Tribunal du travail, 4 juin 2020, Monsieur p. T. c/ La SAM A
Abstract🔗
Contrat de travail - Versement d'une prime de fin d'année (non) - Paiement au prorata - Absence de convention ou d'usage - Sanction disciplinaire - Avertissement justifié (oui) - Non-respect du protocole de soins - Sécurité des clients en cause - Licenciement - Motif valable (non) - Dispense de soins à des salariés - Preuve d'une faute (non) - Respect du protocole de soins - Défaut d'information de la hiérarchie - Obligation incombant au salarié (non) - Rupture abusive (non) - Inégalité salariale (non) - Travail égal à un kinésithérapeute (non)
Résumé🔗
Le droit au paiement prorata temporis d'une prime de treizième mois ou de fin d'année à un membre du personnel ayant quitté l'entreprise, quel qu'en soit le motif, avant la date de son versement, ne peut résulter que d'une convention ou d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve, ce qu'il ne fait pas.
Le salarié a laissé entrer en salle de cryothérapie une cliente sans que cette dernière n'ait mis les protections nécessaires, ce qui constitue une négligence justifiant l'avertissement infligé. Les difficultés rencontrées par le salarié ne l'exonèrent pas de sa responsabilité et de ses obligations en matière de sécurité des clients et il lui appartenait de s'opposer à la cliente ou à tout le moins d'alerter immédiatement son supérieur hiérarchique de la difficulté.
Il résulte des témoignages que les salariés de la société pouvaient, sous conditions, bénéficier de soins de cryothérapie. L'employeur ne saurait dès lors faire grief au demandeur d'avoir accordé lesdits soins à deux salariés. Les attestations des salariés concernés par la séance de cryothérapie montrent le respect du protocole par le demandeur et l'employeur ne prouve pas la faute du salarié. Quant au défaut d'information de leur hiérarchie par les salariés concernés, cette obligation n'incombait pas au demandeur. Dès lors, l'employeur ne justifie pas d'un motif valable de licenciement entraînant l'obligation de payer l'indemnité de licenciement de l'article 2 de la Loi n° 845 du 27 juin 1968.
Le salarié qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement. Il ne démontre pas la volonté de nuire ou de tromper de l'employeur. Dès lors, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement. La brutalité de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement ne peut être retenue, le salarié ayant bénéficié d'un entretien préalable avec l'assistance d'un délégué et la décision a été prise après un délai de réflexion.
Le demandeur ne réalisant qu'une tâche particulière du métier de kinésithérapeute, il ne peut prétendre bénéficier d'un salaire équivalent.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 4 JUIN 2020
En la cause de Monsieur p. T., demeurant X1 à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 26 décembre 2017, reçue le même jour ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 39-2017/2018 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 16 janvier 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur p. T. en date des 17 mai 2018, 10 janvier 2019 et 9 mai 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la SAM A, en date des 4 octobre 2018, 14 mars 2019 et 17 octobre 2019 ;
Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice pour Monsieur p. T. et Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco pour la SAM A, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur p. T. est entré au sein de la société anonyme monégasque dénommée A, le 1er avril 2004, en qualité de relaxologue, puis de SPA PRATICIEN POLY CONFIRMÉ.
Par courrier en date du 14 juillet 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.
Par lettre du 2 aout 2017, Monsieur p. T. se voyait notifier son licenciement pour faute simple, avec dispense d'exécuter son préavis.
Par requête en date du 22 décembre 2017 reçue au Greffe le 26 décembre 2017, Monsieur p. T. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
- rappel de salaire :
requalification au poste de kinésithérapeute à compter de 2015 : 8.000 euros,
13ème mois au prorata 2017 : 1.300 euros,
- congés payés sur rappel de salaire : 930 euros,
- annulation avertissement du 17/07/2015,
- complément indemnité de congédiement : 609,12 euros,
- indemnité de licenciement (après déduction de l'indemnité de congédiement) : 9.880,18 euros,
- dommages et intérêts pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail : 100.000 euros,
- intérêts au taux légal,
- exécution provisoire.
Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
Monsieur p. T. a déposé des conclusions les 17 mai 2018, 10 janvier et 9 mai 2019 dans lesquelles il reprend ses prétentions, y ajoutant les demandes suivantes :
« Faire injonction à la SAM A de communiquer les grilles de salaires instaurées,
DONNER ACTE à Monsieur p. T. de ce qu'il se réserve le droit de préciser le montant du rappel de salaire ensuite de cette communication, et d'introduire toute nouvelle demande si le montant initialement réclamé s'avérait être supérieur à celui porté en sa requête introductive d'instance,
DÉCLARER NULLE la pièce n° 15 ».
Monsieur p. T. fait essentiellement valoir que :
Sur le rappel de salaire afférent à la qualification :
il a été engagé en qualité de relaxologue,
à compter du mois de mars 2015, l'employeur a mis à sa charge la cryothérapie. Cette technique nécessite une formation spécifique et est destinée aux médecins, masseurs kinésithérapeutes, ostéopathes ou aux infirmiers,
sa fonction outrepassait donc celle de relaxologue et de SPA PRATICIEN confirmé, à compter d'avril 2017,
même ensuite de la modification de l'intitulé de son poste, il n'a reçu aucune augmentation de salaire,
dans la mesure où il exerçait une fonction qui devait l'être par un kinésithérapeute, seul poste ayant des notions de médecine, il est fondé à solliciter un rappel de salaire sur la base de la rémunération du personnel occupant cette fonction,
son emploi de relaxologue ne peut être assimilé à un personnel paramédical,
la société défenderesse ne conteste pas lui avoir confié la fonction de cryothérapie. Elle a donc l'obligation d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les employés de son entreprise qui, placés dans des conditions identiques, accomplissent un même travail ou un travail de valeur égale,
Sur le 13 ème mois :
il percevait au mois de décembre de chaque année, une prime de 13ème mois,
il a achevé son préavis le 3 octobre 2017 et aurait dû percevoir cette prime au prorata,
l'accord du 18 janvier 2010 mis en avant par l'employeur, qui prévoirait l'absence de paiement au prorata pour les salariés quittant l'entreprise en cours d'année, n'a jamais été porté à sa connaissance,
Sur l'avertissement :
il a fait l'objet d'un avertissement par courrier remis en main propre pour des faits en lien avec la cryothérapie,
il appartient à l'employeur de démontrer les négligences qui lui sont reprochées et qu'il conteste,
elle ne produit aucune pièce pour ce faire,
Sur le motif du licenciement :
il a été licencié pour faute simple portant sur des faits que l'employeur qualifie de graves,
il a d'ailleurs été licencié le 2 août 2017 pour des faits qui auraient mis en danger la vie d'autrui le 16 juin 2017, soit un mois et demi plus tôt,
il s'est vu imposer de pratiquer des soins de cryothérapie à compter du mois de mars 2015 sans avoir pu bénéficier d'une réelle et sérieuse formation,
il a toujours procédé aux formalités nécessaires pour les séances de cryothérapie, l'employeur ne démontrant pas le contraire,
aucune note de service n'interdit de dispenser des soins de cryothérapie à un membre du personnel,
l'ensemble du personnel a toujours bénéficié de ces séances, notamment afin de permettre la promotion de ce soin onéreux,
Sur le caractère abusif de la rupture :
il avait été déclaré apte par la Médecine du travail le 31 juillet 2017, avec recommandation d'aménagement de poste, et il devait être revu dans un délai de 3 mois. L'employeur n'a pas attendu cette échéance et l'a licencié au premier prétexte,
l'entretien préalable n'a été qu'un simulacre, au cours duquel aucun de ses arguments n'a été pris en considération. L'entretien a d'ailleurs tourné court puisque les représentants de la direction se sont rapidement levés et ont quitté la pièce, le laissant dans un profond désarroi,
l'entretien préalable doit avoir pour objectif de recueillir les observations du salarié et doit se dérouler dans le respect de ses droits et de sa personne,
il a continué à assurer les séances de cryothérapie alors que l'employeur lui reproche des faits d'une particulière gravité.
La SAM A a déposé des conclusions les 4 octobre 2018, 14 mars et 17 octobre 2019 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre.
Elle indique également avoir procédé à la régularisation du complément d'indemnité de congédiement dû à Monsieur p. T.
Elle soutient essentiellement que :
Sur le rappel de salaire afférent à la qualification :
Monsieur p. T. a été engagé en qualité de relaxologue et a pris en charge à compter du mois de mars 2015 les séances de cryothérapie en plus de ses fonctions habituelles,
le demandeur ne produit aucun élément sur une quelconque inégalité salariale,
Monsieur p. T. ne démontre nullement avoir exercé des fonctions identiques à celle d'un kinésithérapeute. Il reconnaît d'ailleurs ne pas exercer les fonctions de kinésithérapeute,
cela est démontré par le fait que Monsieur p. T. soutient que la « cryothérapie corps entier » relevait de la compétence du SPA PRATICIEN EXPERT alors qu'il se voyait seulement attribuer la fonction de SPA PRATICIEN POLY CONFIRMÉ. Il tente de se rattacher à cette dernière qualification, ce qui démontre la faiblesse de son argumentation et l'absence de bien-fondé de sa demande,
Sur le 13 ème mois au prorata :
il n'existe aucune obligation légale, ni relevant de la Convention collective nationale, imposant le paiement d'un treizième mois,
elle a ainsi décidé d'en faire bénéficier ses salariés, en subordonnant son versement à une condition de présence,
le droit au paiement prorata temporis d'un treizième mois en l'absence de convention expresse ne peut résulter que d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve ; Monsieur p. T. étant défaillant dans l'administration de la preuve,
Sur l'avertissement du 17 juillet 2015 :
il lui a été reproché d'avoir laissé entrer une cliente seule en salle de cryothérapie, sans qu'elle y soit totalement préparée,
Monsieur p. T. n'a jamais contesté les faits et ce n'est que deux années après l'avoir reçu qu'il le conteste dans le cadre de la procédure de licenciement,
le salarié ne nie pas avoir manqué à ses obligations et se contente d'invoquer des circonstances particulières pour tenter de justifier son manquement,
Sur le motif de la rupture :
l'employeur est libre de qualifier la faute reprochée au salarié dans le cadre de son pouvoir de direction,
Monsieur p. T. a été licencié un mois et demi après l'incident dans la mesure où il était en congés payés dans l'intervalle,
Monsieur p. T. ne conteste pas avoir fait bénéficier deux collègues de travail d'une séance de cryothérapie, sans respecter les procédures et règles de sécurité applicables,
le demandeur produit un formulaire qui aurait été rempli par un des salariés concernés alors qu'elle le réclame depuis plus de deux ans, sans que celui-ci n'ait été en mesure de le lui transmettre et sans qu'il n'ait évoqué son existence,
la force probante de ce document est sujette à caution,
l'absence de prise de conscience de la gravité de ses agissements par Monsieur p. T. ne lui a pas laissé d'autre choix que de procéder à son licenciement pour faute,
Sur le caractère abusif de la rupture :
le demandeur n'apporte pas la preuve d'une quelconque faute de l'employeur,
les problèmes de santé dont le salarié fait état sont antérieurs au licenciement et ne sont nullement la conséquence de ce dernier,
rien n'interdit de licencier un salarié alors même que ce dernier est dans l'attente d'une nouvelle visite médicale, alors que la rupture repose sur une faute du salarié,
Monsieur p. T. fait état d'un faux motif, mais sans préciser le motif réel de la rupture,
un entretien préalable est intervenu, au cours duquel Monsieur p. T. était assisté d'un délégué du personnel.
Monsieur p. T. a indiqué à l'audience qu'il ne maintenait pas sa demande de complément d'indemnité de congédiement.
SUR CE,
Sur la nullité de la pièce n° 15 produite par la défenderesse :
La pièce n° 15 est constituée par une attestation établie par Monsieur c. F.
Monsieur p. T. excipe de la nullité de cette attestation mais sans préciser quelles circonstances justifieraient d'annuler ce témoignage.
Il n'appartient pas au Tribunal de se substituer aux parties pour rechercher si les pièces produites par l'une d'elles encourent une éventuelle nullité.
L'exception de nullité soulevée par Monsieur p. T. concernant la pièce n° 15 produite par la SAM A sera donc rejetée.
Sur le rappel de salaire afférent au 13 ème mois au prorata :
Monsieur p. T. sollicite la somme de 1.300 euros à ce titre au prorata de ses mois de présence.
L'employeur soutient que la prime de fin d'année est versée aux salariés présents dans l'entreprise à la date de son versement, soit, au 31 décembre.
Les primes ou gratifications versées par l'employeur constituent un usage d'entreprise lorsqu'elles réunissent les trois critères de généralité, constance et fixité.
Le versement d'une prime n'a un caractère obligatoire que si cette pratique constitue un usage dont la constance, la généralité et la fixité permettent d'établir la volonté non équivoque de l'employeur de s'engager envers ses salariés et de leur octroyer ainsi un avantage financier.
Ces trois conditions sont cumulatives et si l'une d'entre elles fait défaut, il ne sera pas possible de présumer que l'employeur a souhaité accorder, en pleine connaissance de cause, un droit supplémentaire aux salariés par rapport à la loi, au statut collectif ou au contrat individuel de travail.
C'est au salarié qui invoque l'usage d'apporter par tous moyens la preuve tant de son existence que de son étendue.
En l'espèce, si le versement de cette prime n'est pas prévu contractuellement, l'employeur ne conteste pas verser à ses salariés, tous les ans, une prime de fin d'année.
Le critère lié à la constance et à la fixité est donc bien rapporté.
Cependant, le droit au paiement prorata temporis d'une prime de treizième mois ou de fin d'année à un membre du personnel ayant quitté l'entreprise, quel qu'en soit le motif, avant la date de son versement, ne peut résulter que d'une convention ou d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve.
Monsieur p. T. étant défaillant dans l'administration de la preuve sur ce point sera débouté de ce chef de demande.
Sur l'avertissement du 17 juillet 2015 :
Conformément aux dispositions des articles 1er et 54 de la Loi n° 446 du 16 mai 1946, le Tribunal du travail dispose du droit de contrôler les sanctions disciplinaires prononcées par l'employeur à l'encontre d'un salarié ; que la sanction doit être justifiée et proportionnée à la faute commise, sous peine d'être annulée ;
Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail, saisi d'une contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien-fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise voire même discriminatoire.
Il lui incombe, en cas de contestation, d'établir tant la régularité formelle de la mesure prise que son caractère justifié et proportionné au regard du manquement commis ;
Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
La lettre de notification doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. Elle doit indiquer la consistance des faits et ne pas se contenter de viser leur qualification.
En l'absence de motivation suffisante, les sanctions sont injustifiées et annulables de plein droit.
Monsieur p. T. a fait l'objet d'un avertissement par un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 17 juillet 2015, ainsi libellé :
« Monsieur,
En date du 6 juillet 2015, une cliente connue de nos services s'est présentée afin de bénéficier d'une séance de cryothérapie, qui demande une préparation spécifique et un contrôle du client, un protocole et l'obligation pour le client de porter des accessoires.
Il s'avère cependant que la cliente est entrée seule et non totalement préparée en salle de cryothérapie. Si elle a heureusement été rappelée rapidement, elle a présenté quelques défauts de sensibilité au niveau de la main dont elle s'est servie pour pousser la porte de la salle lorsqu'on lui a demandé de sortir.
Vous êtes pourtant formé à ce soin et connaissez les risques encourus en cas de manquement. Cette négligence n'est absolument pas tolérable, considérant les conséquences potentiellement graves pouvant mettre en danger les clients.
De plus, bien que vous ayez été prévenu du dégivrage de la salle de cryothérapie, vous avez précisé à tort qu'elle serait de nouveau en fonctionnement le jeudi 9 juillet au matin au lieu de l'après-midi. Votre inattention aurait pu nous décrédibiliser si la cliente s'était présentée le matin.
Votre manque de discernement nous conduit à vous notifier un avertissement, souhaitant que vous prêterez davantage attention aux procédures.
Veuillez agréer. Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées. ».
Le Tribunal constate que, dans son courrier de contestation du licenciement en date du 7 novembre 2017, Monsieur p. T. ne conteste pas les faits ayant donné lieu à l'avertissement, mais fait état de circonstances et de difficultés rencontrées avec la cliente.
Dans ses écritures, le salarié développe son argumentation en ces termes :
« Dans son courrier de contestation du 7 novembre 2017, Monsieur p. T. déplorait qu'il s'était longuement expliqué déjà sur ces événements, la cliente « connue » étant particulièrement agitée lors de ce traitement et refusant de mettre les protections nécessaires, le demandeur ayant d'ailleurs à l'époque fait état de ces difficultés, ce qui avait été parfaitement compris. ».
Il en résulte que Monsieur p. T. a laissé entrer en salle de cryothérapie une cliente sans que cette dernière n'ait mis les protections nécessaires, ce qui constitue une négligence justifiant la sanction infligée.
En effet, les difficultés rencontrées par Monsieur p. T. ne l'exonèrent pas de sa responsabilité et de ses obligations en matière de sécurité des clients et il lui appartenait de s'opposer à la cliente ou à tout le moins d'alerter immédiatement son supérieur hiérarchique de la difficulté.
Monsieur p. T. sera dans ces circonstances débouté de sa demande d'annulation de l'avertissement en date du 17 juillet 2015.
Sur la validité de la rupture :
Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement.
Monsieur p. T. a été licencié par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 2 août 2017, ainsi libellé :
« Monsieur,
Il a été porté à ma connaissance en date du 16 juin 2017, que le 15 juin 2017 que vous avez gravement failli dans le cadre de vos fonctions.
En effet, vous vous êtes permis de proposer une séance de cryothérapie à deux employées de la Société, sans avis ni encadrement médical, pourtant obligatoire avant toute prestation de ce type et sans en aviser quiconque de votre hiérarchie.
De surcroît, vous nous n'avez pas tenu compte des règles de sécurité, mettant en danger la vie des personnes présentes. Vos actes ont également engagé la Responsabilité Juridique de la Société ce qui tout à fait inacceptable.
(...)
Par la suite, vous n'avez eu de cesse d'arguer que la pratique des « arrangements » au sein de la SAM A étaient monnaies courantes, ce que je réfute en tous points.
En effet, et vous n'êtes pas sans savoir, que je suis personnellement informée et interrogée en ce qui concerne la moindre prestation proposée, offerte ou démontrée à un collaborateur de la Société. II semble que chacun ait cette courtoisie et ce professionnalisme d'avertir à minima son chef de service, ce que vous n'avez pas fait.
De surcroit, et si d'aventure je n'étais pas interrogé en amont sur une telle proposition, il vous a été exposé qu'il était complétement différent de proposer une prestation de massage d'une séance de cryothérapie, cette dernière nécessitant une vigilance de tout instant et des vérifications médicales indispensables.
Lorsqu'il vous a été demandé si vous aviez procédé à ces vérifications en faisant remplir les feuillets adéquats aux salariées concernées, vous avez répondu par la positive sans pouvoir toutefois nous fournir les documents en question, et pour cause.
Puis vous vous êtes rétracté, admettant ne pas avoir fait remplir lesdits feuillets minimisant complétement les conséquences d'une telle négligence de votre part, vous avez même souhaité terminer cet entretien en déclarant que vous réfutiez l`ensemble des griefs exposés.
Pour mémoire, ce n'est pas la première fois qu'il est nécessaire de vous sanctionner pour manquement à ce protocole, puisqu'en 2015, une cliente sous votre responsabilité est rentrée dans la salle sans les protections nécessaires.
Il n'est pas tolérable que vous ne saisissiez pas l'importance de votre acte et que vous ne reveniez pas à résipiscence. Si le protocole de cryothérapie nécessite des vérifications médicales, c'est que ce procédé peut avoir des conséquences sur la santé des personnes qui le pratiquent, engageant de surcroît la responsabilité civile et pénale ce la Société, ce que vous semblez prendre très à la légère.
Pour l'ensemble de ces rasons, je suis contrainte de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute simple.
(...) » .
Il est ainsi reproché à Monsieur p. T. d'avoir proposé une séance de cryothérapie à deux employés de la société, sans respecter la procédure et les règles de sécurité applicables.
Pour démontrer ce grief, l'employeur produit les éléments suivants :
Un courrier adressé à Madame m. P. le 14 juillet 2017, ainsi libellé :
« Madame,
Il a été porté à ma connaissance qu'en date du 15 juin dernier vous avez fait montre d'un comportement que la Société ne peut tolérer.
En effet, vous avez quitté votre poste, afin de bénéficier d'une séance de cryothérapie « offerte » par Monsieur p. T.
Non seulement vous n'avez pas daigné prévenir votre hiérarchie, ni même un membre de l'équipe de votre absence ce qui est inacceptable, mais votre comportement a en plus engagé la responsabilité juridique de la Société.
En effet, cette prestation nécessite un avis et des examens médicaux préalables ainsi qu'un encadrement et une surveillance soutenue. Votre inconscience aurait pu avoir de graves conséquences pour votre santé, celle de votre collègue de travail et engager la responsabilité pénale de la SAM A.
Vous avez quitté la Société récemment, en date du 11 juillet 2017, mais je tenais quand même à fous faire part de mon fort mécontentement à ce sujet.
Je vous prie d'agréer Madame, l'expression de mes salutations distinguées. ».
Un courrier identique sera adressé par l'employeur, le même jour, à Madame v. H. laquelle fera l'objet d'un avertissement.
Ces courriers viennent confirmer que deux salariés de la SAM A ont bénéficié de soins de cryothérapie, ce qui n'est pas contesté par Monsieur p. T.
Une attestation établie par Monsieur c. F. supérieur hiérarchique de Monsieur p. T. ainsi libellée :
« (...) atteste sur l'honneur en qualité de responsable du département soins de la SAM A avoir formé Monsieur p. T. à l'utilisation de l'installation de cryothérapie cors entier de la société C.
Ce matériel, décrit par le constructeur comme un équipement de spa, permet d'exposer des sujets à une température de - 110° C. Son utilisation ne nécessite aucune qualification particulière.
J'ai proposé à Monsieur p. T. de pratiquer ce soin dès sa mise en exploitation en novembre 2014 afin de diversifier son activité et de moins solliciter son physique ; il a accepté cette proposition en convenant du bénéfice que cela pouvait lui apporter.
Dans un souci de précaution, nous avons décidé, lors de la mise en service de Z à la SAM A, de mettre en place une procédure stricte visant à prévenir aux mieux tout risque d'incident.
Par ailleurs, les employés ne sont autorisés à tester les soins que sous certaines conditions et après autorisation des chefs de service concernés.
Il apparaît qu'à la date du 15 juin 2017 ces procédures n'ont pas été respectées lors d'une séance proposée à deux collègues de travail. En effet ni la chef de service des hôtesses de vestiaire, ni moi-même n'étions informés de cette initiative. Monsieur p. T. n'a pu présenter les fiches de consentement avec interrogatoire de santé car elles n'ont pas été complétées et signées par les intéressés, ni de relevés de pression artérielle préalable à la séance.
Lors de l'entretien du 28 juillet 2017, Monsieur p. T. a déclaré ne pas respecter systématiquement les procédures, le non-respect et la non compréhension d'une procédure visant à garantir la meilleure qualité de soin à nos clients a entraîné la suspension immédiate de la pratique de ce type de soin pour Monsieur p. T.
Enfin les déclarations qui ont suivi ont laissé entendre qu'il n'y avait aucune possibilité de remise en question et d'amélioration de la situation puisque Monsieur p. T. ne semblait pas comprendre pourquoi il devait respecter les procédures. ».
Il résulte de ce témoignage que les salariés de la SAM Apouvaient, sous conditions, bénéficier de soins de cryothérapie.
L'employeur ne saurait dès lors faire grief à Monsieur p. T. d'avoir accordé lesdits soins à deux salariés.
Il appartient ainsi à la société défenderesse de rapporter la preuve du non-respect par le salarié de la procédure prévue à ce titre.
L'argumentation de celle-là est essentiellement fondée sur l'impossibilité pour le demandeur de produire les certificats de consentement.
Les attestations établies par Monsieur b. R. délégué du personnel ayant assisté Monsieur p. T. lors de l'entretien préalable, confirment que ce dernier n'a pu présenter les feuillets litigieux lors de cet entretien.
Cependant, il ajoute que le salarié a réfuté toutes les accusations de l'employeur et ce, à deux reprises.
La lettre de licenciement indique d'ailleurs dans un premier temps que Monsieur p. T. a confirmé avoir fait remplir les feuillets aux salariés concernés mais sans pouvoir les fournir, puis affirme que le salarié a admis ne pas avoir fait remplir lesdits feuillets, ce qui est contradictoire avec les déclarations de Monsieur R.
Bien plus, Monsieur p. T. produits les attestations des salariés concernés par la séance de cryothérapie.
Madame H. atteste de la manière suivante :
« Je... reconnais avoir fait une séance de cryothérapie cors entier le vendredi 16 juin 2017 à la SAM A contrôlé par p. T. opérateur en cryothérapie. Je tiens à attester que j'avais déjà fait une séance de cryothérapie cela n'avait jamais posé de problème à ma direction. Tout le monde en faisait, ça a toujours était comme ça, pour la séance du 16/06/2017 j'ai reçue un avertissement.
Le protocole a était respecté, prise de tension, fiche de décharge signée, équipements de la tête aux pieds, chaussures, chaussettes, gants, couvre oreilles, masque.
Tout c'est bien passé ; la séance a durée 1m30s. Nous avons ma collègue m. et moi-même repris le travail tout de suite après. Je voulais rétablir la vérité sur les faits car j'avais à l'époque signée une attestation contre (illisible) par peur de perdre mon emploi.
J'ai donc était dans le sens de la direction pour que l'on me laisse tranquille. ».
Madame P. atteste de la manière suivante :
« J'ai pratiqué la séance de cryothérapie avec v. Nous sommes restées ensemble dans la cabine de cryothérapie, le protocole a été le même pour toute les deux. Tout ce bien passé et j'ai repris le travail quelques minutes après. ».
Monsieur p. T. produit par ailleurs en pièce n° 16 la fiche correspondant à Madame H. datée du 16 juin 2017.
Il n'appartient pas au Tribunal de rechercher les conditions dans lesquelles le salarié a pu obtenir ce document ; l'argumentation de l'employeur sur ce point étant sans objet.
Il apparaît ainsi que le protocole tel que décrit par la SAM A et ce, d'autant plus que la charge de la preuve de la faute repose sur l'employeur.
Ce dernier se contente de contester les déclarations des deux salariés mais sans apporter le moindre élément probant, alors qu'il n'a aucunement saisi la juridiction pénale pour faux témoignage.
Dès lors, le grief tenant au non-respect des protocoles de cryothérapie ne sera pas retenu.
La lettre de rupture reproche également à Monsieur p. T. le défaut d'information des supérieurs hiérarchiques des deux salariés concernés, ainsi que de Monsieur c. F. supérieur hiérarchique du demandeur.
Aucun document interne à l'entreprise ne met à la charge de Monsieur p. T. de vérifier si les salariés qui viennent bénéficier de séances de cryothérapie en ont informé leur hiérarchie.
Il s'agit d'une obligation à la charge desdits salariés.
Il en est de même concernant Monsieur c. F. aucune note de service ou règlement intérieur ne prévoyant une telle obligation. D'ailleurs, l'employeur, dans la lettre de rupture, utilise les termes de « courtoisie » et de « professionnalisme », dont le non-respect ne saurait constituer une faute.
Bien plus, Monsieur p. T. produits des attestations de plusieurs salariés et anciens salariés de la SAM A qui confirment que Monsieur c. F. a toujours donné son accord pour que le personnel bénéficie de séances de cryothérapie.
Il résulte de ces témoignages que, tenant l'autorisation de Monsieur c. F. pour ce faire, l'information de ce dernier par Monsieur p. T. est superfétatoire.
Le grief tenant au défaut d'information de la hiérarchie ne sera pas plus retenu.
Dès lors, l'employeur ne justifie pas d'un motif valable de licenciement entraînant l'obligation de payer l'indemnité de licenciement de l'article 2 de la Loi n° 845 du 27 juin 1968.
Cette dernière est limitée à six mois de salaire et n'est pas cumulable avec l'indemnité de congédiement d'un montant supérieur (article 3 de la loi n° 845).
Il convient ainsi de calculer les six mois de salaire sur l'indemnité de licenciement en retenant le mode de calcul du salarié non contesté par l'employeur.
Ainsi la somme due à Monsieur p. T. est calculée comme suit :
Indemnité de licenciement : 16.935,28 euros limitée à 6 mois de salaire, soit 15.680,82 euros
À déduire l'indemnité de congédiement d'un montant de 7.055,10 euros.
L'indemnité de licenciement devant revenir à Monsieur p. T. s'élève dès lors à la somme de 8.625,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
Sur le caractère abusif de la rupture :
Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ; qu'il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve.
Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister, dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.
En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.
Au cas particulier, Monsieur p. T. sollicite d'être indemnisé à hauteur de la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Le licenciement qui ne repose pas sur un motif valable n'ouvre droit à la réparation du préjudice matériel en résultant que lorsque l'employeur a commis un abus dans la prise de décision, soit par exemple en invoquant des motifs fallacieux ou encore en prononçant la rupture malgré l'absence de tout fondement légal, ce qui ne s'avère pas être le cas en l'espèce.
L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré infondé.
Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.
Pour justifier un licenciement, le motif invoqué doit être valable, c'est-à-dire « présenter les conditions requises pour produire son effet » et par extension être « acceptable, admissible, fondé ».
Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper ».
Un faux motif n'est pas en soi considéré comme fallacieux s'il n'est pas démontré l'intention de tromper ou de nuire de l'employeur.
S'agissant d'un motif non valable, il n'est pas, pour autant, automatiquement fallacieux.
Par ailleurs, le faux motif ne peut caractériser de facto l'abus de l'employeur ; à défaut, cela reviendrait à utiliser la notion française de « cause réelle et sérieuse ».
En effet, en droit français, un licenciement sans cause réelle et sérieuse (fondé sur un faux motif) est abusif et entraîne automatiquement l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
En droit monégasque, un licenciement fondé ou non sur des motifs valables peut ne pas être considéré comme abusif.
Monsieur p. T. qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement. Il ne développe pas plus dans ses écritures une quelconque argumentation sur un motif fallacieux fondant son licenciement.
Le Tribunal relève encore que Monsieur p. T. ne démontre pas la volonté de nuire ou de tromper de l'employeur.
Dès lors, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.
Monsieur p. T. invoque également la brutalité de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement.
Les pièces du dossier montrent que :
- Monsieur p. T. a été convoqué à un entretien préalable par courrier en date du 14 juillet 2017, et ce pour le 28 juillet 2017,
- le salarié a été assisté lors de cet entretien par un délégué du personnel,
- l'employeur a licencié Monsieur p. T. par courrier en date du 2 août 2017, après avoir pris un temps de réflexion.
Il en résulte qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'employeur dans la mise en œuvre de la rupture (précipitation, brutalité ou légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné).
Monsieur p. T. sera dans ces circonstances débouté de sa demande indemnitaire.
Sur l'inégalité salariale :
Si le principe d'égalité de traitement en matière de salaires n'est certes pas formellement consacré sur un plan général par le législateur monégasque, l'article 2-1 de la loi n° 739 sur le salaire ne prohibant expressément que les discriminations fondées sur le sexe, il résulte toutefois des dispositions de l'article 7 du Pacte International relatif aux droits civiques et politiques, fait à New York le 16 décembre 1966 et rendu exécutoire en Principauté de Monaco par l'ordonnance n° 13.330 du 12 février 1998, que tous les salariés doivent recevoir une rémunération égale en contrepartie d'un travail égal ou de valeur égale, la rémunération s'entendant non seulement du salaire proprement dit, mais également des divers avantages et accessoires y afférents.
La généralité du champ d'application du principe de non-discrimination en matière de salaires, en droit social monégasque, se trouve en outre et en tout état de cause illustrée :
- tant par les débats qui ont précédé l'adoption par le Conseil National, lors de la séance du 8 avril 1974, de l'article 2-1 de la loi n° 739 sur le salaire, lesquels traduisent très clairement la volonté du législateur monégasque de transposer d'une « manière plus large et plus explicite », dans le domaine du droit social, le principe d'égalité des monégasques devant la loi édicté par l'article 17 de la Constitution du 17 décembre 1962,
- que par la formulation employée par la Cour de révision dans ses arrêts en date du 9 juin 2005 (P et autres demandeurs contre S. B. M.), érigeant le principe « à travail égal salaire égal » au rang de règle.
En application de ce principe, la SAM A ont donc l'obligation d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les employés de son entreprise qui, placés dans des conditions identiques, accomplissent un même travail ou un travail de valeur égale.
Conformément aux dispositions de l'article 1162 du Code civil, il incombe ainsi au salarié, qui invoque une atteinte à ce principe, de présenter au Juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, à charge pour l'employeur, si la disparité alléguée apparaît suffisamment caractérisée, d'établir pour sa part que cette différence est justifiée par des éléments objectifs.
S'agissant d'un différend de nature individuelle, le litige opposant Monsieur p. T. à son employeur ne peut être appréhendé, sous l'angle de la preuve, sur le terrain purement théorique de la disparité de traitement existant entre telle ou telle catégorie de salariés mais requiert nécessairement un examen individualisé de chaque situation.
Il appartient donc au demandeur de soumettre au Tribunal du travail des éléments précis et concrets, déduits des activités effectivement exercées par les employés concernés, de nature à établir que :
- le travail qu'il accomplit est égal ou de valeur égale à celui qu'effectue un collègue de travail clairement désigné, disposant d'un niveau de connaissances professionnelles, de qualification et de responsabilités comparable au sien,
- la rémunération qui lui est versée en contrepartie de ce travail par la défenderesse s'avère inférieure à celle dont bénéficie le salarié de référence.
En l'espèce, Monsieur p. T. estime qu'il devait recevoir le même traitement qu'un kinésithérapeute, seul poste ayant des notions de médecine et pouvant de ce fait pratiquer la cryothérapie.
Il estime ainsi que sa rémunération n'était pas en adéquation avec la réalité de ses fonctions.
Il n'est pas contestable que Monsieur p. T. exerçait la fonction de SPA PRATICIEN POLY CONFIRMÉ et qu'il réalisait à ce titre des séances de cryothérapie.
L'égalité de traitement suppose un travail identique ou de valeur égale.
La notion de valeur égale est prévue par la législation française et n'a pas d'équivalent en droit monégasque.
Ainsi, selon le Code du travail français (article L3221-4), la notion de travail de valeur égale s'entend des « travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charges physique ou nerveuse. ».
La Cour de justice des communautés européennes s'attache aux fonctions effectivement exercées, aux responsabilités assumées et aux qualités particulières liées au poste (CJCE, 11 mai 1999, aff. C-309/97). Selon cette conception, la classification dans une même catégorie affectée d'un même coefficient n'est pas à elle seule suffisante pour conclure à un travail de valeur égale, ces éléments devant être « corroborés par des facteurs précis et concrets déduits des activités effectivement exercées par les travailleurs concernés » (CJCE, 26 juin 2001, aff. C-381/99, B.).
En l'espèce, Monsieur p. T. ne réalise qu'une tâche particulière du métier de kinésithérapeute, ce qui ne peut en aucun cas lui permettre de bénéficier d'un salaire équivalent.
En effet, Monsieur p. T. et un kinésithérapeute ne sont pas placés dans une situation professionnelle identique puisqu'ils accomplissent un travail différent, de valeur différente, et des responsabilités différentes.
L'employeur produit à ce titre la fiche métier du masseur-kinésithérapeute, laquelle décrit les fonctions de la manière suivante :
« Il effectue, dans un but thérapeutique ou hygiénique, sur prescription médicale, des actes de rééducation fonctionnelle pour récupérer les capacités motrices des muscles, d'une articulation ou d'une fonction physique. Il pratique les massages, la gymnastique médicale, la rééducation fonctionnelle et motrice, la relaxation. Dans le cadre hospitalier, il participe à la prévention par des conseils d'hygiène et de posture. Il est de plus amené à utiliser des appareillages de rééducation ou des appareils électriques.
L'exercice de la profession nécessite un diplôme d'État. Dans le milieu sportif, il intervient en prévention et de manière curative pour traiter les traumatismes de l'effort sans prescription. Il peut être associé à des actions d'encadrement et de dépistage. ».
Bien plus, il résulte de la fiche devant être remplie par Monsieur p. T. et le patient qu'un avis médical doit être donné.
Il résulte des explications développées supra que Monsieur p. T. et un kinésithérapeute ne sont pas placés dans une situation professionnelle identique puisqu'ils accomplissent un travail avec des responsabilités et une charge physique ou nerveuse différentes.
Monsieur p. T. sera dans ces circonstances débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de l'inégalité salariale.
Sur l'exécution provisoire :
Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire autre que l'exécution provisoire de droit prévue par les dispositions de l'article 60 de la Loi n°446 du 16 mai 1946.
Sur les dépens :
Les dépens seront laissés à la charge de la défenderesse.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Dit que le licenciement de Monsieur p. T. ne repose pas sur une cause valable et n'est pas abusif ;
Condamne la société anonyme monégasque A à payer à Monsieur p. T. la somme de 8.625,72 euros (huit mille six cent vingt-cinq euros et soixante-douze centimes) au titre de l'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
Déboute Monsieur p. T. du surplus de ses demandes ;
Condamne la SAM A aux dépens ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Emile BOUCICOT et René NAVE, membres employeurs, Messieurs Thomas BONAFEDE et Karim TABCHICHE, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le quatre juin deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Emile BOUCICOT et René NAVE, membres employeurs, Messieurs Thomas BONAFEDE et Karim TABCHICHE, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.