Tribunal du travail, 24 septembre 2020, Madame o. K. c/ La SARL A et j. S.
Abstract🔗
Contrat de travail – Qualification (oui) – Harcèlement moral (non) – Licenciement – Article 6 de la loi n°729 – Caractère abusif (oui)
Résumé🔗
En application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé. Par ailleurs, l'article 1er de la loi n° 739 du même jour définit le salaire comme la rémunération contractuellement due au travailleur placé sous l'autorité d'un employeur, en contrepartie du travail ou des services qu'il a accomplis au profit de ce dernier. Enfin, l'autorité reconnue à l'employeur consiste dans le pouvoir de donner des ordres et des directives à son salarié, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le cas échéant les manquements de celui-ci, ainsi placé sous sa subordination. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve. Il apparaît que l'intéressée a accompli à compter du 22 octobre 2018 un travail ou des services au profit de la société défenderesse sous l'autorité et la subordination de ses instances dirigeantes. Il convient dès lors de considérer, au vu des éléments ci-dessus analysés, que la relation de travail entre Madame o.K.et la SARL A a pris effet à compter du 22 octobre 2018. Dans ces circonstances, la demande de Madame o.K. en paiement du salaire à compter de ladite date est fondée et il lui sera attribué à ce titre la somme brute de 1.606,42 euros (sur la base d'un salaire brut mensuel de 3.212,85 euros versé jusqu'au mois de mars 2019). Il convient en effet de retenir les salaires en brut et non en net.
Le harcèlement moral peut se définir par des agissements répétés ayant pour objet ou effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail. Il appartient au salarié qui se prétend victime d'un harcèlement d'en rapporter la preuve. Il résulte de l'ensemble des éléments produits que la salariée ne fournit pas d'éléments de preuve suffisants permettant d'établir qu'elle aurait été personnellement victime d'agissements répétitifs, abusifs, excessifs et vexatoires, qui seraient à l'origine de son état de santé ou que l'employeur aurait agi de mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail. Madame o.K. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968. L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable). Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 P. c/ SAM G). Il appartient à Madame o.K.de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté. Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté. En l'espèce, Madame o.K. n'invoque aucun motif fallacieux susceptible de permettre une indemnisation d'un préjudice matériel et financier. Elle soutient que les circonstances entourant le licenciement sont fautives. Elle considère avoir fait l'objet d'un licenciement brutal et vexatoire. Les droits de la salariée n'ont pas été respectés, ce qui confère à la rupture un caractère abusif. Par ailleurs, les pièces du dossier et les développements des parties montrent que l'employeur a reçu la salariée et a licencié cette dernière le même jour. La dispense de présence dans la boutique s'apparente à une mise à pied, alors qu'aucune faute n'est reprochée à la salariée, et ce sous menace de poursuite pénale, ce qui est particulièrement vexatoire pour celle-ci. Il apparaît ainsi que l'employeur a agi avec une précipitation et une légèreté blâmable en licenciant Madame o.K. en une journée. La rupture est dès lors intervenue de manière brutale, dans des conditions particulièrement vexatoires, dans la mesure où Madame o.K. n'a pas pu anticiper la rupture qui lui a seulement été annoncée quelques instants avant sa mise en œuvre dans le cadre d'un entretien organisé sans délai de prévenance. Les circonstances entourant ladite rupture sont dès lors abusives, justifiant l'allocation à Madame o.K.de dommages et intérêt en réparation de son préjudice moral. En effet, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe. L'octroi de dommages-intérêts s'avère dès lors justifié. Madame o.K. a nécessairement supporté un préjudice moral du fait de la situation générée par cette rupture exercée avec légèreté et brutalité, et dans des conditions vexatoires pour la salariée. En l'état de l'analyse qui précède et des éléments d'appréciation produits, le préjudice moral apparaît devoir être justement évalué à la somme de 10.000 euros.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 24 SEPTEMBRE 2020
En la cause de Madame o. K., demeurant X1 à BEAUSOLEIL (06240) ;
Demanderesse, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n°XX du 30 septembre 2019, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de M. et plaidant par Maître Thomas BREZZO, avocat près la même Cour ;
d'une part ;
Contre :
- La société à responsabilité limitée dénommée A, dont le siège social se situe X2 à M. prise en la personne de son gérant en exercice ;
Défenderesse, non comparante, ni représentée ;
- Monsieur j. S., Expert-Comptable, demeurant X3 à M. agissant en sa qualité de Syndic de la cessation des paiements de la SARL A désigné par jugement du Tribunal de première instance en date du 6 août 2019, intervenant volontaire aux débats ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 7 août 2019, reçue le 8 août 2019 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 14-2019/2020 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 15 octobre 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de Madame o. K. en date du 14 novembre 2019 ;
Vu les conclusions de Monsieur j. S.. agissant en sa qualité de Syndic de la cessation des paiements de la SARL A en date du 13 février 2020 ;
Après avoir entendu Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de M. pour Madame o. K. et Monsieur j. S.. Syndic de la cessation des paiements de la SARL A en leurs observations ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Madame o. K. a été embauchée par la société à responsabilité limitée A en qualité de Directrice de la boutique R. moyennant un salaire mensuel de 3.212,85 euros.
Elle indique être entrée en fonction à compter du 22 octobre 2018.
Madame o. K. a été licenciée par courrier en date du 6 mai 2019, sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.
Le 6 août 2019, la SARL A a été déclarée en état de cessation des paiements, Monsieur j. S.. ayant été désigné en qualité de Syndic.
Par requête en date du 7 août 2019, reçue au greffe le 8 août 2019, Madame o. K. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
2.800 euros net correspondant au salaire pour la période du 7 mai 2019 au 6 juin 2019 et dommages et intérêts pour le retard de règlement,
le complément des indemnités de licenciement,
2.100 euros correspondant à quinze jours de travail supplémentaires,
12.851,40 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et harcèlement moral pendant toutes la durée du travail,
7.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,
délivrance des documents corrigés relatifs à son travail en fonction du début du travail le 22 octobre 2018 et non le 20 novembre 2018 :
la fiche de paie pour la période du 22 octobre 2018 au 21 novembre 2018,
les fiches de paie pour tous les mois suivants avec la date de début et d'ancienneté corrigées,
la fiche de paie pour le mois de mai 2019,
la fiche de paie pour la période du 1er juin 2019 au 7 juin 2019,
l'attestation ASSEDIC corrigée, avec la date de début du contrat le 22 octobre 2018,
les déclarations sociales et retraite corrigées, avec la date de début du contrat le 22 octobre 2018, ainsi que la régularisation des cotisations sociales et retraite, et fournir les preuves,
les documents du solde de tout compte et le certificat de travail avec les dates et montants corrigés,
le CDI avec la date du début, soit le 22 octobre 2018, corrigée.
À l'audience de conciliation, Madame o. K. a modifié ses demandes de la manière suivante :
fixer la créance au titre du préavis à 2.800 euros net pour la période du 07/05/2019 au 06/06/2019, outre les congés payés afférents au préavis, soit 280 euros net,
fixer l'indemnité de licenciement à la somme de 901,04 euros,
fixer le montant des dommages et intérêts pour le préjudice moral au titre de l'exécution fautive du contrat à la somme de 12.851,40 euros,
fixer la créance de dommages et intérêts pour licenciement abusif à la somme de 15.000 euros,
15 jours de travail supplémentaires 2.800 euros/20 = 140 euros - salaire net par jour, dont quinze jours = 140 x 15 = 2.100 euros,
et délivrance :
des documents corrigés relatifs à son travail en fonction du début de travail le 22 octobre 2018 (et non le 20 novembre 2018) :
de la fiche de paie pour la période du 22 octobre 2018 au 21 novembre 2018,
des fiches de paie pour tous les mois suivants avec la date de début et d'ancienneté corrigées,
de la fiche de paie du 1er mai 2019 au 31 mai 2019,
de la fiche de paie du 1er juin 2019 au 7 juin 2019,
de l'attestation ASSEDIC de fin de contrat corrigée, avec la date du début du contrat le 22 octobre 2018,
des déclarations sociales et retraite corrigées, avec la date du début du contrat le 22 octobre 2018, ainsi que la régularisation des cotisations sociales et retraite pour son compte et fournir les preuves,
des documents du solde de tout compte et le certificat de travail avec les dates et montants corrigés,
du CDI avec la date du début 22 octobre 2018 corrigée.
Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
La demanderesse a déposé des conclusions le 14 novembre 2019 dans lesquelles elle demande au Tribunal de :
dire et juger qu'elle a démarré son emploi au sein de la SARL A le 22 octobre 2018,
dire et juger que le comportement de l'employeur a été fautif tout au long de la relation de travail,
dire et juger que la SARL A a fait preuve de légèreté blâmable dans la mise en œuvre du licenciement,
en conséquence,
fixer sa créance au titre du préavis à 2.800 euros net pour la période du 7 mai 2019 au 6 juin 2019, outre les congés payés afférents au préavis, soit 280 euros net,
fixer l'indemnité de licenciement à la somme de 5,94 euros,
fixer le montant des dommages et intérêts pour le préjudice moral au titre de l'exécution fautive du contrat à la somme de 12.851,40 euros,
fixer sa créance de dommages et intérêts pour licenciement abusif à la somme de 15.000 euros,
fixer sa créance au titre de quinze jours de travail supplémentaires à la somme de 2.100 euros net,
ordonner la communication des bulletins de salaire, attestation PE, solde de tout compte rectifiés,
le tout sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document,
condamner la SARL A aux dépens dont distraction au profit de l'État conformément à la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 relative à l'assistance judiciaire et à l'indemnisation des avocats.
Madame o. K. fait essentiellement valoir que :
dès son entrée en poste, elle a reçu une liste de tâches à accomplir les premières semaines de son travail,
des réunions hebdomadaires avec la direction avaient été fixées dès le 25 octobre 2018,
ce n'est que le 20 novembre 2018 que l'employeur a procédé au dépôt auprès des services de l'emploi de la demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail,
la date d'entrée était fixée de manière parfaitement frauduleuse au 20 novembre 2018,
de manière générale, les conditions de travail étaient difficiles en raison du comportement de l'employeur,
l'entrée en fonction, à compter du mois d'avril 2019, d'un responsable de développement, en la personne de Monsieur S. n'a fait que contribuer davantage à la dégradation des conditions de travail des salariés de la société,
l'employeur lui réclamait sans cesse l'exécution de tâches irréalisables et la contactait en dehors de ses heures de travail,
la SARL A a procédé aux formalités relatives à son embauche de manière volontairement tardive et en déclarant frauduleusement le début de l'exécution du contrat de travail au 20 novembre 2018,
elle était réglée de ses salaires systématiquement en retard,
le comportement fautif de l'employeur a eu des répercussions sur sa santé et elle a dû suivre un traitement anxiolytique en raison de l'état de stress que cela lui a causé,
le 6 mai 2019, Monsieur s. V. lui a subitement annoncé qu'elle était licenciée et qu'elle devait quitter la boutique sur le champ,
elle a été congédiée dans des conditions particulièrement brutales et abusives,
l'employeur a longtemps refusé de lui remettre ses documents de fin de contrat,
elle a ainsi été obligée de faire intervenir dans un premier temps l'Inspection du Travail, puis d'initier la présente procédure pour faire valoir ses droits.
Monsieur j. S.. ès-qualités de Syndic, a déposé des conclusions le 13 février 2020 dans lesquelles il s'oppose aux prétentions émises à l'encontre de la SARL A aux motifs que :
Madame o. K. ne communique aucun élément concernant les quinze jours de travail supplémentaires qui auraient été effectués,
aucune indemnité de licenciement n'est due lorsque l'ancienneté dans l'entreprise est inférieure à deux ans,
aucun élément n'est établi concernant un licenciement abusif, l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 permettant à l'employeur de mettre fin au contrat de travail,
aucun élément ne caractérise un préjudice moral lequel découlerait d'un harcèlement permanent non établi,
le certificat médical produit par la demanderesse date du mois d'août 2019, soit postérieurement à la fin du contrat de travail,
la salariée n'a jamais saisi l'Inspection du Travail pour remettre en cause ses conditions de travail,
celle-ci ne peut dès lors justifier d'aucun préjudice.
La SARL A n'était ni présente, ni représentée.
SUR CE,
Sur le salaire au titre de 15 jours de travail supplémentaires :
En application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé.
Par ailleurs, l'article 1er de la loi n° 739 du même jour définit le salaire comme la rémunération contractuellement due au travailleur placé sous l'autorité d'un employeur, en contrepartie du travail ou des services qu'il a accomplis au profit de ce dernier.
Enfin, l'autorité reconnue à l'employeur consiste dans le pouvoir de donner des ordres et des directives à son salarié, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le cas échéant les manquements de celui-ci, ainsi placé sous sa subordination.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
Madame o. K. soutient avoir commencé sa relation de travail avec la SARL A à compter du 22 octobre 2018, ce qui est contesté par Monsieur j. S. ;
Madame o. K. a été embauchée par la SARL A en 2018 sans contrat de travail écrit ;
À cet égard, la demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail, reçue par le Service de l'Emploi le 20 novembre 2018, porte les mentions suivantes :
« Offre d'emploi : 507 793 du : 11/10/2018.
Nature de l'emploi : directeur de boutique.
Date d'entrée : 20/11/2018. ».
L'autorisation d'embauchage et le permis de travail en date du 26 novembre 2018 confirment une date de prise d'effet du contrat de travail au 20 novembre 2018.
Il appartient ainsi à Madame o. K. de prouver la relation de travail avant le 20 novembre 2018.
Pour ce faire, Madame o. K. produit les éléments suivants :
Un courriel en date du 19 octobre 2018 adressé par Madame a. SH.( y. com ) à la SARL A ( w. com ), dont copie à ceo w. com, od w. com, ND.( finance w. com ), en langue anglaise avec sa traduction libre en français, ainsi libellé :
« Chers collègues, Hicham, Marina,
Je viens à vous avec des nouvelles très positives et passionnantes.
Je suis heureux de vous informer que vous allez souhaiter la bienvenue à notre nouvelle directrice générale de la SARL A le lundi 22.
Accueillez chaleureusement o. et accordez-lui toute l'aide possible. Soutenir o. dans toutes ses tâches administratives et opérationnelles, dans le travail avec les clients et les marchandises.
Merci pour votre collaboration. Et je reste à votre disposition comme d'habitude au cas où vous auriez des questions.
Meilleures salutations. ».
Il résulte de ce mél que Madame o. K. a été présentée à l'équipe de la SARL A dès le 22 octobre 2018, en qualité de Directrice de la boutique de M.
Un courriel en date du 22 octobre 2018 adressé par Madame a. SH. à Madame o. K. dont copie à Monsieur s. V. od w. com, finance w. com, en langue russe avec sa traduction libre en français, ainsi libellé :
« Objet : boutique M.- tâches pour 22.10 - 26.10/29.10 - 02.11
o.
Suite à votre conversation sur WhatsApp, comme convenu je vous adresse les tâches pour les deux semaines à venir.
octobre - 26 octobre
- Pour le 22.10 passer le test et écrire l'essai.
Comme tout travail commence par l'organisation, alors :
- Pour le 23.10 faire la révision de qualité de la boutique et de la marchandise, inventaire fait en détails (support selon les standards, procédures et aspects organisationnels de la part du directeur opérationnel r. N. et directrice financière n. DM.- ils nous lisent en copie)
- Pour le 26.10 travail sur les standards et procédures, audit des documents
- Pour le 26.10 organisation de l'espace de travail
- Pour le 26.10 organisation de la marchandise selon les groupes et familles de produits
- Pour le 26.10 organisation de l'entrepôt
- Pour le 26.10 sur la base du document Modification de la motivation, évaluer les compétences de h. et de m., faire un rapport
Pour chaque tâche il faut produire un rapport sur le travail fait
octobre - 2 novembre
- Préparer la boutique pour les soldes
- Faire l'audit de la base des clients
- Faire l'analyse des collaborateurs selon leurs compétences (lesquelles compétences - on verra avec M V., rapport
- Licencier m. - pour l'instant nous avons reçu la proposition sur l'accompagnement uniquement de la part de k.
- Préparer le rapport sur les ventes de la boutique pendant 2 dernières années selon les types de la marchandise, les clients
Pour chaque tâche il faut produire un rapport sur le travail fait
Je reste à votre disposition si vous avez des questions,
(...). ».
Il s'agit sans contestation possible de consignes données à la demanderesse par l'assistante du CEO, ce qui démontre le lien de subordination exigé pour qualifier une relation de travail.
Un courriel en date du 25 octobre 2018 adressé par Monsieur s. V.( ceo w. com ) à Madame a. SH. dont copie à Madame o. K. od w. com et finance w. com, en langue russe avec sa traduction libre en français, ainsi libellé :
« Les réunions hebdomadaires : tous les jeudis ».
Un courriel en date du 26 octobre 2018 à 12 h 15 de Madame o. K. à Madame a. SH. en langue russe avec sa traduction libre en français, ainsi libellé :
« Sujet : contrat
a. bonjour,
Je vous remercie de me préciser quand on recevra l'autorisation de la Direction du travail et quand on signera le contrat ?
Je vous remercie,
Meilleures salutations. ».
Madame a. SH. répondra le même jour à 12 h 42 en ces termes (dont copie à Monsieur s. V. :
« o.
L'autorisation doit être prête la semaine prochaine, tout de suite après cela nous signerons le contrat.
Si vous avez des questions, je suis à votre disposition. ».
Il apparaît que l'intéressée a accompli à compter du 22 octobre 2018 un travail ou des services au profit de la société défenderesse sous l'autorité et la subordination de ses instances dirigeantes.
Il convient dès lors de considérer, au vu des éléments ci-dessus analysés, que la relation de travail entre Madame o. K. et la SARL A a pris effet à compter du 22 octobre 2018.
Dans ces circonstances, la demande de Madame o. K. en paiement du salaire à compter de ladite date est fondée et il lui sera attribué à ce titre la somme brute de 1.606,42 euros (sur la base d'un salaire brut mensuel de 3.212,85 euros versé jusqu'au mois de mars 2019).
Il convient en effet de retenir les salaires en brut et non en net.
Sur l'indemnité de préavis :
La loi n° 729 du 16 mars 1963 fixe la durée du préavis à un mois, si l'ancienneté du salarié au service d'un même employeur est supérieure à six mois ininterrompus ou à deux mois si cette ancienneté est supérieure à deux années ininterrompues.
Dans la mesure où il est reconnu par la présente juridiction que la relation de travail litigieuse a débuté le 22 octobre 2018, Madame o. K. disposait d'une ancienneté supérieure à 6 mois à la date de la lettre de licenciement du 6 mai 2019.
L'employeur est ainsi redevable d'un préavis d'un mois à hauteur de la somme brute de 3.217,80 euros, outre les congés payés afférents d'un montant brut de 321,78 euros .
Sur l'indemnité de licenciement :
Conformément à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, Madame o. K. est en droit de prétendre à une indemnité de licenciement d'un montant de 900,98 euros calculé comme suit :
Indemnité : 3.217,80/25 x 7 (nombre de mois d'ancienneté) = 900,98 euros.
Madame o. K. ayant perçu la somme de 895,10 euros, il lui reste dû un différentiel d'un montant de 5,88 euros .
Sur l'exécution fautive du contrat de travail :
Conformément à l'article 989 du Code civil, l'employeur doit exécuter de bonne foi le contrat de travail.
Madame o. K. reproche à l'employeur :
- de lui avoir réclamé sans cesse l'exécution de tâches irréalistes,
- de l'avoir contactée en dehors de ses heures de travail,
- ce qui a créé des conditions de travail s'apparentant à un harcèlement permanent,
- d'avoir procédé aux formalités relatives à son embauche de manière volontairement tardive,
- de procéder au paiement des salaires systématiquement en retard.
La demanderesse soutient ainsi que le comportement de l'employeur a eu des répercussions sur sa santé.
Le harcèlement moral peut se définir par des agissements répétés ayant pour objet ou effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail ;
Il appartient au salarié qui se prétend victime d'un harcèlement d'en rapporter la preuve.
Madame o. K. se fonde sur les pièces suivantes :
- la liste des tâches à faire pour le 22 octobre 2018, du 26 au 29 octobre 2018 et le 2 novembre 2018.
Le Tribunal relève que la demanderesse ne précise pas en quoi cette liste de tâches serait irréalisable, alors qu'elle n'a émis aucune réserve lors de la réception de ce document, ni dans les semaines qui ont suivi.
- une liste des appels WhatsApp entre elle et Monsieur s. V.
En l'absence d'élément sur les horaires et jours d'ouverture de la boutique, les quelques appels de Monsieur s. V. ne peuvent constituer des actes de harcèlement.
Un courriel en date du 30 mars 2019 adressé par la salariée à Madame a. SH. et Monsieur s. V. en langue russe avec sa traduction libre en français, dans lequel elle demande à la direction de procéder au paiement des salaires « à temps ».
Ce courrier, pour émaner de la personne même qui s'en prévaut, ne revêt aucune valeur probante.
Un courriel en date du 3 octobre 2019 du Docteur p. SC. à Madame o. K. ainsi libellé :
« Beausoleil le 6 août 2019
Je soussigné docteur p. SC. certifie avoir examiné o. K. le 12 avril 2019. Je certifie avoir constaté à cette consultation un état de stress et d'anxiété que la patiente relie à des problèmes professionnels cet état a justifié un traitement anxiolytique adapté.
Certificat fait à la demande de l'intéressé est remis en main propre pour faire valoir ce que de droit. ».
Le Tribunal relève que ce simple mèl ne peut être considéré comme un certificat médical, la qualification du témoin n'apparaissant nulle part.
Par ailleurs, aucune valeur probante ne peut être reconnue à ce document en ce qu'il reproduit les doléances de la salariée.
Enfin, cette pièce médicale n'établit pas que les troubles constatés soient en lien avec des agissements abusifs qui auraient été commis à l'encontre de la salariée par son employeur.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la salariée ne fournit pas d'éléments de preuve suffisants permettant d'établir qu'elle aurait été personnellement victime d'agissements répétitifs, abusifs, excessifs et vexatoires, qui seraient à l'origine de son état de santé ou que l'employeur aurait agi de mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail.
Madame o. K. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur le caractère abusif du licenciement :
En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.
L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).
Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 P. c/ SAM G).
Il appartient à Madame o. K. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.
Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.
En l'espèce, Madame o. K. n'invoque aucun motif fallacieux susceptible de permettre une indemnisation d'un préjudice matériel et financier.
Elle soutient que les circonstances entourant le licenciement sont fautives. Elle considère avoir fait l'objet d'un licenciement brutal et vexatoire.
Les droits de la salariée n'ont pas été respectés ainsi qu'il résulte de l'argumentation développée supra, ce qui confère à la rupture un caractère abusif.
Par ailleurs, les pièces du dossier et les développements des parties montrent que l'employeur a reçu la salariée et a licencié cette dernière le même jour :
* Lettre de l'employeur en date du 6 mai 2019 :
« Madame o. K.
Suite à votre entretien du 06 mai 2019, avec Monsieur s. V. vous avez été informé de notre décision de votre licenciement.
Vous recevrez la copie en lettre recommandée AR n H.
À partir du 6 mai 2019 11 : 00 je vous relève de vos fonctions du directeur, et vous êtes dispensé de vous présenter à la boutique, sous peine de poursuite pénale.
Meilleures salutations. ».
La dispense de présence dans la boutique s'apparente à une mise à pied, alors qu'aucune faute n'est reprochée à la salariée, et ce sous menace de poursuite pénale, ce qui est particulièrement vexatoire pour celle-ci.
* Lettre de licenciement du même jour.
Il apparaît ainsi que l'employeur a agi avec une précipitation et une légèreté blâmable en licenciant Madame o. K. en une journée.
La rupture est dès lors intervenue de manière brutale, dans des conditions particulièrement vexatoires, dans la mesure où Madame o. K. n'a pas pu anticiper la rupture qui lui a seulement été annoncée quelques instants avant sa mise en œuvre dans le cadre d'un entretien organisé sans délai de prévenance.
Les circonstances entourant ladite rupture sont dès lors abusives, justifiant l'allocation à Madame o. K. de dommages et intérêt en réparation de son préjudice moral.
En effet, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.
L'octroi de dommages-intérêts s'avère dès lors justifié.
Madame o. K. a nécessairement supporté un préjudice moral du fait de la situation générée par cette rupture exercée avec légèreté et brutalité, et dans des conditions vexatoires pour la salariée.
En l'état de l'analyse qui précède et des éléments d'appréciation produits, le préjudice moral apparaît devoir être justement évalué à la somme de 10.000 euros .
Sur la remise des documents liés à la rupture :
Il convient d'ordonner, en tant que de besoin, la délivrance des fiches de paie et des documents de fin de contrat conformes à la présente décision, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, la nécessité d'une mesure d'astreinte n'étant par ailleurs nullement établie.
Sur les dépens :
Le syndic de la cessation des paiements de la SARL A devra supporter les dépens du présent jugement, lesquels seront employés en frais privilégiés de cessation des paiements.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Dit que la relation de travail entre Madame o. K. et la SARL A a pris effet à compter du 22 octobre 2018 ;
Fixe à la somme brute de 1.606,42 euros (mille six cent six euros et quarante-deux centimes) le rappel de salaire dû à Madame o. K. à ce titre ;
Fixe à la somme brute de 3.217,80 euros (trois mille deux cent dix-sept euros et quatre-vingts centimes) l'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents d'un montant brut de 321,78 euros (trois cent vingt et un euros et soixante-dix-huit centimes) ;
Fixe à la somme de 5,88 euros (cinq euros et quatre-vingt-huit centimes) le solde d'indemnité de licenciement restant dû à Madame o. K.;
Dit que le licenciement de Madame o. K. par la SARL A est abusif ;
Fixe à la somme de 10.000 euros (dix mille euros) le montant des dommages et intérêts dus par la SARL A en réparation du préjudice moral subi par la salariée ;
Ordonne, en tant que de besoin, la délivrance par la SARL A à Madame o. K. dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, des fiches de paie et des documents de fin de contrat conformes à la présente décision ;
Déboute Madame o. K. du surplus de ses demandes ;
Dit que le syndic de la cessation des paiements de la SARL A doit supporter les dépens du présent jugement qui seront employés en frais privilégiés de cessation des paiements ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Cédric CAVASSINO, Nicolas MATILE-NARMINO, membres employeurs, Messieurs Maximilien AGLIARDI, Silvano VITTORIOSO, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le vingt-quatre septembre deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Cédric CAVASSINO, Nicolas MATILE-NARMINO, membres employeurs, Maximilien AGLIARDI, Silvano VITTORIOSO, membres salariés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.