Tribunal du travail, 17 septembre 2020, Mme m. L. c/ SAM TOP NETT

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Abstract🔗

Contrat de travail - Licenciement abusif - Article 6 de la Loi n° 729 - Rupture abusive (oui) - Dommages-intérêts (oui)

Harcèlement moral - Application de la loi dans le temps - Dommages-intérêts (oui)

Résumé🔗

L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du Travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable). Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 PE. c/ S.A.M. TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES).

Il appartient au demandeur de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.

Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.

À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.

Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

La notion de harcèlement moral reconnue par la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relatif au harcèlement et à la violence au travail n'était pas consacrée par le législateur au moment de la rupture, en sorte qu'au cas d'espèce, la responsabilité éventuelle de l'employeur ne pouvait être recherchée qu'à raison de manquements graves de son fait ou du fait de ses salariés en s'étant abstenu de prendre les mesures appropriées pour faire cesser la situation de harcèlement moral dénoncée qui sont susceptibles d'affecter la santé du salarié.

Dès lors, la responsabilité de l'employeur peut être recherchée à cet égard par application des règles de droit commun :

- sur le fondement de l'obligation de bonne foi prévue par l'article 989 du Code civil :

* lorsqu'il est l'auteur, dans des circonstances liées au travail, d'agissements (abus, menaces, humiliations, mises à l'écart) entraînant ou étant susceptibles d'entraîner notamment une dégradation de la santé physique ou mentale de ses salariés,

* lorsqu'il a été informé d'une situation de harcèlement moral ou de difficultés relationnelles entre ses salariés et s'est abstenu de prendre les mesures appropriées,

- sur le fondement de l'article 1231 alinéa 4 du Code civil, lorsque les agissements sus évoqués ont été commis par un de ses employés dans le cadre du lien de préposition.

Cependant, l'employeur n'est nullement tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral, au regard des dispositions légales monégasques applicables lors de la rupture.

En tout état de cause, il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits de harcèlement moral qu'il invoque, étant relevé que le Tribunal du travail peut apprécier les présomptions, qui ne sont pas établies par la loi, dans les conditions fixées par l'article 1200 du Code civil.

La frontière entre humour et harcèlement peut être différente selon les individus. Ce que certains trouvent drôle et « de bon goût », d'autres pourront s'en offenser.

Il convient de s'assurer du consentement de la cible des plaisanteries, être attentif à sa réaction, à l'effet de répétition sur son moral.

Il résulte ainsi des propres écrits de Monsieur f. H. qu'il a, à plusieurs reprises, eu des propos que Madame m. L. a ressentis comme déplacés, sans que celui-là ne réagisse et cesse toute familiarité.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 17 SEPTEMBRE 2020

En la cause de Madame m. L., demeurant « X1», X1à CAP-D'AIL (06320) ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée TOP NETT, dont le siège social se situe 5 rue Louis Notari à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 28 mars 2018, reçue le 29 mars 2018 ; Vu la procédure enregistrée sous le numéro 60-2017/2018 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 8 mai 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur au nom de Madame m. L. en date des 4 octobre 2018 et 11 juillet 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. TOP NETT, en date des 14 mars 2019 et 14 novembre 2019 ;

Après avoir entendu Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco pour Madame m. L. et Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la même Cour pour la S.A.M. TOP NETT, en leurs explications ;

Vu les pièces du dossier ;

Madame m. L. a été embauchée par la société anonyme monégasque TOP NETT en contrat à durée indéterminée, à compter du 5 avril 2004, en qualité de Secrétaire Accueil/Standard, jusqu'en 2008, date à laquelle elle a été nommée Assistante de Direction.

Par courriel en date du 2 mai 2017, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien afin d'aborder l'avenir de leurs relations contractuelles.

À la suite de celui-ci, Madame m. L. a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie.

Par courrier en date du 9 mai 2017, Madame m. L. a été licenciée sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 749 du 16 mars 1963.

Par requête en date du 28 mars 2018 reçue au greffe le 29 mars 2018, Madame m. L. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • constater que l'employeur a eu un comportement fautif à son égard, tant dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, que dans sa rupture,

  • constater que Madame m. L. a fait l'objet, avant la notification de son licenciement, d'une « mise au placard »,

  • dire et juger que le licenciement notifié le 9 mai 2017 n'a pas reposé sur un motif valable, qu'il a été mis en œuvre de manière légère, brutale et vexatoire, le rendant par là même doublement abusif,

  • en conséquence,

  • condamner la S.A.M. TOP NETT à régler à Madame m.L.la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts,

et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du Tribunal du travail. Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Madame m. L. a déposé des conclusions les 4 octobre 2018 et 11 juillet 2019 dans lesquelles elle soutient essentiellement que :

  • un changement au sein de la direction est intervenu le 15 juillet 2015, date à partir de laquelle les relations de travail avec son employeur se sont dégradées,

  • à l'arrivée de Monsieur f. H. nouveau Directeur, elle a fait l'objet de railleries réitérées relativement à son physique et à son âge,

  • elle s'est vue peu à peu privée de ses fonctions qui étaient confiées aux inspecteurs et chef d'exploitation, autres collaborateurs de Monsieur f. H.

  • à son retour de congés, le 2 mai 2017, elle a été convoquée par Monsieur f. H. à un entretien afin d'aborder l'avenir de leur relation contractuelle, et ce le jour même,

  • Monsieur c. L. était présent en sa qualité de Responsable d'Exploitation et non de Délégué du Personnel,

  • après l'entretien, l'employeur a fait irruption dans son bureau et lui a demandé de quitter immédiatement les lieux sans pouvoir saluer ses collègues de travail, ni reprendre ses effets personnels ; ce qui s'apparente à une véritable mise à pied alors qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles,

  • il lui a été demandé de réfléchir sur son licenciement sans motif, dont elle ne connaissait donc pas les raisons,

  • en réalité, Monsieur f.H.ne supportait plus sa présence dans les locaux de l'entreprise et ce délai de réflexion n'était qu'un leurre pour lui demander de quitter immédiatement les lieux,

  • elle s'est immédiatement rendue auprès de l'Inspection du Travail pour dénoncer le comportement de l'employeur et confirmer qu'elle n'avait pas abandonné son poste,

  • elle a été licenciée alors qu'elle était en arrêt maladie, de sorte que son contrat de travail était suspendu,

  • l'employeur n'a pas déclaré cet arrêt maladie et la mutuelle d'entreprise ne lui verse pas le complément de salaire dû,

  • le dernier bulletin de salaire du mois de mai 2017 comporte une erreur en ce que le 1er mai ne lui a pas été rémunéré,

  • le motif réel de son licenciement consiste dans son refus de voir modifier un élément essentiel de son contrat de travail,

  • dès son arrivée, Monsieur f. H. a cherché par tous moyens à remodeler la société, ce qui s'est traduit, pour elle, à la priver progressivement de toutes ses fonctions,

  • elle a écrit à de multiples reprises à son employeur pour l'alerter sur cette situation, en vain,

  • elle n'était pas que l'exécutante de Monsieur c. B. ancien Directeur, mais au contraire, avait une large autonomie dans son poste,

  • Monsieur c. B. lui avait même confié la formation de Madame K. d'abord au poste de Secrétaire, puis pour toutes les tâches relatives à la gestion de la paie du personnel,

  • étant soumises aux normes Iso 9001 et 14.001, l'employeur avait l'obligation, avant toute modification de tâche confiée habituellement à un salarié, obtenir sa signature sur une fiche de fonction pour acter cette modification qui impactait toute l'organisation de l'entreprise,

  • elle n'a signé aucune modification sur sa fiche de fonction,

  • cette modification de son contrat de travail, qu'elle a refusée, devait entrainer son licenciement, l'employeur devant alors démontrer que la modification concernée était justifiée par l'intérêt réel de l'entreprise,

  • elle a en outre subi un véritable harcèlement moral durant l'exécution du contrat de travail,

  • Monsieur f. H. se moquait quotidiennement d'elle et principalement en public,

  • elle lui a adressé plusieurs courriers pour lui dire que ses propos blessants la mettaient mal à l'aise,

  • elle est encore à ce jour dans l'incapacité d'assurer un emploi et continue de se faire suivre par un spécialiste.

Madame m. L. sollicite encore dans ses écritures de voir écarter des débats la pièce n° 1 de la S.A.M. TOP NETT.

La S.A.M. TOP NETT a déposé des conclusions les 14 mars 2019 et 14 novembre 2019 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

  • elle a convoqué la salariée par un courriel du 2 mai 2017 au matin pour un entretien le même jour à 11h30,

  • aucun délai n'a été prévu par la jurisprudence entre la remise de la convocation et la tenue de l'entretien. Il n'est pas plus exigé de mentionner l'objet de l'entretien,

  • Monsieur c. L. était présent en qualité de Délégué du Personnel représentant le collègue Cadre, afin que Madame m. L. se sente soutenue pendant l'entretien,

  • Madame m. L. s'est très vite emportée en interrompant l'entretien,

  • Monsieur f. H. lui a alors indiqué qu'elle était dispensée de présence au sein de l'entreprise afin qu'elle puisse réfléchir à la suite de son côté et prendre conseil si elle le souhaitait. Il ne s'agit en aucun cas d'une mise à pied disciplinaire,

  • Monsieur f. H. a également précisé à la salariée qu'un second entretien aurait lieu le 9 mai 2017,

  • lors de la tenue de ce second entretien, Madame m. L. s'est présentée seule et la lettre de licenciement lui a été remise en main propre,

  • elle est allée au-delà de ce que prévoit la jurisprudence dans la mesure où elle a exposé par écrit ce qui était reproché à Madame m. L. afin qu'ils puissent avoir un véritable échange lors du second entretien,

  • il ne peut dès lors y avoir aucune brutalité ou légèreté blâmable dans la mise en œuvre de la procédure,

  • Madame m. L. a fait l'objet d'un arrêt de travail à la sortie du premier entretien. La procédure de licenciement avait alors débuté de sorte que cet arrêt de travail ne peut avoir pour conséquence d'interrompre la procédure qui avait débuté antérieurement à l'arrêt maladie,

  • Madame m. L. ayant reçu l'indemnité de licenciement, il n'y a pas lieu de s'interroger sur le montant de licenciement,

  • la salariée a été remplie de ses droits,

Sur le réel motif prétendu :

  • aucune proposition de modification du contrat de travail n'a été présentée à Madame m. L.

  • les tâches de Madame m. L. ont été, à l'époque de Monsieur c. B. adaptées aux besoins et à la manière de travailler de ce dernier,

  • une assistante de direction doit adapter son assistanat aux besoins de son directeur,

  • la capacité d'adaptation d'une Assistante de Direction est, par conséquent, essentielle et c'est qu'était en droit d'attendre Monsieur f. H. de Madame m. L.

  • cette dernière n'a pas su remplir ce critère lors de l'arrivée de Monsieur f. H.

  • les anciens salariés ayant attesté dans l'intérêt de Madame m. L. ont été sanctionnés par l'entreprise et leurs déclarations présentent un caractère vindicatif,

  • ces deux attestations ne sont absolument pas factuelles et détaillées. Les deux anciens salariés ne citent pas les tâches exactes qui auraient été enlevées à Madame m. L.

  • Monsieur f. H. n'a jamais nié avoir retiré certaines tâches de travail à Madame m. L. au regard de la réorganisation du fonctionnement de l'entreprise afin de la rendre plus compétitive,

  • les déclarations des anciens salariés sur le comportement de Monsieur f. H. ne reflètent que leurs impressions et restent extrêmement vagues,

  • à son arrivée, Monsieur f. H. a constaté une centralisation d'une bonne partie des communications effectuées au sein de l'entreprise auprès de Madame m. L.

  • cela créait une charge de travail beaucoup trop importante pour Madame m. L.

  • Monsieur f. H. a alors décidé de décentraliser un bon nombre de procédures afin que les collaborateurs concernés puissent avoir directement connaissance des informations, cela permettant de raccourcir les délais du traitement des problématiques ainsi que des dossiers de manière générale,

  • il a ensuite créé un niveau de décision supplémentaire permettant à chaque collaborateur de prendre des décisions, à son niveau, sans avoir à obtenir systématiquement son aval, et par ricochet, sans à en avoir faire part à Madame m. L.

  • il a eu des retours positifs des clients qui ont constaté une plus grande réactivité des services administratifs,

  • cela a conduit les services administratifs à modifier leur organisation, ce qui a eu pour conséquence de modifier légèrement leurs tâches de travail, mais sans pour autant constituer une modification substantielle,

  • ces modifications ont touché l'ensemble des salariés,

  • Madame m. L. a été incapable de s'adapter au nouveau fonctionnement de l'entreprise,

  • le poste de la salariée n'étant pas décisionnaire n'a pas été vidé de sa substance,

  • Madame m. L. a clairement manqué de bonne volonté en s'obstinant à fonctionner de la même manière qu'avec Monsieur c.B.et en se vexant à chaque fois qu'elle n'était pas au courant ou qu'elle n'était pas au centre d'une décision prise par son Directeur Général,

  • Monsieur f. H. n'avait pas les mêmes besoins d'assistanat que son prédécesseur,

  • Madame m. L. a toutefois continué à être l'interlocuteur privilégiée des prestataires et des salariés de la société,

  • Monsieur f. H. n'avait plus besoin que Madame m. L. lui reporte les évènements dans l'entreprise puisqu'il est quotidiennement présent dans les locaux et qu'il communique directement avec ses équipes,

  • contrairement à ce qu'indique la demanderesse, elle était toujours mise au courant de tous les sujets abordés au cours des réunions et sa présence a toujours été requise lorsque les sujets abordés avaient un intérêt pour sa fonction,

  • il n'y a aucune obligation à ce que tout le personnel soit convié à toutes les réunions ; le Directeur Général pouvant considérer que la présence d'un salarié n'est pas indispensable sans que cela puisse être interprété comme une manœuvre vexatoire,

  • Madame m. L. n'a pas supporté de ne plus être au centre de toutes les décisions,

  • les termes et le ton employés par la salariée lorsqu'elle s'adresse à son patron étaient parfois inappropriés, de même qu'avec certains collègues de travail,

  • Madame m. L. n'apporte aucune preuve concrète du harcèlement dont elle se prétend victime. Elle ne démontre pas le lien entre son arrêt de travail après le premier entretien et l'exécution de son contrat de travail, ni sa rupture.

La S.A.M. TOP NETT a adressé des conclusions le 18 février 2020 par télécopie et déposées au greffe le 20 février 2020, ainsi qu'une nouvelle pièce, la demanderesse en sollicitant le rejet des débats.

SUR CE,

Sur la demande de rejet de la pièce n° 51 et des conclusions déposées le 20 février 2020 par la S.A.M. TOP NETT après la fixation du dossier

À l'audience de mise en état du 16 janvier 2020, les parties ont indiqué au Tribunal que le dossier était en état et pouvait faire l'objet d'une fixation pour plaidoirie.

L'affaire a ainsi été renvoyée à l'audience du 27 février 2020, puis du 2 avril 2020 et enfin du 4 juin 2020.

La procédure ayant reçu fixation à plaider en l'état de ce que le conseil de la défenderesse, qui avait d'ailleurs conclu en dernier, avait fait connaître le 16 janvier 2020 qu'il n'entendait plus conclure, il convient de déclarer irrecevable, comme portant atteinte au principe du contradictoire, la communication de pièces et conclusions réalisée par lui au conseil de la demanderesse postérieurement à la date du 16 janvier 2020.

La communication litigieuse est donc intervenue hors du délai imparti par le Tribunal ; une telle irrégularité ne pouvait être couverte que par l'accord de la partie adverse, qui fait défaut en l'espèce.

Dans ces conditions, il convient de rejeter les conclusions déposées au greffe le 20 février 2020 par la défenderesse et la pièce communiquée irrégulièrement par cette dernière sous le numéro 51.

Sur la rupture

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du Travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).

Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 PE. c/ S.A.M. TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES).

Il appartient au demandeur de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.

Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.

À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.

Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Dans un premier temps, Madame m. L. fait état des circonstances fautives ayant entouré le licenciement, à savoir :

  • le caractère soudain, léger, brutal et vexatoire du licenciement,

  • le caractère irrégulier du licenciement au regard de son arrêt maladie.

Les pièces du dossier montrent que :

  • Madame m. L. était en congé jusqu'au 2 mai 2017, date à laquelle Monsieur f. H. Directeur Général, lui a adressé un courriel à 10h18, en ces termes :

« Madame,

Je vous prie de vouloir prendre connaissance du courrier joint.

Sincères salutations ».

Le courrier est le suivant :

« Madame,

Je vous informe que je souhaite avoir un entretien afin d'aborder avec vous l'avenir de nos relations contractuelles.

À cet effet, vous voudrez bien vous présenter à mon bureau ce jour, le mardi 2 mai 2017 à 11h30.

Je serais accompagné de monsieur c. L. en sa qualité de responsable d'exploitation. Je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes salutations distinguées ».

  • Madame m. L. a répondu à 10h30 en ces termes :

« Monsieur,

J'accuse réception, je serai présente à l'entretien de ce jour dans votre bureau à 11h30, comme vous le souhaitez pour évoquer tout sujet relatif à l'organisation du travail en présence de M. L. chef d'exploitation.

Cdt ».

  • À l'issue de cet entretien, l'employeur remet à la salariée un courrier aux termes duquel :

« Madame,

Au terme de l'entretien que nous avons eu ce jour, en présence de M. c. L. en sa qualité de responsable d'exploitation, je vous confirme que nous aurons un nouvel entretien le mardi 9 mai 2017, à 11h00, au sein de notre établissement.

Entre temps, pour vous permettre de réfléchir et de prendre conseil éventuellement, je vous confirme que vous êtes dispensée de l'exécution de votre contrat de travail et donc de présence dans nos locaux.

Je vous rappelle que cette dispense, pendant laquelle vous ne vous présenterez pas dans nos locaux, n'aura aucun effet sur votre rémunération.

Je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes salutations distinguées ».

  • Par courrier en date du 9 mai 2017, Madame m. L. a été licenciée en ces termes :

« Madame,

Au terme de l'entretien que nous avons eu ce jour, je vous confirme qu'en me référant à l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 qui me dispense de l'évocation d'un motif, j'ai décidé de mettre un terme à votre contrat de travail.

(...) ».

La rupture est dès lors intervenue de manière brutale, dans la mesure où Madame m. L. qui bénéficiait d'une ancienneté de 13 ans dans l'entreprise, n'a pas pu anticiper la rupture qui lui a seulement été annoncée dans le cadre d'un entretien organisé sans délai de prévenance et dont l'objet était ignoré par la salariée, le jour de son retour de congé ; l'employeur organisant un second entretien une semaine plus tard et dispensant la salariée de toute présence dans l'entreprise, et ce sans aucune justification particulière et alors que la rupture n'est intervenue que par courrier en date du 9 mai 2017.

Ainsi, le contexte dans lequel est intervenue cette dispense de présence dans l'entreprise est de nature en l'espèce à jeter le discrédit sur la salariée et à lui conférer un caractère abusif.

Par ailleurs, la maladie n'étant pas la cause du licenciement, la lettre de rupture envoyée pendant l'arrêt de travail de la salariée ne constitue pas un abus de la part de l'employeur.

Il résulte ainsi des explications développées supra que la rupture présente un caractère abusif et vexatoire, justifiant l'octroi de dommages et intérêts à la salariée.

Par ailleurs, les droits de la salariée n'ont pas été respectés dans la mesure où l'employeur ne lui a jamais remis le bulletin de salaire du mois de mai 2017.

Madame m. L. justifie en outre avoir été particulièrement affectée par l'attitude de l'employeur telle que reprise supra. Elle a nécessairement supporté un préjudice moral du fait de la situation générée par cette rupture abusive dans sa mise en œuvre.

Par ailleurs, la maladie n'étant pas la cause du licenciement, la lettre de rupture envoyée pendant l'arrêt de travail de la salariée ne constitue pas un abus de la part de l'employeur.

Ensuite, Madame m. L. soutient que le réel motif à l'origine de son licenciement consiste dans son refus de voir modifier un élément essentiel de son contrat de travail ; la S.A.R.L. TOP NETT n'ayant, progressivement, plus honoré son obligation de lui fournir du travail.

Madame m. L. a été embauchée en qualité d'Assistante Administrative et de Direction ; la fiche de poste produite par la demanderesse en pièce n° C4, signée par les deux parties, détaillant les fonctions qui lui étaient dévolues.

Pour démontrer ses allégations, Madame m. L. produit les éléments suivants :

  • une attestation établie par Monsieur Serge G. ainsi libellée :

« Durant l'année 2016/2017, alors que je travaillais en tant qu'inspecteur pour la société TOP NETT sous la direction de monsieur f. H. j'ai constaté que celui-ci avait retiré de nombreuses missions à son assistante Melle m. L. Les tâches en question faisaient pourtant partie intégrante de son poste. Elle était volontairement mise à l'écart de nombreuses décisions et informations qui concernaient l'équipe d'encadrement de la société.

(...) ».

  • une attestation établie par Monsieur Patrick P. ainsi libellée :

« Étant inspecteur au sein de la SAM TOP NETT d'août 2008 à fin septembre 2016, j'atteste que depuis l'arrivée d'un nouveau directeur Monsieur H. celui-ci depuis novembre 2015 n'a cessé de modifier l'organisation de Madame L.

En effet, suite au départ de M. B.et jusqu'à la date à laquelle j'ai cessé mes fonctions à TOP NETT, fin septembre 2016, j'ai constaté que M. H. enlevait une à une les tâches, les missions dont Mme L. avaient en charge pendant de nombreuses années, il n'y avait plus de lien entre les clients, les salariés et les inspecteurs.

(...) ».

Les déclarations de Monsieur Serge G.et de Monsieur Patrick P.ne sont pas suffisamment circonstanciées et ne permettent pas un contrôle du Tribunal sur des faits matériels précis auxquels le témoin aurait assisté.

Monsieur Patrick P. indique cependant qu'« il n'y avait plus de lien entre les clients, les salariés et les inspecteurs », ce qui relevait de divers travaux que devait réaliser Madame m. L.

« Travaux quotidiens :

(...).

Gestion des besoins administratifs de la direction, de l'administratif et de l'exploitation.

(...).

Travaux hebdomadaires :

(...).

Rédaction du procès-verbal de la réunion d'exploitation et transmission par intranet à l'administration et exploitation.

Supervision auprès de l'exploitation des devis acceptés/refusés/annulés.

(...).

Travaux mensuels :

(...).

Contrôle des cahiers de liaison de divers sites et transmission à l'exploitation. Vérification du suivi du stock de fourniture administrative.

Classement des demandes clients et vérification avec l'exploitation des réponses aux demandes.

(...) ».

Monsieur Patrick P.ne précise pas la période pendant laquelle cette rupture de tout lien entre les clients, les salariés et les inspecteurs est apparue, de sorte que le Tribunal est dans l'impossibilité de procéder à un contrôle matériel des faits évoqués par le témoin.

  • Trois attestations établies par Monsieur c. B. ancien dirigeant de la société TOP NETT, ainsi libellées :

  • Attestation du 27 avril 2017 : Monsieur c. B. ne fait que reprendre les tâches dévolues à Madame m. L. telles que figurant dans la fiche de fonction de la salariée.

  • Attestation du 11 mai 2017 : il s'agit d'une réponse aux courriers adressés par l'employeur à Madame m. L. dans laquelle il apporte quelques précisions sur la manière dont il gérait l'entreprise et notamment avec l'aide de la demanderesse.

  • Attestation du 26 mars 2019 : il s'agit là encore d'une mise au point de Monsieur c. B. en réponse aux écritures déposées par la S.A.M. TOP NETT, sans pour autant concerner Madame m. L.

  • Madame m. L. produit un certain nombre de courriels (pièce D2) censés démontrer le retrait d'une partie de ses tâches :

La lecture de ces mèls ne permet en aucun cas de conclure à un retrait de l'essentiel de ses fonctions.

En effet, il s'agit de demandes de précision sur certains points, tant auprès de Monsieur f. H. que de collègues de travail, et sur une période courte, puisque l'essentiel des courriels concernent le mois d'avril 2017.

Parmi ces mèls, figure celui adressé à Monsieur f. H. le 21 avril 2017 par Madame m. L. ainsi libellé :

« Monsieur,

Depuis environ 13 ans que je suis dans la société, c'est la première fois que je ne suis pas conviée à la réunion hebdomadaire. Permettez-moi de vous manifester mon étonnement ».

Il apparaît cependant, à la lecture du bulletin du mois d'avril 2017, que la demanderesse était en congé du lundi 24 avril au dimanche 30 avril 2017 ; de sorte que, la réunion devant se dérouler le vendredi 21 avril 2017, veille de son départ en congé, il lui était matériellement impossible de rédiger le procès-verbal de la réunion.

Bien plus, l'employeur produit de nombreux mails adressés à et par Madame m. L. démontrant qu'elle effectuait de nombreuses tâches liées à sa fonction d'Assistante de Direction, et notamment l'envoi du procès-verbal de la réunion hebdomadaire.

L'employeur reconnaît seulement avoir redimensionné le poste de la demanderesse, sans pour autant le vider de sa substance ainsi qu'il résulte des explications développées supra.

Dans ces circonstances, le retrait des fonctions invoqué par la salariée et la suppression de nombreuses tâches ne sont pas démontrées.

Madame m. L. soutient également avoir subi de la part de Monsieur f. H. un harcèlement pendant l'exécution du contrat de travail.

Sur le harcèlement au travail

La notion de harcèlement moral invoquée par la demanderesse et reconnue par la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relatif au harcèlement et à la violence au travail n'était pas consacrée par le législateur au moment de la rupture, en sorte qu'au cas d'espèce, la responsabilité éventuelle de l'employeur ne pouvait être recherchée qu'à raison de manquements graves de son fait ou du fait de ses salariés en s'étant abstenu de prendre les mesures appropriées pour faire cesser la situation de harcèlement moral dénoncée qui sont susceptibles d'affecter la santé du salarié.

Dès lors, la responsabilité de l'employeur peut être recherchée à cet égard par application des règles de droit commun :

  • sur le fondement de l'obligation de bonne foi prévue par l'article 989 du Code civil,

  • lorsqu'il est l'auteur, dans des circonstances liées au travail, d'agissements (abus, menaces, humiliations, mises à l'écart) entraînant ou étant susceptibles d'entraîner notamment une dégradation de la santé physique ou mentale de ses salariés,

  • lorsqu'il a été informé d'une situation de harcèlement moral ou de difficultés relationnelles entre ses salariés et s'est abstenu de prendre les mesures appropriées,

  • sur le fondement de l'article 1231 alinéa 4 du Code civil, lorsque les agissements sus évoqués ont été commis par un de ses employés dans le cadre du lien de préposition.

Cependant, l'employeur n'est nullement tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral, au regard des dispositions légales monégasques applicables lors de la rupture.

En tout état de cause, il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits de harcèlement moral qu'il invoque, étant relevé que le Tribunal du travail peut apprécier les présomptions, qui ne sont pas établies par la loi, dans les conditions fixées par l'article 1200 du Code civil.

Pour étayer ses affirmations, Madame m. L. produit les éléments suivants :

  • un courriel en date du 14 octobre 2016 adressé par Madame L. à Monsieur H. puis transféré à Monsieur F. (ANETRA), Madame K. Déléguée du Personnel représentant la catégorie cadre et Monsieur B. (ALLIANZ), ainsi libellé :

« M. H. bonjour,

Je vous fais part de mon profond état de tristesse causé par vos humiliations à mon égard concernant mon âge, vos manœuvres insidieuses visant à me sortir de l'organigramme de l'entreprise, effectivement me mettre à l'écart hier encore en réunion, vous avez fait une remarque à haute voix devant tout le monde (...) mais ne vous inquiétez pas tout le monde vous connait vous » ? Qu'est-ce que cela signifie ? Ce n'est pas une remarque positive. Je vous demande de cesser ces agissements qui nuisent à ma santé personnelle et travail.

De plus, concernant mon travail, les parapheurs sont dans votre bureau depuis quelques jours (...) je ne peux pas traiter les urgences avec vous car apparemment vous ne voulez pas travailler avec moi, mon travail ne vous intéresse pas à savoir ce que je dois et qui doit être fait – lorsque vous arrivez, vous ne me posez aucune question et ne je communique pas avec vous de toute la journée – je dois constamment vous relancer sur des sujets que je dois traiter (...) et que je finis par traiter toute seule.

Concernant les incidents clients qui ne sont pas traités correctement, je dégage toute ma responsabilité au vu de la norme qui est une obligation lorsqu'un client appelle de rédiger un incident client - Cela vous ennuie, très bien vous avez le droit vous êtes le directeur, mais me concernant je fais mon travail, ce sont mes prérogatives, donc dorénavant, je ne les ferai plus ou si je dois les faire veuillez me transmettre l'information car les faire et qu'ils ne me reviennent pas, ce n'est pas du travail – À quoi cela sert de payer les services d'un qualiticien (...) ? Je suis prise au ridicule en réunion avec vos remarques mais c'est pas un incident client, alors qu'il y a mécontentement du client (...) je ne comprends plus – SVP, soyez clair, si vous ne voulez plus que je les fasses les incidents clients dites le moi clairement.

Concernant les reprises du personnel, mon travail concernant les lettres qui doivent être adressées au client ont été faites - pour les agents, vous avez exigé que ce soit Alexandra qui le fasse - très bien, je m'en occupe plus à vous alors de gérer.

Concernant les cadeaux clients pour la fin d'année, hier en réunion vous avez demandé aux inspecteurs comment on faisait auparavant ? vous savez très bien que c'est moi qui exécutais ce travail avec le directeur – pas grave, vous avez raison les inspecteurs vous font aussi office d'assistante (...) vous ne me sollicitez même pas dans la vie de l'entreprise (...) donc j'en conclu que vous voulez me forcer à quitter la société car j'ai entendu dire que vous vouliez vous débarrassez de l'ancienne équipe et mettre des « jeunes » à la place mais malheureusement pour vous, me concernant, je ne partirai pas. Après c'est vous le directeur, si vous voulez me faire partir il y a des lois pour protéger les salariés de bonne foi.

Je vous demande donc de respecter mon statut d'assistante de direction et de cesser vos agissements qui nuisent à mon travail et à ma santé personnelle.

Cordialement ».

  • un courrier en date du 27 avril 2017 adressé par Madame m. L. à l'employeur.

Le Tribunal relève que la demanderesse ne produit pas les avis de dépôt et de réception de la lettre recommandée, et en réponse à l'argumentation de l'employeur aux termes de laquelle la lettre a été déposée à la Poste le 2 mai 2017 à 17 h 03, soit postérieurement à l'entretien ayant eu lieu le même jour à 11 h 30 (pièce n° 49 de la défenderesse : avis de dépôt).

Il apparaît, à la lecture de cette missive, que Madame m. L. l'a effectivement expédié le 2 mai 2017 ; la date de sa rédaction demeurant ainsi incertaine.

Il s'agit de simples courriers de la demanderesse qui ne sont pas suffisants à eux seuls, en l'absence d'éléments objectifs n'émanant pas de la personne de Madame m. L. pour démontrer le harcèlement moral reproché à Monsieur f. H.

  • une attestation établie par Monsieur Serge G. ainsi libellée :

« (...).

J'affirme avoir été témoin à de nombreuses reprises en réunion et en comité plus restreint de paroles déplacées, et railleries faites à l'encontre de Mlle L. par Mr f. H. Celle-ci en a été fortement blessée ».

  • une attestation établie par Monsieur Patrick P. ainsi libellée :

« (...).

De plus le comportement de M. H. devenait de plus en plus irrespectueux.

En effet, j'ai été témoin à plusieurs reprises de moqueries verbales à l'encontre de Mme L. concernant son âge, son physique ayant pour but de la rabaisser.

Des remarques plus que désobligeantes qui se faisaient également en réunion hebdomadaire devant plusieurs personnes présentes.

Cette attitude de monsieur H. a été constatée envers plusieurs personnes qui ont soit démissionné, soit été licencié ou en maladie depuis plusieurs mois ».

  • Madame m. L. produit un certain nombre de courriels (pièce D2) pour lesquels elle soutient que Monsieur f. H. n'a apporté aucune réponse.

Cette affirmation, qui aurait pu être contredite par la société défenderesse par la production des réponses apportées par Monsieur f. H. démontre un mépris de celui-ci à l'égard de son assistante de direction, une volonté de l'isoler qui s'apparente à un harcèlement moral ; lequel résulte également des attestations établies par Messieurs Serge G.et Patrick P.

L'employeur conteste les allégations de la salariée et indique dans un courrier adressé à Madame m. L. le 4 mai 2017 :

« (...).

Enfin, je suis désolé que le ton plaisant, qui se voulait humoristique, de certaines de nos conversations, souvent en présence d'autres personnes, ait pu vous marquer, voire vous blesser comme vous le laissez entendre. Cela dit, en effet, mon fils de 12 ans est déjà plus grand que sa belle-mère. Ma remarque sur votre âge, dans une conversation détendue dans laquelle vous vous plaigniez d'avoir quelques gênes ou douleurs, ne me paraît toujours pas désobligeante, dans ce contexte (...) ».

Monsieur f. H. reconnaît ainsi avoir eu des propos « qui se voulaient humoristiques ».

Ce seul élément est insuffisant à lui seul à démontrer que les faits matériellement établis par Madame m. L. sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En effet, la frontière entre humour et harcèlement peut être différente selon les individus. Ce que certains trouvent drôle et « de bon goût », d'autres pourront s'en offenser.

Il convient de s'assurer du consentement de la cible des plaisanteries, être attentif à sa réaction, à l'effet de répétition sur son moral.

Il résulte ainsi des propres écrits de Monsieur f. H. qu'il a, à plusieurs reprises, eu des propos que Madame m. L. a ressentis comme déplacés, sans que celui-là ne réagisse et cesse toute familiarité.

Sur les dommages et intérêts

Eu égard au caractère abusif de la rupture tel que relevé supra et au préjudice moral subi par la salariée à la suite du harcèlement moral dont elle a été victime, et des éléments d'appréciation produits, le préjudice apparaît devoir être justement évalué à la somme de 78.000 euros.

Sur les dépens

Partie succombante, la S.A.M. TOP NETT sera condamnée aux dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette des débats les conclusions déposées au greffe le 20 février 2020 par la société anonyme monégasque TOP NETT et la pièce communiquée par cette dernière sous le numéro 51 ;

Dit que le licenciement de Madame m. L. par la S.A.M. TOP NETT est abusif ;

Condamne la S.A.M. TOP NETT à payer à Madame m.L.la somme de 78.000 euros (soixante-dix-huit mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral causé par le caractère abusif de la rupture et le harcèlement moral dont elle a été victime ;

Condamne la S.A.M. TOP NETT aux dépens du présent jugement.

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO, Monsieur Jean-Pierre DESCHAMPS, membres employeurs, Madame Mariane FRASCONI, Monsieur Jean-Pierre CRESPI, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le dix-sept septembre deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Madame Carol MILLO, Monsieur Jean-Pierre DESCHAMPS, Madame Mariane FRASCONI et Monsieur Jean-Pierre CRESPI, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

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