Tribunal du travail, 9 juillet 2020, Monsieur s. A. c/ La SAM A
Abstract🔗
Licenciement – Absence prolongée pour maladie – Motif valable (non) – Caractère abusif (oui)
Résumé🔗
En application de l'article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail est suspendu pendant une période limitée à six mois en cas d'empêchement du travail dû à une maladie ou à un accident médicalement constaté. La maladie n'étant pas une cause de rupture du contrat de travail, il en résulte que l'employeur qui souhaite, à l'expiration de la période légale de suspension, procéder au licenciement d'un salarié, doit démontrer que cette mesure est justifiée non par son état de santé mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée de l'intéressé entraînant la nécessité pour cet employeur de pourvoir à son remplacement définitif.
Il résulte de la lettre de licenciement et des déclarations des parties (en l'absence de production des pièces relatives aux arrêts de travail) que Monsieur s. A. était en arrêt maladie depuis le 17 février 2017 lorsque son licenciement a été décidé le 13 septembre 2017. Il appartient ainsi à l'employeur de démontrer la perturbation du fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de remplacer définitivement le salarié absent. Il s'agit de deux conditions cumulatives et l'employeur ne saurait s'exonérer de la démonstration de l'une d'entre elle. En l'espèce, pour démontrer la perturbation et la désorganisation provoquées par l'absence prolongée de Monsieur s. A. la SAM A invoque, dans la lettre de rupture, la nécessité d'avoir une personne dédiée sur le poste de travail du salarié pour un temps plein et de manière durable. Cependant, il ne démontre en aucune manière avoir remplacé définitivement Monsieur s. A. par une embauche en externe, dans les mêmes conditions d'emploi que le salarié malade licencié. En l'espèce, l'argumentation de l'employeur est axée sur la nécessité de remplacer Monsieur s. A. du fait de la désorganisation du service du fait de l'absence prolongée de ce dernier. Cependant, il ne démontre en aucune manière avoir remplacé définitivement Monsieur s. A. par une embauche en externe, dans les mêmes conditions d'emploi que le salarié malade licencié. Ainsi, et sans qu'il y ait lieu de vérifier la réalité de la désorganisation invoquée par l'employeur, le motif de la rupture doit être déclaré non valable. Le licenciement de Monsieur s. A. ayant ainsi été mis en œuvre pour un motif non valable, celui-ci est en droit de prétendre au bénéfice de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.
Conformément à l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 sur le contrat de travail, toute rupture abusive d'un contrat de travail peut donner lieu à des dommages-intérêts qui sont fixés par le Juge à défaut d'accord des parties. Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ; il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve. Il lui appartient ainsi de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné. Monsieur s.A.ne fait état d'aucun motif fallacieux ayant présidé à son licenciement. Il invoque uniquement le caractère brutal et précipité de la rupture, ainsi que la légèreté blâmable de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement.
Il appartenait à l'employeur, avant de procéder au licenciement de Monsieur s.A. d'interroger la Médecine du Travail qui pouvait lui transmettre des informations, ou de recueillir auprès de son salarié les éléments prévisibles sur la durée de sa maladie, et ce, suffisamment de temps avant la date de reprise, préjugeant d'un non-retour à l'issue de l'arrêt de travail. Il en résulte que l'employeur a agi avec précipitation et a fait preuve d'une légèreté blâmable dans la mise en œuvre du licenciement.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 9 JUILLET 2020
En la cause de Monsieur s. A., demeurant X1 à NICE (06200) ;
Demandeur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n°XX du 11 octobre 2018, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alice PASTOR, avocat près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Audrey de GRAAF, avocat au barreau de Paris ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 13 mars 2019, reçue le 18 mars 2019 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 74-2018/2019 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 2 avril 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Alice PASTOR, avocat au nom de Monsieur s. A. en date des 13 juin 2019 et 12 décembre 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur au nom de la SAM A, en date du 14 novembre 2019 ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur s. A. a été embauché par la société anonyme monégasque A par contrat de travail à durée indéterminée du 16 avril 2007 en qualité de Conseiller Technique.
Lors de la rupture du contrat, Monsieur s. A. percevait un salaire moyen brut de 1.671,24 euros par mois.
Le 8 octobre 2015, le salarié a été victime d'un accident de trajet et a fait l'objet d'un arrêt de travail prolongé jusqu'au 8 février 2016.
Monsieur s. A. a ensuite repris son poste en mi-temps thérapeutique.
Il a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail du 10 au 15 mars 2016.
Le salarié a déclaré un nouvel accident de trajet le 23 mars 2016 et a été en arrêt de travail jusqu'au 3 octobre 2016.
Des arrêts de travail pour cause de maladie devaient intervenir du 22 au 31 octobre 2016, du 25 novembre au 31 décembre 2016, du 17 janvier au 23 janvier 2017, du 17 février au 19 avril 2017.
Le 20 avril 2017, Monsieur s. A. a déclaré une rechute de l'accident de trajet survenu en octobre 2015 et il a fait l'objet d'un arrêt de travail jusqu'au 4 septembre 2017.
À la suite d'une visite auprès du Médecin de l'assurance, ce dernier a considéré que les arrêts de travail du 21 août au 4 septembre 2017 n'étaient pas justifiés, entraînant une suspension des prises en charges des interruptions de travail correspondantes.
Le 11 septembre 2017, la SAM A a reçu un nouvel avis de prolongation d'arrêt de travail motivé par un accident du travail pour la période allant du 4 au 14 septembre 2017, et ce dans le cadre d'une rechute de l'accident de trajet du 8 octobre 2015.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 septembre 2017, Monsieur s. A. a été licencié sur le fondement des dispositions de l'article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.
Par requête en date du 13 mars 2019 reçue au greffe le 18 mars 2019, Monsieur s. A. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
dire et juger que son licenciement est dépourvu de motif valable et qu'il revêt un caractère abusif,
condamner la SAM A à lui payer les sommes suivantes :
10.528,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
350,96 euros au titre des congés payés afférents au préavis,
10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
dire et juger que les condamnations porteront intérêts à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation,
condamner l'employeur aux dépens.
Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.
Monsieur s. A. a déposé des conclusions les 13 juin 2019 et 12 décembre 2019 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :
l'employeur n'indique pas expressément dans la lettre de licenciement que ses absences pour maladie ont perturbé le fonctionnement de l'entreprise,
l'employeur ne démontre pas que cette condition est remplie,
l'employeur allègue sans le démontrer que ses absences ont nécessité son remplacement définitif et qu'il a été dans l'impossibilité de le remplacer provisoirement,
une large part des salariés occupe le même poste de travail que lui de sorte que ses absences auraient pu être palliées par des recrutements en interne,
son licenciement a été prononcé sans la moindre information ou entretien préalable alors qu'il avait une ancienneté de plus de dix ans,
aucun signe avant-coureur ne laissait présager cette rupture, et ce d'autant plus que l'employeur l'avait sollicité quelques jours avant le licenciement pour lui indiquer la date de reprise de son travail,
cette attitude confère au licenciement un caractère brutal et précipité,
lorsqu'il a été licencié, il venait d'être déclaré en rechute de son accident de travail,
l'employeur a pris la décision de le licencier en préjugeant à tort qu'il ne reprendrait pas son poste de travail à l'issue de son arrêt maladie du 24 septembre 2017,
celui-ci n'a pas pris la peine de consulter la Médecine du Travail,
la SAM A a cessé de lui régler ses salaires ensuite d'un avis du Médecin de l'assureur loi, alors qu'il n'était pas consolidé à la date du 11 octobre 2017,
l'arrêt brutal du versement des salaires sur le fondement d'une fausse information témoigne de l'attitude fautive de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement,
l'employeur a encore refusé obstinément de justifier l'écart important entre le montant des salaires bruts figurant sur l'attestation PE et ceux mentionnés sur la feuille paie,
il s'est ainsi rapproché de l'Inspection du Travail le 5 mars 2018 qui est intervenue téléphoniquement auprès de l'employeur, en vain,
ce refus injustifié révèle la légèreté blâmable de l'employeur dans la mise en œuvre de la rupture,
il a à ce titre subi un préjudice financier dans la mesure où ses allocations ont été calculées sur les salaires figurant sur l'attestation PE,
il a également subi un préjudice moral.
La SAM A a déposé des conclusions le 14 novembre 2019 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre.
Subsidiairement, elle demande à voir limiter les sommes éventuellement dues à Monsieur s. A. comme suit :
indemnité de licenciement : 2.834,15 euros,
dommages et intérêts pour licenciement abusif : 1 euro symbolique.
La défenderesse soutient essentiellement que :
la seule lecture de la lettre de licenciement suffit à établir que Monsieur s. A. a été licencié pour des absences répétées ayant perturbé le bon fonctionnement de l'entreprise ayant nécessité son remplacement définitif et non pour cause de maladie,
le Tribunal doit prendre en considération l'activité de l'entreprise à savoir celle de gérer un centre d'appel,
les entreprises exerçant cette activité fonctionne via l'obtention d'appel d'offres aux termes desquels le client donneur d'ordre indique un volume d'appel à couvrir,
pour répondre à ces appels, le nombre de conseillers techniques est calculé en fonction du nombre d'appels que chacun peut prendre chaque jour,
la perte d'appel génère des malus pour l'entreprise,
l'absence d'un salarié va entraîner la perte d'un certain nombre d'appels par jour, les autres téléconseillers n'ayant pas la possibilité d'augmenter leur prise d'appels quotidienne,
les absences de Monsieur s. A. étaient souvent de courtes durées et renouvelées rendant impossible son remplacement effectif et efficace,
le fait que plusieurs salariés occupent le même poste que Monsieur s. A. est donc sans incidence sur les perturbations générées par les absences répétées du demandeur,
Monsieur s. A. a été absent de manière répétée et récurrente pendant plusieurs mois à compter du mois d'octobre 2015,
elle a tout fait pendant plusieurs mois pour maintenir le contrat de travail du salarié,
elle a demandé à Monsieur s. A. par courrier en date du 4 septembre 2017, s'il pourrait reprendre son poste à l'issue d'un nouvel arrêt de travail, sans réponse de celui-là,
l'avis de la Médecine du Travail n'est requis que pour un licenciement pour inaptitude, ce qui n'est pas le cas avec Monsieur s. A.
la conformité de l'attestation PE est démontrée par les bulletins de salaire du salarié. Monsieur s. A. a en effet omis de soustraire du brut mentionné en haut du bulletin la nécessaire retenue mentionnée plus bas et afférente à la régularisation des jours maladie,
Monsieur s. A. ne justifie pas des préjudices allégués.
SUR CE,
Sur le motif de la rupture
En application de l'article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail est suspendu pendant une période limitée à six mois en cas d'empêchement du travail dû à une maladie ou à un accident médicalement constaté.
La maladie n'étant pas une cause de rupture du contrat de travail, il en résulte que l'employeur qui souhaite, à l'expiration de la période légale de suspension, procéder au licenciement d'un salarié, doit démontrer que cette mesure est justifiée non par son état de santé mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée de l'intéressé entraînant la nécessité pour cet employeur de pourvoir à son remplacement définitif.
La lettre de licenciement en date du 13 septembre 2017 est ainsi libellée :
« Monsieur,
Salarié de la SAM A depuis le 16 avril 2007, vous êtes titulaire d'un contrat à durée indéterminée en qualité de conseiller technique.
En date du 08 Octobre 2015, vous avez été victime d'un accident de trajet pour lequel vous avez déclaré qu'en allant chercher votre automobile garée X3, vous vous êtes tordu la cheville droite. Vous nous avez adressé un arrêt initial de maladie pour une période allant jusqu'au 25 Octobre 2015. Cet arrêt maladie a été prolongé par plusieurs arrêts pour la période du 26 Octobre 2015 au 08 Février 2016.
En date du 09 Février 2016, vous avez repris votre poste à mi-temps thérapeutique pour une période d'un mois, suivi d'un nouvel arrêt pour la période du 10 au 15 Mars 2016.
En date du 23 Mars 2016, nous avons accusé réception d'une nouvelle déclaration d'accident de trajet dans laquelle vous avez déclaré avoir été victime d'un accident de la circulation. Un arrêt de travail a été prescrit en date du 23 Mars 2016 et renouvelé régulièrement jusqu'au 03 Octobre 2016. Nous vous avons adressé en date du 04 Juillet et 02 Aout 2016, plusieur lettres recommandées avec accusé de réception afin de connaitre la suite à donner à vos absences avec des reprise de poste qui étaient prévues pour le 12 Juillet et 10 Aout 2016. Vous n'avez pas repris vos fonctions et nous avons accusé réception d'autres arrêts de travail pour des périodes complémentaires.
Suite à la visite médicale du médecin de la compagnie d'assurance Z en date du 12 Juillet 2016, le médecin vous a signifié un arrêt de la prise en charge de vos interruptions de travail pour la période du 19 Juillet au 03 Octobre 2016.
Vous avez repris vos fonctions en date du 04 Octobre 2016.
Malheureusement, en date du 22 Octobre 2016, nous avons de nouveau accusé réception d'un arrêt maladie pour la période du 22 au 31 Octobre 2016.
En date du 25 Novembre 2016, nous avons accusé réception d'un nouvel arrêt maladie pour la période du 25 Novembre 2016 au 15 Décembre 2016. Dans les jours suivants, nous avons accusé réception d'une nouvelle prolongation d'arrêt maladie pour la période du 16 Décembre au 31 Décembre 2016.
En date du 17 Janvier 2017, nous avons accusé réception d'un nouvel arrêt maladie défini au 23 Janvier 2017.
En date du 17 Février 2017, nous avons accusé réception d'un nouvel arrêt maladie qui a été prolongé jusqu'au 19 Mars 2017. Nous vous avons adressé en date du 16 Mars 2017 une lettre recommandée avec accusé de réception afin de connaitre la suite à donner à votre absence. Votre reprise était prévue pour le 20 Mars 2017. Dans les jours suivants, nous avons accusé réception d'une nouvelle prolongation d'arrêt maladie pour la période du 20 Mars 2017 au 19 Avril 2017.
En date du 20 avril 2017, vous avez déclaré une rechute de votre accident de trajet initial survenu le 08 Octobre 2015. Un arrêt a été établi jusqu'au 28 Mai 2017 et prolongé dans un premier temps jusqu'au 02 Juillet 2017 puis jusqu'au 18 juillet 2017, à nouveau prolongé jusqu'au 07 Aout 2017 et jusqu'au 04 septembre 2017.
Suite à la visite médicale du médecin de la compagnie d'assurance Z, le médecin vous a signifié un arrêt de la prise en charge de vos interruptions de travail pour la période du 21 Aout au 04 Septembre 2017. Votre reprise était prévue le 05 Septembre 2017.
En date du 11 Septembre 2017, nous avons accusé réception d'une prolongation d'arrêt de travail au motif d'accident de travail pour la période du 04 au 24 Septembre courant en lien avec la déclaration initiale du 08 Octobre 2015 alors même que vous avez été informé par la compagnie d'assurance Z et par nos services de l'arrêt de votre prise en charge de ces interruptions de travail et de votre reprise souhaitée en date du 05 Septembre courant.
Votre poste de travail nécessite une personne dédiée à cet emploi pour un temps plein et de manière durable.
Ne pouvant plus attendre votre retour incertain, nous sommes donc dans l'obligation d'envisager une solution alternative dans les plus brefs délais, la tenue à long terme de ce poste par une personne permanente étant nécessaire pour notre établissement et la pérennité de ses activités de production.
L'article 16 de la loi n° 729 sur le contrat de travail n'impose à l'employeur qu'une durée de suspension du contrat de travail de six mois consécutifs en cas de maladie ou d'accident. Ce qui est votre cas.
Nous avons donc le regret de vous notifier la rupture de votre contrat de travail, laquelle prendra effet au terme d'un délai de préavis de deux mois qui débutera le jour de première présentation de la présente à votre domicile selon les termes du Règlement Intérieur et conformément aux dispositions réglementaires en vigueur.
(...). ».
Il résulte de la lettre de licenciement et des déclarations des parties (en l'absence de production des pièces relatives aux arrêts de travail) que Monsieur s. A. était en arrêt maladie depuis le 17 février 2017 lorsque son licenciement a été décidé le 13 septembre 2017.
Il appartient ainsi à l'employeur de démontrer la perturbation du fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de remplacer définitivement le salarié absent.
Il s'agit de deux conditions cumulatives et l'employeur ne saurait s'exonérer de la démonstration de l'une d'entre elle.
En l'espèce, pour démontrer la perturbation et la désorganisation provoquées par l'absence prolongée de Monsieur s. A. la SAM A invoque, dans la lettre de rupture, la nécessité d'avoir une personne dédiée sur le poste de travail du salarié pour un temps plein et de manière durable.
Cependant, il ne démontre en aucune manière avoir remplacé définitivement Monsieur s. A. par une embauche en externe, dans les mêmes conditions d'emploi que le salarié malade licencié.
En l'espèce, l'argumentation de l'employeur est axée sur la nécessité de remplacer Monsieur s. A. du fait de la désorganisation du service du fait de l'absence prolongée de ce dernier.
Cependant, il ne démontre en aucune manière avoir remplacé définitivement Monsieur s. A. par une embauche en externe, dans les mêmes conditions d'emploi que le salarié malade licencié.
Ainsi, et sans qu'il y ait lieu de vérifier la réalité de la désorganisation invoquée par l'employeur, le motif de la rupture doit être déclaré non valable.
Le licenciement de Monsieur s. A. ayant ainsi été mis en œuvre pour un motif non valable, celui-ci est en droit de prétendre au bénéfice de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, d'un montant de 4.572,24 euros après déduction de l'indemnité de congédiement, calculée en tenant compte d'un salaire mensuel de 1.671,24 euros, tel que retenu par l'employeur, aucun élément permettant de retenir un montant différent et ce, d'autant plus que le salarié ne détaille pas le calcul par lui opéré pour aboutir à la somme de 10.528,80 euros :
1.671,24 / 25 x 126 (nombre de mois d'ancienneté) = 8.423,05 euros,
8.021,95 - 3.850,81 (indemnité de congédiement) = 4.572,24 euros .
Et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2019, date de la citation devant le Bureau de Conciliation.
Sur la demande de congés payés sur préavis
Monsieur s. A. sollicite la somme de 350,92 euros à ce titre.
Il apparaît à la lecture du dernier bulletin de salaire du mois de septembre 2017, que le salarié a perçu à titre d'indemnité compensatrice de préavis la somme de 3.342,48 euros et celle de 3.793,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
L'employeur, qui a la charge de la preuve, ne démontre pas que les congés payés afférents au préavis sont intégrés dans la somme de 3.793,22 euros.
Il sera ainsi fait droit à la demande de Monsieur s. A. à hauteur de 334,25 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2019, date de la citation devant le Bureau de Conciliation.
Sur le caractère abusif du licenciement
Conformément à l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 sur le contrat de travail, toute rupture abusive d'un contrat de travail peut donner lieu à des dommages-intérêts qui sont fixés par le Juge à défaut d'accord des parties.
Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ; il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve.
Il lui appartient ainsi de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.
Monsieur s. A. ne fait état d'aucun motif fallacieux ayant présidé à son licenciement.
Il invoque uniquement le caractère brutal et précipité de la rupture, ainsi que la légèreté blâmable de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement.
Il apparaît que les arrêts de travail du salarié étaient limités à un mois, renouvelés de mois en mois, de sorte que l'employeur ne pouvait avoir aucune lisibilité sur la durée prévisible de l'arrêt maladie.
À la suite de son dernier arrêt de travail, Monsieur s. A. devait reprendre son poste de travail le 5 septembre 2017.
Ce faisant, l'employeur lui a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception le 4 septembre 2017, ainsi libellé :
« Monsieur,
Selon les informations actuellement en notre possession, votre arrêt de travail a débuté le 17 février 2017 et a été régulièrement renouvelé depuis cette date pour différents motifs.
La durée de votre arrêt de travail nécessite une visite médicale auprès de l'Office de la Médecine du Travail de Monaco avant que vous ne puissiez reprendre votre poste.
Pour cette raison, nous vous remercions de nous informer par tout moyen à votre convenance de votre date de reprise afin que nous puissions organiser cette visite médicale.
Dans l'hypothèse où cette date vous serait méconnue, nous vous prions de prendre contact avec votre médecin traitant afin de vous enquérir de la durée complémentaire estimée de votre arrêt de travail afin de nous tenir informé.
Nous vous remercions de bien vouloir nous fournir ces informations avant le terme de votre arrêt en cours.
(...). ».
La fin de l'arrêt de travail du salarié étant en date du 4 septembre 2017, il est peu probable, voire impossible que celui-ci ait été en mesure de répondre aux interrogations de l'employeur avant le terme de l'arrêt maladie en cours (reprise prévue le 5 septembre 2017).
Le Tribunal relève que ce courrier a été communiqué par Monsieur s. A. et que la société défenderesse n'a pas jugé utile de produire, à la suite, l'accusé de réception correspondant.
Il appartenait ainsi à l'employeur, avant de procéder au licenciement de Monsieur s. A. d'interroger la Médecine du Travail qui pouvait lui transmettre des informations, ou de recueillir auprès de son salarié les éléments prévisibles sur la durée de sa maladie, et ce, suffisamment de temps avant la date de reprise, préjugeant d'un non-retour à l'issue de l'arrêt de travail.
En effet, la SAM A a reçu le 11 septembre 2017 une nouvelle prolongation d'arrêt de travail et a licencié Monsieur s. A. par courrier daté du 13 septembre 2017, sans s'enquérir, tant auprès de la médecine du travail que du salarié lui-même, de toutes informations telles que reprises ci-dessus.
Il en résulte que l'employeur a agi avec précipitation et a fait preuve d'une légèreté blâmable dans la mise en œuvre du licenciement.
Enfin, le salarié a tenté d'obtenir des explications sur la différence entre le montant des salaires figurant sur les fiches de paie et celui reporté sur l'attestation PE par lettre du 9 mars 2018 ; l'employeur notifiant son refus de procéder à une quelconque modification du document par courrier en date du 14 mars 2018.
Le Tribunal relève, cependant, que Monsieur s. A. ne produit aucun courrier de PE ou aucun élément démontrant que ses droits ont été calculés sur une somme erronée ou que les indemnités auxquelles il pouvait prétendre ont été versées tardivement du fait de l'employeur.
Quant au préjudice invoqué, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.
Les difficultés financières dont il est fait état sont en effet le résultat de la diminution de revenu, provoquée par la perte d'emploi et non la conséquence de la brutalité et de l'abus qui, à les supposer établis, auraient caractérisé le licenciement. De plus, le demandeur n'établit nullement en quoi ces difficultés matérielles auraient été provoquées par les circonstances fautives ayant entouré le licenciement.
Il en résulte que Monsieur s. A. a nécessairement supporté un préjudice moral du fait de la situation générée par cette rupture exercée avec légèreté et précipitation.
Ainsi compte-tenu des éléments d'appréciation dont dispose le Tribunal et notamment l'âge de Monsieur s. A. lors de la notification de son licenciement (41 ans) et de son ancienneté de service (10 ans 6 mois), le préjudice moral subi par celui-ci, consécutivement à la rupture de son contrat de travail sera équitablement réparé par l'allocation à son profit d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.
Sur les dépens
Succombant dans ses prétentions, la SAM A sera condamnée aux dépens.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Dit que le licenciement de Monsieur s. A. par la SAM A ne repose pas sur une cause valable et revêt un caractère abusif,
Condamne la SAM A à payer à Monsieur s. A. les sommes suivantes :
- 4.572,24 euros (quatre mille cinq cent soixante-douze euros et vingt-quatre centimes) à titre d'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2019, date de la citation devant le Bureau de Conciliation ;
- 10.000 euros (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;
Condamne la SAM A à payer à Monsieur s. A. la somme de 334,25 euros (trois cent trente-quatre euros et vingt-cinq centimes) au titre des congés payés afférents au préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2019, date de la citation devant le Bureau de Conciliation,
Condamne la SAM A aux dépens du présent jugement ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Monsieur Alain HACHE, Madame Diane GROULX, membres employeurs, Monsieur Rino ALZETTA, Madame Alexandra OUKDIM, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le neuf juillet deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Alain HACHE, Rino ALZETTA, Madame Diane GROULX et Alexandra OUKDIM étant empêchées, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.