Tribunal du travail, 15 octobre 2020, Monsieur f. R. c/ SAM UBS MONACO

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Abstract🔗

Contrat de travail - Licenciement abusif - Rupture abusive (oui) - Dommages-intérêts (oui)

Résumé🔗

La Convention Collective du Travail du Personnel des Banques limite les cas dans lesquels le licenciement peut intervenir, soit à titre de sanction auquel cas une procédure doit être respectée, soit en cas de suppression d'emploi, soit en cas d'insuffisance professionnelle définie de manière restrictive ; étant relevé qu'un accord collectif peut parfaitement limiter les cas dans lesquels le licenciement peut être prononcé, et apporte, dans cette hypothèse, une dérogation à la loi ou aux principes posés par la jurisprudence, dans un sens plus favorable au salarié (« protection contre les risques sociaux » visée par l'article 1er de la loi n° 416 du 7 juin 1945).

Même si les juridictions sociales ont encadré l'application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, il n'en demeure pas moins que la notification de la cause du licenciement constitue un moyen pour le salarié d'assurer plus aisément la défense de ses intérêts notamment en Justice (la preuve de la validité du motif incombant à l'employeur et la preuve de l'abus qui incombe à l'employé étant le cas échéant facilitée par l'énonciation du motif), si bien que l'obligation Conventionnelle de se référer à un motif de rupture est nécessairement plus protectrice.

Le « risque d'être pénalisé dans la recherche d'un emploi » n'est pas inéluctable et ne peut être comparé sur un plan humain, juridique et pratique, à la possibilité de connaître les raisons de son congédiement.

En l'espèce, en licenciant Monsieur f. R. sans motif, faculté légale à laquelle il a été expressément dérogé par la Convention Collective du Travail du Personnel des Banques, la société UBS a commis une faute dans la mise en œuvre du licenciement, caractérisant un licenciement abusif.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 15 OCTOBRE 2020

En la cause de Monsieur f. R., demeurant X1à MONACO ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat près la même Cour ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée UBS MONACO S. A., dont le siège social se situe 2 avenue de Grande-Bretagne à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 15 mars 2017, reçue le 16 mars 2017 ; Vu la procédure enregistrée sous le numéro 73-2016/2017 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 25 avril 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur au nom de Monsieur f. R. en date des 11 janvier 2018, 7 février 2019, 15 novembre 2019 et 3 juin 2020 déposées le 4 juin 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. UBS MONACO S.A., en date des 4 octobre 2018, 13 juin 2019 et 12 mars 2020 ;

Après avoir entendu Maître Arnaud CHEYNUT, avocat près la Cour d'appel de Monaco pour Monsieur f. R. et Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la même Cour pour la S.A.M. UBS MONACO, en leurs observations ;

Vu les pièces du dossier ;

Monsieur f. R. a été embauché par la S.A.M. UBS MONACO S.A. (ci-après banque UBS) par contrat à durée indéterminée en date du 28 mai 2013, en qualité de Responsable Commercial, en charge du département Front office de la banque, au rang de Directeur Hors Classe, outre celle de Membre du Comité Exécutif et de Membre du Conseil d'Administration.

En 2014, Monsieur f. R. devient Responsable du Département « Wealth management ».

Il percevait une rémunération annuelle fixe brute de 400.000 euros (puis 414.730 euros en 2016), outre une rémunération variable prévue de la manière suivante :

  • pour 2013, une prime sur objectif («  target bonus ») dont le montant minimum garanti était fixé à 695.000 euros brut et une prime exceptionnelle pouvant atteindre jusqu'à 375.000 euros brut,

  • pour 2014 et les années suivantes, selon les modalités de calcul prévues par le contrat de travail et par référence aux plans de rémunération applicables au sein de la banque.

Pour l'année 2015, Monsieur f. R. a ainsi perçu la somme totale de 807.294,93 euros.

Cette même année, Monsieur f. R. est désigné Directeur Général Délégué de la banque et Responsable de l'orientation stratégique et de la Gestion de l'établissement.

Par courrier en date du 31 août 2016, remise en main propre à son retour de congés, Monsieur f. R. a été convoqué à un entretien préalable devant se tenir le 2 septembre suivant, en vue de son licenciement.

Monsieur f. R. a été licencié par courrier en date du 6 septembre 2016 sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, avec dispense d'exécution de son préavis expirant le 31 mars 2017.

Le salarié a contesté son licenciement par courrier en date du 26 septembre 2016.

L'employeur n'ayant pas apporté de réponse, le demandeur a adressé une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception à la banque le 28 octobre 2016, laquelle a suscité une réponse sur tous les points de contestation soulevés par le salarié.

Le 16 novembre 2016, dans la mesure où il avait retrouvé un emploi dans le secteur de la gestion d'actifs, Monsieur f. R. a demandé à la banque à être libéré de son préavis dans les meilleurs délais et au plus tard le 7 décembre 2016, date de sa fin légale et conventionnelle.

La banque va accepter cette requête par lettre du 6 décembre 2016.

Par requête en date du 15 mars 2017 reçue au greffe le 16 mars 2017, Monsieur f. R. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • dire et juger que son licenciement est nul,

  • dire et juger que le licenciement présente en outre un caractère abusif,

En conséquence,

  • condamner la société UBS à lui verser les sommes suivantes :

  • rappel au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement : 614.943,43 euros,

  • rappel de prime au titre de la performance réalisée en 2016 : 2.750.000 euros,

  • rappel au titre des primes allouées non encore versées : 993.764 euros,

  • rappel au titre de la prime de 14e mois versée en décembre 2016 : 878,41 euros,

  • dommages et intérêts pour licenciement abusif : 500.000 euros,

  • remboursement des frais et honoraires de conseil pendant la période de négociation : 14.437,46 euros,

  • dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 septembre 2016,

  • faire injonction à la société UBS de régulariser la situation auprès des organismes sociaux, de rectifier les bulletins de salaire et documents de fin de contrat sous quinzaine à compter du prononcé du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

  • ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Monsieur f. R. a déposé des conclusions les 11 janvier 2018, 7 février 2019, 15 novembre 2019 et 4 juin 2020 dans lesquelles il demande au Tribunal de :

  • déclarer les demandes reconventionnelles de la banque UBS (MONACO) irrecevables,

  • se déclarer incompétent pour connaître de la demande découlant de l'allégation d'agissements de concurrence déloyale,

  • déclarer irrecevables les pièces adverses nos 5 bis, 16, 17, 25 bis, 53, 54, 55 et 58 en application des dispositions de l'article 323 du Code de procédure civile,

  • et pour le moins les déclarer comme dépourvues de toute force probante,

  • prononcer la nullité des attestations versées sous les pièces adverses nos 5 bis, 16 et 25 bis et les écarter des débats,

  • ordonner le bâtonnement des passages suivants des écritures de la banque du 4 octobre 2018 :

  • page 11, point 16 : « il est assez étonnant de relever que le conseil de f. R. sera en fait celui de la banque Julius BAER »,

  • page 15, deux premiers paragraphes du point 25,

  • page 36, dernier paragraphe du point 63,

  • page 39, point 68, passage suivant de « dans un premier temps, (...) » jusque « (...) en violation du secret professionnel strict auquel il est soumis »,

  • débouter la banque UBS (MONACO) de sa demande aux fins de bâtonnement des écritures de Monsieur f. R.

  • condamner la banque UBS (MONACO) au paiement de la somme de 912.578,76 euros au titre des rémunérations acquises, à règlement différé,

  • condamner la banque UBS (MONACO) au paiement de la somme de 2.750.000 euros au titre du bonus 2016, due à Monsieur f. R. compte-tenu de ses résultats, en exécution du contrat de travail,

  • condamner la banque UBS (MONACO) à verser à Monsieur f. R. les sommes suivantes :

  • rappel au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement : 614.943,43 euros,

  • dommages et intérêts tous préjudices confondus : 514.437,46 euros,

  • condamner la banque UBS (MONACO) au paiement de la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral subi durant la procédure,

En tout état de cause,

  • ordonner l'exécution provisoire de droit de la décision à intervenir, en application de l'article 60 de la loi n° 446 et de l'article 202 du Code de procédure civile,

  • condamner la banque UBS (MONACO) aux entiers dépens distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Monsieur f. R. soutient essentiellement que :

Sur l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles de la banque :

  • la banque a présenté deux chefs de demandes reconventionnelles, l'une tendant à voir prononcer la requalification du licenciement en licenciement pour faute grave et sa condamnation au remboursement de l'indemnité de licenciement, l'autre tendant à solliciter sa condamnation au paiement de la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudices confondues,

  • or, ces demandes n'ont pas fait l'objet du préliminaire de conciliation obligatoire,

  • ces demandes ne découlent pas du procès en cours mais du contrat de travail lui-même,

  • l'article 382 du Code de procédure civile cité par la banque n'est pas applicable eu égard aux dispositions d'ordre public des articles 1 et 42 de la loi n° 446,

Sur l'incompétence du Tribunal du travail pour connaître de la demande de la banque en dommages et intérêts pour concurrence déloyale :

  • un grief de procédure abusive ne pourrait être admis qu'en cas d'abus du droit d'ester en justice dûment caractérisé,

  • en l'absence de toute clause de non-concurrence liant les parties, le Tribunal ne peut connaître que de manquements à l'obligation de loyauté inhérente à tout contrat de travail commis durant l'exécution de celui-ci,

  • les faits reprochés par la banque pour justifier sa demande de dommages et intérêts portent sur une période postérieure à la rupture du contrat de travail,

Sur le caractère abusif du licenciement :

  • les licenciements dépourvus de motifs sont prohibés par la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques, en son article 32 alinéa 1,

  • ces dispositions conventionnelles dérogent donc expressément à l'article 6 de la loi n° 729 en ce que la rupture doit impérativement être fondée sur un motif,

  • en conséquence, le recours à l'article 6 par un établissement bancaire est illicite,

  • son licenciement est d'autant plus abusif qu'il a eu pour objet de contourner des dispositions d'ordre public applicables en matière de suppression de poste,

  • son départ a été envisagé uniquement pour des raisons d'économie de salaire, son poste ayant été tout simplement supprimé,

  • en effet, en juin 2016, Madame a. F. a rejoint la banque UBS (MONACO) accompagnée d'une partie de son équipe venue du CRÉDIT SUISSE, lesquels se sont vus accorder des bonus garantis importants. La masse salariale est alors devenue trop importante,

  • selon le contrat de travail de Madame a. F. en date du 6 juin 2016, celle-ci a pris, à compter du 20 juin 2016, les fonctions de :

  • Vice-Directrice Générale de la banque, avant de devenir la nouvelle Directrice Générale en remplacement de Monsieur u. M.

  • « Head of wealth management Monaco », soit ses fonctions, et ce, bien avant son licenciement,

  • en 2018, le poste de « Head wealth management » a été supprimé,

  • compte-tenu de son domicile en Principauté, il bénéficiait d'une priorité qui aurait dû lui permettre de sauvegarder son emploi,

Sur les bonus :

  • son droit au paiement des bonus, différés ou non, résulte clairement du contrat de travail,

  • compte-tenu de sa rémunération brute annuelle fixe, à hauteur de 400.000 euros, il a bénéficié d'une rémunération variable qui s'élevait à hauteur de 50 % à 65 % de sa rémunération annuelle totale,

  • les bonus constituaient incontestablement une part primordiale et déterminante de sa rémunération négociée dès l'origine avec l'employeur,

  • la valeur totale des actions qui lui avaient été attribuées au titre de sa rémunération différée, mais non encore libérée à la date du licenciement s'élevait à la somme totale de 1.082.187,93 CHF,

  • il a en outre bénéficié après son licenciement d'une libération différée d'un de ses bonus acquis,

  • dans la lettre de licenciement, la banque s'est engagée à maintenir la rémunération variable différée acquise au cours des années précédentes et à lui attribuer la prime au titre de sa performance 2016,

  • l'employeur a par la suite refusé de procéder au règlement de ces bonus, ce qui constitue une sanction pécuniaire illicite,

  • ce mode opératoire s'avère en outre non conforme au plan d'actionnariat (EOP) 2015/2016 qui prévoit expressément que la déchéance ne peut intervenir que lorsque la rupture du contrat de travail est notifiée au salarié pour un motif valable. Or, la banque l'a licencié sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir de la déchéance des droits à rémunération acquis par le salarié,

  • de plus, l'article 5.2.2 dudit plan prévoit que les primes non acquises ne seront pas perdues et continueront d'être acquises conformément aux modalités des règles du plan si l'emploi d'un employé se termine pour cause de licenciement, ce qui est le cas en l'espèce,

  • en outre, la banque n'établit pas les faits qu'elle lui reproche pour s'exonérer du règlement desdites sommes,

Sur les conditions de mise en œuvre du licenciement :

  • les circonstances dans lesquelles la rupture a été mise en œuvre présentent un caractère brutal et vexatoire et sont empreintes d'une intention manifeste de nuire,

  • la mesure de licenciement était totalement imprévisible,

  • la banque UBS l'a débauché alors qu'il était en poste depuis près d'une dizaine d'années au sein de la HSBC,

  • il n'avait alors aucune appétence à quitter la banque UBS,

  • pour le convaincre de la rejoindre, la banque UBS lui a proposé une collaboration de nature pérenne, ce qui revêtait pour lui une importance cruciale, âgé de 46 ans à l'époque de l'embauche,

  • la banque en a tiré la plus grande satisfaction, de sorte que rien ne pouvait présager la mesure de licenciement,

  • l'annonce du licenciement a en outre été immédiatement répandue par la banque UBS auprès des salariés et de la place bancaire,

  • début juin 2016, soit moins de trois mois après les félicitations remarquables qu'il avait reçues, la banque lui a subitement indiqué qu'elle envisageait de se séparer de lui, en raison de l'arrivée d'un nouveau CEO. Elle le priait de prendre conseil pour entamer des discussions confidentielles sur les modalités éventuelles de mise en œuvre de cette rupture,

  • quelques jours après, alors qu'aucune discussion n'avait encore été initiée, la banque a informé tout ou partie de son personnel de son départ imminent,

  • la banque a en outre été à l'initiative directe de la rumeur qui a circulé dès le mois de juin sur la place bancaire concernant ce départ,

  • il a été écarté de tous les processus décisionnaires auxquels il participait légitimement jusqu'alors,

  • il a été procédé à son éviction, à son retour de congés estivaux, en quelques jours,

  • il ne fait aucun doute que la brutalité et la précipitation avec lesquelles il a été remercié n'ont pu que donner l'impression à quiconque qu'il avait fautivement agi, en sorte que la banque n'avait eu d'autre choix que de se séparer immédiatement de lui,

  • la banque, au prétexte de prétendus agissements déloyaux, l'a privé de ses rémunérations et bonus et a adressé un courrier à son nouvel employeur, faisant état des mêmes accusations infondées de concurrence déloyale, accusant la JULIUS BAER de se rendre complice de ces prétendus agissements,

  • ces agissements destinés à ternir sa réputation sont empreints d'une intention manifeste de nuire,

  • la banque est totalement défaillante dans la charge de la preuve des accusations portées à son encontre,

Sur l'indemnité de licenciement :

  • l'employeur n'a pas pris en compte l'ancienneté contractuelle dans le calcul de l'indemnité de licenciement,

  • lors de son embauche, il a bénéficié de la reprise de son ancienneté totale au sein de la profession,

  • ses bulletins de salaire mentionnent la date de son ancienneté à prendre en compte,

Sur l'indemnisation de son préjudice :

  • il est en droit de prétendre à l'indemnisation de l'ensemble de ses préjudices financiers, moral et matériel,

  • son préjudice financier résulte de la perte d'une partie de sa rémunération fixe et de la perte de chance de percevoir ses rémunérations fixes et variables, et subsidiairement, si l'ancienneté au sein de la profession n'était pas reprise, de la perte de chance de percevoir une indemnité de licenciement compte-tenu de cette ancienneté,

  • il a retrouvé un emploi à des conditions de rémunérations moins avantageuses,

  • la perte de chance est indemnisable dès lors que l'évènement favorable espéré (la chance) est actuel, réel et sérieux,

  • il va ainsi subir une perte de chance de percevoir sa rémunération variable,

  • son droit à rémunération variable présente un caractère constant à son niveau de responsabilité,

  • il a subi un préjudice moral considérable,

  • il a subi un préjudice matériel en ce qu'il a dû engager des frais importants d'avocat et de traduction pour la défense de ses droits,

  • il a enfin subi un préjudice moral issu de l'atteinte à sa réputation portée par la banque découlant de la présente instance.

La S.A.M. UBS (MONACO) S.A. a déposé des conclusions les 14 octobre 2018, 13 juin 2019 et 12 mars 2020 elle demande au Tribunal de :

in limine litis,

  • déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées par Monsieur f. R. par devant le bureau de jugement dans ses conclusions du 11 janvier 2018, non présentées au préalable devant le bureau de conciliation, pour une somme totale de 8.835.338,48 euros, détaillée comme suit :

  • préjudice lié à la perte de rémunération fixe : 486.220 euros,

  • perte de chance de percevoir sa rémunération variable : 7.577.739,20 euros,

  • perte de chance de percevoir une indemnité de licenciement conventionnelle au sein d'HSBC, calculée sur la base de son ancienneté dans la profession : 591.379,28 euros,

  • préjudice moral : 150.000 euros,

  • préjudice matériel : 50.000 euros.

Déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées par Monsieur f. R. par devant le bureau de jugement dans ses conclusions des 7 février 2019 et 15 novembre 2019, non présentées au préalable devant le bureau de conciliation, pour une somme totale de 564.437,46 euros, détaillée comme suit :

  • préjudice moral : 50.000 euros,

  • dommages et intérêts tous préjudices confondus : 514.437,46 euros.

Si par extraordinaire, le Tribunal faisait droit au bâtonnement sollicité par Monsieur f. R. il conviendra d'ordonner le bâtonnement des passages suivants présents dans les écritures de la partie adverse en date des 7 février 2019 et 15 novembre 2019, conformément à l'article 23 de la loi n° 1.047 du 28 juillet 1968 :

  • en page 14 : « animée par une haine aveugle, la banque n'hésite pas (...) »,

  • en page 20, point 64 : « la véritable finalité du licenciement de Monsieur R. (...) était précisément de faire échec aux dispositions d'ordre public applicables en matière de suppression d'emploi »,

  • en page 23 : « la banque a entendu (...) contourner (...) les dispositions d'ordre public »,

À titre principal :

  • constater que le licenciement de Monsieur f. R. est régulier et bien fondé,

  • dire et juger que le licenciement de Monsieur f. R. repose sur un motif valable et ne revêt aucun caractère abusif,

  • en conséquence, débouter Monsieur f.R.de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions comme étant infondées,

À titre subsidiaire :

  • constater que les fautes réitérées de Monsieur f. R. sont constitutives de fautes graves,

  • dire et juger que si, par extraordinaire, la présente juridiction estimait qu'un bonus devrait être versé à Monsieur f. R. il ne pourrait être supérieur à la somme de 81.696 euros,

  • dire et juger qu'il convient de requalifier le licenciement de Monsieur f. R. en licenciement pour faute grave et le condamner à rembourser à la S.A.M. UBS (MONACO) S.A. la somme trop perçue de 85.806,06 euros au titre de l'indemnité de licenciement conventionnelle indument reçue,

En toutes hypothèses :

  • rejeter comme inopérantes et infondées toutes les demandes, fins et conclusions déposées par Monsieur f. R.

  • condamner le demandeur à lui payer la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'en réparation des préjudices matériel et moral qu'il lui a causés,

  • condamner le demandeur aux entiers frais et dépens lesquels comprendront tous frais éventuels d'Huissier, de traductions ou autres dont distraction faite au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

La banque UBS fait essentiellement valoir que :

  • le bureau de jugement n'est valablement saisi et ne pourra statuer que sur les demandes formulées par Monsieur f. R. aux termes de sa requête initiale déposée devant le bureau de conciliation le 15 mars 2017,

Sur le licenciement :

  • contrairement aux affirmations du salarié, c'est Monsieur f. R. et lui seul qui souhaitait quitter son emploi au sein de la HSBC suite aux rumeurs de rachat par la banque J. SAFRA SARASIN,

  • l'utilisation de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 est autorisée par la loi et n'est pas systématiquement contraire aux dispositions de la Convention Collective du Personnel des Banques,

  • les dispositions de la Convention Collective permettent de déroger à la loi dans un sens plus favorable aux salariés, de manière à organiser leur protection contre les risques sociaux, sans que cela porte atteinte au caractère d'ordre public des lois régissant les relations de travail,

  • en l'espèce, il est patent que les parties ont souhaité déroger expressément aux dispositions de la Convention Collective du Personnel des Banques au profit d'une application pure et simple des dispositions légales revêtant un caractère d'ordre public,

  • les dispositions conventionnelles apparaissent nettement moins favorables au salarié et ne permettent pas de lui garantir une véritable protection contre les risques sociaux,

  • en effet, l'absence d'évocation de motif contribue incontestablement à protéger le salarié, en ménageant sa reconversion et la suite de sa carrière professionnelle, et ce, alors qu'elle disposait d'un motif valable pour rompre le contrat de travail eu égard aux fautes réitérées commises par Monsieur f. R.

  • lors de l'arrivée de Madame a. F. il n'a jamais été question de se séparer de Monsieur f. R.

  • il s'est avéré que ce dernier œuvrait pour accéder au plus haut poste hiérarchique de la banque et n'a pas accepté l'arrivée de la nouvelle CEO au poste qu'il convoitait,

  • dès avant l'arrivée de Madame a. F. et lorsque cette dernière a intégré les effectifs de la banque, Monsieur f. R. n'a cessé de commettre des actes d'insubordination répétés, de chantage, de menace de démission,

  • Monsieur f. R. a été rempli de ses droits, conformément à la Convention Collective du Personnel des Banques,

  • le demandeur confond à dessein la date d'ancienneté dans la profession et la date d'entrée dans l'établissement qui doit être prise en compte pour calculer les indemnités de rupture ; alors que la prime d'ancienneté est calculée en fonction de l'ancienneté du salarié dans la profession,

  • le contrat de travail liant les parties ne comporte aucune clause de reprise d'ancienneté,

Sur les bonus :

  • en application des dispositions claires du contrat de travail, l'employeur est libre de régler ou non le bonus, qui constitue une rétribution spéciale, facultative et variable,

  • l'attribution du bonus pour les années 2015 et 2016 est ainsi purement discrétionnaire et en cas de versement, son mode de calcul est lié à plusieurs facteurs,

  • selon les dispositions des plans pour les actions DCCP et EOP, sont considérées comme des causes de déchéance des actions non acquises, le fait pour un employé, directement ou indirectement, d'aider ou encourager un autre employé du même groupe à quitter son emploi, ou encore d'accomplir des actes de concurrence déloyale, ce qui est le cas pour Monsieur f. R.

  • la rémunération variable accordée au salarié pour les années 2013 à 2015 correspondait à 1,5 fois le montant de sa rémunération fixe, alors que celui-ci n'hésite pas à réclamer des sommes représentant neuf fois le montant de sa rémunération fixe, ce qui est infondé et en contravention avec la directive européenne 2013/36/UE du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013, applicable aux banques monégasques,

  • ainsi, la rémunération variable ne peut donc dépasser la somme maximum de 800.000 euros,

  • en toute hypothèse, les conditions d'obtention des bonus ne sont pas remplies,

  • Monsieur f. R. n'a jamais atteint les objectifs contractuellement prévus, et ce, tout au long de la relation de travail. Si un bonus discrétionnaire lui a néanmoins été attribué pour l'année 2014, c'est dans l'unique but de le satisfaire et de l'encourager,

  • l'entrée au sein de la banque d'un actif de six milliards de dollars US, revendiqué par Monsieur f. R. provient essentiellement du travail de Monsieur e. S.

  • ce client fait toujours partie des livres de la banque depuis le départ de Monsieur f. R. démontrant ainsi que ce dernier n'a joué qu'un rôle subsidiaire dans cet apport,

  • en réalité, les actifs annoncés par Monsieur f. R. n'ont généré aucun revenu et n'ont pas profité à la banque,

  • le comportement de Monsieur f. R. pendant l'exécution du contrat de travail l'a contrainte à prendre la décision légitime de ne pas lui verser le moindre bonus pour l'année 2016 (dénigrements, actes de concurrence déloyale, violation du secret professionnel prévu au contrat de travail, démarchage de collaborateurs et manquement à l'obligation générale de loyauté),

  • il est acquis que Monsieur f. R. ne faisait plus partie de ses effectifs au moment du versement du bonus, en sorte que la condition relative à l'existence d'une relation contractuelle au moment du règlement du bonus n'était pas remplie,

  • elle s'était engagée, dans la lettre de licenciement, à régler à Monsieur f. R. sa rémunération variable, à condition que soit respecté l'ensemble des règles prévues quant à son octroi,

  • les primes différées dont Monsieur f. R. sollicite le règlement n'étaient acquises que le 1er mars 2017 au plus tôt, ce qui signifie qu'avant cette date, les primes étaient sujettes à déchéances selon les dispositions des plans DCCP et EOP,

  • Monsieur f. R. a commis des actes dommageables et violé son obligation de loyauté, justifiant le non-versement des gratifications qui n'étaient pas définitivement acquises,

  • Monsieur f. R. a tenté de démarcher un portefeuille important de client de la banque et a sollicité sept membres de son équipe pour qu'ils partent avec lui,

  • lorsque Monsieur f. R. a sollicité la réduction de son préavis, elle a été destinataire de quatre démissions le même jour, venant de salariés qui travaillaient sous la direction du demandeur, puis de trois démissions supplémentaires dans les jours qui ont suivi,

  • subsidiairement, si un bonus discrétionnaire devait être retenu, il devrait nécessairement être limité à celui accordé aux autres dirigeants effectifs de même catégorie en 2016, et sur la base du prorata temporis,

Sur l'absence de caractère fallacieux de licenciement :

  • Monsieur f. R. ne démontre pas qu'elle aurait fait application de l'article 6 de la loi n° 729 en vue de masquer un licenciement économique et ainsi, éluder l'application des dispositions légales et conventionnelles y afférents,

  • elle a clairement fait état de son souhait de garder Monsieur f. R. au sein de ses effectifs concomitamment à l'embauche de Madame a. F.

  • elle a fait preuve d'un esprit bienveillant à l'égard du salarié en lui accordant un préavis très généreux de sept mois, le droit aux rémunérations différées et l'éligibilité au bonus discrétionnaire pour l'année en cours,

  • le poste de Monsieur f. R. n'a pas été supprimé,

  • les fonctions de « Head wealth management » ont été transférées à Madame a. F. le 8 septembre 2016, soit postérieurement au départ de Monsieur f. R.

  • lorsque les fonctions et attributions d'un salarié sont transférées à d'autres salariés de l'entreprise, il n'y a pas de suppression de poste,

  • Monsieur f. R. ne rapporte en outre pas la preuve d'un préjudice matériel, ni le moindre élément se rapportant à sa situation matérielle actuel,

Sur la mise en œuvre du licenciement :

  • pourtant confrontée au comportement choquant de Monsieur f. R. elle s'est toujours montrée extrêmement conciliante envers celui-ci,

  • la rupture ne peut revêtir un caractère brutal ou vexatoire dès lors que :

  • des discussions amiables ont eu lieu entre les parties pendant plusieurs semaines au cours de l'été 2016,

  • compte-tenu de la situation de blocage s'agissant de la négociation de son départ, elle a pris le soin de convoquer Monsieur f. R. par lettre du 31 août 2016, à un entretien préalable devant se dérouler le 2 septembre 2016,

  • elle a notifié le licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception le 6 septembre 2016,

  • Monsieur f. R. a bénéficié d'un préavis de sept mois avant qu'il ne sollicite sa libération anticipée à compter du 7 décembre 2016,

  • Monsieur f. R. a pu récupérer ses effets personnels quand bon lui semblait durant son préavis,

  • elle justifie qu'elle n'a jamais propagé la moindre rumeur concernant le licenciement de Monsieur f. R. et que ce dernier a bel et bien été intégré dans toutes les décisions de la banque aux mois de juin et juillet 2016,

  • Monsieur f. R. a continué à faire partie de la gouvernance de la banque, tant en termes de fonctionnement, de décisions stratégiques que de suivi clients,

  • elle a agi en toute transparence envers Monsieur f. R. préalablement à toute décision relative au paiement de ses rémunérations ainsi qu'à l'information de son nouvel employeur sur les actes de concurrence déloyale commis, en le mettant en garde sur les conséquences de tels actes,

  • aucune intention de nuire ne peut dès lors être retenue,

Sur la requalification du licenciement pour faute grave :

  • le comportement et les agissements de Monsieur f. R. constituent des fautes graves justifiant son licenciement sans indemnité,

  • la requalification de la rupture en licenciement pour faute grave réitérées devra dès lors intervenir.

SUR CE,

Sur la recevabilité des demandes nouvelles présentées par Monsieur R.

En application de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, le bureau de jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum.

Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er précité.

La société défenderesse vise les écritures déposées par Monsieur f. R. les 11 janvier 2018, 7 février 2019 et 15 novembre 2019.

Cependant, le Tribunal est saisi des demandes telles que figurant dans les dernières écritures du salarié, en date du 4 juin 2020, intitulées « Conclusions responsives et récapitulatives n° 3 », lesquelles ne renvoient pas et ne font aucunement référence aux conclusions précédemment déposées ; de sorte que les prétentions y figurant sont censées être abandonnées.

Le Tribunal relève ainsi que dans ses dernières écritures, Monsieur f.R.ne reprend pas les demandes suivantes :

  • préjudice lié à la perte de rémunération fixe : 486.220 euros,

  • perte de chance de percevoir sa rémunération variable : 7.577.739,20 euros,

  • perte de chance de percevoir une indemnité de licenciement conventionnelle au sein d'HSBC, calculée sur la base de son ancienneté dans la profession : 591.379,28 euros,

  • préjudice moral : 150.000 euros,

  • Préjudice matériel : 50.000 euros.

La somme de 514.437,46 euros réclamée par Monsieur f. R. dans ses dernières conclusions figure dans la requête introductive d'instance, de la manière suivante :

  • 500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

  • 14.437,46 euros à titre de remboursement des frais et honoraires de Conseil pendant la période de négociation.

Il ne s'agit dès lors pas d'une demande nouvelle.

Monsieur f. R. sollicite encore une somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral subi durant la procédure.

Le Tribunal rappelle que la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive est parfaitement recevable puisqu'elle découle du procès devant le Tribunal du travail et non du contrat de travail lui-même.

Cette jurisprudence constante s'applique également dans le cadre d'une demande en paiement de dommages et intérêts présentée par le demandeur pour indemniser un préjudice découlant du procès en cours et non du contrat de travail.

La prétention de Monsieur f. R. pour obtenir l'indemnisation de son préjudice moral subi durant la procédure est dès lors parfaitement recevable.

Sur la recevabilité des demandes reconventionnelles de la banque UBS

La défenderesse sollicite le paiement par Monsieur f. R. de la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'en réparation des préjudices matériel et moral qu'il lui a causés.

Le Tribunal rappelle que la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive est parfaitement recevable puisqu'elle découle du procès devant le Tribunal du travail et non du contrat de travail lui-même.

Cependant, la défenderesse forme une demande globale et il n'appartient pas au Tribunal de déterminer la part pouvant être attribuée à ce titre en l'absence de précision.

La demande ainsi présentée sera dans ces circonstances déclarée irrecevable.

Il n'y a pas lieu en conséquence de statuer sur la compétence de la présente juridiction pour connaître de la demande de dommages et intérêts découlant de l'allégation d'agissements de concurrence déloyale présentée par la banque UBS.

L'employeur a également sollicité dans ses écritures la requalification du licenciement litigieux en licenciement pour faute grave et la condamnation de Monsieur f.R.au remboursement de l'indemnité de licenciement.

Il n'est pas contestable que ces demandes ne figurent pas dans la requête introductive d'instance et que la banque UBS n'a pas formalisé ces prétentions devant le bureau de conciliation.

Elles devront dans ces circonstances être déclarées irrecevables.

Sur les pièces nos 5 bis, 16, 17, 25 bis, 53, 54, 55 et 58 produites par la défenderesse

Monsieur f. R. soulève dans un premier temps l'irrecevabilité des sept attestations produites par la banque UBS en pièces nos 5 bis, 16, 17, 25 bis, 53, 54 et 55 au motif qu'elles n'ont pas été rédigées par un tiers au litige, en contravention avec les dispositions de l'article 323 du Code de procédure civile.

Aux termes des dispositions de l'article 323 du Code de procédure civile :

« Lorsque la preuve testimoniale est admissible, le tribunal peut recevoir des tiers les déclarations de nature à l'éclairer sur les faits litigieux auxquels ils ont assisté ou qu'ils ont personnellement constatés.

Les déclarations sont faites par attestation ou recueillies par voie d'enquête ».

Il apparaît que :

  • les pièces nos 5 bis et 54 sont constituées par des attestations établies par Monsieur u. M. Membre du Conseil d'Administration d'UBS (MONACO) S.A., celui-ci apparaissant dans la nomenclature figurant en page 25 des conclusions de Monsieur f.R.au sommet de la hiérarchie en qualité de «  Country Head »,

  • les pièces nos 16 et 55 sont constituées par des attestations établies par Monsieur j-f. L. Président du directoire d'UBS France, Président du Conseil d'Administration d'UBS Monaco,

  • les pièces nos 25 (et non 25 bis) et 53 sont constituées par des attestations établies par Madame a. F. Administratrice Déléguée UBS Monaco,

  • la pièce n° 17 est constituée par une attestation établie par Monsieur j. S. Employé de la banque UBS Monaco.

Il en résulte que les attestations produites en pièces nos 5 bis, 16, 25, 53, 54 et 55 ont été établies par les instances dirigeantes de la banque défenderesse, de sorte qu'elles devront être écartées des débats, nul ne pouvant se constituer des preuves à lui-même.

Monsieur j. S. étant un salarié non dirigeant de la société défenderesse, son attestation n'a pas lieu d'être rejetée des débats

Sur la nullité de l'attestation produite en pièce n° 17 par la banque UBS

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :

1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;

2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;

3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;

6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature ».

La pièce n° 17 est constituée par une attestation établie par Monsieur j. S.

Monsieur f. R. en sollicite la nullité au motif que le témoin a indiqué, s'agissant de l'intérêt au procès, « témoin », une telle précision, qui ne justifie nullement s'il a un intérêt au procès ou non, ne respecte pas l'article 324, 4° du Code de procédure civile.

L'attestation a été rédigée en anglais, avec sa traduction assermentée en langue française, de laquelle il ressort que Monsieur j. S. a mentionné «  témoin » au titre de l'intérêt au procès.

Il est admis que les mentions exigées par l'article 324 du Code de procédure civile ne doivent pas nécessairement être reproduites à l'identique de la rédaction dudit article et que certaines informations telles notamment que l'intérêt au litige et l'existence d'un lien de subordination peuvent s'apprécier par le contenu même de l'attestation.

De plus, l'alinéa 4 invoqué invite les auteurs d'une attestation à préciser s'ils ont « quelque intérêt au procès » ; il s'agit donc d'une précision à apporter lorsque cet intérêt existe, de sorte que l'absence d'une telle mention doit être entendue comme un défaut d'intérêt – ce d'autant qu'il n'est pas soutenu qu'un tel intérêt existerait en l'espèce – et ne peut être sanctionnée dès lors par la nullité de la pièce qui comporte les mentions légales imposées.

En l'espèce, Monsieur j. S. a porté une mention qui ne permet en aucun cas de déterminer s'il a, ou non, quelque intérêt au procès, de sorte que l'attestation ainsi rédigée devra être déclarée nulle.

Sur le défaut de force probante de l'attestation produite en pièce n° 58 par la banque UBS

Monsieur f. R. soutient que le document contient des déclarations manifestement erronées, voire mensongères et qu'elle est dès lors dépourvue de toute force probante.

Ce seul élément ne saurait entraîner le rejet des débats sollicité.

En effet, s'agissant de la valeur probante de cette attestation, il appartiendra au Tribunal, lors de l'examen au fond, d'apprécier la sincérité et la portée de ce témoignage compte-tenu des circonstances et de l'état de subordination ou d'intérêt de son auteur.

Sur la demande de bâtonnement présentée par Monsieur f. R.

Aux termes de l'article 34 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 :

« Ni les discours ou plaidoiries prononcés, ni les écrits produits devant les tribunaux, ni le compte-rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires ne donnent lieu à action en diffamation, injures, outrages, atteintes à la vie privée.

Les juges saisis de la cause et statuant sur le fond peuvent néanmoins prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires relatifs aux faits de la cause et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. Les faits diffamatoires étrangers à la cause peuvent donner ouverture soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur ont été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers ».

Aux termes de l'article 23 de la loi n° 1.047 du 28 juillet 1982 sur l'exercice des professions d'avocat-défenseur et d'avocat :

« Les avocats-défenseurs et avocats ne peuvent avancer aucun fait grave contre l'honneur ou la réputation des parties à moins que la cause ne l'exige et qu'ils n'aient reçu mandat exprès et par écrit de leurs clients.

La juridiction saisie de la cause peut ordonner la suppression des écrits injurieux ou diffamatoires ».

Le demandeur vise les écritures déposées par la banque UBS le 4 octobre 2018 alors que cette dernière a conclu ensuite le 13 juin 2019 et 12 mars 2020.

Le Tribunal relève que les paragraphes litigieux ont été repris par la défenderesse dans ses écritures postérieures au 4 octobre 2018 et notamment dans ses conclusions récapitulatives n° 3 du 12 mars 2020.

Il convient dès lors de retenir les passages litigieux tels qu'ils figurent dans les dernières écritures de la banque UBS.

En l'espèce, les mots et les expressions litigieuses sont les suivantes :

  • pages 12 et 13, dernière phrase du dernier paragraphe : « Par la suite, il sera étonnant de relever que le conseil de f. R. sera en fait celui de la banque Julius BAER ».

Il résulte de la lecture de cette phrase que la personne concernée n'est pas une partie, ni un tiers, mais l'avocat du demandeur.

De plus, les propos repris par le conseil de la défenderesse dans ses écritures ne concernent pas les faits objets du litige.

Dans ces circonstances et tenant les dispositions visées supra, la demande de bâtonnement présentée par Monsieur f. R. sera rejetée.

  • page 18, point 33, 1er et 2e premiers paragraphes :

« Contrairement ce que soutient fallacieusement le demandeur, il est patent que f. R. n'a pas hésité à se livrer à de nombreux actes de démarchage directs et agressifs de la clientèle de son ancien employeur, en dénigrant celui-ci.

Ainsi, il multipliait les critiques injustes envers la concluante qui avait pourtant été très généreuse et bienveillante envers lui, allant même jusqu'à utiliser des documents confidentiels appartenant à la Banque UBS – ce qui constitue un recel de vol potentiel – pour contacter et démarcher sans scrupule les clients de la SAM UBS (Monaco) SA. ».

Le passage surligné constitue incontestablement une accusation pénale de recel de vol alors que la défenderesse n'a aucunement déposé plainte à ce titre.

Ces écrits constituent dès lors des imputations injurieuses, outrageantes ou diffamatoires de nature à porter atteinte à l'honneur du demandeur et excèdent la liberté d'expression nécessaire au déroulement aux débats judiciaires.

La demande de bâtonnement présentée par Monsieur f. R. sera dans ces circonstances retenue mais limitée audit passage.

  • page 59, avant dernier paragraphe du point 105 :

« La lecture des courriels relatifs à ces prétendues rumeurs en dit long sur la volonté de f. R. de quitter UBS avec d'autres collaborateurs, pour préjudicier l'employeur qui le licencie, en représailles. Rappelons que son salaire chez UBS était de 400.000 €uros, ce qui contraste avec le sérieux et l'intégrité de ce salarié peu scrupuleux, qui croit pouvoir se comporter comme une sorte de » mercenaire «, en menaçant son employeur et en offrant ses services, son équipe et » ses clients « à l'établissement bancaire le plus offrant et en préjudiciant ensuite au maximum celui qu'ils quittent (...) ».

Les termes utilisés au sein des expressions critiquées ne constituent pas une allégation véritablement injurieuse ou offensante, mais participent davantage de l'indignation éprouvée par la banque UBS à la lecture des écritures de la partie adverse.

Ces expressions n'excèdent pas les termes de la critique acceptable dans un débat judiciaire et ne revêtent dès lors pas un caractère injurieux ou diffamatoire.

Monsieur f. R. sera en conséquence débouté de sa demande de bâtonnement.

  • page 63, point 115 et page 64, point 118 :

« Dans un premier temps, f. R. a abusé de la bienveillance de la Banque UBS en exigeant qu'elle prenne en charge ses frais d'Avocats lors de la tentative de rupture amiable, laquelle a bien évidemment échoué en raison des prétentions fantaisistes du salarié. Rappelons également qu'il partage le même Conseil que la Banque JULIUS BAER.

Par la suite, f. R. a cru devoir contester son licenciement en réclamant des sommes excessives notamment au titre du bonus de l'année civile 2016 alors qu'il sait pertinemment que son versement est discrétionnaire ; de sa rémunération variable alors qu'il n'a jamais atteint les objectifs fixées contractuellement et qu'elle demeure plafonnée par la législation européenne applicable ; ou encore de sommes visant à compenser sa prétendue perte de salaire ensuite de son licenciement alors qu'il a bénéficié d'avantages financiers importants et échelonnés dans le temps au sein de la Banque JULIUS BAER.

Au surplus, il est patent que f. R. n'a pas hésité à diffuser des informations confidentielles sur les clients de la Banque auprès de tiers et a porté atteinte à sa réputation. En effet, ce dernier a manifestement emporté voire utilisé des informations et documents confidentiels propriétés de la Banque en vue de démarcher activement sa clientèle, et ce en violation du secret professionnel et bancaire strict auquel il est soumis ».

Ces écrits ne contiennent aucune imputations injurieuses, outrageantes ou diffamatoires de nature à porter atteinte à l'honneur du défendeur et excédant la liberté d'expression nécessaire au déroulement aux débats judiciaires. Ils n'excèdent pas les termes de la critique acceptable dans un débat judiciaire et ne revêtent dès lors pas un caractère injurieux ou diffamatoire.

La demande de bâtonnement présentée par Monsieur f. R. sera dans ces circonstances rejetée.

Sur la demande de bâtonnement présentée par la banque UBS

La défenderesse vise les écritures déposées par Monsieur f. R. les 7 février 2019 et 15 novembre 2019 alors que ce dernier a conclu ensuite le 4 juin 2020.

Le Tribunal relève que les paragraphes litigieux ont été repris par le demandeur dans ses écritures postérieures au 15 novembre 2019 et notamment dans ses conclusions récapitulatives du 4 juin 2020.

Il convient dès lors de retenir les passages litigieux tels qu'ils figurent dans les dernières écritures de Monsieur f. R.

En l'espèce, les mots et les expressions litigieuses sont les suivantes :

  • Page 16, 1er paragraphe :

« Animée par une haine aveugle, la Banque n'hésite donc pas à faire feu de tout bois, mettant même en doute, de manière aussi infondée que gratuite, la probité et l'honneur du conseil même de Monsieur R. dont elle laisse sous-entendre qu'il aurait participé à l'orchestration de la présente instance et aux prétendus agissements de concurrence déloyale qu'elle dénonce de façon mensongère ».

Il résulte de la lecture de ce paragraphe que la personne concernée n'est pas une partie, ni un tiers, mais l'avocat du demandeur.

De plus, les propos repris par le Conseil de la défenderesse dans ses écritures ne concernent pas les faits objets du litige.

Dans ces circonstances et tenant les dispositions visées supra, la demande de bâtonnement présentée par la banque UBS sera rejetée.

  • Page 22, 1er paragraphe du point 74 :

« En l'espèce, la véritable finalité du licenciement de Monsieur R. prononcé sur le motif a fortiori illicite de l'article 6 de la Loi n° 729, était précisément de faire échec aux dispositions d'ordre public applicables en matière de suppression de poste ».

Ces écrits ne contiennent aucune imputations injurieuses, outrageantes ou diffamatoires de nature à porter atteinte à l'honneur de la défenderesse et excédant la liberté d'expression nécessaire au déroulement aux débats judiciaires. Ils n'excèdent pas les termes de la critique acceptable dans un débat judiciaire et ne revêtent dès lors pas un caractère injurieux ou diffamatoire.

Ils se rapportent aux débats concernant le motif fallacieux de la rupture fondée sur les dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 ; le Tribunal étant susceptible de procéder à un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.

La demande de bâtonnement présentée par la banque UBS sera dans ces circonstances rejetée.

  • Page 24, dernier paragraphe du point 76 :

« (...) la banque a entendu (...) contourner (...) les dispositions d'ordre public (...) ».

Le Tribunal reprend en tout point l'argumentation développée ci-dessus concernant les écrits figurant en page 22, 1er paragraphe du point 74.

La demande de bâtonnement présentée par la banque UBS sera dans ces circonstances rejetée.

Sur les rémunérations acquises à règlement différé

Monsieur f. R. sollicite la somme de 912.578,76 euros à ce titre.

Dans la lettre de licenciement en date du 6 septembre 2016, l'employeur écrit à ce titre :

« (...).

Malgré le fait que, selon les règles des plans de rémunération du groupe, votre licenciement met fin à votre droit à toute rémunération différée, nous avons décidé de vous permettre de conserver votre droit à toutes les rémunérations différées qui vous ont été allouées sous conditions et, à cette fin, d'appliquer les règles et conditions prévues en cas de licenciement économique.(...) » .

Il n'est contesté par aucune des parties que Monsieur f. R. a reçu des actions UBS (DCCP et EOP), lesquelles sont soumises au régime suivant :

  • Pièces 5.1 et 5.1 bis de Monsieur f. R. :

Plan DCCP 2014/15

«  Vue d'ensemble : L'admissibilité est déterminée par UBS et les primes sont accordées à la seule discrétion d'UBS. Ni le Plan ni les primes accordées en vertu de celui-ci ne font partie du contrat de travail entre vous et un membre du Groupe. En outre, les primes n'ouvrent pas droit à pension.

Date d'attribution : 27 février 2015

Primes : Les primes sont des obligations notionnelles avec des paiements d'intérêts notionnels annuels discrétionnaires. Sous réserve des dispositions relatives à la déchéance décrite ci-dessous, les primes seront acquises dans leur intégralité après cinq années, de sorte qu'elles ne sont plus sujettes à déchéances liées à la cessation d'emploi ou à d'autres actes précis. Si aucun évènement déclencheur, de viabilité ou autre évènement de déchéance n'a eu lieu, le règlement de la prime se fera généralement en espèces ou par un titre AT1, à la seule discrétion d'UBS.

(...).

Acquisition : les primes seront acquises le 1er mars 2020, sous réserve des conditions énoncées dans les règles du plan. A compter de cette date d'acquisition, les primes seront réglées en espèces ou en titres AT1 négociables (dans les deux cas, déduction faite des retenues à la source et des cotisations de sécurité sociale) (...).

Tous les paiements sont assujettis au respect des dispositions relatives à la déchéance contenues dans les Règles du plan (y compris les évènements déclencheurs et de viabilité) (...).

Evènement déclencheur ou évènement de viabilité :

Condition de déchéance liée à un évènement déclencheur :

  • Le ratio Common Equity Tier de Bâle III passe sous le seuil de 7%.

Condition de déchéance liée à un évènement de viabilité :

  • La FINMA détermine que les primes doivent être réduites pour éviter l'insolvabilité, la faillite ou la défaillance d'UBS Group AG, ou

  • UBS Group AG a reçu l'engagement d'un soutien exceptionnel du secteur public qui est, tel que déterminé par la FINMA, nécessaire pour prévenir l'insolvabilité, la faillite ou la défaillance d'UBS Group AG.

Cessation d'emploi : (...).

Licenciement économique/Rupture à l'amiable ; la prime continue généralement d'être dévolue normalement » .

L'employeur produit une pièce identique pour le plan d'actionnariat EOP 2015/2016 (pièce n° 36) :

« Présentation générale : Les primes sont attribuées aux principaux contributeurs de l'UBS. L'éligibilité est déterminée par UBS et les attributions sont faites à la seule discrétion d'UBS. Ni l'EOP ni les récompenses qui en découlent ne font partie du contrat de travail entre vous et un membre du groupe et les primes n'ouvrent pas droit à retraite.

Date d'attribution : 29 février 2016

Primes : Les attributions sont effectuées sous la forme d'Actions Théoriques (c'est-à-dire un droit éventuel de recevoir des actions UBS au moment de l'acquisition des droits) (...).

Fixation du prix : (...).

Acquisition : L'acquisition est acquise en parts égales le 1er mars 2018 et le 1er mars 2019, sous réserve des conditions suivantes : le respect des conditions d'exécution applicables et des dispositions relatives à la déchéance.

(...).

Conditions de performance : Une attribution est assujettie au rendement du groupe et de la division au cours des exercices financiers pendant la période d'acquisition des droits, comme il est indiqué à l'annexe IV du règlement du régime. L'incapacité du Groupe UBS ou de votre division commerciale à atteindre ces conditions de performance spécifiées peut entraîner un ajustement à la baisse de la valeur de votre prime EOP en cours.

Fin d'emploi : Si un participant démissionne pour quelque raison que ce soit au cours de la période d'acquisition des droits ou reçoit un avis écrit indiquant qu'il est mis fin à son emploi pour un motif valable, toute attribution non acquise sera perdue. Les exceptions s'appliquent comme suit :

Licenciement/entente mutuelle : L'attribution continue généralement d'être acquise comme d'habitude. Décès/invalidité : L'attribution est immédiatement acquise.

Retraite (...) » .

  • Pièce n° 52 de la société UBS : «  Plan d'actionnariat (EOP) 2015/16 » :

En page 13 de ce document, il est précisé que la date d'acquisition est la date à laquelle une prime n'est plus sujette à déchéance, tel qu'indiqué à la règle 3 (cette dernière n'étant d'ailleurs pas communiquée).

Les actions à règlement différé (DCCP et EOP) ayant une date d'acquisition postérieure au licenciement litigieux, les primes correspondantes peuvent faire l'objet d'une déchéance.

Il est en outre prévu en page 7 :

« 6.1 Annulation des primes non acquises

Toute prime non acquise sera annulée en totalité ou en partie, en tout ou en ce qui concerne les règles 6.1.4 à 6.1.6, en tout ou en partie, dans l'éventualité où :

  1. 1.1 l'employé, directement ou indirectement, incite, sollicite, aide ou encourage toute autre personne employée par un membre du Groupe, à quitter cet emploi et à rejoindre une personne autre qu'un membre du Groupe.

  1. 1.2 l'employé sollicite directement ou indirectement toute autre personne qui est ou était client ou client du Groupe à quelque moment que ce soit, ou qui avait une réelle intention de devenir client ou client du Groupe au cours des six derniers mois pendant lesquels l'employé était en service actif dans le cadre de son emploi, afin de rendre à cette personne des services similaires, concurrentiels ou destinés à remplacer ou à servir comme alternative aux services fournis à cette personne par le Groupe » .

  • Pièces nos 5.2 et 5.2 bis de Monsieur f. R. :

« Equity Plus Plan Brochure explicative (...).

Que se passe-t-il si je quitte UBS ?

Si vous quittez UBS, vos Actions UBS seront libérées peu de temps après votre départ. L'effet sur votre prime non acquise dépendra du motif de votre départ, comme suit :

Motif de départ Effet sur la prime

(...).

Licenciement économique... Anticipation de l'acquisition

(...).

Votre prime non acquise sera également annulée si vous sollicitez le personnel d'UBS Group AG, ses filiales et sociétés affiliées (« UBS ») ou des clients d'UBS, si vous divulguez des informations exclusives ou enfreignez certaines autres dispositions des règles du plan.(...) » .

  • Pièces nos 33.2 et 33.3 de Monsieur f. R. :

« 2014/15 Performance Equity Ownership Plan (EOP) Award : La décision d'allouer l'Equity Ownership Plan 2014/15 (EOP) Award est laissée à la libre appréciation d'UBS. Votre EOP vous sera attribué selon les conditions du plan EOP Award 2014/15 et sera définitivement acquis aux dates spécifiées dans le règlement du plan EOP et dans votre EOP Award Agreement, sous réserve des clauses applicables, concernant la déchéance des droits et des conditions de performance. Votre EOP Award est irrémédiablement perdu si vous n'acceptez pas l'EOP Award Agreement d'ici au 31 mai 2015. Quand bien même l'EOP Award aura été accordé plusieurs années consécutives, l'employé ne pourra en déduire un droit à une attribution future. Vous pouvez dès maintenant accéder au descriptif du plan EOP (factsheet) via le site web de EquatePlus (goto/equateplus).

2014/15 Deferred Contingent Capital Plan (DCCP) Award : Votre Deferred Contingent Capital Plan (DCCP Award) vous sera attribué dans le cadre du Deferred Contingent Capital Plan 2014/15 et sera définitivement acquis aux dates spécifiées dans le règlement du Plan DCCP et dans votre DCCP Award Agreement, pour autant que toutes les conditions applicables d'acquisition soient remplies. Votre DCCP Award est irrévocablement perdu si vous ne donnez pas votre consentement aux règles spécifiques du DCCP Award d'ici au 31 mai 2015. Quand bien même le DCCP Award aura été accordé plusieurs années consécutives, l'employé ne pourra en déduire un droit à une attribution future. Vous pouvez dès maintenant accéder au descriptif du plan DCCP via le site web de EquatePlus (goto/equateplus) » .

Même chose pour les actions DCCP et EOP pour l'année 2015/16.

Il résulte de l'ensemble de ces documents que le licenciement économique visé par l'employeur pour permettre à Monsieur f. R. de conserver son droit aux rémunérations différées comporte les conditions de déchéance reprises supra, qui, si elles ne sont pas respectées par le salarié, entraînent l'annulation pour ce dernier des primes non acquises.

En outre, bien que le salarié ne puisse prétendre à une rémunération différée du fait du licenciement, l'employeur a décidé, dans la lettre de rupture, de faire bénéficier Monsieur f. R. de son droit à ce titre, de sorte que la banque UBS ne peut invoquer le caractère discrétionnaire desdites primes pour s'exonérer de son engagement.

L'employeur indique encore que le salarié devait être encore en fonction au moment où ces rémunérations seraient devenues acquises pour pouvoir en bénéficier, ce qui ne ressort d'aucun document par lui produit ; l'acquisition subordonnant simplement la possibilité d'invoquer les déchéances dont il a été fait état ci-dessus.

Il convient dans ces circonstances de rechercher si le comportement de Monsieur f. R. est susceptible de constituer une déchéance permettant d'annuler son droit aux primes à règlement différé.

Pour démontrer ledit comportement du demandeur, l'employeur produit les éléments suivants :

  • les lettres de démission de sept salariés que l'employeur qualifie de «  collaborateurs »  de Monsieur f. R. des 17 novembre et 6 décembre 2016,

  • une lettre de la S.A.M. JULIUS BAER WEALTH MANAGEMENT (MONACO) adressée à la société UBS le 24 février 2017, ainsi libellée :

« Messieurs,

Nous vous adressons la présente dans le prolongement de votre correspondance datée du 6 février 2017, reçue par nos soins le 9 février 2017.

Aux termes de cette correspondance, il est fait grief à la société JULIUS BAER WEALTH MANAGEMENT (MONACO) S.A.M. :

  • De s'être livrée, d'après votre propre appréciation des faits, à des actes de concurrence déloyale, en l'espèce en procédant à un débauchage massif, concerté et abusif de nos (vos) collaborateurs, ce qui relève d'une volonté délibérée de désorganiser le fonctionnement de votre (votre) établissement et de le déstabiliser.

Selon vous, la concomitance de la démission de sept de vos anciens salariés et les informations qui vous parviendraient depuis lors, seraient révélatrices d'une concertation entre notre établissement et vos anciens salariés.

D'après vous, la responsabilité de notre établissement serait engagée.

  • De s'être livrée à des actes de complicité active de débauchage de clients de la SAM UBS (Monaco) SA au profit de la société JULIUS BEAR WEALTH MANAGEMENT (Monaco) SAM.

Par la présente correspondance, nous contestons fermement l'intégralité des griefs infondés et injustifiés qui sont portés à l'encontre de notre établissement.

La société JULIUS BAER WEALTH MANAGEMENT (Monaco) SAM a procédé à l'embauchage des salariés en question, sans qu'aucun manquement ne puisse lui être reproché.

Ainsi, contrairement, à ce que vous alléguez, la société JULIUS BAER WEALTH MANAGEMENT (Monaco) SAM n'a adopté aucun comportement fautif, ni commis aucun acte susceptible de voir sa responsabilité engagée.

Par ailleurs, nous contestons avoir connaissance de l'existence de présupposés actes de dénigrements envers votre établissement et collaborateurs par nos salariés.

De même, l'allégation selon laquelle nous aurions donné pour instruction à nos salariés de démarcher des clients de votre établissement est purement calomnieuse.

Nous n'avons jamais donné de telles instructions, ni fournis de quelconques moyens à nos salariés dans ce sens. (...) » .

  • la demande de libération anticipée présentée par Monsieur f. R. par courrier du 17 novembre 2016, afin d'être libéré de ses obligations à compter du 7 décembre 2016 alors que son délai congé devait se poursuivre jusqu'au 7 mars 2017.

  • un courriel adressé le 22 décembre 2016 par Madame b. L. G. à Madame a. F. dans lequel elle porte à la connaissance de sa supérieure hiérarchique des faits de » démarchage « d'un client UBS par un salarié ayant démissionné.

  • un courriel de Monsieur b. M. de la JULIUS BAER, en date du 13 mars 2017, dans lequel il démarche une personne pour lui proposer les services de la banque JULIUS BAER.

Il apparaît que Monsieur b. M. avait démissionné de ses fonctions au sein de la société UBS le 17 novembre 2016.

Le Tribunal relève que ces documents, s'ils montrent un départ de certains salariés de la société défenderesse pour rejoindre la banque JULIUS BAER, n'établissent pas une quelconque intervention de Monsieur f. R. dans lesdites démissions ou dans les démarchages de clients par certains de ces salariés démissionnaires.

Il s'agit de la part de la banque UBS de suppositions qui ne sont étayées par aucun élément et qui ne sauraient dès lors être retenues.

Dans la mesure où l'employeur ne rapporte pas la preuve d'un comportement de Monsieur f. R. susceptible d'entraîner la déchéance de ce dernier aux primes, la demande du salarié est dès lors fondée.

Monsieur f. R. justifie de la somme par lui réclamée en pièces nos 34.2 et 36, lesquelles ne sont pas contestées par la société défenderesse.

Il convient dans ces circonstances de condamner la banque UBS à lui verser la somme de 912.578,76 euros eu titre des rémunérations acquises à règlement différé EOP et DCCP, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

Sur le bonus 2016

Monsieur f. R. sollicite la somme de 2.750.000 euros à ce titre. Le contrat de travail prévoit sur ce point :

«  Bonus

Si les résultats financiers de la Banque le permettent, vous pourrez bénéficier d'un bonus. Le bonus constitue une rétribution spéciale facultative et variable, sans pour autant que l'on puisse y prétendre. Il est fixé et versé dans les premiers mois de l'année, lorsque les éléments déterminants sont disponibles. La détermination et le versement du bonus sont également dépendants des contraintes légales et règlementaires en vigueur.

La décision d'allouer un bonus à un employé et la fixation du montant de chaque bonus individuel sont laissés à la libre appréciation d'UBS (Monaco) SA. Dans son appréciation, UBS (Monaco) SA peut tenir compte de manière adéquate du résultat d'exploitation de l'ensemble du Groupe UBS, d'UBS (Monaco) S.A, de celui du groupe d'affaires et de ses unités structurelles, ainsi que des performances individuelles et du comportement de l'employé pendant l'exercice considéré. La performance individuelle de l'employé n'est pas mesurée exclusivement à l'aune des résultats économiques, mais également considérée en fonction d'autres éléments à satisfaire par l'employé, tels que la sauvegarde des intérêts des clients au sens où l'entend UBS, la qualité à apporter à la conduite du personnel, la gestion du risque, l'aptitude de l'employé à travailler en équipe et la correction de son comportement professionnel et personnel.

Les bonus peuvent être sujets à des formes de rémunération différée en ce compris, sans s'y limiter, à «des droits limités sur actions (restricted shares)», à des paiements futurs soumis à conditions.

Nous vous précisons que le montant du bonus peut différer en plus ou en moins d'une année à l'autre et qu'il est en outre soumis aux déductions dans la limite du plafond annuel de chaque caisse selon ses propres règles. Même si un bonus a été accordé pendant plusieurs années consécutives, l'employé ne peut en déduire aucun droit à des versements futurs ou à un montant déterminé.

Un bonus annuel est également soumis à la condition suivante : il n'est versé que si l'employé, au moment du versement, est toujours en relation contractuelle avec UBS (Monaco) S.A. et qu'aucune notification de résiliation à l'initiative de l'une ou l'autre des parties ne soit intervenue à cette date » .

Il résulte des termes clairs de ce document que le principe du versement d'une prime n'était pas acquis chaque année, son montant étant en outre variable et dépendant des divers facteurs précités.

En effet, la rémunération variable accordée à Monsieur f. R. est purement discrétionnaire et en cas de versement, son mode de calcul est lié à la performance du salarié et aux résultats de la société UBS.

Bien plus et surtout, il est expressément prévu que le bonus n'est dû que sous réserve de la permanence de la relation de travail entre le salarié et UBS.

Monsieur f. R. n'étant plus dans l'entreprise au moment du versement du bonus 2016, pour avoir été licencié le 6 septembre 2016, avec un préavis ayant pris fin le 7 décembre 2016, ne saurait prétendre au paiement du bonus réclamé.

Sur la reprise d'ancienneté

En application des dispositions du chapitre Ier de la deuxième partie de la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques, le salaire est constitué des éléments suivants :

  • les points (coefficient hiérarchique, plus les points personnels),

  • les points de diplôme et de langue,

  • les majorations d'ancienneté,

  • la prime bancaire monégasque,

  • la majoration de 5 % prévue par la loi,

  • la prime de déplacement.

La majoration d'ancienneté est prévue au B du chapitre Ier de la deuxième partie de la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques, en ces termes :

«  Il est attribué à tout agent une prime d'ancienneté calculée sur la contre-valeur en francs de son coefficient de base et de ses points personnels, d'après le barème ci-dessous :

  • au bout d'un an de présence dans la profession ou à la titularisation, si elle intervient avant un an : 2 %,

  • au bout de deux ans de présence dans la profession : 3 %,

  • au bout de trois ans de présence dans la profession : 6 %,

  • au bout de six ans de présence dans la profession : 11 %,

  • au bout de neuf ans de présence dans la profession 16 %,

  • au bout de douze ans de présence dans la profession 21 %,

  • au bout de quinze ans de présence dans la profession 26 %,

  • etc. (...).

L'ancienneté est calculée du jour de l'entrée dans la profession en tenant compte du fait que :

  • les interruptions de travail pour congés de maladie, maternité, allaitement, stage de formation professionnelle, exercice d'un mandat syndical, service et périodes militaires obligatoires, interruption résultant de la guerre ne sont pas déduites du temps de présence,

  • les congés de longue durée pour convenance personnelle sont quant à eux déduits du temps de présence » .

Par ailleurs, en application des dispositions des articles 38 et 39 de la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques, l'indemnité de licenciement « pour la suppression d'emploi »  est égale, pour les gradés et les cadres, par semestre de service dans l'entreprise et en sus de l'indemnité de délai congé, à un demi mois de traitement calculé sur la base du dernier mois de traitement perçu ou, si ce mode de calcul s'avère plus favorable, sur la base du traitement conventionnel annuel, avec un maximum de deux ans de traitement.

Il résulte de ce qui précède qu'il existe bien dans la profession bancaire monégasque deux notions d'ancienneté distinctes, la première prenant en considération pour la détermination du montant du salaire, l'expérience acquise à Monaco par le collaborateur au sein de la profession bancaire, en général, et la seconde visant exclusivement l'ancienneté acquise au sein de l'établissement considéré, lorsqu'il s'agit de déterminer le montant de l'indemnité revenant à un salarié ensuite de son licenciement.

La mention contenue dans les fiches de paie délivrées à Monsieur f. R. distinguant d'une part sa date d'entrée dans la profession (en l'espèce le 1er janvier 1992) et d'autre part sa date d'entrée dans les effectifs de la banque UBS (15 juillet 2013) confirme le bien-fondé de cette analyse.

Enfin, le contrat de travail conclu entre les parties ne prévoit aucune reprise d'ancienneté devant être retenue pour le calcul des indemnités éventuellement dues au salarié dans le cas d'un licenciement.

Monsieur f. R. sera dans ces circonstances débouté de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement au titre d'une reprise d'ancienneté.

Sur la rupture

Les relations entre les parties sont régies par la Convention Collective du Travail du Personnel des Banques signée le 1er juillet 1975 entre l'association monégasque des banques et le syndicat des employés gradés et cadres des banques.

La loi n° 416 du 7 juin 1945 définit en son article 1er de la Convention Collective comme un accord conclu entre partenaires sociaux, en vue de fixer les conditions de travail et les engagements mutuels des parties d'une ou plusieurs entreprises ou industries, pour toute une profession ou un ensemble de professions, notamment pour organiser la protection des salariés contre les risques sociaux.

L'article 2 de la loi énonce qu'à défaut de clause contraire, les personnes liées par la Convention Collective de Travail sont tenues d'observer les conditions de travail y convenues, même dans leurs rapports avec les tiers.

Il en ressort nécessairement que le législateur a entendu permettre aux partenaires sociaux dans le cadre d'une négociation, de déroger à la loi dans un sens plus favorable aux salariés de manière à organiser leur » protection contre les risques sociaux «, sans que cela porte atteinte au caractère d'ordre public des lois régissant les relations de travail mais également, pour autant qu'elles ne lui soient pas contraires, aux dispositions du droit civil qui régissent les obligations contractuelles de droit commun, conformément au principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales.

La Convention Collective qui régit les rapports entre les établissements bancaires de la Principauté et leur personnel, prévoit en son article 32 que «  les motifs de licenciements d'agents titulaires sont, indépendamment de l'application des dispositions relatives aux sanctions disciplinaires, la suppression d'emploi, l'insuffisance résultant d'une incapacité physique, intellectuelle ou professionnelle, à moins qu'il ne soit démontré, par une consultation médicale que cette incapacité n'est due qu'à un mauvais état de santé passager ».

Cette Convention collective prévoit en son article 25-4 les sanctions disciplinaires prévues suivant la gravité de la faute commise par le salarié, à savoir :

« L'insuffisance de travail, les manquements à la discipline et d'une manière générale, les fautes professionnelles commises par un agent sont passibles de sanctions disciplinaires qui, suivant la gravité de la faute, sont du 1er ou du 2e degré.

a) Sanctions du 1er degré :

Ces sanctions sont les suivantes :

  • Avertissement écrit ;

  • Blâme avec inscription au dossier ;

  • Réduction de l'allocation du 13e mois, jusqu' à concurrence d'un maximum de 10%.

b) Sanctions du 2e degré :

Ces sanctions sont les suivantes :

  • Réduction ou suppression provisoire des points de bonification personnels ;

  • Rétrogradation ;

  • Révocation » .

L'article 27 concernant les sanctions de deuxième degré parmi lesquelles figure la révocation, prévoit l'avis préalable d'un Conseil de Discipline et le respect d'une procédure détaillée.

Ainsi, la Convention collective du Travail du Personnel des Banques limite les cas dans lesquels le licenciement peut intervenir, soit à titre de sanction auquel cas une procédure doit être respectée, soit en cas de suppression d'emploi, soit en cas d'insuffisance professionnelle définie de manière restrictive ; étant relevé qu'un accord collectif peut parfaitement limiter les cas dans lesquels le licenciement peut être prononcé, et apporte, dans cette hypothèse, une dérogation à la loi ou aux principes posés par la jurisprudence, dans un sens plus favorable au salarié ( « protection contre les risques sociaux » visée par l'article 1er de la loi n° 416 du 7 juin 1945).

Même si les juridictions sociales ont encadré l'application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, il n'en demeure pas moins que la notification de la cause du licenciement constitue un moyen pour le salarié d'assurer plus aisément la défense de ses intérêts notamment en Justice (la preuve de la validité du motif incombant à l'employeur et la preuve de l'abus qui incombe à l'employé étant le cas échéant facilitée par l'énonciation du motif), si bien que l'obligation Conventionnelle de se référer à un motif de rupture est nécessairement plus protectrice.

Le «  risque d'être pénalisé dans la recherche d'un emploi » n'est pas inéluctable et ne peut être comparé sur un plan humain, juridique et pratique, à la possibilité de connaître les raisons de son congédiement.

Enfin, le fait que le demandeur n'ait pas saisi la Commission Paritaire apparaît sans incidence, dans la mesure où la Convention Collective du Personnel des Banques prévoit en son article 15 que les dispositions y afférentes ne peuvent avoir pour effet d'empêcher les employés de s'adresser directement aux Tribunaux.

Le Tribunal relève que la société UBS reproche certains faits de nature disciplinaires susceptibles de justifier un licenciement de sorte qu'elle devait respecter la procédure prévue par la Convention et utiliser les modes de rupture y prévues.

En outre, les développements des parties sur les qualités professionnelles et/ou les fautes éventuellement commises par le salarié sont superfétatoires et ne seront pas abordés par le Tribunal en l'état du licenciement sans motif prononcé par l'employeur.

Ainsi, en licenciant Monsieur f. R. sans motif, faculté légale à laquelle il a été expressément dérogé par la Convention Collective du Travail du Personnel des Banques, la société UBS a commis une faute dans la mise en œuvre du licenciement, caractérisant un licenciement abusif.

Monsieur f. R. évoque également le caractère brutal et vexatoire du licenciement.

Cependant, il apparaît que Monsieur f. R. était informé dès le mois de juin 2016 que la société UBS souhaitait le licencier, cette dernière lui demandant de prendre attache auprès d'un Conseil pour entamer des pourparlers à ce titre ; ce qui ressort des pièces suivantes produites par le demandeur :

  • pièce n° 11 : échanges de mèls les 6, 7 et 8 juin 2016, entre Monsieur f. R. et Monsieur j-f. L.

  • pièce n° 12-1 : échanges de mèls les 28 et 29 juin 2016, entre Monsieur f. R. et Monsieur j-f. L.

  • pièce n° 12-2 bis : échanges de mèls le 6 juin 2016, entre Monsieur f. R. et Monsieur j-f. L.

  • pièce n° 20 : lettre de contestation du licenciement adressée par Monsieur f. R. à l'employeur le 26 septembre 2016.

Dès lors, Monsieur f. R. n'a pu être surpris par la mesure de licenciement qui est intervenu par la suite, alors que les pourparlers n'avaient pas abouti.

Aucune brutalité ne peut ainsi être retenue à l'encontre de l'employeur.

Le fait que le licenciement de Monsieur f. R. ait été annoncé au personnel de la banque ne peut être considéré comme vexatoire pour le salarié.

Par ailleurs, le demandeur ne démontre pas que la société UBS soit à l'origine de la diffusion sur la place bancaire de l'information concernant son licenciement.

Monsieur f. R. fait également état de l'intention manifeste de la banque UBS de lui nuire, aux motifs que :

  • au prétexte de prétendus agissements déloyaux fictifs, alors qu'elle a pris l'initiative d'une rupture particulièrement fautive, la banque a cru pouvoir le priver de ses rémunérations et bonus au paiement desquels elle s'était pourtant formellement engagée,

  • la banque a adressé un courrier à son nouvel employeur, faisant état des mêmes accusations infondées de concurrence déloyale, accusant la JULIUS BAER de se rendre complice de ces prétendus agissements.

Il a été démontré supra que les actes déloyaux reprochés à Monsieur f. R. ne sont en aucun cas démontrés par la banque UBS, ce qui a eu pour conséquence de condamner cette dernière au paiement de la rémunération différée réclamée par le salarié.

Il s'agit en effet de simples allégations qui ne sont corroborées par aucun élément impliquant Monsieur f. R. directement.

En agissant de la sorte, la banque a nécessairement nui à la réputation de Monsieur f. R. dans la sphère bancaire monégasque, ce qui rend le licenciement d'autant plus abusif.

Monsieur f. R. considère enfin que son licenciement a eu pour objet de contourner les dispositions d'ordre public en matière de suppression de poste.

La réalité de la suppression de poste s'apprécie dans le même espace-temps que celui au cours duquel le licenciement économique est prononcé.

Les tâches peuvent être redistribuées entre plusieurs salariés ou être intégrées dans un autre emploi.

En effet, la suppression d'un poste, dont les tâches sont dévolues à un autre salarié déjà employé dans l'entreprise, est une suppression d'emploi.

La suppression d'emploi suppose l'adjonction des tâches de l'emploi supprimé à un salarié demeuré dans l'entreprise, en sus des siennes, et non le remplacement du salarié licencié par un autre salarié restant dans l'entreprise, auquel ses tâches d'origine lui auraient été retirées.

L'argumentation développée par Monsieur f. R. à ce titre ne saurait être retenue pour les motifs suivants : Les pièces du dossier de la banque UBS montrent que :

  • Madame a. F. a été embauchée suivant contrat de travail en date du 6 juin 2016 pour exercer les fonctions de :

« Deputy Group Country Head/Responsable Adjointe UBS Monaco », puis «  Group Country Head »  à partir du 1er janvier 2017, Directeur Général Délégué d'UBS Monaco et Membre du Conseil d'Administration, Head of wealth management Monaco.

  • le licenciement de Monsieur f. R. était déjà envisagé lors de l'embauche de Madame a. F. ainsi qu'il résulte des explications développées supra,

  • un courriel a été adressé par Madame J. à l'ensemble du personnel de la banque le 8 septembre 2016, en ces termes :

«  Chers collègues,

J'ai le plaisir de vous annoncer la nomination d'a. F. en qualité de Head Wealth Management UBS Monaco avec effet immédiat. a. cumulera les mandats de Deputy Group Country Head Monaco et Head WM Monaco (...).

Je vous informe du départ de f. R. ce jour afin de poursuivre de nouvelles opportunités. Je remercie f. pour sa contribution au sein de nos équipes, son engagement en tant que Head Wealth Management d'UBS Monaco et lui souhaite pleine réussite pour la suite (...) ».

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, non contestés par Monsieur f. R. que les fonctions et tâches de ce dernier ont été reprises et attribuées à Madame a.F.au licenciement du premier, de sorte qu'il s'agit d'une suppression d'emploi et non d'une suppression de poste.

Monsieur f. R. justifie avoir retrouvé un emploi dès le mois de décembre 2016 au sein de la banque JULIUS BAER avec un salaire de 380.000 euros par an (400.000 euros auparavant), outre une prime variable et discrétionnaire.

Le Tribunal relève à ce titre que le dossier du demandeur ne comporte pas le bulletin de salaire des mois de décembre 2017, 2018 et 2019, lesquels aurait pu permettre de vérifier si la perte de revenus revendiquée était réelle.

Ce faisant et compte-tenu des éléments d'appréciation dont dispose le Tribunal et notamment l'âge de Monsieur f. R. lors de la notification de son licenciement (49 ans) et de son ancienneté de service (3 ans 6 mois), le préjudice subi par celui-ci, consécutivement à la rupture de son contrat de travail sera équitablement réparé par l'allocation à son profit d'une somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la demande en dommages et intérêts présentée par Monsieur f. R. en réparation de son préjudice moral subi durant la procédure

Monsieur f. R. considère que «  la banque a porté atteinte à sa réputation et à son image auprès de son employeur (et auprès de la place bancaire monégasque) en l'état de ses agissements fautifs résultant de la lettre de dénonciation qu'elle a cru devoir adresser à son actuel employeur et des propos diffamatoires et malveillants qu'elle a tenus à son encontre dans le cadre de ses écritures du 4 octobre 2018 » .

Le Tribunal a admis en partie la demande de bâtonnement présentée par Monsieur f. R. les écrits contenant des imputations injurieuses, outrageantes ou diffamatoires de nature à porter atteinte à l'honneur du défendeur et excédant la liberté d'expression nécessaire au déroulement aux débats judiciaires.

Par ailleurs, la lettre adressée le 28 septembre 2018 par la société UBS à la banque JULIUS BAER n'a pas de lien avec la procédure diligentée devant la présente juridiction, mais se rattache à la rupture du contrat de travail litigieux.

Enfin, le Tribunal relève que Monsieur f.R.ne rapporte pas la preuve d'une atteinte à sa réputation et à son image auprès de son employeur (et auprès de la place bancaire monégasque), de sorte que la demande de dommages et intérêts présentée devra être rejetée.

Sur l'exécution provisoire

Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire autre que l'exécution provisoire de droit prévue par les dispositions de l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946.

Sur les dépens

La S.A.M. UBS (MONACO) S.A. sera condamnée aux dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Dit que la demande de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts présentée par la S.A.M. UBS MONACO S.A. est irrecevable ;

Déclare irrecevables les demandes en requalification du licenciement litigieux en licenciement pour faute grave et en condamnation de Monsieur f.R.au remboursement de l'indemnité de licenciement présentées par la S.A.M. UBS MONACO S.A.,

Rejette des débats les attestations produites en pièces nos 5 bis, 16, 25, 53, 54 et 55 par la S.A.M. UBS MONACO S.A.,

Prononce la nullité de l'attestation produite en pièce n° 17 par la S.A.M. UBS MONACO S.A.,

Ordonne la suppression des conclusions de la S.A.M. UBS MONACO S.A. en date du 12 mars 2020 du passage suivant, en page 18, point 33 :

«  allant même jusqu'à utiliser des documents confidentiels appartenant à la Banque UBS – ce qui constitue un recel de vol potentiel – pour contacter et démarcher sans scrupule les clients de la SAM UBS (Monaco) SA »

Condamne la S.A.M. UBS MONACO S.A. à verser à Monsieur f. R. la somme de 912.578,76 euros (neuf cent douze mille cinq cent soixante-dix-huit euros et soixante-seize centimes) au titre des rémunérations acquises à règlement différé EOP et DCCP, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

Dit que le licenciement de Monsieur f. R. par la S.A.M. UBS MONACO S.A. est abusif ;

Condamne la S.A.M. UBS MONACO S.A. à payer à Monsieur f. R. la somme de 80.000 euros (quatre-vingt mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice (matériel et moral), avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la S.A.M. UBS MONACO S.A. aux dépens, du présent jugement.

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Mesdames Anne-Marie MONACO, Virginia BUSI, membres employeurs, Messieurs Serge ARCANGIOLINI, Jean-Pierre MESSY, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le quinze octobre deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Mesdames Anne-Marie MONACO, Virginia BUSI, Messieurs Serge ARCANGIOLINI et Jean-Pierre MESSY, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

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