, avocat au barreau de Grasse ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque A, dont le siège social se situe X2 à MONACO,
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie MARQUET, avocat près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les requêtes introductives d'instance en date des 13 juin 2018 et 11 novembre 2019, respectivement reçues les 18 juin 2018 et 13 novembre 2019 ;
Vu les procédures enregistrées sous les numéros 8-2018/2019 et 32-2019/2020 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 10 juillet 2018 et 3 décembre 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur t. D. déposées les 4 octobre 2018, 9 mai 2019, 16 janvier 2020 et 29 avril 2020 ;
Vu les conclusions de Maître Sophie MARQUET, avocat au nom de la SAM A, en date des 7 février 2019, 11 juillet 2019, 12 mars 2020 et 7 juillet 2020 ;
Après avoir entendu Maître Emmanuelle ASSO, avocat au barreau de Grasse pour la Monsieur t. D. et Maître Sophie MARQUET, avocat près la Cour d'appel de Monaco pour la SAM A, en leurs observations ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur t. D. a été embauché par la SAM A en contrat à durée déterminée, du 5 avril 2004 au 30 septembre 2004 en qualité de Bagagiste/Voiturier.
Un second contrat à durée déterminée a été conclu le 22 septembre 2004.
Par lettre d'engagement du 1er octobre 2005, Monsieur t. D. a été embauché aux mêmes fonctions à durée indéterminée.
Du 30 octobre 2017 au 1er avril 2018, la SAM A a entrepris des travaux de rénovation et elle a entreposé une partie de son matériel et mobilier sur les emplacements nos 258 et 265 à 268 du situé X3.
Le 2 février 2018, Monsieur t. D. ainsi que six autres salariés étaient convoqués par la direction suite à la disparition de mobiliers et matériels divers.
Le 5 février 2018, Monsieur t. D. a fait l'objet d'un arrêt maladie. Il a repris ses fonctions le 18 avril 2018, date à laquelle il a été victime d'un accident du travail. L'arrêt de travail a été renouvelé jusqu'au 8 juin 2016.
Par courrier en date du 7 mai 2018, Monsieur t. D. a été licencié pour faute grave (vol d'une trentaine de chaises entreposées dans le parking).
Par requête en date du 13 juin 2018 reçue au greffe le 18 juin 2018, Monsieur t. D. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
le paiement du préavis : 4.092 euros,
les congés payés sur préavis : 409,20 euros,
l'indemnité de congédiement : 8.184 euros,
l'indemnité de licenciement : 13.749 euros,
la modification des feuilles ASSEDIC,
dommages et intérêts pour préjudice moral et licenciement abusif : 30.000 euros,
les intérêts de droit,
l'exécution provisoire,
les indemnités pour frais de procédure : 3.000 euros.
Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
Par requête en date du 11 novembre 2019, reçue au greffe le 13 novembre 2019, Monsieur t. D. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
le paiement du préavis : 4.495 euros,
les congés payés sur préavis : 449,50 euros,
l'indemnité de congédiement : 8.607 euros,
l'indemnité de licenciement : 15.193 euros,
la remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
dommages et intérêts pour préjudice moral et préjudice financier : 30.000 euros,
les intérêts de droit,
l'exécution provisoire.
Monsieur t. D. a déposé des conclusions les 4 octobre 2018, 9 mai 2019, 16 janvier 2020 et 29 avril 2020 dans lesquelles il maintient ses demandes et sollicite en outre la jonction des procédures faisant suite aux citations des 10 juillet 2018 et 3 décembre 2019.
Il fait essentiellement valoir que :
à l'issue de l'entretien du 2 février 2018, aucune sanction ne lui a été notifiée et la direction l'a invité à reprendre son service,
les six autres salariés ayant été reçus le 2 février 2018 n'ont pas été licenciés,
les explications qu'il a données sont corroborées par Monsieur g. F. mais également par le courriel de Madame c. DR. du 31 janvier 2018 qui confirme que certains meubles étaient à disposition des salariés qui pouvaient en prendre possession sur leur temps de travail,
il a toujours indiqué avoir pris le matériel avec l'accord de sa hiérarchie, mais que dans l'hypothèse d'une mauvaise compréhension, il était disposé à restituer le matériel à son employeur,
le temps écoulé entre l'entretien et le prononcé du licenciement s'oppose à ce que la faute retenue soit qualifiée de grave,
les évènements des 25, 26 et 27 janvier 2018, non visés dans la lettre de licenciement, ne sont pas de nature à justifier son licenciement, alors que l'employeur indique en avoir connaissance depuis le mois d'avril ; ce dernier a estimé ainsi que les faits des 25, 26 et 27 janvier 2018 n'étaient pas fautifs,
depuis le 25 janvier 2018, le personnel avait reçu l'autorisation de prendre des meubles entreposés dans le parking,
le courriel précisant les heures d'enlèvement du matériel n'a été transmis que le 30 janvier pour la période du 31 janvier au 4 février 2018 ; par conséquent, avant cette date, il était loisible aux salariés de se rendre sur place à tout moment (attestation de Monsieur m. T. Agent de Maintenance),
en débarrassant les meubles, les salariés vidaient les box des parkings pour permettre la réalisation des opérations de rénovation,
ses fonctions de Voiturier/Bagagiste expliquent sa présence sur les vidéos examinées par l'employeur et la présence anecdotique des autres salariés dont le lieu de travail n'est pas le parking,
il connaissait l'existence des caméras de vidéosurveillance dans le parking et il n'aurait pas pris le risque de voler les meubles en sachant qu'il allait être repéré par les caméras,
le licenciement intervenu alors qu'il était en arrêt maladie est abusif,
la SAM A a usé de chantage en indiquant qu'à défaut de démission, elle déposerait plainte contre lui,
suite à l'entretien du 2 février 2018 et aux accusations graves dont il a fait l'objet, il est suivi par le Docteur RO. et s'est vu prescrire des psychotropes,
il subit un préjudice moral et financier suite à la perte de son emploi.
La SAM A a déposé des conclusions les 7 février 2019, 11 juillet 2019, 12 mars 2020 et 7 juillet 2020 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite également du Tribunal de prononcer la nullité des pièces adverses nos 7 à 11, en ce qu'elles ne respectent pas les exigences de l'article 324 du Code de procédure civile.
La SAM A soutient essentiellement que :
il ressort des images de vidéosurveillance que Monsieur t. D. a, du 25 au 29 janvier 2018 à tout le moins, mis de côté et procédé à l'enlèvement du mobilier de l'hôtel et ce, sans autorisation commettant ainsi des actes de vol à l'encontre de son employeur,
Monsieur t. D. a agi pendant son temps de travail,
en procédant, sans autorisation et de sa propre initiative, à l'enlèvement du mobilier litigieux, Monsieur t. D. a, au mieux, induit en erreur d'autres salariés, leur laissant penser qu'il était autorisé à prendre du matériel, et au pire, les a incités activement à disposer du matériel, afin de ne pas être le seul salarié impliqué,
il ressort des pièces produites qu'une rumeur, qui a débuté le vendredi 26 janvier 2018, soit au lendemain des premiers agissements de Monsieur t. D. circulait au sein de l'hôtel, incitant les salariés à adopter le même comportement que le demandeur,
jusqu'au soir du 27 janvier 2018, Monsieur t. D. est le seul individu apparaissant sur les images de vidéosurveillance en train de mettre de côté du mobilier et de charger ledit mobilier dans des véhicules,
Monsieur t. D. a adopté une attitude désinvolte et malhonnête une fois confronté à ses agissements,
au contraire des autres salariés qui se sont excusés de leur incompréhension, Monsieur t. D. a, de parfaite mauvaise foi, soutenu avoir obtenu une prétendue autorisation de la direction,
l'employeur n'étant pas lié par le motif énoncé dans la lettre de licenciement, elle peut invoquer de nouveaux griefs à condition que ces derniers soient également à l'origine de la rupture,
les faits des 25, 26 et 27 janvier 2018 sont précisément les mêmes que ceux expressément visés dans la lettre de licenciement,
dans le cadre des deux requêtes adressées les 14 février 2018 et 13 août 2018, elle sollicitait que le constat d'Huissier porte sur la période du 22 au 31 janvier 2018, de sorte qu'à l'évidence, les griefs reprochés à Monsieur t. D. ne concernaient pas uniquement les faits du 29 janvier 2018,
compte-tenu des difficultés procédurales qu'elle a rencontrées pour obtenir la copie desdites images et leur constat par Huissier, seule la date du 29 janvier 2018 était mentionnée dans le courrier de licenciement,
cette date correspond aux seuls faits reconnus à l'époque par Monsieur t. D. lors de l'entretien du 2 février 2018,
ce n'est que le 30 janvier 2018 que les salariés ont reçu l'email dont Monsieur t. D. tente de se prévaloir, les autorisant à disposer du mobilier identifié uniquement à compter du 31 janvier 2018 à partir de 17 heures,
la sortie du mobilier était conditionnée par :
une autorisation préalable générale et écrite,
l'intervention de Madame c. DR. et de n., auprès de qui les salariés devaient se manifester afin de les informer du mobilier choisi par leur soin,
l'édition d'une liste de sortie du mobilier,
un enlèvement sur des jours et plages horaires spécifiques,
cette procédure avait pour but de s'assurer que seul le mobilier expressément identifié serait mis à disposition du personnel et pourrait être enlevé, et permettait de définir un cadre précis afin que l'ensemble des salariés ait la possibilité de bénéficier du mobilier mis à disposition,
avant le mail de Madame c. DR. il n'y avait tout simplement pas d'autorisation pour prendre le mobilier,
de fait, Monsieur t. D. a sorti du mobilier sans autorisation et sans respecter la procédure établie par la direction,
Monsieur t. D. ne démontre aucunement un quelconque accord de la direction quant à l'enlèvement du mobilier par les salariés, ni sur leur temps de travail, ni en dehors,
l'implication des autres salariés n'était pas fautive dans la mesure où :
ils ont été induits en erreur par Monsieur t. D.
ils ont pris du mobilier en des quantités bien inférieures à celles de Monsieur t. D.
ils ont pris du mobilier en dehors de leurs heures de travail,
ils ont présenté leurs excuses auprès de la direction,
elle a ainsi pu décider de ne pas les sanctionner disciplinairement,
ni l'absence de mise à pied conservatoire, ni l'existence d'un délai entre la découverte des faits et le licenciement ne font obstacle à l'existence d'une faute grave,
ce délai a été rendu nécessaire par les investigations diligentées afin d'apprécier les manquements commis et l'implication fautive des salariés concernés,
de plus, ce délai était sans conséquence eu égard à l'absence physique de Monsieur t. D. en l'état de la suspension de son contrat de travail pour maladie ; la mise à pied conservatoire n'avait ainsi pas lieu d'être,
ses investigations ont été compliquées par le fait que les images de vidéosurveillance appartenaient à un tiers, la copropriété « Y »,
elle a ainsi été contrainte de déposer une requête en compulsoire à l'encontre du poste de surveillance du parking, le 15 février 2018, laquelle a fait l'objet d'un rejet,
elle n'a obtenu l'autorisation du poste de surveillance pour le visionnage qu'au cours du mois d'avril 2018,
la simple invocation de la prétendue absence de motif valable du licenciement ne permet aucunement de caractériser l'existence d'un faux motif ou d'un motif fallacieux,
elle a régulièrement mis en œuvre le licenciement de Monsieur t. D. et est même allée au-delà de ses obligations légales,
le compte-rendu de Monsieur j-m. B. produit par Monsieur t. D. est sans aucune valeur probante dans la mesure où il ne porte nullement mention de son auteur, de son identité, ni même de sa signature.
SUR CE,
Sur la jonction
Il convient, conformément à l'article 59 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, d'ordonner la jonction des instances portant les numéros 8 de l'année judiciaire 2018/2019 et 32 de l'année judiciaire 2019/2020, dès lors qu'elles découlent d'un même contrat de travail.
Sur la nullité des pièces nos 7 et 11 produites par Monsieur t. D.
Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :
1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;
2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;
3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;
4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;
5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;
6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. ».
La pièce n° 7 est constituée par une attestation établie par Monsieur g. F.
La SAM A soutient que l'attestation de Monsieur g. F. ne fait pas état du domicile et de la profession de son auteur, ni des liens qu'entretient ce dernier avec les parties, ni encore de la mention relative à l'existence ou l'absence d'intérêt au procès.
Il apparaît en effet que les mentions prévues par le paragraphe 3 de l'article 324 du Code de procédure ne sont pas repris dans l'attestation de sorte que sa nullité devra être retenue.
La pièce n° 11 est constituée par une attestation établie par Monsieur m. T.
La SAM A soutient que l'attestation de Monsieur m. T. est nulle dans la mesure où les mentions imposées figurent sur un premier document et les éléments attestés sur un second document ne respectant pas les formes prévues par l'article 324 du Code de procédure civile.
Le document ainsi produit a été établi sur deux feuilles distinctes, ce qui ne correspond pas aux dispositions susvisées ; les déclarations du témoin et les mentions obligatoires devant apparaître sur un document unique, afin que ces dernières se rapportent expressément au contenu de l'attestation ainsi établie.
L'attestation de Monsieur m. T. sera dès lors annulée.
Sur le motif de la rupture
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée.
La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis.
Cette faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est découlé.
En l'espèce, Monsieur t. D. a été licencié par lettre du 7 mai 2018 ainsi libellée :
« Monsieur,
Je fais suite à notre entretien du vendredi 2 février 2018, qui s'est tenu dans le bureau de la Direction Générale en présence de votre Supérieure Hiérarchique, Madame v. C.- Directrice Hébergement, de M. j-f. M.- Directeur Financier et Ressources Humaines, et de moi-même.
Les points principaux qui justifiaient cet entretien, étaient les suivants :
Le 29 janvier 2018 vous avez été filmé par les caméras de vidéosurveillance du parking en train de charger, durant vos heures de travail, dans un véhicule utilitaire de type « fourgonnette » une trentaine de chaises appartenant à l'hôtel, stockées dans nos box parking, en attente de destination.
Vous avez immédiatement reconnu les faits, arguant que ces chaises étaient selon vous à la disposition du personnel.
Quand je vous ai fait remarquer qu'aucun élément probant ne pouvait justifier une telle action et que cela s'apparentait purement et simplement à du vol, vous vous êtes alors enferré dans une attitude de déni de la gravité des faits qui vous étaient reprochés et n'avez pas semblé prendre la mesure d'une telle situation.
(...).
Compte tenu de la nature des manquements à vos fonctions, la gravité des faits irréfutables et l'état d'esprit qui en découle nous démontre une fois de plus que votre attitude n'est plus en adéquation avec les valeurs de notre entreprise.
Ainsi, nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, sans même pouvoir vous l'annoncer de vive voix comme il est de rigueur dans notre entreprise.
(...). ».
Le vol ou le détournement de marchandises commis au préjudice de son employeur par un salarié constitue en principe une faute grave.
La faute entraînant des conséquences importantes sur le fonctionnement de l'entreprise, portant atteinte à l'image de marque de l'entreprise ou mettant en cause la réputation de l'entreprise justifie la rupture du contrat de travail.
En l'espèce, les faits reprochés ne sont pas contestés par le salarié, ce dernier estimant qu'il a agi avec l'autorisation de la direction et qu'il ne s'agit dès lors pas d'un vol.
Il est constant que suite aux travaux de rénovation de la SAM A du mobilier a été entreposé dans des box situé X3 et qu'une partie de ces meubles pouvait être récupérée par le personnel de l'hôtel.
Les pièces produites par les parties montrent que :
plusieurs salariés, dont Monsieur t. D. ont récupéré du mobilier entre le 25 et le 29 janvier 2018,
le 30 janvier 2018, Madame c. DR. adresse un courriel au personnel de l'hôtel, ayant pour objet « Mobilier donné au personnel », ainsi libellé :
« Bonjour à tous,
Les chambres des étages 4-5-6 (et une partie des étages 2 et 3) sont ou vont être vidées de leur mobilier qui est proposé gratuitement à l'ensemble du personnel sous contrat (et ensuite au personnel extra), d'ici la fin de semaine.
Si vous êtes intéressés, merci de revenir vers n. ou moi avec les objets choisis (tout n'est pas donné, certains objets sont gardés par l'hôtel).
Nous ferons une liste vous permettant de sortir le mobilier.
Le mobilier doit être uniquement enlevé sur les plages suivantes :
Mercredi 31 janvier uniquement entre 17h et 18h
Jeudi 1er février et vendredi 2 février entre 17h et 18h
Ou pendant le week-end (samedi et dimanche)
Les TV restent disponibles au prix de 40 €.
Merci aux chefs de service d'informer vos personnels.
n. et c. ».
les salariés pensaient pouvoir récupérer des meubles avant le 31 janvier 2018 ainsi qu'il résulte du courriel adressé par « g.» à Monsieur b. A. le 2 février 2018,
ce malentendu est confirmé par l'attestation établie par Madame z. K. Femme de Chambre à la SAM A :
« Le jeudi 25 janvier 2018 à la demande de ma responsable Mme P c. ainsi que sa supérieur C v. (responsable hébergement). Nous sommes aller au parking de l'Hôtel faire un point sur l'état et la place des contenus des box où été entreposé le mobilier.
Nous arrivons sur place P. C. et moi-même) et nous constatons que les box sont surchargés et qu'il n'y a plus de place pour déménager l'étage qui va être en travaux.
Mme C. V. donne l'autorisation à Mme P. C. de demander au personnel tous poste confondus de venir voir, si des pièces pouvai intéresser le personnel.
Ceci a été fait, pour les pièces légères qui pouver être transporter manuellement elle ont été prise sur place.
Pour les pièces plus lourdes matelas, chaises, commodes, elles on été marqués avec le nom de la personne.
Ceci dit, il y avait un box avec du mobilier, objet, etc (...).
Qui était marqué « NE PAS TOUCHER » reserver à l'hôtel.
Je confirme que Monsieur D t. à pris seulement les pièces qui été pour le personnel.
Il est venu avec un véhicule, au regard de beaucoup de personne prendre le mobilier qui lui été destiner. ».
Il résulte de ces éléments que, même si aucune consigne particulière n'avait été donnée par l'employeur avant le 30 janvier 2018, Monsieur t. D. s'est cru autorisé à prendre un nombre considérable de meubles, au détriment de ses collègues, dépassant ainsi le cadre normal de ce que chaque salarié peut être autorisé à emporter et justifiant ainsi le licenciement pour faute grave du demandeur.
Sur le caractère abusif du licenciement
Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ; qu'il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve.
Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.
En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.
Le licenciement qui ne repose pas sur un motif valable n'ouvre droit à la réparation du préjudice matériel en résultant que lorsque l'employeur a commis un abus dans la prise de décision, soit par exemple en invoquant des motifs fallacieux ou encore en prononçant la rupture malgré l'absence de tout fondement légal, ce qui ne s'avère pas être le cas en l'espèce.
S'agissant d'un motif non valable, il n'est pas, pour autant, automatiquement fallacieux.
Monsieur t. D. ne démontre pas avoir été licencié pour un autre motif que celui contenu dans la lettre de rupture.
Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper. ».
Par ailleurs, le faux motif ne peut caractériser de facto l'abus de l'employeur ; à défaut, cela reviendrait à utiliser la notion française de « cause réelle et sérieuse » .
En effet, en droit français, un licenciement sans cause réelle et sérieuse (fondé sur un faux motif) est abusif et entraîne automatiquement l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
En droit monégasque, un licenciement fondé ou non sur des motifs valables peut ne pas être considéré comme abusif.
Eu égard à ces observations, le Tribunal relève que Monsieur t. D. ne fait état d'aucun motif fallacieux justifiant l'indemnisation d'un quelconque préjudice financier.
Dès lors, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.
Bien plus, Monsieur t. D. ne développe aucune argumentation sur un quelconque abus de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement (précipitation, brutalité, légèreté blâmable, licenciement particulièrement vexatoire).
Il fait seulement état d'un chantage de l'employeur lors de l'entretien du 2 février 2018, aux termes duquel il lui aurait été demandé de démissionner et qu'à défaut, la société déposerait plainte à son encontre.
Pour le démontrer, le demandeur produit un document dactylographié en pièce n° 4, qu'il attribue à Monsieur j-m. B., Délégué du Personnel, l'ayant assisté lors de cet entretien.
Or, force est de constater que le Tribunal est dans l'impossibilité d'accréditer la thèse de Monsieur t. D. dans la mesure où le nom de l'auteur de ce compte-rendu n'y est pas mentionné et qu'aucune signature n'y est apposée.
Aucune faute ne peut dès lors être reprochée à l'employeur dans la mise en œuvre et les circonstances entourant le licenciement.
Monsieur t. D. sera dans ces circonstances débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Sur les dépens
Partie succombante, Monsieur t. D. sera condamné aux dépens.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Ordonne la jonction des instances portant les numéros 8 de l'année judiciaire 2018/2019 et 32 de l'année judiciaire 2019/2020 ;
Prononce la nullité des attestations produites en pièces nos 7 et 11 par Monsieur t. D.;
Dit que le licenciement de Monsieur t. D. par la société anonyme monégasque A est fondé sur un motif valable et n'est pas abusif ;
Déboute Monsieur t. D. de toutes ses demandes ;
Condamne Monsieur t. D. aux dépens du présent jugement ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Diane GROULX, Monsieur Michel GRAMAGLIA, membres employeurs, Messieurs Fabrizio RIDOLFI, Thomas BONAFEDE, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le vingt-deux octobre deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Diane GROULX, Messieurs Michel GRAMAGLIA, Fabrizio RIDOLFI et Thomas BONAFEDE, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.